Tout cet attroupement dans le hall d'entrée, ce n'est vraiment pas pour moi. Par chance, je connais les plans de ce genre de coquille par coeur. Je passe discrètement sur la gauche du Hall pour éviter la foule et arrivée sur les coursives. Donc direction le bar en bord de piscine en évitant les coursives trop encombrées bien entendu.

L'endroit est encore désert. Le paradis. En fait, l'idée de la croisière est pas si mauvaise que ça, je remercierai peut être celui qui me l'a offerte si je le rencontre un jour. Par contre, j'aurais juste dû me réserver le paquebot pour ne pas avoir à supporter les autres croisiéristes qui risquent de me gâcher mes vacances.

Le Bar... Pas de barman? Ça promet le service pendant la traversée si même à l'arrivée le personnel n'est pas à son poste. De toute façon s'est principalement le calme que je cherche plutôt qu'une quelconque desaltération.

Je m'installe donc sur une chaise longue et ferme les yeux pour profiter du peu de calme qui m'est offert en ce lieu. Une fois le navire en mer, le bord de la piscine sera bondé, bruyant et insupportable.

Une petite musique d'ambiance antillaise tourne derrière le bar. L'eau de la piscine à débordement clapotte doucement. Je vais peut être m'endormir moi dans ces conditions. Du moins tant que personne ne vient me déranger.

Les verres ? Alignés en pyramide brillante. Les shakers... Ils brillent comme des soleils. Les palmiers et les p'tits parasols ? Ils sont tous bien rangés. Les bouteilles... Magnifique, toutes là, par année, type d'alcool, couleur de bouteille et...

Oh.

La première cliente.

Isaac redresse son noeud pap, dépose son petite serviette blanche sur son bras *trop stylé !!* et s'approche de la dame.

- Mademoiselle désire quelque chose de particulier ? Bloody Mary, Pink Paradise, 3 p'tits chats, Lady Sweet... Pour vous mettre en bouche pour la traversée !

La tranquillité n'aura pas duré très longtemps. Il faut croire que le barman ne devait pas être si loin que cela et qu'il m'a vu arriver. Dommage, j'étais bien moi seule au bord de la piscine. Mais un verre rajoute au plaisir je pense. Donc c'est un mal pour un bien.

Je ne prend même pas le temps de relever la tête quand le barman arrive et reste bien cachée sous mon large chapeau pour garder l'anonymat. Ce qui explique que je n'ai pas vu arriver ni s'installer l'homme à coté de moi.

Il commande à ma place... Un Mojito... Moui, j'avoue qu'il a tout de même bon goût. Et à vraie dire je crois que c'est ce que j'aurais choisit s'il m'en avait laissé le temps.

Je relève doucement la tête quand il se tourne vers le barman pour lui demander de quoi grignoter avec les verres et j'en profite pour le détailler un peu. Il a un certains style. Costume sur mesure taillé dans une soie sauvage apparemment. C'est peut être bien lui qui m'a invité sur cette croisière... Qui sait...

En effet, je ne refuserai pas de quoi grignoter...

Et c'est Mademoiselle, Monsieur... ?

Luciano. Lucky Luciano.
Appelez-moi Lucky.
On n’a pas encore bu dans le même verre, mais on est déjà intime non ?

Je plaisante.
Et vous êtes ?

Je baisse le menton et je lève les yeux pour essayer de voir si je peux distinguer un visage dans l’ombre de son chapeau. Je vois rien, rien du tout. Et déjà ça m’énerve.

Lucky… c’est pas le genre patient. Pas le genre à se laisser écraser les pieds, et pas le genre à trinquer s’il n’a pas vu le regard de son invité. On apprend beaucoup du regard. Et lui, Lucky Luciano, il apprend beaucoup du regard, il sait lire dans les regards et les décrypter pour savoir qui se cache derrière, et s’il peut faire confiance ou pas. « c’est le métier » dirait Giuseppe. Toujours savoir qui est en face, et derrière soi.

Giuseppe, c'est moi, le porte-flingue de Lucky, son bras droit, son frère d'arme et de sang. C'est moi qui raconte, d'accord ?

Alors, Lucky, il dit comme ça : « Dites, vous pourriez l’enlever que je vois à qui j’offre un verre ? »

Et il accompagne sa phrase, qui ressemble à une injonction courtoise, d’un geste de la main, une… incitation comme ça là, mais sans la moindre hésitation. Lucky ne tremble jamais, ni de la voix, ni de la main.

Apres, on trinque.

Luciano. Luciano.

Ça me dit quelque chose ce nom. Je ne me souviens pas ou ni quand mais j'ai déjà entendu ce nom quelque part... Un associé de Père peut être? Non, je ne pense pas, sinon il m'aurait déjà reconnue. Quoi que... J'ai choisi le bon chapeau là pour cacher mon visage.

