Lost

- Putain, Flynn, t’es un vrai con !

- Ca va, mec. Stresse pas ! T’oubli que la ville est dans un dôme, tu va forcément un jour retrouver ton chemin.

- Un jour ? C’est fou ce que c’est rassurant…. Attends ! Là-bas y’a quelqu’un. Je vais lui demander la route.

Je baisse mon téléphone, prend un air des plus innocent et me dirige d’un pas rapide chez l’inconnu.

- Bonjour ! Je m’appelle Lewis Golden. Je suis mentaliste. Je cherche la route pour retourner…

Sans attendre la fin de ma phrase et après m’avoir regardé de haut en bas, l’inconnu se barre en trottinant et en me lançant des petits coups d’œil affolés.

- … au temple… Ok ! Merci ! C’est sympa ! Flynn ? Cet endroit me file la chair de poule. Y’a des gens louches qui se promènent ici.

- Tu ferais mieux déguerpir vite fait. C’est peut-être le qu… Tuut tuut tuut…

- Allô ? Flynn ? Eh merde… Plus de réseau…

Me voilà seul dans un quartier super louche. Génial… Et maintenant je fais quoi ? Je me promène ? En même temps c’est la seule chose qu’il me reste à faire… Alors je me mets en marche.

Voilà ce que ça donne quand on fait un bon de cent an, qu’on connait plus la ville et qu’on compte sur un ami – qui n’est même pas présent – pour nous indiquer une station essence parce qu’on est tombé en panne au beau milieu d’un endroit qui nous est parfaitement inconnu : on se paume. Alors on espère que y’ait quelque chose d’indiqué quelque part, mais non. Pourtant le temple, il est important.

Donc en gros, ma situation actuelle est la suivante : je suis seul, perdu dans un quartier vraiment bizarre, avec des personnes vraiment bizarres, je ne sais plus où est ma voiture et je ne sais pas comment rentrer chez moi. Manquerait plus qu’un type me vole tout, du porte-monnaie aux vêtements.

Tiens, on dirait qu’il y a du monde là-bas. J’accélère le pas et débouche dans une grande rue où y’a quand même un peu plus de monde. Bon, maintenant, il faut que je me fasse discret. Je pari que ça grouille d’insurgés. Rien que d’y penser, ça me donne des frissons. Si ça se trouve, je vais encore croiser un de mes kidnappeurs.

Bon, Lewis, arrête de te faire des idées. Y’a plein de monde ici, tu ne vas quand même pas te faire enlever dans toute cette foule… Alors pour éviter les ennuis :
- règle numéro une : ais l’air normal, stresse pas, donne pas l’impression d’être paumé ;
- règle numéro deux : en aucun cas tu dis que t’es un mentaliste ;
- règle numéro trois : suis bien les règles une et deux.

Eh bien… Je fais quoi maintenant ? Je demande mon chemin ou pas ? Ouais mais si je dis que je veux aller au temple, ça dit que je suis mentaliste… Faut peut être que je demande un autre truc où tout le monde peut aller… Et puis merde !

Je choppe le bras du premier venu et lui dit :

- Eh ! J’voulais savoir, je suis où, là ?

Clash ! Deux règles brisées …

- Hein ?

Il parle quelle langue celui là ? J’ai compris que dalle et en plus il a l’air de se foutre de ma gueule. Tu vas voir, je vais tout de suite te foutre un pain dans ta tronche mon vieux !

- Eh bin alors mon chou, on a perdu son chemin ?

Finalement non... Je relâche le petit bridé et regarde ma nouvelle interlocutrice de haut en bas. Elle est plutôt jolie malgré son côté garçon manqué. Mais c’est pas pour autant que je ne vais pas me méfier. Qui sait, c’est peut être une de c’est femme qui vous drague, vous mène jusqu’à son pieu et au final se barre en douce avec votre porte-monnaie.

Alors je me passe une main dans les cheveux – manie stupide quand je suis nerveux – et lui rends son sourire.

- Ben… En fait, ouais. Je suis tombé en panne quelque part dans le coin et… je sais plus où j’ai ma bagnole, ni comment rentrer chez moi à partir d’ici… Alors… Euh… Si vous pouviez déjà me dire où est-ce que je suis, ça serait un bon début.

Non mais à quoi elle joue, là ? Voilà qu’elle me prend le bras en me proposant de visiter Chinatown et sa chambre. Et puis quoi encore ? Si ça se trouve c’est une petite manip’ discrète pour me chourer pour portefeuilles sans se faire remarquer. Mais là ça va pas aller. Je suis un mentaliste moi, un vrai de vrai. Je ne vais pas me laisser faire.

- Chinatown vous dites ? Je ne suis jamais venu par ici – c’est à se demander pourquoi. C’est gentil de proposer mais je n’ai pas vraiment le temps de visiter cet endroit. Une autre fois peut-être.

Petit sourire embarrassé puis je me dégage et commence à marcher. Mais d’un coup je me retourne vers elle et continu de marcher à reculons.

- Au fait, moi c’est Lewis. Enchanté.

Ben oui, faut bien être poli parfois.

Après m’avoir dit à tout à l’heure, Kim me présente un point de repère pour que je puisse la retrouver. Et puis quoi encore ? Elle s’imagine que je vais revenir par ici pour lui dire coucou ? Nan, moi, je vais retrouver mon chemin, rentrer chez moi, et ne plus penser à tout ça. Mais j’oublierai après avoir remercié Flynn.

Je tourne donc le dos à la noire et m’en vais en lui adressant un petit salut.


Ainsi donc j’ai tourné encore et encore et encore dans les rues étranges de Chinatown. Et après m’être perdu, reperdu, re-reperdu, et après avoir demandé, redemandé et re-redemandé mon chemin – tout en sachant que les deux tiers des personnes ne parlaient pas ma langue et le tiers restant répondait à côté de la plaque – je suis retourné tant bien que mal – parce que je me suis encore bien paumé avant d’être arrivé à mes fin – sur mes pas.

Je m’arrête à une dizaine de mètres de l’immeuble au gigantesque néon et je regarde au loin, cherchant Kim du regard. Une fois que je la repère, je prends une grande inspiration et traverse le peu de distance qui nous sépare. J’évite de la regarder parce que j’ai un peu honte.

- On peut dire qu’on ne s’est pas perdu de vu pendant très longtemps. Personne n’a pu m’aider. ET – je tiens tout de suite à le préciser – vous n’aviez pas raison : je ne me suis pas re-paumé parce que je n’ai jamais cessé d’être paumé.