Pilules ordinaires & autres remèdes

Sujet: Pilules ordinaires & autres remèdes Jeu 26 Mar 2015 - 4:30

Je veux que tu augmentes mon traitement.

Pas question de reculer. Je sais que sa simple présence suffit à mettre les gens mal à l'aise, mais je le connais depuis trop longtemps pour ne pas connaître le personnage par cœur.
Les gants, le masque chirurgical encore tâché de sang, les yeux fous, sa manière étrange de bouger comme s'il était un pantin désarticulé dont on aurait coupé certains fils... Et ce sourire qu'on devinait sous son masque, comme un de ces rictus que seuls possèdent les psychotiques avant qu'ils ne vous avouent qu'ils ont agrafés votre chat au plafond en plusieurs morceaux, dont certains sont encore cachés dans des recoins qu'il vous appartient de trouver.
Mais je ne cèderai pas. Je suis maintenant persuadé que c'est un rôle qu'il joue, qu'il n'est pas aussi fou qu'il le prétend. Pas entièrement. Pas complètement.
J'ai frappé son bureau du poing, ce qui fit sauter son pot à crayon, qui se renversa un peu partout par terre, au milieu de toutes ces boites de médicaments éventrées qui s'y trouvent déjà.
Ma main tremble, mais je parviens à limiter les dégâts en la serrant contre moi, entre mes côtes et mon autre bras. Tremblements nerveux, incontrôlables, douloureux.

Tu sais très bien qu'il y a une accoutumance à ce que je prends. Augmente mon traitement ou change en, mais ne me laisse pas comme ça !

La lumière passe faiblement à travers ses fenêtres encombrées par le lierre. Des branches courent sur le carrelage, zigzaguant entre les médicaments et tous ces papiers parsemés sur le sol comme autant de petits cailloux blancs. Et toutes ces lumières blanches, ce mobilier moderne mais déjà délavé... Tous ces objets semblant placés un peu au petit bonheur la chance dans cette jungle qui était autrefois son cabinet médical.
Un cadre sur le mur est placé de travers, recouvert presque entièrement par des plantes grimpantes. Seul un coin en est visible : Des nuages épais rougeoyant d'une lueur sombre et inquiétante.
Je me souviens de mémoire de cette toile. Un coucher de soleil sur les rues vides de Novlangue. Impossible de me souvenir du quartier couché sur la toile.
J'ai fermé les yeux un instant, une image de la peinture flottant encore dans mon esprit, alors que j'essaie de me concentrer sur la discussion en cours. Il ne répond pas et m'ignore.

Fritzerman. S'il te plaît.

Sujet: Re: Pilules ordinaires & autres remèdes Jeu 26 Mar 2015 - 4:40

Sa présence ? La dernière chose que je veux ce soir !
Les insurgés partagent un point commun avec les cafards. Increvables.
J'aurais préféré qu'il me laisse tranquille, moi et ma petite retraite au calme au milieu de la verdure. Je pourrais presque faire pousser de la salade au milieu de mon cabinet si j'achetais un peu de terreau. Voilà une idée qui demande réflexion.
Je n'ai pas écouté un seul mot de ce qu'il bave. Ce n'est pas intéressant.

Ce n'est pas un ami. Ce n'est pas de la famille. C'est juste une vague connaissance. Un rebut de ce qui reste du Novlangue d'avant, d'avant la faille. Si on vidait un seau d'eau usagée, Krebs serait le dépôt au fond du seau qu'on ne pourrait enlever qu'en le grattant à l'aide d'une spatule en métal.
Le petit rebut noir et embarrassant, visible et dont on ne parvient pas à se débarrasser, quels que soient les efforts déployés. Le petit rebut noir, embarrassant et triste, celui qui a besoin d'une nouvelle ordonnance. Non, attendez, je crois que ma métaphore va trop loin et ne veut plus rien dire. Oh, et allez, qui s'en soucie, je me parle seul dans ma tête. Coucou moi !

Penché sous mon bureau j'ai retrouvé une de ces bouteilles que je pensais vide et qui en fait, à mon grand bonheur, révèle avoir une petite réserve d'amour à m'apporter. La secouer légèrement suffit à révéler qu'il en reste au fond. De quoi remplir un verre, peut être deux, mais je ne compte pas : Je bois directement à la bouteille. Boire dans un verre oblige à faire la vaisselle.

Krebs. Krebs Krebs Krebs Krebs. Mon pote, comment ça se fait que t'es pas encore mort ? Depuis le temps, un NOD aurait dû te mettre une balle dans la tête ! Ça fait combien d'année qu'ils te courent après ? Dix ans ? Vingts ? Deux-cent-cinquante ?

J'ai mimé un révolver de ma main droite, je l'ai visé et j'ai fait le bruitage de quelqu'un qui tire. PAN ! Pruitch pruitch.

Sujet: Re: Pilules ordinaires & autres remèdes Ven 27 Mar 2015 - 3:12

Je survis. Personne n'est encore parvenu à me mettre le grappin dessus.

Encore que si les NODs me choppent, ce n'est pas la mort qui m'attend. Je me demande quelle serait la pire chose qu'ils pourraient me faire subir ? Lavage de cerveau ?
Je me suis secoué discrètement pour disperser ces pensées un peu glauque et en revenir au bon docteur Frankenstein.

Il n'est plus question de tuer des gens, de faire exploser des véhicules, de kidnapper des gens ou d'autres conneries du genre. Ça fait longtemps que j'ai compris que cela ne menait nulle part. Des années maintenant. Le combat de front, ce n'est pas une bonne chose lorsque votre adversaire possède la banque et tous les pions.

J'ai repensé silencieusement à tous ces morts. Nos combats, l'épidémie, les rafles par les NODs... Nous ne sommes plus beaucoup, bien que des gens rejoignent les rangs des insurgés chaque jour. Ce n'est pas suffisant et je n'ai plus le courage d'affronter ces choses-là.
April, Eldon, Chloé... Et des dizaines d'autres, que je ne reverrai jamais. Plus jamais de confrontation directe. Plus jamais.

Je suis toujours un insurgé, ne vous méprenez pas. Mais... Je suis plus discret, moins agressif... Moins démonstratif. Je ne mène plus que les petits combats quotidiens et c'est déjà un travail à temps plein. Et vous, mon bon docteur ?

Un rictus d'une fraction de seconde a déformé mon visage alors que je continue sur ma lancée.

Qu'allez-vous faire maintenant que votre commerce d'organes et de greffons est devenu impossible ? Bien sûr il pourrait vous rester la retraite, mais qui paierait la pension d'un vieil alcoolique sans famille ? Et impossible de s'approcher du gouvernement ou de ses partenaires après avoir soigné des insurgés et des orthodoxes non implantés pendant des années, pas vrai ?

Ce vieux salaud vendait des cœurs, des poumons, ce genre de chose. C'est fini, maintenant que ses principaux fournisseurs ont étés arrêtés puis exécutés par des NOD le mois dernier.
Je me demande ce qu'il envisage de faire.

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