Elle ne se réveille pas. Pas son esprit en tout cas. Son corps par contre... Sentir ses frémissements, voir sa peau se colorer de chaleur, et sa poitrine se tendre... Sa bouche s'assèche et son self control peu à peu s'étiole... S'il continue ainsi, ça va mal se finir...

Son oeil bionique vacille, s'illumine un instant de vert, puis s'éteint. Le tremblement de ses mains s'intensifie. Il est en train de perdre le contrôle, il le sait, il le sent. Pas maintenant, s'il-vous-plait pas maintenant... Sa main se crispe sur la peau délicieuse de la jeune femme, et il gémit, fermant son oeil sain, l'autre ne répondant plus de toute façon.

Raaah.

Il remonte un peu brusquement la couverture sur le corps de Filgjia, rajoute une couette par dessus, puis griffonne un mot sur un morceau de papier qu'il abandonne près d'elle. L'écriture est saccadée par le tremblement de plus en plus violent de ses mains.

Sortir. Vite. Il a du boulot, c'est le moment. Elle a tout ce qu'il faut à la maison. Il reviendra vite. Il se le promet. Dès que ça arrêtera de taper dans sa tête. Dès que son oeil bionique cessera de pleurer de l'huile. A ce moment là, il reviendra, et il reprendra là où ils en étaient.

La porte claque avec fracas.

Sur le lit, le morceau de papier se soulève un peu du fait du courant d'air, puis se repose. On peut y lire.

Je reviens vite, Filgjia. Attends-moi.

Violence. Sang. Beaucoup de sang. Des infos aussi, à refourguer à ces connards d'Automates. De quoi s'assurer une petite semaine de tranquillité. Ça tombe bien, il a une certaine envie de rester chez lui pour quelques jours, étonnamment...

Sa veste à capuche est couverte de sang. Sa joue recueille encore quelques traces d'huile, et son oeil bionique n'est pas encore reparti. Il demeure fixement ouvert droit devant lui sans réagir. Mais ça s'est calmé, dans sa tête. Le court-circuit est terminé, à force de se taper la tête contre un mur, c'est bon.

Le retour à l'appartement se fait dans le calme. Il est un peu inquiet de se présenter à Filgjia dans cet état. Il aimerait prendre le temps de se rendre présentable avant de la revoir, mais peut être qu'elle est déjà réveillée. Que va-t-il faire alors ?... Que va-t-il lui dire ?

Le silence est toujours aussi pesant lorsqu'il ouvre la porte. Elle doit encore dormir. Soupir de soulagement. Il enlève sa veste à capuche, la jetant dans la machine à laver au passage, et s'apprête à retirer son pantalon guère plus propre lorsque son regard se pose sur le frêle corps roulé en boule dans son lit. Son coeur se décroche, explose quelque part dans son ventre, et il se jette à ses côtés sans vraiment prendre le temps de réfléchir à ce qu'il fait. L'instant suivant, elle est dans ses bras, serrée contre son torse nu, et il a enfoui son visage contre le sien en murmurant quelques mots doux. Sa voix est encore plus rauque que d'ordinaire du fait de ses péripéties sanglantes, et la douleur lui broie la gorge, mais il s'en moque.

La voir dans cet état est bien plus douloureux. Beaucoup trop.

Quelque chose ne se passe pas bien. Elle tremble, s'agite, et s'agrippe à lui comme si sa vie en dépendait. Ce qui est peut être le cas en vérité. Il écoute sa voix faible et déglutit, puis la gardant serrée contre lui d'un bras, sort de l'autre une tablette tactile. Celle du boulot. Et tant pis si les Automates peuvent remonter au final à ses recherches, là, y a bien plus important.

Il porte rapidement ses recherches sur les Valkyries et leur puce. Le réseau Automate, ou du moins l'infime partie à laquelle il a accès, affiche des informations assez laconiques sur la question. Puce capable de griller le cerveau en cas de désobéissance. Et il semblerait que ça a déjà commencé...

