Aujourd’hui j’étais seul à la maison, ma colocataire déjà partie vaquer à ses occupations, ou pas encore rentrée.
J’errais sans but du canapé à la cuisine, puis de la cuisine au canapé, jetant parfois un bref coup d’œil par les fausses fenêtres derrière lesquelles le paysage demeurait irrémédiablement figé.
Figé… cela me renvoyait à l’absurdité de ma situation.

Je m’étais figuré que la vie de rebelle serait plus exaltante.
Une réaction de gamin. J’eus un peu honte. Après tout on n’était pas exactement là pour s’amuser, les enjeux étaient réels. Alors, d’un côté, il était préférable d’éviter les action irréfléchies, les pertes et blessures inutiles dans notre camp. D’un autre point de vue… ça n’était pas en restant là à se tourner les pouces qu’on ferait évoluer les choses.
Bizarre… parce que Siobhan, ma colloc’, semblait être plutôt occupée.

En considérant le tout plus d’une seconde et demi cela paraissait entièrement logique : s’il y avait du boulot ce n’était pas au mec qui vient juste de débarquer et dont on ne sait pas grand-chose qu’on allait le confier. Il faudrait attendre un peu avant de me voir impliqué dans des affaires sérieuses.
Puis, comme l’avait suggéré Kim, chacun menait sa petite révolte, agissait pour troubler l’ordre à sa manière.

Soit… A cette condition je devrais réussir à trouver de quoi me rendre utile !

Parfait !
C’est ainsi que, motivé par cette perspective, plein d’une conviction nouvelle, j’enfilai une paire de gants, attrapai un sac et quittai l’appartement avec la ferme intention de … partir faire des courses.

Remplir le frigo ?!! Bonjour l’acte de rébellion hyper impressionnant…
Il y a des jours comme ça où mon cerveau coordonne mes actions et pensées de manière étrange.

Bref… ça aurait au moins le mérite de me faire sortir.

En me promenant dans les bas-fonds je n’eus aucune difficulté à dénicher une petite boutique. Commerce de proximité version hors-la-loi…

Je ne pouvais pas me permettre des folies, mais un paquet de pâtes et de quoi nourrir deux bouches pour ce soir c’était déjà pas mal et toujours appréciable.

Sur ce, j’allais m’en rentrer tranquillement lorsqu’une échoppe au coin de la rue attira mon attention. Sur un étalage s’entassait tout un fatras d’objets aussi divers que variés. Je remarquai particulièrement les pièces détachées, éléments robotiques, rouages et bouts de ferraille en tous genres.
Jouer au puzzle avec ce genre de composants, je savais faire, j’étais même plutôt doué pour ça du temps où j’exerçais dans mon usine minable (y avait pas si longtemps que ça).
Je pris en main une pièce métallique, la tournai puis la retournai en tous sens, réfléchissant à ce que je pourrais éventuellement en faire.

Euh… là normalement c’est pas le moment où on est censé avoir une espèce d’illumination ?
Genre idée fulgurante sur ses possibilités de carrière au sein de la résistance ; non ?

Ça viendrait peut-être, une fois que mon cerveau s’y intéresserait. En attendant il était focalisé sur la pièce métallique que j’avais en main : ça ressemblait à une articulation de bras robotique.
De mon autre main je saisis un deuxième objet. Tiens ? En bidouillant un peu ça ferait un bon… détonateur ?
Pourquoi est-ce que c’était cette hypothèse là qui m’apparaissait en premier ??

Un cyborg est discret. Une orgienne est conçue pour être discrète. Oktane, elle, était encore plus discrète qu'une orgienne. Une entité physique parfaite et intelligente attire les soupçons au milieu des orthodoxes et des insurgés. Les corps parfaits, ce n'est que pour les automates qui ont les moyens de se payer les gènes nécessaires. Pour les orthodoxes, on cherche les meilleurs gènes pour le boulot, c'est tout. Partant de ce constat, une asiatique sculpturale de plus d'un mètre quatre-vingt à forte poitrine et à cheveux longs attire irrémédiablement le regard. Collez-lui des bras et des jambes en nanocarbone de catégorie militaire, les noirs, ceux distribués quasi-exclusivement aux NODs. Un constat sera rapidement fait par la personne des bas-fonds à l’œil baladeur : C'est toujours une asiatique à forte poitrine, mais celle-là, c'est une cyborg du NOD qui pourrait m'empaler avec son bras si je tentais de la peloter. Et puis en plus c'est sûrement des faux ... Le constat de l'insurgé sera différent : Pan pan boum.

