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Novlangue est un univers totalitaire inspiré de 1984 (G Orwell)

Ambiance Blade Runer, The Island, Total Recall, et tant d'autres où les libertés sont étranglées...
Chut! Big Brother... La délation est l'arme des cafards...
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Jude
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MessageSujet: ... plutôt par ici.   ... plutôt par ici. Icon_minitimeMar 7 Juin 2011 - 13:32

Arrivés d'Ici

Je suis Jude et je vole comme l’oiseau là haut, au dessus des arbres. Et celui sur la branche, il volera bientôt, il est petit. Il a peur du vide. Il trouve du haut le bas bien loin.

Ma première branche était haute aussi. J’ai marché sur elle jusqu’au bout, les yeux fermés pour ne pas glisser avec la peur d’en bas. Si haut l’en bas. J’avais peur et j’ai suivi ma peau sur l’écorce. La sensation d’être vivant sous les pieds. Sous la voute qui s’affaissait pour épouser la forme du tronc, la branche aussi épaisse que lui.
J’ai marché sans tomber, les yeux fermés, je me voyais au bout, déjà, et sauter, voler, le premier envol, mon premier vol en tant qu’oiseau.

Je battais des bras comme des ailes, des ailes sans majesté, sans couleur. Inutiles. Je volais d’un arbre à l’autre, d’une branche à l’autre. Sans me rompre le cou.
Plus sur de moi, plus hardi, j’ai poussé si haut là haut, vers les nuages et de l’un à l’autre, j’ai volé plus haut, la tête dans les nuages.

Et puis, je me suis réveillé.
Je n’ai pas dormi.
C’est en marchant. Ça me fait ça parfois. Je ne ferme pas les yeux, j’écoute ce qui se passe à l’intérieur. Et je m’envole. Je suis libre. Plus de toit sur la tête. Plus de mur autour du toit.

On a marché longtemps ? J’ai oublié. Je rêvais. Je volais. Là haut, dans les nuages.
C’était beau, c’était grand, j’étais libre.
Evidemment, je sourirais. Quelle question. Vous êtes étranges, vous savez ?

Je parle doucement dans ma tête. Je ne voudrais pas la réveiller.
Elle ne dort pas. Mais, elle rêve. C’est sur.
Elle est belle, n’est-ce pas ? Regardez-là, ceux qui en doutent. Mieux que ça !
Moi, je la regarde, maintenant que je ne vole plus.
Elle a gardé ma main dans la sienne pour ne pas me réveiller pendant que je ne dormais pas. Je trouve ça touchant.

Je fais la même chose. Je lui touche la main du bout de la peau, juste comme ça, un peu, pas beaucoup ou bien très peu. Il ne faut pas la réveiller ! Je l’ai déjà dit. Il faut suivre un peu !

Alors, tout doucement, je me mets à marcher sur la pointe des pieds. Comme ça, tout doucement comme un chat sur ses coussinets. Je ne suis pas un chat. Et je n’en ai pas, de coussinet.
J’ai l’air surement grotesque. Mais, quand on aime, on n’a jamais l’air grotesque. Si ?
Tant pis.

Je l’aime et j’ai oublié de lui dire. Je le ferai, quand elle ne dormira plus en marchant.
Je me demande dans quel rêve elle est.
Y a-t-il des nuages ? Du coton ? Des oiseaux tombés ? Et des nuages en coton pour que les oiseaux tombés ne se fassent pas mal.
Dans le mien, il y en avait. Je suis tombé sur un nuage de coton. J’aurais pu me faire mal.
Je me suis endormi sur le nuage. J’étais bien, c’était beau plus haut dans la nuit, au dessus du ciel, dans la lune et les étoiles, sur les vagues de poussières et les nuées d’étoiles qui filaient du coton.
Je dormais la tête en arrière, des étincelles plein les yeux et des nuages en cotons plein la tête, et des oiseaux tombés jamais blessés qui tombaient sur les nuages de coton.