Merde ! Il est hors de question qu'il laisse qui que ce soit lui reprendre Filgjia maintenant, et surtout pas ce putain de gouvernement. Quelques recherches plus poussées. Des Valkyries portées disparues, plusieurs corps retrouvés, d'autres pas. Quelques Automates ont tenté de dépucer eux-mêmes leur Maîtresse fétiche également, pas toujours avec succès.

Il baisse le regard sur le visage crispé et livide de la jeune femme, et repousse une mèche de cheveux collée par la sueur à son front. A-t-il vraiment le choix ? La puce est clairement en train de lui ronger le cerveau, et chaque seconde passée à tergiverser est une de plus à risquer qu'elle en crève.

Il jette la tablette sur la table de nuit, repose sa belle sur le lit, obligeant ses mains crispées à le lâcher tout en murmurant :

- Promis je reviens, attends.

Les doigts convulsent un peu en refusant de lâcher prise sur sa peau, mais il ne leur laisse pas le choix. Il remonte la couverture sur elle le temps de se préparer. Changer son pantalon pour une tenue plus appropriée, enfiler une chemise propre, une veste de costume par dessus. Il essuie l'huile qui a coulé sur sa joue, le sang poissant ses cheveux, puis avale un de ses médicaments. Soupir. Son pistolet est précieusement rechargé, et trouve sa place habituelle à la ceinture. Un couteau rangé dans une manche, attaché sur l'avant-bras. Il espère que le mécanisme de son oeil bionique va se remettre en route avant qu'il en ait besoin.

Il attrape la tenue de la Valkyrie laissée à sécher, qui l'est pratiquement désormais, et revient vers elle. Avec précaution, il l'en habille rapidement, puis lui remet le pull à capuche par dessus, l'emmitouflant au mieux dedans. La route va être longue, et il n'a pas de temps à perdre.

Tout ceci étant fait, il la prend dans ses bras, la soulève, et quitte la maison sans plus se poser de question. Le temps presse.

Bondissant jusqu'au parking, il déverrouille sa voiture, vieille guimbarde à coussin d'air à peine capable de s'élever à plus de quelques centimètres du sol. C'est loin d'être un luxe, mais pas tout le monde peut se vanter d'avoir un véhicule, alors c'est déjà mieux que rien. Il dépose avec soin la jeune femme sur le siège passager, la calant du mieux qu'il peut, puis prend place au volant. Aucune intelligence artificielle comme sur les modèles récents ici, tout se fait à la main.

La vieille radio se met en route.


Rapidement, il se faufile entre les vieux immeubles. Ici, il y a encore des routes, mais en se rapprochant du quartier des Automates, il faudra abandonner la voiture quelque part. Il n'y a que les autos de luxe qui ont voix au chapitre là bas, pas de route au sol, que des aériennes...

La présence absente de Filgjia l'inquiète désormais profondément, et il enfonce plus profondément l'accélérateur. Les kilomètres défilent rapidement sous le véhicule, malgré les multiples obstacles qu'ils croisent. Eviter des gens visiblement drogués errant sur les avenues, faire valdinguer des bidons abandonnés trop près de la route, descendre une volée de marches pour prendre un raccourci. Sa main gauche ne lâche pas le volant, la droite s'ingéniant à garder contact avec la Valkyrie tant qu'il n'a pas besoin de changer de vitesse. Dérapage contrôlé. Abandonner le véhicule dans un parking souterrain, et reprendre Filgjia dans les bras.

Courir. La demoiselle ne réagit presque plus, et cela l'inquiète encore un peu plus, si la chose est possible. Heureusement, le club select n'est pas loin, et encore relativement calme à cette heure de la journée. De toute façon, ce n'est pas ça qui l'intéresse. Avançant malgré les regards noirs des quelques Automates et badauds présents, il rejoint rapidement l'arrière du club. Une porte dérobée qu'il ouvre d'un coup de pied. Le fracas du métal est énorme, mais il ne se fait guère de souci. La musique au-dessus couvre tous les bruits.