Ce qui semble le déranger d'ailleurs. Le frustrer peut être? Mais enlever mon chapeau ça jamais. Non seulement je ne souhaite pas me faire remarquer ni reconnaitre par des furies liseuses de tabloïds en tous genre, mais surtout c'est bien plus drôle de garder une part de mystère, surtout quand on ne connait pas la personne. A mon sens ça ajoute du piquant à un rencontre après... S'il n'est pas de cet avis...

Navrée mon cher Lucky, mais je souhaite garder un minimum d'anonymat et donc de tranquillité pendant cette croisière, si vous voyez ce que je veux dire. Aussi, et tant que je le pourrais, je garderais mon chapeau. Ne vous en déplaise...

Je relève lentement la tête pour croiser un instant nos regards, le jauger un peu et rabaisse de nouveau la tête avant que le barman ou l'un des passagers qui commencent à se diriger vers le bar ne puisse me voir.

Apellez moi Mademoiselle, juste Mademoiselle...

Pour l'instant...

Ouah.
Pas commode, le monsieur.

Petite courbette, sourire Ultra-Brite de toutes ses 42 ratiches, et Isaac va préparer les commandes.

Il revient quelques instants plus tard.


- Un Mojito pour Mademoiselle -avec une jolie ombrelle... Un whisky sec pour Monsieur... Et des zakouskis. pour tous les deux. Vous désirez autre chose ?

Grand sourire plein de quenottes luisantes.

Il suffit de demander. Maintenant, je vois son visage, à peine, le temps d’un regard. De quoi me faire une idée. Elle, n’est pas dangereuse. Pas pour moi.

Ça va, tout va bien, on peut continuer la conversation et on va trinquer pas vrai ?

Vous avez, de jolis yeux, vous savez ?
Je le dis, parce que je le pense. Je cherche pas à vous séduire, même si vous avez tout ce qu’il faut pour me plaire. J’ai… disons quelqu’un. Ça va comme ça ?

Et… je suis trop direct peut-être ?
Je le suis toujours. J’aime pas passer par dix chemins avant d’atteindre mon but. C’est mal, vous trouvez ?

Le serveur, pourquoi il me coupe la parole ? Pourquoi, il débarque avec son sourire imbécile quand moi, je parle ?
Oh, c’est une dame, on dérange pas comme ça !
J’ai demandé à grignoter, pas à ce qu’il m’annonce le menu. Ça va, j’ai des yeux, je vois bien ce qu’il me colle sous le nez.

Je lui dis pas, je dois rester discret. Pas de scandale dirait Giuseppe. Alors, je lui souris, surtout à elle qui a déjà baissée son chapeau. Tant pis, pour ses jolis yeux.
Et même, je suis poli, je lui dis merci et j’ajoute un autre sourire. Mais, petit le sourire.
Faut pas non plus exagérer, il dérange quand même.

Non, ça va, on désire plus rien.

Je lui dis en levant mon verre dans la direction de… mademoiselle. Pour trinquer.

Il me raconte sa vie, mais je ne sais pas trop pourquoi?

J'ai des beaux yeux. Oui merci. C'est pas une tentative de séduction, j'ai déjà quelqu'un. Non, non, bien sûr, on me l'a jamais faite celle là encore...

Bref, quoi qu'il en soit sa compagnie n'est pas mauvaise, il n'est pas entreprenant et pas chiant, si ce n'est qu'il parle peut être un peu trop mais il parait que c'est comme cela que les gens civilisés font connaissance. Moi en général j'évite de faire de nouvelles connaissances, mais on va tenter de faire un effort pendant la durée de la croisière.

Enfin... Si ils sont tous comme lui...

Vous êtes peut être direct, mais au moins vous êtes francs et ne tournez pas autour du pot pendant des heures. Ce qui se fait rare de nos jours...

Je prend le verre de Mojito que le barman a apporté... Ça ressemble à tout sauf à un Mojito en fait... Et les feuilles de menthe elles sont où?

Lucky me tend déjà son verre pour trinquer... Pas le temps d'inspecter ni ne renifler ce qui se trouve dans mon verre et qui me parait plus ressembler à un Mojito tout préparé de supermarché qu'à un Mojito fait maison avec des feuilles de menthe fraiche...

Je trinque donc avec Lucky, en relevant lentement la tête pour croiser son regard une fois de plus au moment ou nos verres s'entrechoquent. Question de politesse tout de même, toujours regarder dans les yeux la personne avec laquelle on trinque...

A cette croisière? Puisse-t-elle être agréable et reposante...