C’était beau, c’était bien, j’étais beau et bien là haut. La lune souriait. Merci Elle, de lui avoir dessiné un sourire. Ça lui va bien, et je l’ai regardé sourire. Ce n’est pas pour rien, c’était bien. A ceux qui ne comprennent pas.

Je marche sur la pointe des pieds et j’ai l’air stupide. Mais, ça ne compte pas. Elle, dort. Et marche en silence. Elle est belle, Elle. C’est bien. Je suis bien. Je ne change rien. Tout reste intact. J’y veille.
Sa main dans la mienne et vis versa. L’une sans l’autre, ce n’est plus qu’une erreur à corriger. Le brouillon des doigts qui ripent quand le chemin devient caillouteux. J’accentue mes pointes de chat, pour amortir le chaos sous les pieds. Nos mains ne seront plus lâchées.

Je fais un tour d’horizon avec mon regard tout doucement, puisque je n’ai rien d’autre à faire. Il n’y a plus de mur. Plus de dôme. Plus rien qui empêche. Libres, c’est ce que nous sommes.
Je voudrais lui dire. Je voulais lui dire, et j’attends qu’elle se réveille. On ne doit jamais réveiller un rêve, même si on ne dort pas.

Elle est belle et plus petite. Je peux voir derrière Elle, quand on se regarde en face. C’est pour ça qu’Elle grimpe et grimpera toujours sur mes pieds. Quand on se regarde et qu’on se regardera.


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Kim Deale
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MessageSujet: Re: ... plutôt par ici.   ... plutôt par ici. Icon_minitimeMar 7 Juin 2011 - 21:56

Elle est mouillée. Elle est sale. Elle a faim. Elle a sommeil.

Elle s'en fout complètement : elle est heureuse.

Elle se remplit les yeux et les jambes du pays sans limite, celui qu'on peut arpenter en marchant toujours tout droit, sans jamais buter contre un mur. Elle se remplit les yeux du ciel, tellement pur et ouvert. Elle se remplit les yeux et le bout des doigts de lui, juste là, à côté d'elle, au même pas, pour... longtemps.

Terminé, les cigarillos. Partis avec le briquet dans l'eau de Novlangue, ou jetés en chemin, elle ne sait plus. Le monde lui balance trop d'odeurs sucrées en pleine figure pour qu'elle pense encore à un écran de fumée.
Terminé, la colère et les poings sur la gueule. De loin, très loin, ressuscite une Kim sereine qui a dormi longtemps. Comme dans un vieux conte interdit, il y a eu le baiser du prince.
Terminé, le deuil de celui qui avait rêvé du monde ouvert avec elle. Quand elle baisse les yeux sur sa main, elle ne s'étonne même plus de trouver si blanche celle qui l'enserre.
Terminé, les armures et les masques. Tout à l'heure au soleil, son corps était nu, symbole.

Elle pousse un grand soupir d'aise. Mal aux pieds, faim, fatigue. Quel bonheur !

Jude fait le chat. Elle rit, mais pas de lui.

Lorsqu'elle tourne la tête pour regarder en arrière, elle s'aperçoit que même le sommet du dôme a disparu sous l'horizon.

On s'arrête ? C'est bien, là.

« Là », c'est une étendue de mousse qui a l'air douce comme un nuage de coton. Nuage de coton ? Bizarre comme image...

Elle pense ajouter « C'est assez loin », mais s'abstient.
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MessageSujet: Re: ... plutôt par ici.   ... plutôt par ici. Icon_minitimeVen 10 Juin 2011 - 19:35

Mousse pas assez…

Je bafouille des choses et d’autres. Un peu comme ça, un peu là, et ici aussi. Je veux… autre chose !, tout et encore plus. Je butine !, d’une fleur à l’autre, c’est ce que je veux, être l’insecte qui porte la vie de l’une à l’autre. Comme ça.

J’ai lâché sa main, mais pas Elle. Elle est dans moi, là et là, et puis là et encore là. Je manque de là. Non, Elle est partout. Pas besoin de là. Je la vois dans les fleurs que je butine quand je me prends pour un insecte. Quand je vole, parce que je vole. Ça ne se voit pas ? Vous manquez d’imagination. C’est tout. Moi, j’y suis, d’une fleur à l’autre et c’est comme ça.