L'escalier sombre s'enfonce dans les profondeurs, éclairé par des néons tremblotants et des ampoules nues. Il y pénètre sans plus de doute, refermant le tout derrière lui d'un geste de l'épaule. La dernière fois qu'il est sorti d'ici, il était pas en forme. Il espère que Filgjia le sera plus.

En bas, l'odeur prend à la gorge. Une grande pièce sombre à la lumière glauque, deux fauteuils qui ont dû être ceux de dentiste à une lointaine époque, un petit homme râblé occupé sur l'un d'eux à trifouiller un cadavre. Hum, glamour. Un médecin dépucé par les Automates, ça vaut son pesant de cacahuète. S'il a gardé son geste sûr, son esprit est complètement en morceaux, et il n'y a pas meilleure tombe que lui. Il aura oublié dans la minute qui suit ce qu'il a fait la précédente. En échange, il faut juste lui donner de quoi s'amuser, comme en témoignent les nombreux bocaux alignés sur les murs, remplis de divers organes...

Le bonhomme semble n'avoir pas entendu Caïn et son précieux colis arriver. Le jeune homme en profite pour déposer sa douce demoiselle sur le second fauteuil à la propreté douteuse, puis appelle le médecin.

- Doc !

L'homme soudain se retourne, regardant les deux intrus comme s'ils étaient des fantômes, puis se ressaisit, s'approchant, fasciné de Caïn.

- Oh le bel oeil, le bel oeil que voilà ! Cassé, tout cassé, laissez-moi réparer ! S'il vous plait, s'il vous plait !

Caïn grogne et désigne la jeune femme tremblante et trempée sur le fauteuil.

- Soigner elle ! Enlever la puce, c'est Valkyrie. Après, réparer oeil.

L'explication est laconique, mais le vieux semble s'en contenter, il jette un dernier regard déçu vers l'oeil bionique, puis se concentre sur la Valkyrie qu'il déshabille de manière tout à fait professionnelle, avant de commencer à inspecter sa nuque. Caïn demeure à ses côtés, l'observant faire d'un oeil critique, une main de Filgjia dans la sienne, invoquant il ne sait quelle force supérieure pour que tout se passe bien. Puis le vieux sort un scalpel, et commence à inciser la peau.

Les grands yeux de la Valkyrie s'ouvrent, mais ils sont déjà vitreux. Caïn déglutit à cette vision, et lorsqu'elle les referme, il dépose un baiser sur son front avant de caresser doucement sa joue.

Le doc plante une seringue dans la pliure du coude de la Valkyrie, compte à haute voix de manière fantaisiste jusqu'à dix - il ignorait que quarante-deux se trouvait si tôt dans l'alphabet - puis reprend son scalpel.

- Couper tout couper, enlever la jolie puuuuuuuce, couper tout couper, réveiller la petite puuuuuuuce !

Il chantonne ça sur l'air oublié d'une vieille comptine, tandis que la lame se plante dans la chair, et l'ouvre sur quelques centimètres. Caïn suit du regard chacun de ses gestes, sans y connaître grand chose médicalement. Mais il est inquiet, et ça a le mérite de l'occuper. Même si voir l'intérieur de la Valkyrie n'est pas un spectacle des plus ragoutants. C'est presque même décevant de se rendre compte qu'elle n'est faite comme lui que de chair et de sang. Décevant, et rassurant aussi. Ils sont pareils... Et ça, ça lui permet de rêver un peu à un après.

Ca coûte rien de rêver.

Le doc semble galérer un peu, pestant parfois à voix basse, puis éclatant de rire l'instant d'après.

- Joli système nerveux, beau travail beau travail ! Petite puuuuuce, ta jolie puuuuuuce te ronge, et toi tu peux rien faire ! Mais moi moi moi je vais te sortir de là là là. Ah tu verras tu verras !