Je porte mon verre à mes lèvres et goute enfin ce soit disant Mojito... Moué, ça se boit mais... Je crois que je n'y reviendrais pas pour le deuxième verre.

Mmh... J'ose espérer que votre Whisky est meilleur que ce Mojito...

Mais sinon dites moi, votre "amie" ne vous a pas accompagnée? C'est dommage, un croisière c'est réputé pour être romantique...

J’ai parlé d’une amie ?
Non, j’ai dit « quelqu’un »
Vous êtes trop curieuse. Heureusement, vos jolis yeux vous excusent.

Je sais, je suis pas gentil, mais la gentillesse est un luxe. Et je m’ennuie, elle m’ennuie à poser des questions sans intérêt. De quoi je me mêle ? Est-ce que je lui demande si elle est mariée ? Le numéro de son compte en banque ? Et son amant, il porte à gauche ou à droite ?
Non, je lui demande pas. Ça je le saurais si je veux, quand j’aurai besoin de le savoir.

Je trinque, et j’avale cul-sec, je descends mon whisky comme on descend une pente raide. J’ai pas soif, j’ai envie de tuer le temps en attendant…
Il n’y a pas grand monde ici, pas encore. Je la cherche. Elle est pas là, pas encore. Elle viendra, je le sais.
Alors, je tends la main et mon verre vide vers le barman et son sourire imbécile. Qu’est-ce que je peux faire d’autre ?
Oui, ça aussi, je peux.
Je sors de ma poche une petite boite métallique. Dedans, le nécessaire de voyage : une petite plaque de verre, un tube de la dimension d’une demie paille, une lame de rasoir, et un sachet de coke. Le tout en Or. Je frise pas avec la misère, j’aime ce qui brille, j’aime le luxe et les billets verts. Pourquoi je m’en priverai ?
La misère, la pauvreté, j’y suis né, j’ai trempé dedans plus que tous ces gens aux poches pleines. Mais… je dépense que ce que je gagne.

J’aligne la poudre avec la lame sur la plaque de verre. Deux lignes. La première, je la renifle et la seconde, c’est pour elle. Je l’ai lu dans son regard, elle aimera.

Tiens, enfiles-toi ça.

Hé, le patron, il est comme ça, les manières, les salamalecs, il s’en fout, il fait ce qu’il veut quand il veut, et si ça dérange, lui, il s’en fout. C’est lui, qui faut pas déranger.
Y en a qui l’ont dérangé, des types comme ça, qui voulaient prendre sa place, ou montrer qu’ils en avaient dans le pantalon. Aujourd’hui, c’est sur, ils en ont dans le pantalon, sauf qu’ils trempent au fond de l’eau avec un bloc de béton accroché aux chevilles.

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Enfin un peu de soleil ! l'atmosphère de luxe qui ce dégage de ce paquebot à du faire tourner la tête a mon chien de garde, lui filer entre les pattes fut un jeu d'enfant cette fois ci.

Arrivée sur place je tombe nez à nez avec une chapeau sur jambes et .... non ! Qu'est ce qu'il fait là ? pourquoi lui, pourquoi là ? et surtout pourquoi avec elle ?!!! c'est qui elle d'abord ? jamais vu de chapeau aussi immonde. Elle se fait genre, je ne veux pas être reconnu, voudrais passer incognito, mais je fais tout pour qu'on me remarque ! encore une de ces nouvelles starlettes que tout le monde connait non pas pour leur prouesses artistiques mais juste pour le fait d’être connu !

Non ! non,non,non, tu rêves mon loulou, je ne te ferais pas ce plaisir !

Je passe derrière leur table, sans un mot sans un regard et m'installe un peu plus loin, le regard rivé je ne sais ou, les lèvres pincées, crispée, attendant avec impatience le bruit des pas paniqués de mon toutou de garde, pour avoir une excuse afin de changer de place tout en gardant le tête haute...

Espèce de pimbêche va !

A moins que ce ne soit juste un contrat ? ça m'étonnerait quand même elle a pas assez de classe pour avoir l'air de quelqu'un qui pourrait faire peur au patron...
Donc c'est bien une pimbêche et toi, oh toi ! t'es rien que, que .... non rien !

Il est ou mon garde du corps ! jamais la quand on a besoin de lui !
Je reste donc la, à cette table quelconque à devoir faire face à mes démons, sans rien laisser paraitre...

pour l'instant...

Monsieur prend la mouche lorsque j'évoque sa compagne? Son compagnon peut être? Non, je ne le vois pas avoir ce genre de fréquentations nocturnes. Quoi que... De nos jours on n'est jamais sur de rien ni de personne. Quoi qu'il ne soit, mes questions n'avaient pas pour but de le froisser mais juste de tenter d'être un peu civilisée... Comme il l'a été quoi.