Je la vois sans là, mais ici, en plein dans le cœur au milieu du pollen et des pétales qui le protège.

Et par ici aussi, mais c’est plus dans une fleur. C’est Elle, la fleur. Oups, je suis en train de la regarder. J’ai l’air d’un bisounours ? Et si je dis… non, je ne dirai rien. Je ne ferai rien. Je laisse le majeur dressé pour celui qui en joue avec accord et reflex.
Moi…. Moi, je salue la beauté, la grâce, Elle. Courbée devant Elle et ses yeux plein de pollen et de pétales qui pétillent drôlement joliment. J’aurais pu rester courbé et épouser la position du V à l’envers pendant des heures. En chemin, en V à l’envers, j’ai croisé des fourmis qui vont et qui viennent un peu partout et pourtant si bien organisés. Je décide de les nommer Orthodoxe. C’est amusant. Je ne les avais pas remarqués sous le dôme et derrière les murs.

Je lui dis. A Elle. Sans me redresser parce que je reste fasciné. J’aime libre. Etre libre. Plus que tout au monde après Elle, libre, j’aime. Les fourmis organisés qui vont et viennent me fascinent. J’ai oublié les fleurs et leur pollen. J’y reviendrai. Plus tard, quand les fourmis m’auront conduit à leur nid. J’y coure. Je les suis les unes derrières les autres. Moi derrière. Sans les écraser. Je suis un géant, elles, lilliputiennes.

Ça vous fait rire ?

J’ai oublié de me retourner pour lui dire. C’est pas si grave. Elle est là, avec tous les là qui manquent et ceux que j’ajoute au fur et à mesure, comme la marche des fourmis qui s’ajoutent les unes aux autres pour former un défiler infini que je suis indéfiniment inlassablement jusqu’à ce qu’elles se lassent et cessent leur va et vient dans tous les sens organisés pourtant et malgré leur petitude et leur petitesse la file sans fin qu’elles forment à marcher comme ça sans jamais s’arrêter jusque… ouf ; un trou de fourmis. J’ai failli perdre le souffle.

Là ! Le souffle !, le vent, l’air, la vie sur la pointe d’un brin d’air frais !
J’ai oublié les fourmis et leur cortège, les fleurs et leurs pollens, et la vie qui s’en va et pousse de l’une à l’autre. Mais, pas Elle. Jamais. Elle est là, avec tous les là réunis dans un seul souffle. Le vent dans les cheveux, les yeux secs, les blés courbés pour le laisser passer, un salut des milles grains avant le pain, frais, croustillant comme la poitrine d’Elle et ses yeux espoir.

Je crois que je coure un peu partout dans tous les sens. Je découvre, j’aime libre et être.
Chemin faisant.

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MessageSujet: Re: ... plutôt par ici.   ... plutôt par ici. Icon_minitimeSam 11 Juin 2011 - 18:38

Mousse pas assez, mousse bien assez pour Kim. Elle s'assied, puis s'allonge, la joue sur son bras replié. C'est bien plus moelleux que son matelas du Mirail, fin comme du papier à cigarette.
Elle observe un moment Jude. Il va, il vient, le nez au sol, le nez en l'air. Il donne l'impression de vouloir tout voir, sentir, goûter en même temps. Il donne l'impression d'être heureux, très.

Ça vous fait rire ?

Oui ! C'est contagieux...

Quand il disparaît une seconde derrière un arbre, elle lui lance :

Jude ! Ne va pas trop loin !

Si elle savait qu'elle a pris exactement le ton d'une mère, elle en rougirait probablement. Mais Kim n'a jamais entendu de mère.

Il reparaît dans son champ de vision et elle s'apaise. Ses yeux cillent puis se ferment.

