Shakespeare maintenant... Ce dramaturge enflammé d'il y a bien trop longtemps qui aime à glorifier l'amour, l'honneur, et tant d'autres sentiments considérés comme nobles... tout en chantant des trahisons et des meurtres. Un truc de dissident ça.

Très émouvant son petit couplet sur la confiance entre les dirigeants et la lutte de pouvoir. Et voilà la beauté qui renchérit d'un équilibre de la terreur, puis pointe son amertume. Elle a l'air un peu paumée, comme si elle n'était qu'une imbécile, parfaite petite potiche, mais il a appris à se méfier de tout et de tout le monde. De toute façon, si elle est vraiment aussi conne, ça l'empêchera pas de la faire hurler dans une des jolies chambres réservées aux clients d'ici quelques heures. Et si elle l'est pas, il n'en prendra que plus de plaisir.

Bon bon bon, que répondre à tout ça, qui en vaille la peine. Sur quelle corde jouer avec ces loustics qui semblent bien renseignés sur l'attentat ? En parler ainsi à un Mentaliste, c'est somme toute louche. Généralement, les braves gens ont trop peur qu'on les accuse pour oser amener des sujets dangereux sur la table. Eux, au contraire, ils le lui mettent en plein nez. Bon, c'est peut être vrai que ça correspond à peu près à parler de la météo en une telle occasion, mais quand même. Y a un truc louche. Il est tellement désireux de trouver du pas net pour s'amuser qu'il en renifle de partout.

- Rien ne confirme encore qu'il s'agit d'un attentat. Une explosion, ça peut être le résultat de pas mal d'accidents. A moins que vous ayez de plus amples informations bien sûr...

Comme si une telle phrase pouvait donner lieu à quoi que ce soit... Risible. Et pourtant, il garde un oeil braqué sur le borgne pour voir sa réaction, avant de reprendre.

- Vos vers sont certes très poétiques, mais dites-moi, croyez-vous vraiment qu'ils puissent s'appliquer à nous ? Croyez-vous que quiconque nous oubliera jamais ? Sans que de nous on se souvienne... Qui serait assez stupide pour prendre le pouvoir sans laisser de trace dans l'histoire ?

Il se reprend, tâchant de répondre à toutes ces questions qui lui sont posées. Toutes en parallèle, comme pour mieux tenter de l'endormir...

- Voyons, l'harmonie la plus parfaite règne entre vos dirigeants, comment pouvez-vous supposer le contraire ? Chacun a sa place, son rôle, et tout s'emboite avec la perfection des mécanismes bien huilés. Automates administratifs, NOD force armée et Mentaliste spirituels... Quel beau trio non ? Certains pourraient presque y voir la Sainte Trinité des siècles passés...

Puis il attrape la main libre de la Valkyrie, la portant à ses lèvres pour un élégant et délicat baise-main d'une bien lointaine époque, le genre de gestes qui a disparu depuis trop longtemps. Et son regard acéré plonge dans les yeux mauves de la dame.

- Ce n'est pas de l'amertume, ma Dame, ce ne sont là que les propos que je me dois de tenir, conséquemment à mon rang. Nous sommes tous soumis à nos responsabilités, et nous devons tous les assumer, pour nos actes.

Disant cela néanmoins, son regard s'est porté sur le borgne derrière elle.

« La première composante de la personnalité humaine soluble dans l'alcool, c'est la dignité. » - Heywood Broan

Un matcvh de tennis. Un coup droit, un revers, un coup droit, un revers. Le plus pathétique là dedans, est que K-Cendre est obliée de jouer le rôle du filet, c'est elle qui fait barrage, qui provoque les let de temps à autre. La situation est crispée et tendue. Quelque chose ne va pas, lui il est fûté. C'est un fonctionnaire consciencieux, mais moins con que la moyenne. C'est un véritable adversaire, qui essaye de le coincer, qui prend de la distance avant de revenir à la charge. Après le tennis, c'est une partie d'échec qui commence. Chacun bouge ses pièces et attends, attends encore. Il ne semble absolument pas surpris parce qu'il raconte, ni sur sa version des faits. D'un air parfaitement naturel, Guinea déclare :

Ce n'est pas un accident. Une explosion comme ça, ce n'est pas une conduite qui pète où une fuite de gaz. Trop grand, trop lumineux. Trop énorme. Les accidents, ça n'arrive jamais par erreur. Enfin, je ne travaille pas dans le bâtiment, mais bon.