Loin de moi l'idée d'être curieuse. Je cherchais juste à faire la conversation, rien de plus. Pardonnez moi, je ne pensais pas à mal. Juste que je ne savais pas trop de quoi parler d'autre vu que nous ne nous connaissons pas encore.

Etrange tout de même ses sautes d'humeur. Il aime questionner mais pas se faire questionner... Enfin bref... Je m'en fiche un peu... Qu'il soit bavard ou non. A la base, je ne cherchais pas vraiment de compagnie.

En revanche, avec ce qu'il vient de sortir de sa poche... Il se peut que j'en vienne à rechercher un peu sa compagnie durant la traversée. Ne serait-ce que pour oublier la ringardise de cette croisière de temps en temps...

D'autant que le bord de la piscine commence doucement à attirer du monde... D'ailleurs ,elle, sa tête me dit quelque chose... Elle l'ai déjà vue quelque part... Une fille qui était avec moi au pensionnat peut être? Bref, pas trop envie de réfléchir à ça pour l'instant... Une belle ligne de poudre m'appelle... Je sors donc de mes pensées pour revenir vers mon partenaire du moment.

Par contre il me tutoies... Chose que je n'apprécie pas spécialement... Je n'aime pas trop ce genre de familiarité, sachant que je ne m'en permet aucunes avec lui... Il a beau sentir l'argent et avoir, visiblement, un rythme de vie plus qu'aisé, m'est avis qu'il ne doit sa richesse qu'à lui même...

Enfin... On m'aligne un rail sous le nez je ne vais pas m'amuser à souffler dessus sous prétexte que monsieur m'a donné du "tu". Quoi que...

Non, je snif... Bien cachée derrière mon chapeau... Trop besoin pour faire passer le Mojito bas marché...

Ça fait un bien fou...

Et sinon, dites moi Lucky, qu'est ce qui vous amène sur ce bateau? Vous semblez pouvoir vous offrir mieux que cette simple croisière?

Vous avez raison le « tu » ça fait pas bien ici. Ça va pas avec le décors, et tous le reste.
Alors, on va se dire « vous », c’est mieux comme ça ?

Je sais qu’elle n’a rien dit sur mon tutoiement, mais elle l’a pensé si fort. Là, j’ai pas vu son regard, pas besoin, suffit de se mettre dans la peau d’une pimbêche et le reste suit.
Alors, je lui dis.
Et pendant que je lui dis, que je lui parle du « tu » et du « vous », des choses que je m’en fous, je la regarde passer. Je peux pas m’en empêcher. Elle est belle non ?
Y en pas deux comme elle. Ma che è bella…
Pas besoin de se cacher sous un chapeau, ce serait un sacrilège.
Je la regarde, je la fixe comme une peinture dans un musée. Je la quitte pas des yeux, merde, je vais baver. Ou alors, c’est la coke ? Non, c’est elle… c’est ma Joconde.

Je suis pas discret, je le sais, si son garde me voit, il va trouver ça bizarre. Et je m’en fous. Je le bute.
Non, je peux pas, pas ici…
Regarde-moi piccolina…
Juste une fois…

Pardon ? Ah, oui… les vacances ! Voila, c’est bien les vacances non ?
Faire le touriste, boire des cocktails au bord d’une piscine, c’est bien ça non ?
Et bien voila, je suis un touriste en vacances et je vais boire des cocktails au bord de la piscine… d’ailleurs…

Garçon ! Whisky !!

Le cocktail, on verra plus tard, faut s’habituer doucement à être un touriste.

Et vous ?

Oh, il est sourd ?
Pourquoi, il vient pas quand on l’appelle ?

Excusez-moi… Mojito hein ?

Je me lève et file droit vers le comptoir poser mon verre sous le nez du barman, et je lui dis doucement à l’oreille de servir un cocktail à Vickie, un des plus jolis, plein de couleur, et avec du bleu, beaucoup de bleu. Elle aime le bleu Vickie.

Et un autre Mojito, avec de la menthe cette fois.

Et je repars, je retourne m’asseoir près du chapeau. En passant, je la regarde… non, je la dévore avec les yeux, je la croque toute entière. C’est insupportable, il faut que je la touche… Il faut... Alors, je me fous à l’eau, comme ça, tout habillé, je plonge. Et merde, un costume neuf.
Et alors ! Ça se fait pas ? Je m’en fous. Je le fais, c'est tout.

Il était entrain de classer les petits parapluies par ordre de couleur, Isaac. C'est plus joli quand c'est bien rangé, les petits parapluies, non ? Ensuite, il faut passer aux petits palmiers, et aux éventails en papier et...

Oh. Un client.
...

