Kim s'insère entre la banquette et la table, s'assoit, croise les jambes. Les quelques pas nécessaires pour arriver jusque-là ont mis ses pieds au supplice. Le déguisement hollywoodien, c'est la dernière fois...

Elle observe son vis-à-vis derrière son habituel écran de fumée.

RJ, c'est ça ? Au cas où il y aurait un malentendu, je ne suis ni prostituée, ni Valkyrie.

Je l'accompagne jusqu'à la table. Elle me suit non sans un brin de surprise dans le regard puis s'assoit avec une élégance maladroite sur la banquette opposée. Devant tant d'efforts pour protéger son identité, je ne peux réprimer un petit sourire d'admiration. Pressée d'éclaircir cette entrevue inopinée, c'est elle qui rompt le silence.

« RJ, c'est ça ? Au cas où il y aurait un malentendu, je ne suis ni prostituée, ni Valkyrie. » Je reste silencieux un temps, mon sourire se renforce. Puis je romps mon mutisme à mon tour.
« Sympa les cheveux ! Confrontée à ce sarcasme incontrôlé, elle se fige un instant un peu étonnée puis je lui réponds avant qu'elle ne pose sa question.
Je suis Clyde R. Johnson. J'aurais pu vous prendre pour une Valkyrie mais certainement pas pour une pute, quel homme serais-je à me tromper ainsi... Il se trouve que je vous ai remarquée la semaine dernière lors du Fight Club. Difficile de passer à côté... vous aviez fait une sacrée impression. Depuis je ne pense qu'à vous... j'ai une proposition à vous faire.
Mais... maintenant que je ne suis plus un inconnu... dois-je quand même vous appeler "Debbi Peterson" ? »

Un lent sourire se dessine sur les lèvres de Kim. Elle désigne le plafond des yeux et du menton, un geste éloquent dans son milieu : les murs ont des oreilles.

Debbi Peterson ira très bien pour le moment. Je ne pensais pas être si célèbre, mais déjà, à la table de poker, je n'étais une inconnue que pour le poulet.

Elle tapote son cigare au-dessus d'un cendrier.

Et vous m'avez évité de faire en sorte qu'il se souvienne de moi. Alors merci.

Elle tire une bouffée.

Donc ce n'est pas mon cul, mais mes poings qui vous intéressent ? Dans ce cas, je vous écoute religieusement.

« Soit... Debbi.

Pour faire court, j'suis un ortho implanté sans boulot qui se fait royalement chier... et pour passer le temps, j'm'occupe comme je peux. Je ne suis pas un vengeur masqué, un rebelle ou un robin des bois, ce qui m'intéresse c'est les crédits, point barre. Je bosse seul d'habitude mais là je suis tombé sur un gros morceau, un truc tellement gros que dans un premier temps j'ai flippé. Et puis je me suis rendu à l'évidence, c'est LE coup et s'il fallait risquer sa vie de merde pour une chose, c'est certainement celui-là.

Aucun détail ici car je ne peux pas prendre le risque d'un refus, soit tu roules direct soit on se sépare maintenant et tu oublies tout. A la clef ? De quoi s'installer jusqu'à la fin de tes jours dans le quartier Automates à te bronzer la pilule... ou autre chose.

Je t'ai observé au Fight Club, et non seulement t'as les couilles pour faire le job mais en plus tu m'as l'air réglo... et j'ai le pif pour ça. Pour ma part, t'es obligée de me faire confiance, aucune garantie mais ya plus l'temps pour ça. Maintenant, c'est à toi de prendre la bonne décision. Et si tu marches, on démarre tout de suite. »

Je lui fais confiance, une confiance qui peut paraître absurde quand on voit le personnage plutôt intimidant, traînant dans des coins franchement chelou comme l'Inn-Uendo et cachant son identité mais c'est quelque chose que je sens généralement et je me trompe peu. Et puis Jess m'a fait un petit topo sur elle, j'y vais les yeux fermés.

Elle réfléchit en fumant, laissant tout le speech faire son chemin. Ses yeux froids examinent Clyde sans discrétion, les ecchymoses, les points de suture, les cicatrices, les cernes, le regard.

Finalement :

Je marche si tu réponds à une question. Pourquoi tu t'es pas fait griller ton implant ?

Oui, on a connu moins intrusif, comme question... Madame Sans-Gêne attend la réponse, calmement.

La question m'amuse. Faut dire que la pression est retombée d'un coup maintenant que je sais qu'elle est "in", et puis c'est pas le genre de question que j'ai l'habitude d'entendre.

« Hum... Disons que c'est un petit cadeau de mon paternel qui m'a offert un joyeux puçage tardif, me condamnant à petit feu. Aussi paradoxal que ça puisse paraître, ce truc me bousille un peu plus chaque minute et pourtant je ne peux pas le retirer... cela me tuerait. Enfin, cela me tuera d'une manière ou d'une autre... si je n'abrège pas mes souffrances d'un balle dans l'crâne avant. » Petite séance psy, j'avais vraiment besoin de déballer, c'est sorti tout seul... Revenons aux choses sérieuses.