Dis comme ça, ça pourrait prêter à confusion. Il prend son verre de sa main droite, avant de le reposer aussi sec, tournant légèrement la tête vers la Valkyrie, puis vers le Mentaliste. Puis il fait le chemin inverse, lentement. C'est moche, très très moche. Elle pourrait servir d'appât, il aurait qu'à la laissé entre ces pattes et lui pourrait se tirer, tranquillement. Solution de facilité. Mais comme il l'a déjà pensé dans sa petite tête, elle risque de craquer si l'autre se met à fouiller son esprit. Peut-être qu'il devrait tout faire péter de suite, pour en finir une bonne fois pour toute ? Guinea ferait bien de garder ce genre de schémas tordus pour lui-même, car ça devient grave.

Les informations à fournir sont simple : C'est ces terroristes à deux balles. La dernière fois, les autorités auraient dû les écraser une bonne fois pour toute. Seulement, certains préfèrent jouer que de faire leurs devoirs. Là est le problème. Une Cité n'est pas sûre, quand ceux qui doivent la protéger ont la tête ailleurs.

Là, il fixe le Mentaliste. C'est dit, encore une fois. Ce n'est pas une attaque personnelle, mais ça en a le goût et le contexte. Guinea savait très bien que les autorités laissaient volontairement les Insurgés exister, pour leurs donner un alibi et maintenir un système bien rôdé, basé sur la répression à tout cran. C'était même logique, presque machiavélique. Pendant que l'autre déblatterait en essayant de combler cette discussion qui traînait en longueur, Guinea lançait des regards vers K-Cendre, de temps à autre. Il ne savait pas ce qu'elle pouvait penser, ni même pourquoi elle gardait instinctivement sa main sur ses genoux. Elle espérait quoi ? Il pensait la faire fuir, lui faire peur. Cependant, le contraire était entrain de se produire. Lui, ça ne l'arrangeait pas, c'était une manière de se faire pincer par l'autre avec sa cicatrice. Il ne pouvait pas s'en aller, cela semblait louche. Si il restait et continuait à parler, cela semblerait louche. Aucun échappatoire cette fois.

Je pense mon cher, que vous vous donnez trop d'importance. Personne ne se souviendra de nous ici, de cette discussion et de cette nuit. Nous sommes les acteurs invisibles, derrière nos dirigeants qui font l'Histoire. Vous êtes un employés de l'Etat, un fonctionnaire qui m'a l'air zélé. Vous faîtes partie des invisibles qui écrivent l'Histoire, mais dont on ne se souviendra pas. Nous sommes derrière le rideau, quand ce dernier tombe sur la scène. N'oubliez jamais ça. Nos vies ne sont rien. Nos idéaux, forgés et maintenu par nos dirigeants, sont tout. Là est l'essence de notre vie.

Rhétorique abject. Si il avait un seau, il vomirait en réécoutant ce qu'il venait de dire. Pourtant, c'était une manière simple encore une fois, de continuer le jeu. Il finira bien par craquer en face, à bout de patience. Quand à Guinea, c'est un joueur. Rien ne l'arrête. Rien ne lui fait peur. Bon d'accord, rien que la stupidité, mais autrement rien d'autre. Il se ressaisit de son verre, buvant une gorgée, puis une deuxième. Il laisse un léger fond, faisant tournoyer les glaçons rapidement, les yeux fixés sur ces derniers.

Vous êtes fascinant. Heureusement que la Religion a été interdite et prohibé, sinon je suis sûr que ça aurait pu faire de chouettes figurines à vendre aux gosses, ou des idôles que certains pourraient prier dans la rue.

Il vide son verre, d'un coup sec.

Malheureusement pour vous, la seule divinité existante, est l'Etat. Tout dans l'Etat, rien en dehors de l'Etat. Lui seul peut nous guider et nous donner la bonne direction à suivre. Vous encore une fois, n'êtes que des exécutants, rien de plus.

Il faut hausser le ton. Il ne se cache même plus. A ce stade, si l'autre en face est aussi malin qu'il en a l'air, il doit commencer à comprendre. Mais il préfère s'attarder sur la Valkyrie, en lui faisant du baise-main. Rien, cela le laisse froid. Tout comme ce qu'il baragouine, pour essayer de s'expliquer. Trop gnan gnan, trop faux tout ça. Trop feutré, trop sur-mesure. Guinea pousse son verre vide pour que la serveuse puisse le reprendre. Il s'arrêtera là au niveau de la boisson ce soir, cela lui tape déjà assez sur le système. D'ordinaire, il ne boit pas. Ou très peu. C'est pour éviter les bouffés délirantes qui pourraient encore plus le mettre dans la merde.