D'accord.
Un Mojito avec de la menthe.
Un whisy sec.
Un cocktail bleu. Un Heaven ? Vodka, Vermouth, Curaçao.

Une fois qu'il a préparé ses verres, chargés de parapluies ET palmiers ET éventails, Isaac, il s'avance vers ses clients avec un sourire radieux.

Tiens ?
Monsieur fait déjà trempette ? Tout habillé ? Quelle fougue ! Par contre, le bord de la piscine, avec des chaussures en cuir mouillé, ça glisse.

Tssss.

Il dépose le Whisky à la place de l'homme, le Mojito en face de la dame au chapeau, puis le Heaven devant la jeune fille.

Avec un sourire de conspirateur, il lui sussure :

- C'est de la part du monsieur tout humide.

Toujours à table, mon regard joue au furet
Il cour il, cour le furet…
Tout pour ne pas le regarder lui, ni elle, d’ailleurs je ne sais toujours pas qu’est-ce qu’elle fout avec lui et ça me ! mais alors à un point je ne vous raconte même pas !
Nooon pas les ongles ! les ongles tu les laisses !

Puis soudain un mouvement et le voilà debout et bien sûre au lieu de faire tout le grand tour, lui non, il va passer juste à côté de moi ! Même pas question de faire un quart de tour sur ma chaise, c’est ou je le regarde droit dans lieu ou j’attire l’attention de tout le rafiot en essayant d’éviter son regard…

Le menu ! Alléluia ! et v’la ti pas un jolie plongeon dans le menu du bar, allé passes, dépêches ! Il ne m’a peut-être pas reconnu…

Bon maintenant qu’il passe sa commande au bar, il ne me reste plus qu’a filer en douce….ou alors rester les yeux river sur son dos a guetter chacun de ses moindre mouvement et se morfondre sur le fait qu’il est la bas en train de commander un verre a l’autre pimbêche alors qu’il devrait être là en face de moi à me susurrer des jolies choses au creux de l’oreille…
Tu fais vraiment pitié quand tu t’y mets ma jolie…

Puis il se retourne et là trop tard, arrêt sur image, yeux dans les yeux, le rouge qui monte aux joues, ben si il ne m’avait pas reconnu là c’est foutu…

Par contre faudra qu’il m’explique c’est quoi qu’il est allé chercher au fond de la piscine…
A peine le temps de m’élancer vers lui que le barman m’accoste avec son sourire de carnassier débile et un verre de heaven dans la main

C'est de la part du monsieur tout humide.

Donc il m’a reconnu…
Mais qu’il est bete et c’est là que je n’ai rien trouvé de mieux que d’exploser de rire, vous savez le rire pas du tout discret, celui qui vient du fond du cœur, le rire qui fait tellement de bien, celui qui vous fait retourner en enfance, qui gomme toutes vos barrières, le rire de la joyeuse inconscience, et bien je ris comme ça…

J’enfile mon verre de heaven d’une traite, et je me poste devant la piscine le bras tendu vers mon poisson préféré…

Merci pour le verre…

C’est là, que je l’entends rire. Y a qu’elle pour rire comme ça, aussi fort et franc, un rire qu’on a envie de partager. Et c’est contagieux, alors pour pas rire et qu’on remarque pas notre petit manège, je plonge, tête première, je joue les scaphandriers en costard. Ça doit faire un peu bizarre vu d’en haut, comme une grosse méduse noire et blanche.
Mais bon, c’est comme tout, à un moment donné, il faut bien respirer, sinon, on se noie non ?
Alors, je remonte, et je nage jusqu'à ses pieds. Jusqu’à sa main qu’elle me tend.

Je fais quoi maintenant ?
Je saisis la main ?
Et son garde, et les amis de son père, s’ils nous voient, ils vont nous donner leur bénédiction ?
Non, ça marche pas comme ça, j’ai déjà regardé « mon beau père et moi », et moi, je suis pas une lopette, le beau père, je le bute !!
Et si je fais ça, je crois qu’elle risque de m’en vouloir un peu quand même.

Mais, je peux sourire.
Mouillé, trempé jusqu’aux os, je lui souris et cette fois sans me soucier des regards autour de nous. Tant pis…
J’attrape sa main, et je tire…

Hé, elle fait un magnifique vol plané, suivi d’un plouf magistral.
Quand elle remonte à la surface, elle est encore plus belle. Les cheveux mouillés qui coulent sur son visage, on dirait un ange.
Je repousse une mèche trop longue qui barre son regard, ses yeux si jolis que je voudrais être le seul à regarder. Si seulement… je peux vraiment pas le buter son père ???
Elle aimerait pas… et je la perdrai.

