« Rhaaaa ! Bordel ! Éteins-moi ce foutu réveil ! »

Le matelas valsa et Roque se retrouva dessous.

« Tu vas pas me dicter ce que je dois faire non plus ! maugréa son père. Y'en a qui bossent ici ! »

Le garçon plissa les yeux quand l'ampoule qui pendait au plafond par son fil dénudé grésilla avant de faire fuir définitivement la pénombre.

« T'as vu qu'elle heure il est ?! Tu pourrais quand même faire moins de bruit ! »

« C'est toi qui va faire moins de bruit si tu ne veux pas recevoir une raclée. »

« Essaie pour voir... » grommela Roque en réajustant son vieux matelas et en enfouissant sa tête sous les couvertures.

Mais les ronflements de sa mère juste à côté finirent par réveiller tout à fait Roque sans aucun espoir de sombrer à nouveau dans le sommeil. Il se leva en s'étirant bruyamment et vint s'asseoir à l'autre bout de la table, en face du paternel, qui avalait machinalement ses pilules alimentaires d'un air morne.

« Pourquoi tu continues à te faire chier à l'usine ?  T'étais pas bien chez les NODs ? »

« J'ai pris ma retraite. Je te l'ai dit cent fois. Fin de la discussion. »

Roque fit la moue. Il jeta un œil vers sa mère qui continuait à vrombir tout son saoul, la bouche largement ouverte.

« Pourquoi c'est pas maman qui irait travailler à ta place ? »

« Laisse ta mère tranquille. »

« Elle fout jamais rien à part se plaindre et répéter qu'elle va partir. »

« Fous-moi la paix avec ça. Ça te regarde pas. »

« Un peu que ça me regarde ! Où est-ce qu'elle veut aller d'abord ? »

Son père se leva sans rien lui répondre, se dirigea vers la douche. Une fois qu'il entendit l'eau couler, Roque alluma une cigarette qu'il préleva de sa planque, sous une latte disjointe que dissimulait son matelas.

« ROQUE ! beugla son père depuis sa douche. Je sens cette saleté d'ici ! Tu vas m'éteindre ça DE SUITE ! »

« Eh, quoi ? Si ça me fait plaisir ! »

Son père déboula, encore dégoulinant, la taille enserrée par une serviette de bain qu'il tenait d'une main, l'autre brandie en direction de Roque. Ce dernier bondit de sa chaise qui valsa deux secondes après et, sans demander son reste, attrapa ses affaires qui se trouvaient roulées en boule sur le sol et quitta le minuscule appartement vétuste en courant. La porte claqua derrière lui.

Il se retrouva dans la rue en caleçon et démêla ses vêtements avant de les enfiler à la va-vite. Il renifla bruyamment. Une douche n'aurait pas été de trop, s'il n'avait pas eu la bonne idée de faire enrager son père une fois de plus.

« Merde, ma clope ! »

Il avait dû la faire tomber dans sa course. Il fouilla ses poches. Rien. Il ne lui restait plus qu'un seul endroit pour s'en procurer. Bien qu'approcher ces mutants dégoûtants avait le don de le répugner.

« Si y'a plus que ça à faire... En route pour le Mirail. »