Novlangue est un univers totalitaire inspiré de 1984 (G Orwell)

Ça faisait un moment que je la suivais dans le dédale des tunnels. De temps en temps, une pauvre loupiote anémique éclairait son petit cul, ses hanches étroites moulées par le jean. Ça avait beau se la jouer grosse dure avec son crâne rasé, c'était quand même une nénette, et plutôt pas mal roulée dans son genre. J'imaginais déjà la douceur soyeuse de sa peau chocolat sous mes gros doigts calleux...
Quand j'en ai eu marre de jouer au ninja, j'ai laissé mes grolles produire de sonores « Floc ! Floc! » dans la soupe putride qui baignait nos semelles. Elle a juste un peu ralenti, aux aguets, avant de reprendre sa progression. Genre même pas peur...
J'allais me mettre à courir pour lui mettre le grappin dessus quand j'ai entendu un type la héler. Eh merde, on peut plus chasser la dinde tranquillement ?

« Salut, Kim.
– Salut », a-t-elle répondu, d'une voix grave, un peu rauque, sans s'arrêter.

Je suis passé devant l'emmerdeur avec un air innocent plaqué sur le groin. Tralala, je me balade, je profite de la beauté des tunnels.

« Hé, Matt ! » l'ai-je salué en le reconnaissant. C'était que Matt, un vieux pote. On n'avait qu'à se faire un plan à trois.
« Dis, tu la connais la poupée ?
– Kim ? Ouais.
– On s'la fait ?
– Pas bonne idée, mec.
– Tu déconnes ?
– C'est une poule, mais pas le genre baisable. Quand on lui a grillé son implant, elle a bien tenu l'choc, mais son mec, non. Depuis...
– Attends, je rêve, tu nous la joues sentimentale ? Et depuis quand les zombis vivent en couple ? Encore un de tes mythos...
– Y s'sont mis ensemble avant leurs 16 ans, ducon. Oh et puis merde, j't'aurai prévenu. »

Matt a eu un sourire mauvais que j'ai pas aimé. Je l'ai planté là et j'ai couru pour rejoindre Miss Traumatisée-en-chef. On allait d'abord tenter le plan drague, pour changer.

« Hé, Kim ! »

La fille s'est arrêtée, s'est retournée vers moi, et j'ai reçu comme un coup dans l'estomac le regard glacé de ses yeux d'un vert impossiblement clair. Ça commençait mal.

« Tu veux quoi ?
– Heu... Dis voir, t'as l'air normale... C'est quoi ton altération ? Hein ? »

Sans me quitter de son regard au laser, elle a tiré un cigarillo d'une de ses poches, l'a ouvert d'un coup de dents avant de recracher le prépuce. J'ai senti mon scrotum se ratatiner. Tous mes instincts de survivant flairaient la très mauvaise embrouille, mais comme un con, je me suis obstiné :

« Eh ben quoi réponds ! T'as un troisième nibard ? Un zgeg ? Quoi ? »

La main qui ne tenait pas le cigarillo s'est refermée en poing et écrasée sur ma mâchoire. Je me suis retrouvé à cracher mes dents dans le bouillon de culture. Comme ça. Et elle est repartie. Comme ça.

Je l'ai pas suivie.

[Insurgés]

KIM