Autour de nous, les gens s’entassent. Ils sont curieux, ça les fait rire de voir deux personnes habillés dans une piscine.
Je les regarde pas. Je les vois même pas. Je pourrais me faire descendre là, comme ça, au milieu de la flotte.
J’ai baissé ma garde devant elle. Mais, ça fait déjà longtemps, sauf que personne le sait.

Je sors une main de l’eau pour la poser sur sa joue. Emerveillé, je lui dis juste un « bellissima »

Il ne m'écoute déjà plus. Trop absorbé à contempler cette fille...

Ils se connaissent ça se voit. Cette étincelle dans le regard. Cette façon qu'elle a de l'éviter. Le jeu du chat et de la souris. Même je ne comprend pas vraiment pourquoi... Il y avait d'autres places à coté de lui... Pourquoi s'être placée à cette table là bas? Non vraiment je ne comprend pas cette distance alors que ça se voit dans ses yeux à lui qu'il ne peut pas se passer d'elle.

Il noie le poisson en allant nous commander un autre verre et va se noyer ensuite... J'ai vraiment dû rater un épisode là. Le Barman me ramène un autre verre de Mojito avec de la menthe cette fois ci. Mais je ne doute pas que le breuvage qui l'accompagne soit tout aussi insipide que le premier. Et il dépose également un verre devant cette jeune femme. C'était quoi son nom déjà? Je n'arrive pas à m'en souvenir. Faut dire, on a deux ou trois ans d'écart je crois, on ne trainait pas trop ensemble. En revanche, je me souviens bien de son visage, pas de doutes là dessus.

Elle éclate de rire en le voyant se jeter à l'eau et s'approche du bord pour aller le repêcher. Ils sont mignons quand même tous les deux. Et encore mieux assortis quand il l'entraine dans l'eau avec lui. Par contre au passage, j'aurais préféré ne pas être arrosée...

Garçon...

Je lève la main pour appeler le barman. Et lui sort la sienne pour caresser la joue de son amie.

Ainsi c'était elle son amie dont il parlait... Pas de quoi prendre la mouche lorsque je lui en ai parlé. En revanche je ne comprend vraiment pas cette distance... Mais leur vie les regarde et loin de moi l'envie de m'en mêler. Du moins, pas plus que la bienséance ne le requiert.

Je crois que nous aurons besoin de serviettes pas ici...

Hé oui c’était prévisible et c’est exactement ce que j’avais prévu !
Ni vu, ni connu je me retrouve tout près de lui, sans plus prendre garde aux distances acceptables, on a une bonne excuse, on dira que c’est l’alcool, j’ai juste voulu aider…

Un grognement, un coup de poing dans l’eau, la grosse colère bien aristo, tout pour garder l’anonymat de ce qui ce passe juste là sous vos yeux ébahis, juste entre nous deux, un regard, un sourire malicieux…

Sa main et ce mot, et oui l’accent aussi, telle une collégienne de première c’est avec son accent qu’il m’a fait craquer au départ…
Je l’attraperais bien en vol, mais non, trop de monde, je vois déjà quelques regards inquisiteurs de l’autre côté…

Et l’autre pimbêche qui crie aux serviettes, tu le trouve pas magnifique toi tout mouillé comme ça ? et puis cette façon de se mêler de ce qui ne la regarde pas, elle me rappelle vaguement quelqu’un…
Le garçon s’approche, mais moi je resterais bien là, encore, juste un peu…mais le temps s’accélère, un, deux, trois je suis déjà hors de l’eau enroulée d’une serviette, et cette main qui me pousse vers le salon principale.

Allé vite vous réchauffer mademoiselle, ce serait bête d’attraper un coup de froid juste au début de la croisière !

Et ce regard si insistant, même pas le temps d’ouvrir la bouche, de riposter, que je suis déjà à une table, seule, avec une tasse de café fumant devant moi…
Il a de nouveau fait ! Il a payé tout l’équipage !
Tais-toi et bois !

Arrivant du Hall Principal avec cette "Claudia", j'avise. J'ai peut-être fait une erreur. Non, il ne faut pas avoir peur de le dire : Elle est très belle, c'est clair, une bombe, mais putain ... Elle la ferme jamais ?

J'ai même pas pu finir ma conversation avec l'autre infiltré potentiel ... Bon, remarques, lui, il avait les yeux rivés sur le cageot qui trainait au pied du Capitaine... Dommage, il avait l'air sympa, même pour un barbouze.

Donc je vous disais, moi c'est Claudia.

Encha...

Vous êtes ici pour les vacances ?

En ef...

Vous aimez les Croisières n'est-ce pas ?

Ben...

Moi aussi j'adore !

Ou...

En plus je les connait toutes par coeur !

Ah...

