Si, je me remémore, ce qui s’est passé ….

Mais combien de temps cela-fait-il que je suis ici ? D’aussi loin, que je me souvienne, c’est-à-dire, franchement pas loin du tout, et bien, je revois mon voilier, il était beau ce voilier, une belle voile orange, la brise, oui la brise était parfaite, une douce chaleur, et à oui, moins bon souvenirs ça … Je n’étais pas seule, lui, m’accompagnait… Mais où est-il d’ailleurs … Et puis …

Une douleur à la cheville m’assaille subrepticement, avec hargne, elle est aiguë, sournoise, et me fait véritablement souffrir. Mes sourcils se froncent, puis essaie de trouver une position plus appropriée. Du moins, d’où je sentirais nettement moins ce terrible mal. Après quelques essais peu convaincant, j’abandonne, et reste dans la même position.

Ha oui, je suis bien là, le cul planté dans le sable incapable de faire quoi que ce soit …. Putain de cheville de merde, pourquoi je me suis viandée quand j’étais gosse, pourquoi je me suis fracturée la malléole ? Voilà ou j’en suis, voilà ou tout ceci m’a menée …. Je peux même plus me lever … et ….

Mes sourcils se relèvent, je cherche dans ces souvenirs qui m’échappent, j’ai peur finalement, peur, mais portée par une espèce d’incroyable sensation … étrange parce que cela voudrait-il dire que, j’ai franchi le pas …

ou est-il ?

Et voilà que ça me reprends même mes propres pensées sautent du coq à l’âne …. Je peux même plus avoir confiance en mes propres songes.

Soudainement, je frissonne, brusquement, ma mémoire s’éveille.

Des bruits …. Des lamentations, des échos tout droit sortis d’outre-tombe. Et surtout comment des bruits de pas qui chassent sur le pont me sont-ils parvenus aux oreilles ? Des pas légers, mais qui se précipitent vers un profond abyme que je suis incapable de discerner dans de tel circonstances. Des pas … Un enfant j’en ai la certitude ! J’ai beau réfléchir, aucun souvenir d’un marmot que j’aurais embarqué, alors … Comment tout ceci est-il possible ?

Je secoue la tête brusquement, histoire d’essayer de chasser ses sons qui reviennent sans cesse.

Le visage, quelle horrible vision !! Cette chose qui semblait manger l’horizon, une nuit claire pourtant. Mais il a tout engloutit … Et ensuite, des fracas, du bois qui s’entrechoque, mon voilier qui sombre dans les profondeurs de l’océan … Je me noyais …. Comment donc-suis-je arrivée sur le bord de plage ?

D’origine Amérindienne, les mythes et légendes qui façonnent mon peuple me revienne en tête.

Les histoires d’âmes égarées, torturées, qui ne peuvent retrouver le repos pour une raison bien précise. L’esprit du vent, celui de la terre, de l’eau, et du feu. Les étoiles … Ce que l’on peut y voire lorsque bercée par tant de savoir, je ne peux nier ce que je suis.

Ce lieu fut habité, peut-être l’est-il encore … Malgré cela, j’en doute, cela fait déjà un certain temps, j’en suis certaine, que je suis ici, n’ayant pas bougé d’un pouce. Quelqu’un aurait fini par me retrouver.

Je reste perplexe...

Je devine des traces de civilisation, parce qu’il semblerait bien qu’un peu plus loin, une espèce d’abri de bois trône au milieu de cette étendue de sable. C’est un peu brumeux, il fait malgré tout bien sombre, mais, cela ressemble rudement à un abri de fortune. Quant à savoir si c’est la nature qui a fait jouer de sa symphonie pour que tout ceci s’assemble, ou alors, une peuplade indigène… Aucunes certitudes .

Le gout du sel me remonte en bouche, une envie soudaine de recracher cette eau de mer qui aurait fini par avoir eu raison de moi … Je n’en fait pourtant rien.

Je suis perdue, paumée, seule avec d’atroces résonances qui ne cessent de bourdonner dans ma tête.

Perdue, crever, parce que finalement, c’est ce qui m’attends. Mourir comme une pauvre bête blessée, ne pouvant plus rien faire pour essayer de se sauver… J’ai peur qu’au jour d’aujourd’hui, je porte bien mon nom … Sauf, qu’il n’y aura qu’une seule trace…

Je m’apprête à fermer les yeux, à me laisser choir à même le sable, à me laisser gagner par la fatigue, pour que je puisse enfin partir pour de bon. Je n’en ai réellement pas envie..

Ce n’est pas moi !

Comme si mon ultime prière a réussis à percer cette bruine, il me semble entendre du bruit venant d’à peine plus loin. Des voix ?

Hésitation ….

Me montrer ou rester planqué ? Faire la morte ? Creuser ma tombe en me laissant entrevoir ? Me dissimuler dans l’ombre montante ? Fuir ou faire face ?
Attendre ?

Chuuuuttttt ….