Heureusement que Caïn a pas fini comme ça en se faisant sauter la puce... Remarque, lui, il doit pas se rendre compte qu'il est complètement dingue. Ça peut être bien en fait. Filgjia ne réagit presque plus, le vieux a dû l'anesthésier. Si on la lui prend, il jure qu'il fait un massacre. Il débarque chez les Automates, et il bute tout ce qu'il croise jusqu'à ce qu'ils parviennent à le maîtriser. À le supprimer. Filgjia, meurs pas. S'il te plait.

D'une pince, le doc brandit soudain une toute petite puce qu'il dépose dans la main de Caïn.

- Tadaaaaah ! Enlevée enlevée ! Possible que tout tourne pas rond, mais plus de puce ! Mais endormie encore un moment. À nous, à nous, laissez-moi réparer le bel oeil !

Le vieux bonhomme recoud rapidement la nuque de la jeune femme, puis se tourne d'un air décidé vers lui. Caïn soupire, tire une chaise à roulettes près de Filgjia, et se place sous la lampe. Le doc est immédiatement près de lui, et le reste se perd dans le fracas de tournevis, de l'huile qu'on ajoute et des couinements de douleur du jeune homme. Enfin, le vieux s'éloigne, visiblement content de lui, et retourne dépecer son cadavre.

Caïn est tout pâle. Ce con lui a fait un mal de chien, et même si son oeil fonctionne désormais, la migraine qui le saisit est épouvantable. Pourtant, il se tourne vers sa Valkyrie, toujours étendue sur le fauteuil, et pose son front contre le sien, les yeux fermés. Reviens, Filgjia. S'il te plait, reviens. Il ne sait pas quelles séquelles elle aura, mais il s'en moque, pourvu qu'elle soit près de lui.

Sous son front, la peau s'enflamme. Le souffle de Filgjia est heurté, et ses lèvres s'agitent dans une inconscience vaseuse. Il tire sur la manche de sa chemise pour lui éponger le visage des grosses gouttes de sueur qui ne semblent pas s'arrêter. Dans sa main gauche, la puce est étrangement chaude, et encore sanguinolente. Il la glisse dans une poche. Il faudra s'en débarrasser prestement avant qu'on ne remonte jusqu'à eux à cause d'elle. La fracasser serait une bonne idée, il s'en occupera dès qu'il pourra.

La migraine dans sa tête amplifie. Ça cogne de plus en plus, et de plus en plus fort. Il avale un de ses médicaments, tout en sachant que cela ne servira à rien, mais il ne sait pas faire autre chose. Reprendre la main de Filgjia dans la sienne, caresser tendrement ses doigts, un à un, puis sa paume. Explorer les veines sur son poignet, visibles sous sa peau si fine. Remonter du regard le long du bras, jusqu'à son épaule, puis se perdre dans la contemplation de son beau visage, figé sur un rictus de douleur. Compter les cils de son oeil droit pendant un moment. Passer à l'oeil gauche. Soupirer.

En avoir assez. A chaque instant de plus ici, un autre client du doc peut débarquer. Faut se barrer, et si y a des séquelles à réparer, il la ramènera plus tard. Il la rhabille rapidement, lui remet le pull à capuche, puis la reprend dans ses bras pour la soulever. Le vieux médecin ne se rend même pas compte de leur départ, l'esprit bien trop occupé ailleurs. Il a déjà oublié avoir dépucé une Valkyrie et soigné un oeil bionique. Il est content dans son monde de chair et de sang. C'est tout ce qui importe.

La foule est plus grande à cette heure dans les rues, mais Caïn continue d'avancer sans prêter attention à qui que ce soit. Le parking souterrain quant à lui est désert. Le jeune homme ne lâche pas Filgjia cette fois, la gardant sur ses genoux, contre son torse, alors qu'il met le contact. Sa main passée sous les jambes peinent à changer les vitesses avec cette charge en plus, mais il s'en moque. Il n'est plus vraiment pressé de rentrer maintenant. Tout ce qu'il veut, c'est qu'elle se réveille.

Arrivée à l'appartement. Puce démolie et jetée dans une poubelle de la zone de sommeil. Pour retrouver le bon appartement dans ces barres d'immeubles, ils vont avoir du boulot. Ca leur laisse un peu de répit à tous les deux.

