Difficile de me rappeler depuis combien de temps je vis reclus dans cet espace pourrave.
Je notais au commencement les heures, les jours, l'impression que je me faisais du temps qui passe.
J'ai vite perdu le fil. Tant mieux ! J'avais mieux à écrire et c'est ce qui m'a aidé à douter de ma propre existence.
Je croyais construire un univers contre le cours de ce monde détraqué par l'oppression.
J'avais le sentiment de maîtriser l'absence, la mienne, celle des autres, l'absence de tout monde.
Mon espace devenait l'action, le lieu unique.
Mais je suis moins vivant qu'avant, disparaissant et pourrissant dans mon non-espace.
Je ne suis plus rien, moins qu'un moins que rien (est-ce possible!) mais ce que je suis devenu est encore malgré tout possible grâce à ce monde que je rejette et exècre. Quelle illusion d'avoir cru être réel sans lui.
Impossible de sortir des cercles.
C'est le prix à payer de l'opposition sans compromission et nuance.
Je gratte : "opposer une non-existence nouvelle à tout le reste à cause de cette machine qui broie les êtres, c'est ridicule, trop immobile".
Certes le temps évanescent a grillé mes repères.
Les innombrables boîtes de médecine obscure vides qui jonchent le sol, quelque autre substance de l'enfer mais d'enfer avouons-le et les repas lyophilisés identiques et sans saveur sont là pour le prouver.
Mes réserves s'épuisent, je fais maigre chère, je peux maintenant me contenter d'une gamelle par jour, je devrais être sec comme un clou ; mon corps n'a pas bougé, non plus que ma rage.
J'hurle : "je veux m'opposer au-dehors et lutter, rien à foutre, mon âme, elle, saura à chaque seconde jouir du vide tel que je le vis exclusivement aujourd'hui".
[INSURGES]