Je ne respire plus, j n’halète plus, je reste là bloquée par une cheville, les fesses qui s’engourdissent à force d’être restée là sans rien pouvoir faire pour sauver ma peau. Je crois que ce qui me terrifie le plus, ce sont sans doutes tous ces souvenirs qui ne peuvent s’évanouir. Probablement, que jamais plus, ils ne pourront s’échapper de ma mémoire.

Au loin, je n’entends plus le moindre son, tous semble s’être arrêter, même le vent ne souffle plus.

J’aimerais tant pouvoir tomber sur quelque feuille de sauges, quelques épines de sapins ne serait-ce que pour en faire un onguent, comme celui que Rowtag m’a enseigné. Comme j’aimerais trouver de l’érable, pour le faire brûler, et ainsi chasser les mauvais esprits.

Avant des bruits me sont parvenus, et à présent, rien, plus rien ne vit.

Je ne sais vraiment si tout ceci à un sens, j’essaie de me plonger dans une espèce d’état second, pour pénétrer de toute mon âme là, ou seul l’esprit vit, et le corps endure sans sentir quoique ce soit. Il endure encore et toujours. Jusqu’à ce que … Malheureusement, je ne peux y parvenir.

A quoi je m’attendais hein ? A ce que Rowtag m’apparaisse ? Pfffff …. Que dalle ouais. Bien qu’en ces lieux, j’ai le sentiment que tout peut arriver.

Soudainement, des échos, ces même cris, ce visage, tout revient, plus violemment avec une hargne sans précédents. Images tourbillonnantes amplifiée par ce que j’ai entendu, peut-être même bien imaginé … La solitude …

Sans même m’en rendre compte, mes paumes se plaquent sur mes oreilles, mes yeux se ferment, et des gouttes de sueurs perlent sur mon visage. Sueur froide à l’aigre saveur. Un long frisson trace son sillon le long de ma colonne vertébrale, puis s’échoue au ras de ma nuque.

Non, impossible, ce n’est pas …

Dans mon tourment, quelque chose parait m’appeler, quelque chose essaye de me sortir de ma torpeur. Une étrange sensation, un fourmillement surprenant, ceci arrive malgré tout à me faire ouvrir les yeux, je ne tarde pas à découvrir ce qui nonchalamment grimpe le long de ma jambe… Malheureusement … Probablement il aurait mieux valu que je grade mes paupières closes. Mais le temps s’écoule, et il grimpe, monte, ausculte, observe, ressent … Mes jambes pratiquement à nus ont l’air de vivement l’intéresser.

Peu de temps pour réagir, mes yeux s’écarquillent à mesure qu’il continue son ascension. Bientôt il aura gagné mon ventre, et il grimpera encore …. Très peu de temps. J’arrête de respirer. Je me retiens de crier, je ne dois pas l’effrayer.

Ce Scorpion, c’est un Diplocentrus ! Pour la plupart une espèce inoffensive. Malgré tout, je hais ces bestioles ! Répugnante, et il se ballade sans ma permission sur mon corps.

Je reprends ma respiration, je souffle un grand coup, puis d’un geste sec l’envoie valser un peu plus loin.

Brrrr dégoutant ! Je ne peux pas rester ici, il pourrait revenir. Je n’ai pas le choix ! En plus, il est probable que des espèces bien plus dangereuses squattent dans le coin ! Il faut que je me tire !

Alors, je prends mon courage à deux mains, puis lance avec éclat un

« Ohé, Ohéééé, il ya quelqu’un ?? »

Pour l’heure, je n’entends que mon écho qui s’échoue et frappe de front les falaises environnantes.

Je suis mal là ….

-ce truc, j'dirais qu'c'est une personne.
Elle a bien dit "ohé il y a quelqu'un ?" ou j'ai mal entendu ? Parce que si c'est ça, je n'pense pas qu'ce soit une cannibale.

Mais vaut mieux être prudent quand même. On ne la connait pas.
Je passe devant et je m'approche doucement en restant quand même bien hors de porté de cette inconnue.
Arrivé à quelques mètres, je me demande pourquoi je m'inquiète comme ça. Ça doit être à cause du bateau et des choses étranges qui s'y sont passée et des autres qui disent que c'est pas fini les emmerde. J'y crois pas trop, mais quand même...

-b'jour
Vous avez b'zoin d'aide ?

Elle est un peu pâlotte et un peu pas d'bout. Elle est blessée ? Malade ? Contagieuse ?

Quelques minutes s’écoulent...

A vue d’œil, j’ai bien l’impression qu’il va falloir que je me débrouille toute seule.

Je m’apprête à décoller mon séant en me trainant comme je peux pour avancer sur le sable lorsqu’un froissement attire mon attention…

Merde, j’espère que je n’ai pas déchiré mon short, à j’aurais l’air bien, ce serait là, une bonne excuse pour ne pas essayer de me relever.

Je m’aperçois très vite qu’il ne s’agit pas de mon vêtement mais bel et bien de silhouettes qui s’approchent prudemment. L’une d’elle arrive à ma presque hauteur.

Je hausse un sourcil, à la vue de celui qui me fait face.

« Bonjour ?! »

Je secoue la tête gentiment.