Filgjia n'a pas esquissé le moindre signe de vie depuis qu'ils ont quitté le labo du doc. Ça n'a pas l'air d'aller plus mal, pour autant, il ne peut pas dire non plus que ça va mieux... Elle est juste immobile, comme morte, mais respire. Et son corps transpire toujours.

Caïn est résolument inquiet désormais. D'ici peu, il sent que ça va commencer à lui bouffer l'estomac. Ou un rein. Ptet le foie. Son coeur en tout cas palpite comme jamais dans sa poitrine, tandis qu'il pousse la porte d'entrée de l'épaule, prenant garde de ne pas trop balloter la jolie Valkyrie. L'appartement est sombre, le soleil éclairant l'autre flanc de l'immeuble désormais. Il allume une lumière tremblotante, puis dépose sa douce dans le lit.

Poser son pistolet sur la table de nuit, remettre son bandeau sur l'oeil, enlever sa veste, puis sa chemise à la propreté désormais douteuse. Son pantalon aussi. Un boxer pour seul vêtement, il vient alors déshabiller la demoiselle en sueur, lui remettant ensuite un long tee-shirt à lui, puis s'installe avec elle sous la couette. L'attire contre lui. Et pose son front contre le sien, l'enlaçant avec douceur.

Peut être s'endort-il...

Mais une voix le tire soudain de ses pensées sombres. Une voix rocailleuse, méconnaissable, mais la seule qui importe en cet instant. Il se redresse soudain, et lui offre un sourire rayonnant.

- Filgjia !

Mais ses yeux sont voilés, et elle ne réagit pas à son mouvement, son regard demeurant fixé sur un point derrière lui.

- Filgjia... Ca va ? Tu peux voir ?

Merde, ça c'est quand même une grosse séquelle si elle voit pas... Elle doit se sentir... perdue. Déboussolée. Complètement seule. Il a un pincement de culpabilité au coeur. Il n'avait guère le choix, mais quand même, à cause de lui, maintenant...

Avant qu'elle ne puisse réagir, il la resserre contre lui, empaume sa joue de sa main chaude, et dépose ses lèvres sur les siennes pour un baiser désespéré. Si heureux de la retrouver, et en même temps si triste désormais... Il s'en veut, il s'en veut beaucoup. Alors désormais, il fera tout ce qu'il pourra pour se rattraper. S'il lui avait trouvé un vrai médecin, peut être que... peut être alors... Ils seraient probablement déjà morts tous les deux, mais il aurait dû essayer quand même.

Pour ne plus penser à tout ça, il se noie en elle, entre ses douces lèvres et à la chaleur de son corps dont il sent les formes fines contre sa peau nue, seulement masquées par une barrière de tissu.

Elle est perdue, elle est tremblante, il sent qu'elle se raccroche à lui de toutes ses forces, qu'elle s'inquiète... Pauvre pauvre demoiselle. Ses doigts le parcourent, son visage, et ses lèvres le trouvent, tandis qu'elle le serre contre lui, se serre contre lui, et l'embrasse... Désespérée. Il la sent abandonnée à lui, et l'idée éphémère qu'il est responsable de son état s'efface pour laisser place à un désir dévorant. Elle le veut, elle s'offre à lui, pourquoi refuserait-il ? S'il la repousse maintenant, il va lui faire bien plus de mal. Et puis il n'a pas envie de la lâcher, vraiment pas envie.

Il glisse ses mains sous le tee-shirt, partant à la redécouverte de sa peau, avec douceur. Ses lèvres se font plus gourmandes, courent le long de sa mâchoire, attaquent sa gorge. Il sait ce qu'il veut maintenant. Et en avoir été privé plus longtemps ne le rend que plus convoité.

Le tee-shirt quitte le corps de la jeune femme, s'écrase au pied du lit, les laissant nus sous la couette, serrés l'un contre l'autre. Il remonte ses lèvres à son oreille, et murmure :

- Je te veux.