Dans son rêve, il y a un champ de blé dont tous les épis sont des balles. Il y a la lune et son sourire pastèque. Il y a Jude qui enroule une écharpe autour de sa taille, et enroule, et enroule, pendant des heures, en tournant autour d'elle. Il la regarde en tournant, et sourit, puis tire d'un coup sec sur l'écharpe et c'est au tour de Kim de tourner, tourner, tourner...
Plus tard, il lui tend une boule à neige où elle reconnaît Novlangue, toute petite. Elle agite la boule, mais il n'y a pas de flocons. L'eau devient seulement rouge sang.
Alors, dans son rêve, elle pleure un peu et il la prend dans ses bras. Il a la peau noire, mais c'est normal, c'est Jim. Elle lève les yeux sur son visage et s'aperçoit qu'il a des rides, des cheveux gris. Il lui sourit avec le sourire de Jude. Tout d'un coup, elle sait qu'elle aussi est vieille, qu'elle a vécu une bonne et belle vie avec lui dans ce petit appartement pimpant, semé d'épis de blé qui sont des balles. A table ! Jude enlève son cartable, s'assied devant son assiette et leur raconte sa journée à l'école.
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MessageSujet: Re: ... plutôt par ici.   ... plutôt par ici. Icon_minitimeDim 12 Juin 2011 - 18:41

Jude ? On m’appelle ? Maman… j’ai une maman ici ? C’est le paradis, alors. Je ne sais pas ce que c’est, une maman. Ça fait du chocolat, je crois. En haut, en bas, je sais plus. Quelqu’un l’a dit. Et parlait d’un papa. J’en ai un ici peut-être aussi ?
Je suis naïf, mais pas stupide. J’ai contemplé l’utérus de « maman » pendant des mois. Un bel utérus, de fer et de plastique.

Je grimpe aux arbres. Non, un arbre. Le premier venu. Pas le plus grand. Il faut savoir gouter avec parcimonie. En garder pour plus tard ? Non, c’est idiot. Comment se lasser de tout ça.
Je suis dans un arbre perché. Là, oui là, sur une branche épaisse, au feuillage trompe l’œil. Le soleil y échoue quelques rayons, des vrais et chauds. Sans métal et sans verre pour filtrer sa nature.
C’est encore mieux d’en haut. Le bas parait plus loin. Les fourmis comme un lacet laissé trainer par terre.

Kim ?

Je laisse un bras balancé dans le vide, au dessus d’elle. Près à être saisi au vol.

Elle rêvasse un air triste. Des regrets ou autre chose. La marge est infime entre les deux. Je fais parti du tableau, des souvenir et de l’avenir ? Ou bien me laissera t’elle comme elle l’a fait. Sacha.
Non… Elle a tenue sa promesse. Je vois le ciel perché dans un arbre. Je suis ébloui. Je pendouille comme un chimpanzé, le bras tendu vers Elle.

Attrape, saute, grimpe, viens…

J’ai dit tu ?
Il faudra trouver un prêtre.
Vous venez ?


Dépêchez !!

Il ne faut rien perdre.

J’ai envie d’Elle. Assis à califourchon sur la branche. Elle, blottie de dos. Contre mon torse. Dedans mon cœur qui bat, frappe, et tape en vrac. J’ai la poitrine remplie avec ce qui épouse l’impatience et le mot « liberté », les yeux ébahis, et la bouche qui brasse l’air pour faire des bulles invisibles. Je vois les bulles, et l’air, pas vous ?


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MessageSujet: Re: ... plutôt par ici.   ... plutôt par ici. Icon_minitimeDim 12 Juin 2011 - 21:09

Kim ?

Assis à la table du dîner, mon fils m'appelle, et par mon prénom ! Il faut dire qu'il me vouvoie, mon fils. Il est comme ça. Il paraît qu'il me dira « tu » quand on sera mariés.
Il n'est plus à table, il est perché dans l'arbre au-dessus de moi, équilibriste, main tendue. Il me tutoie. Ah, on est mariés ? Non, pas encore. C'est quoi, un prêtre ? Ah oui, un homme de l'ancien temps qui mariait les gens.