Il commence à l'agacer le Borgne. Lui tenir tête aussi ouvertement, certes ça flatte ses penchants destructeurs, et ça lui donne des envies de bagarre qu'il réprime difficilement, mais quand même. S'il le chope, le pourceau regrettera de pas avoir été interpellé par un NOD plutôt que de se trouver dans les mains du Mentaliste. Parce qu'il doit bien l'avouer, toute cette tension dans l'air, ça l'excite terriblement, et quand il est excité... Il perd un peu le fil.

Un regard sombre à la serveuse, un regard encore plus sombre à la Valkyrie, et il s'apprête à répliquer quelque chose à cet homme qui l'agace maintenant, lorsque la divine créature se met à chanter. Aux premières notes, il sent que quelque chose de pas net se trame. Le temps d'agripper les rebords du comptoir dans ses grandes mains, seul point d'ancrage à la réalité, il commence à planer. La drogue, ça a jamais été son truc. Il veut pouvoir contrôler en chaque instant ce qu'il fait. Avec une future NOD à la maison, il a toujours dû être prudent sur ce qu'il faisait, parce qu'il était certain qu'elle n'apprécierait pas ses penchants...

Mais bon, il a goûté quand même, une ou deux fois. Et cette Valkyrie est la plus agréable des drogues. Son excitation s'affermit immédiatement, tandis que des désirs latents prennent de la force dans son esprit. Il ferme vite les yeux... S'il pose son regard sur quelqu'un présentement, ça va mal se terminer. Très, très mal. Et pourtant, pourtant... Il en a tellement envie.

Il entrouvre un oeil, très légèrement, juste assez pour laisser passer une infime image, et braque cet iris perçant sur la créature créatrice de tous ces tourments. Son estomac se retourne sur lui-même et son pantalon bien taillé d'uniforme devient soudain un peu trop serré. Beaucoup trop lorsque son oeil se pose sur les lèvres charnues de la demoiselle. Elle est la cause de son tourment, il le sait. C'est à cause d'elle qu'il doit lutter ainsi. Des images défilent devant ses yeux, il la voit étendue sur un lit, il la voit suppliante, à genoux devant lui, il voit cette jolie bouche fort occupée, il la voit ouverte dans un cri de douleur, il perçoit des grands yeux mauves figés dans une expression d'effroi, il voit la créature roulée en boule à ses pieds...

Un gémissement franchit ses lèvres fines, qu'il n'a pu retenir, sa tête bascule imperceptiblement en arrière.

Jaden, déconne pas. Jaden ! Jaden si tu fais ça, c'est sur toi que les NOD vont tomber. Jaden, le quartier grouille de ces pourritures, avec l'explosion, fais pas de connerie ! Jad...

Il rouvre brusquement les paupières, dévoilant des iris ayant tourné au noir, qu'il braque sur la Valkyrie. Elle ignore probablement ce qui se trame. Continue à chanter ma fille, continue... Sa concentration vacille, un peu trop souvent, des images continuent de défiler devant ses yeux, son pouvoir gronde, met du temps à se préparer... Puis enfin il le relâche. Dirigé tout entier sur la Valkyrie. Tu voulais chanter ma fille, et bien danse maintenant...

« La première composante de la personnalité humaine soluble dans l'alcool, c'est la dignité. » - Heywood Broan

Au final, la grande joute n'aura pas lieu. Peut-être parce qu'il en a trop dit, ou peut-être parce que l'autre en face à tout compris. Quoi qu'il en soit, ça l'a épuisé de balancer autant de saloperies en si peu de temps. C'était presque comme faire cours à des gamins, avec certes beaucoup moins de pressions au bout. Mais c'est la serveuse qui vient le tirer de ses songes, quand elle vient dire qu'il faudrait qu'ils arrêtent de se prendre la tête, ici. Soit elle le fait exprès, soit elle essaye de sauver Guinea. En croisant son regard, c'était sans doute de ça dont il s'agissait. Comme il avait déjà foutu le bordel pas très loin d'ici, il lui fallait pas faire trop de vagues... A condition que l'autre excité à la cicatrice ne fasse pas des siennes.