Reprenons donc notre cyborg qui, bien que pourvu d'un physique bien trop avantageux pour une humaine normale, ne peux pas être orgienne en raison de ses membres robotiques. Mettons-lui ... Un sweater gris à capuche avec rebords en fourrure blanche sur la tête ... Avec quelques motifs de fleur à tendance clairement tribals un peu partout, légèrement plus clair que le tissu du reste, parce que ça fait joli ... Une mèche violette qui couvre un des yeux ... Retirez l'aspect humain du second ... Oh, et puis du maquillage noir et violet ... Et puis un bandana vert à motifs au cou, parce que c'était tout mignon et que c'était en solde à côté du sweater ... Et puis tant qu'on y est, pour renforcer le côté rebelle, mettons lui un piercing à la lèvre ! ...

Nouveau constat de l'insurgé : Les NODs, ça n'a pas le droit de se maquiller, les Valkyries n'ont pas de prothèses bioniques et les Automates n'auraient pas si mauvais goût ... 'Tire pas, des fois que ça soit un pote ...

Oui, c'est caricatural. Un insurgé ne réfléchit pas autant des fois que son cerveau dépucé ne brûle, mais il aura fait une comparaison de l'image.

Et puis de toutes façons, on leur aura sûrement dit qu'une fille en sweater gris avait foutu un bordel monstre au Murphy's, et avais promis au tenancier un coït par fusil interposé.

Oktane, c'est donc la cyborg d'infiltration parfaite ... Justement parce qu'elle ne l'est plus. Ce qu'en pensait les sœurs ? Elle aurait bien aimé demandé, mais elle était trop absorbé par une sombre histoire de vengeance ... Et par son boulot de tueuse à gages aussi.

Il faudrait qu'elle pense à leur dire... Enfin, pour l'instant, elle est dans un magasin, à parler affaire avec un barbu basané et tout ridé, un espèce de voile sur la tête. Les bas-fonds, c'est un espace de liberté ! Pensez-vous donc qu'on pourrait remarquer une asiatique encapuchonnée là-bas ?..

Evidemment, puisqu'elle ne semble pas avoir intégrée un principe fondamental de la couverture : Une simple orthodoxe fraîchement dépucée ne peut pas être à la fois asiatique, jeune, belle, rebelle, ex cul-de-jatte manchot aveugle et parler couramment l'arabe ...

" Shoukran jazilan ... " Fit-elle d'ailleurs en sortant du magasin d'électronique "New Mecca of Electronics", avec même un léger accent d'Asie Centrale

Et puis elle prends le coin de la rue, pour percuter sans faire gaffe un bonhomme qui faisait ses courses.

" Ismahli ... " Qu'elle lui fait par réflexe en lui attrapant le bras pour éviter une chute malencontreuse. Sauf que lui, il a l'air moyennement arabophone, il est encore moins basané, et surtout il semblait aspirée par des bidules, dont un morceau de bras robotique ... L'inconscient, une contrefaçon fabriquée sur place ! Y'en a un plein bac ! Mais qu'espère-t-il donc trouver à moins de 5 crédits à l'extérieur d'un quincailliste arabe ?

" J'vous conseille pas du tout ces modèles-là ... Allez plutôt voir à l'intérieur, y'a de l'occasion de marque qui, au moins, n'explose pas quand on branche plus de deux câbles dessus. "

Oui, rectification : Une asiatique parlant arabe avec deux personnalités dont l'une prête à rendre service et piochant dans la base de donnée de l'autre, particulièrement calée en robotique puisqu'en étant fondamentalement un.

Les Orgiennes sont partout ! Tremblez ! Elles marcheront sur le monde, un étalage de camelote après l'autre ...

Je reposai le détonateur qui au final m’intéressait moyennement. Par contre je voyais déjà deux ou trois usages possibles pour l’articulation robotique. Avant même d’avoir pu juger de la qualité du matériel de base je m’imaginais le résultat.

Soudain, un choc. Je vis l’étalage de près, de très près. Les yeux écarquillés de stupeur j’avisais le tournevis qui pointait dangereusement hors du tas de bazar, à une dizaine de centimètres de mon nez.
Heureusement pour moi je ne mourrai pas aujourd’hui, ou pas tout de suite du moins ; quelqu’un avait eu la présence d’esprit de m’agripper le bras pour m’éviter la chute.
Quelqu’un avec une sacré poigne. Poigne de fer. Littéralement ?

