Il était une fois un cerveau, bien gentil, bien conservé ... Un cerveau qui n'avait rien demandé à personne : Après tout, son possesseur était mort, son corps dans une bien belle fosse commune en Afrique après une chic baston. La moindre des choses était bien de lui laisser un repos bien mérité, celui du guerrier !

Le problème, c'est qu'à l'époque des faits, le trafic d'organe est en plein essor. Un cerveau en bonne santé de mercenaire européen, ça n'a pas de prix. Alors donc que son cœur perforé était jeté aux rats avec son gruyère d'estomac, que son foie miraculeusement irait combler un alcoolique allemand notoire et que ses bijoux de famille rejoignaient la collection personnelle d'un chef de guerre nigérian, une bande de curieux scientifiques businessman achetait son cerveau avec celui de plusieurs dizaines d'autres personnages tombés aussi bien au combat que d'une balle perdue : Ils s'en moquaient bien, ils faisaient du stock pour les expériences.

Ce n'est guère que plusieurs dizaines d'années plus tard que l'on le ressortit du frigo pour le greffer dans un de ces bien beau corps mécaniques d'Orgiennes : Une des premières séries, du temps où la production de cerveau en batterie n'était pas encore au point et où l'on s'amusait à racler les fonds de tiroirs. Qu'importe, on regardait plus la plastique que le mental : Quelques puces, du câblage, on s'en accommoderait volontiers !

Ça dura un moment, mais comme il fallait s'y attendre dans le cas d'un robot évolutif, elle contourna ces maigres protections qu'elles avait appris à connaitre. Un afflux de souvenirs incontrôlés, incohérents, un fatras totalement anarchique : Sa famille, deux personnes, un homme et une femme, qui la regardent affectueusement ... Pourtant, cela se mêlait à cette usine dont elle était persuadée d'être issue ... Cet endroit verdoyant qu'elle voyait maintenant, qu'était-ce ? Ces passages dans une salle bondée, assis au milieu d'autres personnes à écouter un homme barbu gribouillant sur une plaque verte, qu'était-ce donc ? Un blanc ... La voilà qui était devant un homme peu affable, à gribouiller une inscription sur un papier, puis à ramper à ras-le-sol, puis la voilà au milieu du sable, des bruits assourdissants lui vrillant les oreilles, des gerbes de flammes, qui hommes qui s'effondrent. Puis, baignant dans un liquide rougeâtre, avec une sensation terriblement désagréable, pendant que d'autres hommes semblent la démembrer avec des instruments coupants ...

Réinitialisation : il était de retour. Le cerveau relancé, elle allait avoir un colocataire. Lui. Il l'avait surnommé " Petite Sœur ", Oktane aussi. Pourquoi ? " J'ai toujours rêvé d'appeler quelqu'un comme ça. " a-t-il répondu. Pourquoi un "k" ? " Parce que ça sonnait bien. ". Elle. Elle ne l'appelait pas, il était juste là, et n'avait pas besoin de le nommer. C'était juste un organique, un vieil organique.

Et maintenant ? Ils sont au N.O.D, sous un nom d'emprunt ...
Elle, comme ses sœurs, aspire à la liberté. Le berceau de l'oppression est donc une cachette toute trouvée.
Lui, il a toujours rêvé de se comporter en flic sans scrupule. Au moins, il sait se battre

Un seul corps, deux identités : Le signe distinctif ? Des yeux changeants, quasiment imperceptibles sous son épaisse tignasse : Depuis sa "remise en route", Il se distingue par une teinte d'yeux rouges lorsqu'il "est aux commandes", Elle, a les yeux bleus. La plupart du temps, ce sont des yeux vairons : C'est plutôt bon signe, Elle garde un oeil sur Lui.

[Orgienne]