En 2040, le froid s'empare du corps de Liza et le sommeil de son esprit. Un sommeil qui dura on ne sait combien de temps avant que la faille lui fasse prendre un raccourci.
La mutante traversa le temps comme une statue de marbre. C'est à peine si l'on pouvait deviner encore son cœur battre sous ses écailles. Continuait-il vraiment à battre ?
Dans se sommeil de glace, des images se bousculent sous ses paupières closes. Des rêves du temps, cent ans d'histoire qui semblent traverser ses songes à la vitesse de la pensée.
Le tsunami, l'inondation, la panne, le froid
de nombreux morts, des disparus
la faille
des scientifiques. Qu'est-ce qu'ils font ? On en parle à la télé, mais pas le temps de bien voir.
L'électricité est donc revenu
un chantier colossale
le dôme, travail de fourmi
puis des bâtiments qui poussent comme du chiendent. Les fourmis étouffées dans cette jungle urbaines battis de leur propres mains.
Des machines qui se mêlent à la foule grouillante et des voitures volantes.
Tout s'accélère
tout ça s'étend tellement vite...
On invente et on construit toujours plus haut. Les immeubles si grands qu'il cachent la lumière du jour à ceux qui vivent encore en bas.
Ça va finir par traverser le dôme. Il se remplis, de béton et de fer, ses habitants noyés, étouffés dans leur propre fourmilière.
Et quand il n'y aura plus de place ?
Trop tard, tout s'écrase contre les parois du dômes. C'est toute la ville qui hurle sa douleur jusqu'à ce qu'elle éclate comme un furoncle colossale.
Mais ça, ce n'est pas encore écrit dans l'histoire.
Des images du futur ?
Non, juste un rêve, un cauchemar qu'il s'évapore sous un rayon de soleil.
La femme reptile s'éveille lentement de son hibernation, dans des temps nouveaux.
Ses flans se gonflent d'avantage d'une douce brise. Des odeurs nouvelles et la tiédeur relative du climat lui indique qu'elle n'est plus au même endroit et encore moins au moment que celui où elle s'est endormie.
Peu à peu son corps s'anime. D'abords deux doigts, puis un œil qui s'ouvre et se referme aussitôt éblouis. Ce n'est pas comme dans son rêve où les bâtiments cachent le ciel. Et sa main se referme sur une touffe d'herbes, les mêmes qui s'étendent jusqu'à une forêt. Pas de bitume, pas un bruit de moteur... mais où est-elle ?
Quelques heures plus tard, la voilà sur pieds qui observe les alentours.
La nature s'étant devant elle à perte de vue et derrière, le dôme immense, plus grand encore qu'elle ne l'avait rêvé.
Novlangue tout entier est contenu là dedans ?
Et elle, où est-elle ? Elle devrait être à l'intérieur. Faudrait-il y retourner ?
Le temps est plutôt clément. A quoi bon aller s'emmurer maintenant ?
Et puis qu'irait-elle faire là dedans ? Qu'elle vie l'y attend ? Elle est une hors la loi, sans domicile, sans travail et même cette époque n'est pas la sienne. Elle pourrait rejoindre les insurgés, combattre à leur côté... sans Léo ? Quel intérêt ? Et s'il y était encore, est-ce que ça suffirait à la faire revenir ?
Mais ici, il n'y a rien. De l'herbe et des arbres, c'est bien joli, mais pas très nourrissant.
Liza a faim. Ça fait combien de temps qu'elle n'a rien mangé ? Combien de temps qu'elle dormait le ventre vide ?
Un lambeau de peau se détache de son bras. Elle a si faim qu'elle est tenté de manger cette mue. Ce n'est pas très appétissant, mais c'est une question de survie. Alors elle grimace et commence à ouvrir la bouche quand une odeur portée par le vent parvient à ses narines.
Ça sent la fumée. Qui dit fumée dit feu, et qui dit feu... dit feu, et ça suffit pour que la grimace de dégout ce change en un sourire radieux.
Ce feu, quelqu'un l'a allumé au loin.
La mutante se met en marche. Elle rejoindra bientôt un village aux habitants assez étranges pour accueillir chaleureusement une créature à sang froid comme elle.
[ressac]