Je me lève, vaseuse. Il fait toujours l'acrobate au-dessus de moi, et sa main attend toujours la mienne. Intérieurement, je m'ébroue comme un chien mouillé. Une main dans la sienne, l'autre sur le tronc, une ranger dans un creux de l'écorce. Je suis près de lui. La branche est large, solide, rassurante. Lui aussi.
J'aimerais bien me blottir, dos contre torse, dans notre cabane de feuilles. Ça tombe bien, il ouvre les bras.
Le soleil dessine des taches de lumière autour de nous, entre les branches j'aperçois des petits bouts de champ de blé, façon puzzle. Je me rappelle mon rêve. Pourquoi des balles ? Il y a quelque chose qui va pas chez moi, putain, c'est pas possible... Et Jude avec un cartable d'écolier.

Je rougis et je pouffe, comme la gamine que j'ai été.
Je lui raconte, tout. Ça lui fera mal, peut-être, et à moi aussi, mais je ne veux plus de masques...
L'écharpe et la sinistre farce, la boule à neige et le sang, la famille idéale : un mort et un homme-enfant.

Ca veut juste dire que j'ai peur, tu crois ?

Réponds oui. Réponds oui.
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MessageSujet: Re: ... plutôt par ici.   ... plutôt par ici. Icon_minitimeVen 24 Juin 2011 - 10:08

Il fait beau dans les arbres, surtout celui-ci. Il est différent des autres. C’est un arbre simple. Il ne cache pas la forêt. Il se contente de s’harmoniser avec elle. Il ne se cache pas non plus derrière des beaux discours pour se faire flatter la croupe. Il n’en n’a pas besoin. Il est là, et certains pourraient dire qu’il a toujours été là. Pourtant, tout le monde ne le voit pas forcément. Il y a tant d’arbres autour de lui.

C’est un arbre posé là. Devant la scène de la forêt, à l’orée d’elle, presque une introduction, un préalable à toute la grâce qu’on y trouvera derrière. Dans tous ces arbres, il y a lui, et il annonce ce qu’on peut devenir plus tard, en grandissant. Beau et fort, et là, oui dans celui là, viendront se percher des égarés, des êtres qui ont trouvé ce qu’ils cherchaient, ou d’autres, qui n’ont pas encore trouvé.

C’est un arbre qui n’a pas peur des autres. Il est en devanture. En première loge diront les plus médisant, au front diront les plus éveillés. En tout cas, il est là, et il ne se débine pas.
Au quatre vents, au gré du temps, il est là, posé, racines fermement enterrées. Prêt à tout affronter, sauf la connerie des Hommes. Nul arbre n’est à l’abri d’une hache, d’un coup dans le dos aussi traite qu’un manque de courage absolu. Nul arbre n’est à l’abri d’un coup fatal. Mais, c’est une autre histoire. Une histoire de gâchis et de crachats. De visage blêmes et de sourires déchirés. De tricheries, duperies, mensonges et compagnie. D’une hachure de salive sur la joue qui sillonne ses traits, ses aspérités, sa douceur et ses contours, sa délicatesse et le molleton d’une tendresse, ce qui fait qu’on aime y refugier un baiser, un baiser tout simple et sans mentir. En tout cas, rien qui ne vaille la peine de noircir le feuillage d’un arbre aussi beau, et pourtant si modeste devant la scène des autres, ces arbres enlacés, blottis les uns dans les autres, appuyés, calés, serrés, et tremblants, finalement.

C’est un interlude, une pause dans la mélodie discrète d’un baiser de Jude dans le cou de Kim. Mademoiselle pour lui, Jude, tête en l’air et jambes pendues dans le vide sous la branche. Aussi accroché qu’il le faut pour ne pas tomber et emporter dans sa chute, Elle.
Elle qui lui plait. Elle qu’il aime parce qu’elle est devenue ce qu’il voulait sans l’avoir imaginé. Elle, qui a gommé les vilains leurres du temps d’une autre elle, morte de pas avoir existée. Disparue, les chiens écrasés, la rubrique d’un canard à l’orange estival, coincé entre Pigalle et le pont des déchus, entre incisive et incisive, un bout de viande coincé là et craché pour respirer mieux au grand air ou dans les combes. Triste à mourir. Désespérant d’inutilité. Ennuyeux par essence. Elle, l’autre, n’est plus qu’un tas de cendres dans la mémoire calcinée.
Du vent, du balai, bon vent, c’est ce qu’il faut, c’est mieux, c’est dit, c’est bien. C’est ça, merci.