Regarde rapide vers la Valkyrie. Elle semble aussi en avoir marre, cette joute est entrain de détruire tout le monde nerveusement. Sa commande, le fait pouffer de rire. C'est plus de l'humour, c'est un appel du pied pour tout simplement, mourir. Mais rien de plus. Rien, sinon qu'elle commence à chanter, encore. Après tout, elle fait ce qu'on lui demande de faire, c'est-à-dire, donner du plaisir aux autres. C'est affreux dans un sens, lui qui voulait absolument fuir ce genre d'endroit, voilà que tout cela se refermait sur lui, comme un piège à souris.

Oh non, elle remet ça...

Il s'accoude sur le bar, fermant les yeux, tendant de faire abstraction de sa voix, de la musique, de tout. Faire le vide, allez au fond de sa caverne pour y trouver son petit jardin secret, sa caverne d'Ali baba. Il ferme encore plus les yeux, mais c'est comme lutter contre une putain de porte blindée qui vous barre le passage. D'ailleurs, c'est une porte blindée qui apparaît devant lui et dans son songe. Interdiction d'avancer plus loin. Ses mains remontent dans ses cheveux, il dandine la tête. La voix de ce bout de femme, c'est comme absorber des psychotrope pour lui, ça fait planer, encore et encore. Et elle sait y faire, elle sait comment donner encore plus de grâce à sa voix. C'est dans ce type de moment, qu'il a envie de tout faire péter. Que cela excite son envie de voir des bâtiments brûlés et ravagés. C'est là qu'il a envie de danser autour d'un grand feu de joie, d'un bâtiment gouvernemental en ruine.

Ce monde est mal foutu. Mais là, il se retrouve il y a des années en arrière. Dans une salle de cours, quand il était professeur de philosophie. Dehors il fait beau, c'est un cadre idyllique. C'est un petit lycée tranquille, avec plein de monde. Il aimait son métier, il aimait tout ça. La philosophie, c'était ses explosifs à lui, fut un temps. Maintenant, c'est l'inverse. Il ne croit plus en tout ça, il ne croit plus en la bonté, la justice et toutes ces fumisteries. Il n'a plus d'idéal, juste poser des bombes et faire péter des trucs. Son Dieu, c'est Monsieur Nytroglycérine et personne d'autre. Tout s'accélère dans son esprit et tout s'assombrit : La guerre, les émeutes, les tunnels, la puce, le bandeau sur son oeil avec la fin du End Vice... Puis plus rien. Il est de nouveau détendu. Puis ça repart. Un yo-yo dans son esprit, quelque chose ne va pas.

Une pression sur son genou et puis, plus aucune mélodie. Il lui faut du temps pour émerger, pourtant il se rend bien vite compte que quelque chose ne va pas. L'autre n'est plus sur sa chaise, K-Cendre s'écroule en saignant. Il cligne plusieurs fois des yeux, tout ça se déroule en quelques instants, lui il est encore perché. Si elle s'était pas mise à chanter, l'autre se serait tenu tranquille et tout ce serait bien passé. Maintenant c'est le bordel intégral. Tout le monde semble en panique, le temps semble s'être arrêté. Guinea se rend compte que le cicatrisé, c'est un mec dangereux. Mais vraiment dangereux, un sadique à l'ancienne. Plus que zélé, c'est un psychopathe. Ni une ni deux, il descend de son fauteuil et sort de l'arrière de son jean, un couteau Bowie. C'est très joli comme couteau et c'est aussi l'un des plus longs du monde. Il fait deux pas en extension vers le Mentaliste et avec sa main droite, plante le couteau dans l'arrière de sa cuisse, avant de le ressortir aussi sec. Il le balaye pour lui faire perdre l'équilibre et pour conclure le tout, lui fout un coup de pied dans le nez, histoire qu'il s'en souvienne bien.

Nom de Dieu... Il y en a qui prennent leurs pieds...