« Il était temps, j’ai bien cru que j’allais finir mes jours ici moi ! »

*Il me demande si j’ai besoins d’aide …. Non, non, j’prends un bain de soleil en pleine nuit sous une espèce d’abri de merde qui grouille de scorpions.. Pfff … *

« Et bien oui, un coup de main ne serait pas de refus. J’ai ma cheville qui m’emmerde, et en plus je suis toute engourdie ! Dites, on est ou ici ? »

Je m’adresse à l’homme, tout en guettant l’autre ombre qui approche lentement. On ne sait jamais …. Des fois que je sois tombée sur un peuple aux mœurs étranges.

Je tends mon bras pour que l’inconnu puisse me tirer de là.

Après, les futilités.

J'aime pas beaucoup le ton qu'elle prend, la princesse.
Oh ! désolée votre altesse si les secours ce sont fait attendre. Non mais c'est vrai quoi, qu'est-ce qu'on foutait à ramer après avoir joué à prendre une douche de sang sur un bateau "hanté" pendant que madame s'était foulé la cheville ?!
Ça fait plaisir de sentir qu'on est pris pour un gros débile parce que madame qui à mal au pied depuis je sais pas combien de temps à trouvé que c'était devenu urgent qu'on s'occupe d'elle maintenant qu'elle savait qu'elle n'était plus seule sur cette île... ouais... merde c'est dur ça ! Ca fait combien de temps qu'elle est là et qu'elle a mal au pied ? Tu m'étonnes qu'elle veut qu'on s'occupe d'elle.
Et merde ! Je compatis.

Lui c’est Amadeus et moi c’est Loka, on est pas seul, d’autres sont, plus loin sur la plage, on pourrait peut être les rejoindre si vous vous sentez le courage de vous appuyer contre lui…

-Et si ça vous fait trop mal, j'peux toujours vous porter. On va pas vous laisser là quand même.

J'en fais pas trop là quand même ?!
C'est une fille ! C'est fragile ces ptites choses là. Faut en prendre soin.

A présent, j’arrive à mieux discerner, les traits de l’autre silhouette. Une femme, cela me rassures quelque peu.

Méfiance, encore et toujours …

*Mouais après on s’étonne que j’aie de problèmes relationnels avec les hommes …*

Elle-même, cette fille émet manifestement quelques réserves en ralentissant un tantinet l’homme qui me fait face. Je l’écoute parler, intéressant… Ils ne savent pas non plus ou ils ont atterrit ! Mais Bon sang, que s’est-il passé ici ? Y en a encore beaucoup d’autres ? S’en suis, mine de rien, les fameuses futilités.

« Même, au vue des circonstances ravie de vous rencontrer, je vous avouerais que j’ai bien cru que j’allais crever ici, sans personne comme dernière vision de la vie. Oh, oui, il y aurait eu Rowtag et … »

Je m’arrête un instant, consciente que certainement, ils en n’ont rien à battre de ma vie, alors, je finis ma phrase en me présentant. C’est ainsi quand cela fait plusieurs jours que l’ont à pas eu conciliabule avec qui que ce soit.

« Je m’appelle Hateya ! Très volontiers, si vous pouviez m’aider déjà à me mettre sur mes deux jambes, ce serait déjà pas mal.»

En effet, parce que je ne sais pas si mes deux jambes vont réussir à me soutenir, j’arrive même plus à dire depuis combien de temps je suis là.

L’espace d’un instant, je repense à celui qui m’accompagnait … Ou peut-il bien être ? J’espère qu’il ne s’en est pas sorti, sans quoi, je crains le pire pour nous survivants …

Je souris ensuite aux paroles de celui qui s’appelle Amadeus, la suspicion semble s’estomper quelque peu. Je me fais violence, puis me relève lentement. L’effort me fait tourner la tête, il suffit de peu, pour que je me chois brusquement. J’arrive de justesse à me retenir à un bras qui traîne par là.

« Ouf, merci, ne vous inquiétez pas, je vais essayer de marcher sans trop vous causer d’ennuis. Nous pouvons y aller ! »

J’espère juste que les fameux autres ne soient pas trop loin, ce n’est pas dit que j’arrive à tenir des lustres sur mes pieds.

Et bien c’est parti…

Visiblement Hateya n’a pas besoin d’être portée, un simple soutien suffit, ce qui est visiblement pas plus mal parce que je nous voyais mal visiter une île, en portant une personne.

Ils font un pas, puis deux, j’observe, analyse, et surtout je ne m’approche pas trop prêt au cas où elle dégaine un couteau sorti de nulle part. Je reste bien de l’autre côté, un peu en retrait pour les voir tous les deux, être sûre de les avoir dans mon angle de vue et que rien ne bondisse par derrière.

Un regard sur l’horizon…

Le jour se lève enfin, c’est pas trop tôt, on va pouvoir enfin découvrir les recoins de ce lieu…

Au loin je voyais déjà les formes des autres restés sur la plage.

Regardez ils sont là bas… nous ne sommes pas si loin finalement.