Derrière, il y a un sourire ? Non, des sourires conjugués au pluriel, dans un arbre, perché.
Comme un oiseau sur la branche, Jude sourit. Heureux, et libre. Elle contre lui, son torse où bat un cœur propre et nu. Ses bras l’entourent comme les racines s’enlacent, et s’approfondissent en son sein. Comme elles s’accrochent et s’y accrochent. Comme d’un objet précieux qu’on ne veut pas abimer, ternir, ou défaire un sourire, un rire, une larme du bonheur, une inspiration magicienne et qui soulage d’une tristesse passante, comme ça, du bout des cieux, un regard perdu, un soupçon de pas grand-chose, des mots qui braillaient pour faire sérieux. Mais qui n’avaient que l’illusion d’être roi. Ou reine. Ou princesse. Ou importante. Ou quelque chose. Rien de plus qu’un postillon dans l’embrasure d’un ciel sans nuage.

Une ligne au coin de la lèvre. A sa commissure, contagieux jusqu’à sa symétrie, son opposé, le sourire qui ne s’efface pas, qu’on n’efface pas. Jude l’a. Il vient d’Elle.

Il sourit des beaux mots à la pointe d’une plume, d’encre et de tableau noir. Ces souvenirs qui ne lui appartiennent pas, mais qu’il prend comme on vole ce qui aurait du nous appartenir. Un juste renvoi au temps dévoyé. Loin de l’utérus en métal, il tient entre ses bras son pupitre d’écolier, sa craie et son ardoise, celle qui lui donne la vie, des souvenirs plein les yeux, des rêves entre les mains posées sur le ventre d’Elle. L’espoir, là, à l’orée de la forêt. Le devant de la scène, assis sur la branche, au milieu des fauteuils d’orchestre et des bruissements de feuilles.

Il efface, gomme l’air triste et la question obsolète restée suspendue avec l’air du temps, l’instant présent et porteur de ce qui ne peut qu’être mieux que l’histoire terminée, là bas, derrière les murs et le dômes encore frissonnants sous la peau d’Elle.
Il embrasse son cou et s’endort le front posé sur son épaule. Il fait semblant de dormir, bien sur. Il reste près d’Elle en attendant qu’elle ouvre ses yeux.



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MessageSujet: Re: ... plutôt par ici.   ... plutôt par ici. Icon_minitimeVen 1 Juil 2011 - 13:48

Elle, la nuque posée sur l'épaule terre d'accueil, a dormi sans nouveau rêve. Ou alors, peut-être, des ours de toutes les couleurs, avec un dessin sur le ventre, qui batifolaient dans les nuages. Et un majeur dressé.

Plus tard, elle ouvre ses yeux menthe et sourit à rien, au jeu de la lumière dans les feuilles, aux bras autour d'elle. Un oiseau, un vrai, vient se poser sur une branche tout près, et l'inspecte. Elle se repaît de son œil rond, de ses mouvements de tête saccadés, de son ramage et de son plumage.

Hé, c'est pas de l'eau, là-bas ?

Elle se dégage doucement et saute d'un bond sur le sol. Plus loin, là-bas, il y a une rivière. Ou bien on dit ruisseau ? L'eau lui envoie des reflets métalliques dans les yeux, une odeur fraîche dans les narines, une promesse alléchante. Elle est si pure qu'on voit le fond, petits cailloux polis sans reflets d'arc-en-ciel.

Doucement, posément, Kim retire à nouveau ses vêtements encore humides, les aligne sur la berge au soleil, entre dans l'eau au pas de promenade. C'est si bon qu'elle en mourrait. La tête renversée en arrière, elle fixe le ciel sans le voir, concentrée sur ses sensations.

La fin est par là...
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