Guinea est cramé, car tout le monde l'a vu. Il l'a agressé et vu sa position, il est evident que c'est lui qui mangera si il se fait chopper par les Nods. Ni une, ni deux, il range son couteau à la va-vite et se précipite vers la Valkyrie, qu'il redresse pour s'assurer qu'elle va bien. Voyant qu'elle est totalement sonnée, il l'attrape et la met sur son dos, la tenant fermement. Puis il désigne de sa voix, la serveuse de l'autre côté du bar :

Allez on se réveille là ! Si les NODs se pointent, c'est lui qui a foutu la merde. Quand à moi, tu ne m'as jamais vu. Elle non plus. Et surtout, ne le regardez pas dans les yeux. Cet enfoiré pourrait vous tuer sur place.

Il lança cette phrase en se mettant à courir vers la sortie du bar, profitant de la confusion générale. Il était pris dans un piège géant, en se trouvant dans un quartier comme celui-là. Son seul moyen de fuir : Trouver un accès pour atteindre l'autre-monde, pouvoir allez sous terre et être à l'abri. Il sait que non loin de là, se trouve une bouche d'égoûts qui mène directement vers une galerie de tunnel devant le mener jusqu'à un endroit plus sûr. Du moins, or de toute cette pagaille. D'un grand coup de pied dans la porte, il ouvrit cette dernière et s'élança dans la nuit, avec la Valkyrie sur son dos.

Putain mais quelle histoire de dingue !

Murmura t-il, en tournant à droite.

Elle se tord de douleur, elle s'effondre de douleur, son fluide vital s'échappe de son corps, et elle rampe à ses pieds, l'implorant même... Le plaisir explose dans ses veines, inonde son esprit, et il peine à maintenir le contact visuel tant il apprécie l'instant. Enfin, Valkyrie, enfin tu procures la jouissance promise...

Une douleur fulgurante interrompt sa transe, l'instant suivant, ses genoux percutent le sol, et un coup violent lui explose le nez. Le temps qu'il comprenne, le borgne est déjà parti en courant, emportant la Valkyrie sur son dos. Les mots qu'il a prononcés ne parviennent à percer la barrière de douleur autour de son esprit, d'autant plus violente qu'elle l'a saisie en pleine jouissance. Il est sonné, des bruits indésirables carillonnent à ses oreilles, et sa tête semble avoir subi l'assaut de plusieurs coups violents, résonnant à chaque instant d'une nouvelle douleur, chaque battement de coeur aggravant l'afflux de son sang hors de son corps.

Il se relève tant bien que mal, bien ignorant de ce qu'il peut se passer autour de lui, et s'adosse comme il peut au comptoir. Il sent confusément qu'on presse quelque chose contre sa cuisse, accentuant une souffrance déjà bien suffisante, et porte une main tremblante à son nez, ou du moins à ce qu'il en reste, pour tenter de contenir le flot de sang qui s'échappe entre ses narines défoncées.

Une voix résonne, près de lui. Relevant le regard, il croise deux pupilles inquiètes, et des lèvres qui s'adressent à lui. Le bruit résonne toujours à ses oreilles, tandis que son cul trouve un vague tabouret où se poser, et essayer de reprendre ses esprits.

Putain de borgne, s'il l'attrape celui là, il fera en sorte de le faire souffrir jusqu'à ce que l'infâme le supplie d'achever ses souffrances. Après seulement, il le collera dans les pattes de Soeurette pour qu'elle s'en occupe. Et Soeurette sait s'occuper de ce genre de raclure...

Putain d'enfoiré de borgne ! Il écume de rage, et va pour repousser la garce qui l'emmerde, lorsque soudain, attiré probablement par quelques clients inquiétés par l'altercation, deux NOD pénètrent les lieux. Ils se tournent immédiatement vers le Mentaliste.

- Il s'est passé quoi ici ?

Le ton est sévère, la mine sombre. La tête du Mentaliste tourne toujours, mais il s'appuie sur la demoiselle à côté de lui, passant un bras autour de ses épaules d'un geste protecteur et possessif, puis indique une fenêtre de l'établissement.

- Il est parti par là, il était seul. Un petit gros roux avec des lunettes.

Il n'a pas le temps de débiter plus de conneries que les deux NOD sont déjà partis dans la direction indiquée. Un sourire mauvais étreint ses lèvres malgré lui. Pas questions que ces deux coincés mettent la main sur SA proie. Qu'ils courent, ces troufions, lui, il le retrouvera.

Il vacille un peu, mais s'appuie plus fortement sur la serveuse, et murmure d'un ton bas plein de menace.

- On s'arrache d'ici, et t'as intérêt à venir avec moi si tu veux pas d'emmerde, l'insurgée, compris ?