Sinon, content de t'avoir dans l'équipe. Il ne nous reste pas beaucoup de temps, nous avons en gros 15 jours avant de passer à l'action. Il faut rassembler une demi-douzaine d'éléments de confiance. Pour ma part, je côtoie plus de zombies et de camés que n'importe qui en ville, des loques qui vendraient femme et enfants pour une pilule... rien de fiable. Je crois savoir que tu as des contacts avec certains mouvements "insurgés", je compte sur toi pour trouver deux paires de bras prêts à en découdre, mais surtout réglos, chose que les rebelles arrivent à respecter lorsqu'ils se battent pour leurs idéaux... et ils ne seront pas déçus.

On se donne rendez-vous ici au sous-sol, l'équipe entière, pendant le prochain Fight Club... c'est dans deux jour et ça nous assurera une bonne couverture. Pendant ce temps je m'occupe du matos, j'ai une première commande qui devrait arriver.

Des questions ? » Je sais que cela va un peu vite mais je suis persuadé que c'est l'Homme de la situation et qu'elle va gérer. Je prends de gros risques, je ne la connais pas après tout, je ne connais même pas son nom... mais parfois vient le moment où il faut s'autoriser à arrêter de penser. Chez moi ça arrive peut-être trop souvent, en tous cas marcher au feeling c'est la seule chose que je sais faire.

Si Clyde espérait (ou redoutait) une once de compassion, il en est pour ses frais. La rebelle écrase son cigarillo sans frémir d'un sourcil.

Des questions ?

Hm, oui. T'as besoin de gens qui sachent viser, ou juste de gros bras ?

Sinon, une remarque. A la table de poker, tu vois "Mitchum", le mec en costard avec un bandeau sur l’œil ? Serait bien placé sur ma liste de candidats. Tu peux voir avec lui directement, du coup.

Regard haineux vers le capitaine.

Quand la maison poulaga aura tiré ses fesses d'ici.

« Hm, oui. T'as besoin de gens qui sachent viser, ou juste de gros bras ?

- Il va nous falloir les deux, et même plus... des compétences en électronique notamment, ce ne serait pas du luxe. Mais le plus important, c'est des gus fiables parce qu'il va y avoir pas mal de pression... après on fera avec les atouts de chacun.

- Sinon, une remarque. A la table de poker, tu vois "Mitchum", le mec en costard avec un bandeau sur l’œil ? Serait bien placé sur ma liste de candidats. Tu peux voir avec lui directement, du coup. Quand la maison poulaga aura tiré ses fesses d'ici.

- Je ne sais pas, en tous cas il a le physique de l'emploi, tu l'as vu en action ? Si tu assumes de te porter garante, touche-lui en deux mots et ramène-le au Fight Club. Et puis ya effectivement ce NOD qui traîne, Lewis laisse vraiment entrer n'importe qui... je préfère pas qu'il nous voit entre mecs chelou se taper la causette. Je me lève et me penche sur "Debbi", rapprochant la bouche à quelques centimètres de son oreille dans une posture sans équivoque d'un point de vue extérieur. Je lui murmure alors.

- Là, personne ne soupçonne ni ne remarque rien, mis à part Jess qui fera sa jalouse... Je dois vous laisser Mlle Peterson, je vous dis à plus tard... vous savez où me trouver. Bonne fin de soirée. Et navré pour la partie de Poker. Je lui souris puis m'éloigne de la table.

Je traverse ensuite la grande salle et passe devant la table de Poker. Je lance alors aux joueurs, tout en continuant vers la sortie.

Messieurs. Madame. Robot. Jess » Cette dernière me jette un regard noir peu crédible. Je lui réponds en lui envoyant un baiser de la main. Je disparaît par la grande porte.

- Il va nous falloir les deux, et même plus... des compétences en électronique notamment, ce ne serait pas du luxe.

Le coin de la bouche de Kim se relève. Elle a déjà une petite idée.

Mais le plus important, c'est des gus fiables parce qu'il va y avoir pas mal de pression... après on fera avec les atouts de chacun.

Le même coin de bouche repart vers le bas. Faudra pas que Benny lui refasse ses vapeurs... Surtout que RJ ajoute :

Si tu assumes de te porter garante, touche-lui en deux mots et ramène-le au Fight Club.

Vas-y, mets-moi la pression, j'te dirai rien. Va sans doute falloir aborder de nouveau le sujet qui fâche avec Benny, et ça, c'est le genre de trucs dont Kim a-dore se charger.

Elle acquiesce quand même, d'un mouvement de menton. Beau défi.

RJ simule un gros palot (simule, heureusement, à croire qu'il tient aux dents qui lui restent) et prend congé avec une certaine classe.

Kim se lève et rejoint la table de poker.

TayoooOOOOOooooo !!!

Pitain, d'habitude, ils nous suivent pas aussi longtemps. A croire que la carpette m'a refilé son odeur, que les chiens de chasse du gouvernement s'amusent à suivre...

Je sais que j'ai bousculé quelqu'un, ou quelque chose. Mais pas le temps de se retourner. Quoi que si. Mais pour une autre raison. Ma belle et la bête me suivent ils toujours?