Ce n’était pas exactement une main classique ou je ne m’y connaissais pas. Ceci dit… pas besoin de s’y connaitre plus que ça pour remarquer qu’on vous agrippe avec un membre qui ne semble pas vraiment composé de chair et d’os.

« Ismahli ... »

« - A vos souhaits. »
C’était sorti tout seul. Automatisme un peu débile face à des paroles prononcées dans une langue qui ne m’était pas familière.

Je me redressai et me tournai pour faire face à mon mystérieux sauveur… qui s’avéra être une sauveuse.

« J'vous conseille pas du tout ces modèles-là ... Allez plutôt voir à l'intérieur, y'a de l'occasion de marque qui, au moins, n'explose pas quand on branche plus de deux câbles dessus. »

Déjà passée à autre chose alors que j’en étais encore à détailler ses traits. Asiatique, aussi grande que moi si ce n’était un peu plus, des courbes avantageuses dont même le sweater qu’elle portait ne parvenait à dissimuler complètement l’intérêt.

*Dans les yeux, habituellement on regarde les gens dans les yeux, crétin ! *

Je ne m’étais pas montré trop insistant mais espérai tout de même que ma légère hésitation était passée inaperçue. De même que le petit tic nerveux qui avait brièvement étiré le coin de mes lèvres lorsque j’avais avisé celui des deux yeux de la jeune femme qui n’était pas dissimulé derrière une épaisse mèche de cheveux.

« - Vous avez l’air de vous y connaitre. »

Lançai-je avec un sourire une fois l’effet de surprise effacé.

J’examinai une dernière fois la pièce robotique que je n’avais pas lâché malgré le risque de chute, puis la reposai où je l’avais prise, en profitant pour déplacer le tournevis sur lequel j’avais manqué de finir embroché.
Je me baissai pour ramasser mon sac de courses qui lui avait bel et bien fini par terre.

Puis, je m’apprêtais à franchir le seuil de l’échoppe, m’adressant à la jeune femme :

« - Je serais curieux de savoir ce que vous avez à me conseiller… Vous auriez un peu de temps à m’accorder ? »


Brusquement je me souvins de l’éternel couplet sur la prudence que me réservait la facette paranoïaque de ma personnalité; facette qui la plupart du temps dormait sagement dans un coin de mon esprit et se réveillait de temps à autre pour la ramener.
On cause pas aux inconnus dans la rue, surtout ceux qui ont pas l’air nets et blablabla…

Discuter mécanique avec une jolie jeune femme dans une boutique remplie de bazar ? L’idée m’inspirait bien. Davantage en tous cas que retourner faire les cent pas à l’appart’.

Elle était tombée sur le péquin moyen. Le péquin moyen qui faisait ses courses. Elle lui sauve sa vie, et là, quand elle le tire pour lui éviter une hémorragie cérébrale, son réflexe est de regarder sa poitrine avec l'espace d'un instant. C'était certes Lui qui était une victime de la mode, mais c'était Elle qui, toute sa vie, avait été un pot de fleur désirable, qui voulait, maintenant qu'elle avait des sentiments, que l'on arrête de la regarder comme ça.

Il avait bien fait de relever les yeux, parce que le soupir clairement exaspéré que lâcha la cyborg signalait clairement qu'elle aurait bien testé le fait d'empaler quelqu'un avec son bras. Il sembla étonné de voir l’œil de la fille qui lui faisait face.

" Vous avez l’air de vous y connaitre. "

Là, pour Oktane, c'était l'alerte au lourdaud qui sonnait, car c'était dans "ses" souvenirs, le comportement de son colocataire avec ses premières conquêtes.

En plus il a le sourire. C'est la première fois que ça arrive à Oktane, encore fraîche et brute de décoffrage, mais ça ...

" Je serais curieux de savoir ce que vous avez à me conseiller… Vous auriez un peu de temps à m’accorder ? "

" Non, je n'ai pas de temps à vous accorder ... Il faudrait en fait d'abord que je sache ce que vous voulez ... "

Énorme soupir intérieur. Oktane pète littéralement une durite en interne. C'est son corps, et elle a pas envie de se faire reluquer par le premier glandu dont elle sauve la vie et qui semble plus intéressé par son physique que par ses propres emplettes ... Le cerveau humain lui, si il avait gardé un corps d'homme, aurait pu sans mal se faire traiter de grande folle avec ses frasques et ses nouvelles habitudes typiquement féminines ...