My god ... Elle parle autant au pieu ?.. C'est dingue ça avec les bombes ... On dirait que leur quotient intellectuel est inversement proportionnel à leur plastique ... Vivement qu'ils invente la chirurgie plastique du cerveau ... Et puis bon, je dis ça, mais les autres se poudrent la gueule ... Tiens, elle me rappelle une chanson d'ailleurs.

Bon, c'est pas tout ça, mais j'ai encore du pain sur la planche si je veux la coller dans mon lit l'autre là... Je sais même pas pourquoi je fais ça. Ça devient gavant à force ... J'économiserais du temps et des neurones avec du GHB. Je fouille rapidement de ma main libre mes poches ... Non, c'est bien ce que je pensais : Il est resté dans les bagages.

Non, c'est pas pour la violer, c'est pour la laisser sur un transat' et aller voir ailleurs ...

Bon, remarque, ce ne serait peut-être pas un bon plan, c'est peut-être la seule potable : Sur le transat là-bas, y'a une de ces pseudos-starlettes qui se planquent sous des chapeaux pour se donner un air mystérieux ... Je les repèrent à 15 kilomètres avec leur nez explosé, après tout, c'est moi qui suis censé ne jamais les avoir vu pour leur donner leur poudre ... Encore plus loin, y'a un gars tout mouillé en costume. Aucune gène, aucune classe. Il doit être avec sa copine. J'ai pas envie d'avoir d'emmerdes, pas pour l'instant.

La plus potable dans ce coin serait sûrement la sauvageonne qui est sûrement montée à la sauvette, mais je ne suis pas pédophile. Dommage, elle a au moins l'avantage de parler une langue que je ne connais pas.

Dans le hall ? Oh, des cageots et des mamies. Je me demande bien ce qui remportait la palme entre l'autre gagneuse de tartiflettes et la vioque avec son caniche incontinent ...

Y'avait bien la secrétaire de l'autre, mais je suis sûr de l'avoir vu quelque part ... Oh, on verra, elle avait l'air coincée du derche mais on verra ...

En attendant, je cherche de ma poche de poitrine un cigare cubain, les mêmes que Fidel ... Il a bon goût le Fidel ... Je l'allume à l'ancienne, avec une allumette. Je l'aurais bien fait sans l'avoir dans la bouche pour mieux respecter la machine, mais c'est dur avec cette Claudia qui me broie presque le bras. Enfin, il parait au moins que pour les non-initiés, "Ça fait classe".

Si on les écoutait, on fumerait des contrefaçons dominicaines !

Je la regarde, avec le sourire presque rituel du séducteur.

Je vous commande quelque chose ?

Môsieur fait partie de la haute à voir la taille de son cigare et la façon dont il l'allume avec un air supérieurement satisfait.
Nous longeons tous deux la grande piscine où des croisiéristes sont déjà en train de batifoler gaiement et nous dirigeons vers le bar qui trône de l'autre côté du bassin.

Barrett se propose pour les rafraichissements.
J'opine immédiatement du chef tout en trépignant d'impatience. D'ailleurs je n'ia toujours pas lâché son bras qui, je l'avoue, est finalement assez musclé.

Avec plaisir !!!
Voyez vous, j'ai bien remarqué qu'il n'y avait pas de climatisation dans leur Hall d'Entrée.
Je meeeeeeeeeeeeeeeure de soif !

C'est assez décevant je l'avoue. Je pensais que Père m'avait envoyée sur le paquebot le plus luxueux du moment.

Je continue à marcher en prenant soin de prendre la direction de la marche.

Mais je suis sûre qu'ils font des cocktails à tomber.
Voyez celui couleur turquoise de la jeune fille là.
Je montre du doigt le peu de cocktail bleu qui reste dans le verre de la fille brune dans la piscine.

Je voudrai volontiers le même s'il vous plaît.

Petit battement de cils.
Petit 's'il vous plaît' bien courtois.

Je lui lâche le bras et viens m'installer sur l'un des transats près du bar.

La serviette arrive plus vite que prévu. Mais pas pour moi... Hé ho c'est quoi ce service... Décidément , je ne sais vraiment pas ce que je fais sur ce bateau... Une croisière... Publique en plus... Non mais pourquoi j'ai accepté... Je n'aurais même pas dû ne serait-ce qu'envisager venir ici... Et c'est qui ce plouc qui m'a envoyé ce billet... Non parce que pour penser qu'une croisière aussi As Been que ça pourrait me convenir... Ça ne peut être que quelqu'un qui ne me connait pas... Ou alors une mauvaise blague...

Quoi qu'il en soit, le navire n'a pas encore appareillé donc si je veux, je peux encore descendre et me faire une réservation direction Bora Bora pour me changer les idées avec de VRAIS cocktails !