Il ne sait pas si elle l'est, il s'en fout à vrai dire, mais la menace devrait suffire à la rendre docile.

La tête tourne, et tourne, et tourne... Il sent un corps chaud serré contre le sien, lui servant d'appui, il entend de nouveau des voix, mais son emprise sur la réalité vacille encore. On l'entraîne vers la sortie, il boite, sa cuisse n'appréciant visiblement pas le traitement qu'il lui réserve.

Dans la bouillie de son esprit, il ne perçoit qu'une bribe de conversation...

"c'est mon.... mon Frere..."

Une voix faible.

- Soeurette ?

Mais lorsqu'il tourne le regard, ce n'est pas elle. C'est la petite serveuse, celle-là qui doit avoir des infos sur le Borgne. Il l'espère pour elle en tout cas. Il se secoue, se souvenant de ce qu'il a prévu, et la dirige dans une ruelle vers un parking réservé aux véhicules volants.

- On va chez moi. Tu peux t'enfuir maintenant si tu le souhaites, je ne suis pas en état de te courir après... Mais couverte de sang comme ça, tu ne feras pas trois pas sans qu'un NOD te tombe dessus. Je suis ton meilleur alibi, Soeurette.

Menace à peine voilée.

Enfin, ils parviennent à son véhicule. D'une main posée sur la portière, celle-ci se déverrouille, et il s'affale côté conducteur.

- T'as qu'à faire le tour pour prendre place de l'autre côté.

La portière passager se relève pour laisser l'accès au véhicule. Si elle veut fuir, c'est le moment où jamais. Lui, présentement, il s'en fout. Il a autre chose à faire. Il pianote sur le moniteur, et une petite caméra en sort. Sa jolie petite gueule défoncée devrait avoir le meilleur impact.

- Salut Soeurette. J'sais pas si t'as été affectée à l'attentat de l'Opéra, mais si c'est le cas, j'ai des infos pour toi. Passe me voir chez moi quand tu veux, je devrais pas trop en bouger dans les heures à venir.

Puis il envoie son message holographique. Que Soeurette y réponde ou pas ne dépend plus de lui. Enfin, il regarde si la demoiselle est montée avec lui.

Mais c'est qu'elle commence à le gonfler à la ramener. Elle peut pas faire la donzelle effarouchée et obéir en silence, nom d'un chien ? C'est pourtant pas dur ce qu'il lui demande... Monter à bord et la fermer. Au lieu de ça, elle chouine et émet tout un tas d'objections.

Il soupire, appuie sur quelques boutons, et tire une manette. Qu'elle se les pèle dehors, c'est pas son souci, si elle avait sagement obéi, elle serait déjà au chaud. Le visage informatiquement programmé de l'ordinateur de bord apparait holographiquement, une jolie rousse à la bouche pulpeuse.

- Jaden ! C'est quoi tout ce sang sur mes fauteuils ?! T'as intérêt à nettoyer ça !

Il soupire de nouveau. Même l'ordinateur a décidé de lui briser les couilles aujourd'hui. Décidément.

- Promis Jane, te mets pas en pétard comme ça. Ramène-nous à la maison, s'il te plait, dès que mademoiselle se sera décidée à monter.

Le regard transparent de l'ordinateur se pose sur la fille, tandis que Jaden se traine comme il peut sur le fauteuil côté passager. Il laisse une longue trainée de sang sur les fauteuils en cuir blanc, mais s'affaisse finalement contre la portière, la tête appuyée comme il peut sur l'appuie-tête, et le regard un peu trouble maintenant. Il est en train de se vider de son sang, et s'il se soigne pas vite fait, ça va mal se terminer.

Jane fait disparaître volants et pédales, réservées aux jours où Jaden a envie de s'amuser, pour lui laisser gérer seule le pilote automatique.

Il jette à son tour un regard vers la gamine en short taché.

- Alors, tu montes ?

Puis il ouvre la boite à gant pour sortir la trousse de secours. D'un craquement sec, son pantalon est déchiré pour laisser libre accès à sa blessure, dévoilant toute sa jambe fermement musclée par des années d'exercice, et avec difficulté vu la zone, il pose une bande en strap, limitant drastiquement le sang qui circule dans cette jambe, après y avoir appliqué un baume régénérant. Pour son nez, va falloir un peu plus que ça, et si Soeurette tarde pas trop, elle pourra ptet s'en occuper.