Les intentions de la jeune femme me parurent un rien confuses. Oui, je sais, avec le bordel permanent qui régnait en maître dans ma tête, je n’étais pas exactement le mieux placé pour juger de la clarté des propos de quelqu’un.

Pas de temps ? Donc non ?
Ce que je voulais ? Donc finalement oui ?

Ce que je voulais… Bonne question.

Il est vrai que l’articulation robotique m’intéressait beaucoup. J’en aurais bien acheté un modèle simplement pour le "disséquer", étudier la façon dont il était assemblé. Pour cela il m’aurait fallu une pièce plutôt haut de gamme, une technologie de précision, pas uniquement deux morceaux de ferrailles grossièrement assemblés à l’aide de trois boulons.

« - J’aimerais bien dénicher un modèle d’articulation pas trop bas de gamme. Quelque chose que je pourrais démonter, et pourquoi pas essayer de reproduire à différente échelle. »

Confiai-je à mon interlocutrice.

Être capable de comprendre le fonctionnement des techniques de pointe en matière de robotique s’avèrerait utile, et ce aussi bien d’un point de vue professionnel –si je pouvais m’exprimer ainsi au sujet de mes activités d’Insurgé- , que d’un point de vue plus personnel.
Je songeais par exemple aux trois doigts bioniques dont j’étais doté ; résultat hasardeux d’une expérience qui n’avait pas abouti. Travail bâclé aux composants apparents qui malgré la maîtrise que je commençais à acquérir me laissait sceptique. J’avais peut-être les moyens d’y apporter de légères améliorations… ou peut-être pas… mais je ne le saurais pas avant de m’être penché sur la question.

« - Serais assez curieux de voir comment ça marche. De quelle manière je peux appliquer ça pour optimiser le fonctionnement d’… … »

D’un ? D’une ? D’une arme ? Des de mes doigts métalliques ?
Mauvaise idée ce genre de révélations lorsqu’on ne sait pas exactement à qui on l’adresse.
Moment de panique.

J’avais trop facilement tendance à oublier de me méfier. Heureusement j’avais réagi à temps pour rattraper ma phrase…

« .. d’… de ma… machine à café ! »

… ou à temps pour passer pour un gros benêt.
Optimiser le fonctionnement d’une machine à café ?!!!
En un huitième de seconde je n’avais pas réussi à trouver plus convaincant.

« - En fait je… c’est pour le boulot vous voyez. »

Bredouillai-je, me raccrochant lamentablement aux dernières branches.
Pas entièrement faux ce coup-ci mais lamentable quand même.
Quelque part dans un coin de mon esprit, la facette sensée de ma personnalité me claquait la porte au nez, ne souhaitant plus être associée à mes conneries.
Toucher le fond et s’entêter à creuser de plus belle. Tout un art.

Une machine à café ? Avec un bras robotique ? Il la prends pour une conne ou quoi ? Si il disait la vérité, pas étonnant qu'il soit à charger du matos de qualité dans un magasin de la paillade.

C'est un regarde clairement pas convaincu que lui sert la cyborg. L'intelligence artificielle que l'on pourrait croire tordue d'Oktane irait même jusqu'à croire que ce type pourrait se révéler être un terroriste poseur de bombes et très mauvais comédien.

" Vous savez que vous êtes le dragueur le plus pitoyable qu'il m'ait été donné de voir ? "

En fait, pendant que la personnalité humaine se demandait bien dans quel foutoir elle avait encore pu entrainer le couple mental, le robot lui, agissait, et il faut dire qu'en relations humaines, Oktane n'avait pas reçu une formation particulièrement élaborée.

" Écoutez, si c'est pour reluquer ma poitrine avec un air de demeuré pendant un laps de temps supplémentaire à celui qui m'a permis de vous sauver la vie, j'apprécie très moyennement. Il y a à deux pas d'ici des Valkyries que l'on paye pour ça. "

Et elle soupira un grand coup. Elle n'allait pas non plus le laisser choir en passant pour une folle lunatique. Il y en avait un qui avait commencé à l'aider, elle devrait bien terminer.

" Pour ce qui est des bras de qualité démontable facilement, je ne vois pour vous que les modèles Icarus. Malheureusement, les seuls que vous trouverez en dehors des baraquements du NOD, vous les avez en face de vous. Inutile je pense de vous préciser que je suis peu résolue à laisser mes bras à un dragueur raté doublé d'un réparateur de machines à café incompétent, si tant est que vous ayez vu une machine à café de votre vie. "

C’était sans doute le moment d’arrêter de jouer au plus con. Il n’était pas nécessaire que je développe davantage ma démonstration (involontaire) concernant ce domaine d(e) (in)compétence.