Sa voix est rendue encore plus rocailleuse par le désir. Mais il attend, il se réfrène encore un peu. Il la veut, pleine et entière, pas terrorisée et timide.

Elle s'abandonne, rend les dernières armes, et il s'enflamme. Ainsi accrochée à lui, elle n'en est que plus désirable, plus merveilleuse. Il embrasse ses lèvres tandis que ses mains partent à la découverte des derniers bastions de chair inexplorée. Elle est brûlante, il est affamé.

Un seul moyen d'apaiser ce feu dévorant qui les consume...

Avec précaution, il joint leurs corps, plongeant délicatement en elle malgré les résistances de la chair inviolée. La sensation est... stupéfiante. Plus que ça même. Le souffle coupé, il demeure un moment immobile en elle, la bouche arrondie par la surprise, admirant la beauté de son amante. Transcendé. Et puis il bouge, brisant la magie de l'instant pour mieux créer une nouvelle bulle de bonheur. Et les sensations dévalent soudain dans son esprit avec la force de l'assommer.

La douceur de sa peau contre la sienne, la chaleur de son corps, et sa chair, sa chair... Il se perd dans ses sensations tandis que le rythme accélère, le visage près d'elle, tout près d'elle, emprisonnant parfois ses lèvres pour faire taire ses propres exclamations de plaisir, parcourant ses joues de baisers fiévreux, puis plongeant dans sa gorge, attrapant un sein... Ses grandes mains mâles ne quittent pas un seul instant l'épiderme de sa douce, comme s'il ne pouvait se rassasier de la toucher.

Et il s'oublie, chaque coup de rein le consume un peu plus, l'aventurant toujours plus haut dans les strates d'un plaisir qu'il ne pensait pouvoir atteindre, et son sang brûle ses veines. Plaisir interdit, plaisir honni, comment a-t-il pu vivre sans jusqu'alors ?

L'apothéose le frappe de plein fouet, lui arrachant un gémissement rauque et le laissant tremblant au-dessus d'elle, luttant pour ne pas s'effondrer sur elle, se lovant juste contre sa peau, à bout de souffle, sans défaire leur lien. Pas encore.

Elle est douce et câline, caresse longuement sa peau. La tension est retombée mais pas la tendresse. Il demeure serré contre elle, déposant de doux baisers sur la peau à portée, le temps d'apaiser le feu brûlant dans ses entrailles. Il profite tant qu'il peut de cet îlot de bonheur, de ce qui ne durera pas, il le sait. Ils marchaient déjà sur une corde raide, maintenant qu'elle tangue dangereusement, l'avenir s'est assombri. Mais ils sont deux pour l'affronter désormais, et Caïn ne laissera de toute façon personne faire de mal à Filgjia. Que ce que lui ont fait les Automates serve enfin à quelque chose.

Avec douceur, il détache finalement leurs corps, étouffant un soupir lorsque leurs peaux se quittent, et murmure tout bas :

- Bouge pas, je reviens.

A regret, il se relève, non sans avoir déposé un tendre baiser sur ses lèvres, fonce vers la cuisine récupérer une bouteille d'eau et quelques barres chocolatées puis revient immédiatement vers elle, déposant le tout dans ses bras.

- Mange. Bain tous les deux.

Et il passe ses bras bras autour d'elle, un sous ses jambes, un autour de sa taille, l'arrachant à la chaleur des couvertures pour l'entraîner vers la salle de bain. Il la lâche d'une main le temps d'ouvrir les robinets, l'eau chaude remplissant rapidement la baignoire, puis pénètre lui-même à l'intérieur, la tenant par une main en l'invitant à le rejoindre.

- Viens.

Il a mal à la gorge. Ils ont besoin d'un bain. Ils sont échevelés et sales. Et il veut la garder encore un peu tout contre lui. Un bain, c'est bien. Il pourra lui faire des baisers dans le cou pour arrêter de culpabiliser. Car c'est clair maintenant, Filgjia ne voit plus...