En plus, il commence à y avoir de plus en plus de monde autour de cette piscine... Même des espèces de sauvageonnes... Et la foule j'aime pas ça... Je préfère le calme, la sérénité...

Et ce pauvre mec qui s'est fait embarquer sa copine par le serveur... Ça j'ai pas compris... Beaucoup de trucs que je comprend pas avec eux deux... Et à mon avis vaut mieux pas se mêler de leurs histoires si je veux pas avoir d'ennuis... D'ailleurs pourquoi je m'en mêlerais d'abord si je pars me faire des vraies vacances ailleurs...

Mes valises... Faut que je les fasse débarquer et que...André, faut que j'appelle André... Pas question que je me retrouve sur le quais avec mes valises à attendre que la voiture arrive... J'appelle André et j'attend ici qu'il charge mes valises et m'appelle pour me dire que je peux descendre...

Elle me demande un cocktail spécifique avec un petit battement de cils. Elle est craquante, vraiment, mais elle parle trop ... Une fille à papa qui veut s'enfiler un cocktail bleu...

Je connais tout les cocktails, j'ai écumé tellement de boites et de bouges de par le monde que l'alcool n'a plus de secrets pour moi, ni même les drogues, ni même les artifices plus intéressants ... Doux souvenir de la Sierra Leone où ils faisaient un Brown-Brown de première qualité. Je pourrais bien m'en faire un petit quand je serais seul, ou en bonne compagnie. La petite là risquerait une attaque.

Celui-là, c'est quoi ? A vue d'oeil, on pourrait dire un Blue Lagoon, mais je ne l'ai pas en bouche pour déterminer...

Enfin ... Au moins je suis seul l'espace de quelques secondes, je peux souffler et savourer ce Havane. Cette Claudia est plus jolie une fois les vannes fermées. J'aime pas quand ça parle trop. Je prends une grande bouffée de fumée, bien en bouche, avant de la laisser partir. Exquis. Parfait. C'est bien l'idée que je me fait de l'Invitation au Voyage de Baudelaire. Il y a même la petite caribéenne dans la piscine pour l'ambiance. Luxe, calme et volupté. La starlette ne semble pas de cette avis, avec son sombrero. Elle a tort. Il faut savoir apprécier les choses simples : Un cigare, une vue sur la mer.... Et dire qu'il faut de son stock à certain pour profiter de cela. Navrant.

Je me demande bien ce qui peut lui manquer, mais après tout, c'est son problème. Elle passe. Le jeu maintenant est de tenter de la reconnaitre... La flemme. Je reprends une bouffée, savoure, et me tourne vers le barman.

Bonjour mon brave, un cocktail bleu pour la demoiselle sur le transat, elle voudrait le même que celui de l'autre demoiselle près du gaillard tout mouillé ... C'est un Blue Lagoon ?...

Pour ma part, je prendrais une Vodka-Martini pour moi : Au shaker, pas à la cuillère.

Et puis d'ailleurs, j'en profites.

Dites-moi au fait, votre collègue dans le Hall Principal, il est là depuis longtemps ?

Il commence un peu à s'affoler, là, Isaac. En vingt ans de Pacific Princess -PP pour les intimes- il n'a jamais vu début de croisière aussi chaotique.

Trois personnes tout habillées dans la piscine -dont une dont l'apparence laisse à penser qu'il faudra changer l'eau... Depuis quand on laisse entrer les clodos ?- une qui fait la gueule -oui, elle a un chapeau TRÈS expressif... Heureusement, la charmante demoiselle et le monsieur qui attend qu'il le serve en fumant son Havane sont plus dans la norme.

...

Attendez.

"Le monsieur qui attend qu'il le serve" ????

-AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHH ! Bonjour Monsieur ! Un Heaven avec double ration de parapluies et une Vodka-Martini au shaker ! Tout de suite !

"Flouc ! Glou-glou-glou... Glouglouglou... Ttchakattchalattchaka... Glouglouglouglou... Zzzzzip !" Heaven, check. Parapluies.... Check aussi.
"Flouc ! Glou-glou-glou... Glouglouglou... Ttchakattchalattchaka... Glouglouglouglou... Zzzzzip !" Et la Vodka-Martini, prête. Ne pas oublier l'olive... Paaaaaarfait !

- Et voilà ! J'amène tout cela à votre table, Monsieur ? Mon coll... Oh ! Vous voulez parler de Gapheur ? Oui Monsieur : dix ans dans notre compagnie ! Il a commencé mousse. Et il finira Capitaine !!! Quelle évolution sociale épatante !!

Sourire Ultra-Brite.
Reste à espérer que monsieur DeSheet n'ait pas oublié ses Ray-Ban.