Je n’avais pas envie de les voir de si près que ça ces bras robotiques, surtout si ce devait être la dernière chose à me passer par la tête. Littéralement.
A ce compte là le tournevis me paraissait plus acceptable… Quoique… Houla… j’avais de ces pensées morbides quand je m’y mettais…

« - Si je continue avec cette histoire de machine à café j’vais finir par voir votre main de plus près que prévu ; j’me trompe ? »

Constatai-je, essayant de détendre l’atmosphère, avec malgré tout une expression embarrassée.

« - Je voulais pas paraitre désagréable. Quand je vous demandais votre avis la seule chose que j’espérai obtenir c’était… ben… tout simplement votre avis en fait. »
M’excusai-je maladroitement.

J'avais été pitoyable, j'aurais difficilement pu le nier. Mais dragueur ? Ce coup-ci il y avait eu maldonne ! J’admets m’être égaré l’espace de quelques secondes, mais ça s’arrêtait là ; je ne pensais pas à mal.
De plus, avant de me mettre à draguer, ou quoi que ce soit de cet acabit, il aurait déjà fallu que je sois capable de parler à une femme sans frôler l’incident diplomatique. Autant dire que ça n’était pas gagné…
Mon regard n’avait pas été aussi insistant qu’elle le laissait entendre.

« - Dans mon esprit, lorsque je parlais de truc pas trop bas de gamme je songeais à quelque chose d’un peu évolué tout en restant dans le registre de ce qu’on peut trouver dans le coin.
Remarquez que je sais pas ce qu’on est censé pouvoir trouver dans le coin… Mais de la technologie en provenance directe du NOD c’est carrément d’un tout autre niveau. »

Puis… le NOD… ces gens là étaient pas censé flécher les gars comme moi à vue ?

L’optimisme invétéré qui me caractérisait se tuait à tenter de me convaincre que "technologie NOD" ne signifiait pas obligatoirement "membre du NOD". Cependant, même si je voulais m’y accrocher, cette hypothèse était peu crédible. Combien de chances de voir des membres robotiques de cette facture sur quelqu’un d’autre qu’un NOD ?

Extérieurement j’avais retrouvé un air calme, assez détendu même. Attitude contrastant totalement avec la panique qui grimpait en moi. J’espérais que mon affaire de machine à café passerait à la trappe. Je m’imaginais mal devoir justifier cette déclaration idiote en rétorquant que je cherchais d’éventuelles améliorations à apporter à l’armement des Insurgés, dont je faisais parti, voire en racontant mon histoire de doigts bioniques.

« - A tout hasard, et sans passer pour un dragueur de seconde zone, est-ce qu'y aurait quelque chose que je puisse faire pour justement vous faire oublier un peu cette première impression ? »

Étrangement, la peur de m’attirer de gros ennuis n’affectait pas ma bonne humeur.

Pour une certaine partie de la cyborg, l'échange était relativement divertissant, amusant même. Pour l'autre, ça tournait en eau-de-boudin

Là, la personnalité humaine aurait laissée échapper un sourire. Oktane, elle, restait de glace, montant simplement son bras à la hauteur des yeux de son interlocuteur. La "peau", si tant est que la surface métallique extérieure pût porter ce nom, s'ouvrit en deux, dévoila une lame rectangulaire aiguisée d'une bonne soixantaine de centimètres.

" Pour ce qui est de voir ma main de près, c'est une possibilité. Je n'espère pas en venir là. Le NOD n'aimant pas voir ses joujous en cavale dans les bas-fonds. "

Et elle replia le matériel, abaissant son bras ... Puis au dernier moment, elle projeta pour coller une gifle du plat de la main au "dragueur".

Il y en avait bien un à l'intérieur du corps qui aurait aimé balancer un " Goujat ! ", juste pour voir ce que cela faisait, mais cela aurait fait trop déplacé ...

" Voilà, vous êtes excusé. Maintenant, j'aimerais savoir ce que vous cherchez réellement, et votre nom accessoirement. Ce serait déjà un bon début, non ? "

Bien sûr, il lui avait dit, mais elle doutait. C'était ... Bizarre. Un "avis" ? Les organiques n'étaient pas capables de se décider seul ?