Cher Daddy...

Gros soupir

Je m’ennuie.
Aujourd'hui, c'est dimanche, jour de repos. Je glandouille dans ma piaule. De la glandouille forcée, puisque je n'ai rien à faire. De la glandouille forcée dans une piaule forcée, puisque je ne l'ai pas choisie et ne peut pas en sortir. Oh elle est pas si mal, mis à part le fait qu'elle soit parfaitement close. J'y ai un lit et une roue, la même que celles qu'on trouve dans les cages à souris d'un des labo, mais format XXL. C'est ce qu'on trouvé les scientifiques qui m'étudient pour canaliser mon surplus d'énergie et atténuer ma nervosité. Ça défoule un peu, mais courir en allant nulle part, c'est lassant. J'y retourne quand même parce que j'ai rien d'autre à faire et que si je ne gigote pas assez, ils vont réduire mes apports alimentaires afin d'éviter de je devienne une boule. J'ai réussi à obtenir des repas plus goutus en faisant du chantage (grève de la faim, auto-déprime et compagnie. J'avais même commencé à me ronger à me ronger les coudes), alors pas question qu'on me retire un seul gramme de sucre et bonne matière grasse de l'assiette.
A propos d'assiette, vivement l'heure de la bouffe, parce que je me fais chier.

Que faire en attendant ?

J'aimerais bien que celui qui m'a collé là vienne me chercher.
Un jour peut-être... Si je continue à faire ce qu'il veut, peut-être qu'il sera content de moi et qu'il m'emmènera avec lui dans son château.
Je dois toujours laisser trainer une oreille quand je peux et m'assurer du mieux que je peux qu'on ne fera pas de tord à sa Hyena. Ça fait plusieurs fois déjà que j'ai du rattrapper ses conneries en me concentrant sur les gens avec elle, à l'autre bout du couloir, pour qu'ils oublient le plus fâcheux. C'est pas facile et c'est du bouleau. Heureusement qu'elle est pas là toute la journée... si c'était le cas ça voudrait dire que j'ai échoué, car c'est ça le but, qu'elle ne finisse jamais séquestrée longtemps, qu'elle ne finisse pas cloitrée dans une piaule... qu'elle ne finisse jamais comme moi...
Qu'est-ce qu'il peut bien lui trouver pour me demander ça ? Et moi, qu'est-ce qu'il peut bien ne pas me trouver pour ne pas vouloir me sortir de là ? euh... non, la question c'est plutôt "qu'est-ce qu'il me trouve pour me laisser ici ?" Et j'ai la réponse : mon pouvoir lui est très utile. Peut-être que si je le lui faisait oublier... il risquerait de perdre tout intérêt pour moi et ne reviendrait plus. Je resterais coincée ici sans personne d'autre que les blouses blanches pour me rendre visite. A moins que... pas évident.
Peut-être que si je fais tout pour lui plaire et que je lui fait juste oublier pourquoi il me laisse là, il m'emmènera. Le séduire peut-être... pas gagné. Il doit avoir tout ce qu'il faut comme greluches à la maison. Ya qu'à voir sa renarde qu'il traine toujours à ses bottes, avec ses jambes interminables et son panache luxuriant... roulure !

Bon, elle encore je comprend, mais pourquoi Hyena ?
Il l'a connait vraiment ? Elle est super flippante, cette nana. Les rares fois où nous nous somme croisées dans le couloir, je me suis magnée de le lui faire oublier. Je préfère qu'elle ignore mon existence plutôt que de risquer d'avoir un jour affaire à elle.
Elle est violente, mal aimable, complètement givrée et elle mord si on lui enlève sa muselière ! Je savais qu'il les aimait bestiales, mais seulement d'apparence. Elle a pas les pwals, mais le caractère de chien enragé. Peut-être qu'il s'en sert pour des combats de bêtes le soir dans une cave, avec des paries et tout. Il doit se faire du blé avec celle-là.

Alors voilà, je reste coincée ici pour écouter aux portes et surveiller une psychopathe.
Il faut bien que quelqu'un le fasse. C'est très important pour lui, je crois. Je suis importante pour lui, ici. C'est quand même bien d'être important pour quelqu'un... presque une famille... peut-être qu'il m'aime bien, le créateur. Est-ce que j'oserais l'appeler Daddy la prochaine fois ? Je pourrais toujours essayer et si je vois que ça le chiffonne de trop, pouf, je lui ferais oublier et on verra plus tard, quand il sera prêt.

Je vais lui écrire, tient ! Pour qu'il vienne.
Comme j'ai été sage (et si je l'ai pas été, c'est déjà oublié), on ma filé un accès au net dans ma piaule. Bien sûr tout ce que j'y fais est surveillé et particulièrement ma messagerie. Je peux pas m'en servir pour lui balancer des infos secrète et c'est tant mieux, sinon il n'aurait plus besoin de se déplacer. Ce serait dommage.
Il faut que je m'applique, bien choisir les mots car de là où il les lira, je ne pourrais pas les lui faire oublier.
Comment commencer ?
"Cher Daddy" ? nan, peut-être pas
"Salut la famille" ? au cas où ses filles le lirait... non plus. Trop familier. Et puis je les connais même pas ses garces.
"Créateur adoré" ? Non, trop lèche botte.
"enfoiré de tyran !" Bien sûr que non, même si des fois, c'est ce que je pense. Et ouais, je lui en veut quand même, de me laisser dans ce trou juste pour ses intérêt personnels. Je bosse pour lui, je prend des risques et je suis même pas payée ! Il s'en fiche certainement, de ma vie, au delà de mon utilité. Un ptit peu d'attention, c'est trop demandé ? Mais non yen a que pour cet tarée de Hyena ici !

gros soupir, encore

c'est triste mais c'est comme ça. Bon, où j'en étais ? Ah oui !
"Cher Eric" Non, je vais peut-être pas l'appeler par son prénom. On appelle pas son papa par son prénom, c'est mal élevé. Quand on est gosse de riche on dit "Père". Mais encore faudrait-il qu'il me voit comme telle. C'est bête, je suis certaine que je ferais ça très bien, la petite rate de luxe pourrie gâtée. Je serais même prête à aller dans des soirées mondaines et à boire du champagne. Et ouais, j'suis une dingue !

"Cher Mr Thorvaldson" Ah ouais, c'est bien ça. Assez formel, mais pas trop, avec une petite touche chaleureuse...

Ouais, c'est un bon début.
Assez bossé ! Je réfléchirais à la suite tout à l'heure ou demain
Faut pas trop en faire d'un coup, surtout quand on n'a rien à faire.

Finalement, je sais ce que je pourrais lui écrire dans cette lettre : que je vais m'évader !
Avec ou sans son approbation, je vais sortir d'ici, par mes propres moyens.
Et s'il tient vraiment à moi, il me cherchera.

Mais... il ne tient pas vraiment à moi, juste à celle qu'il ma chargé de protéger, sa Hyena. Pff ! Il doit vraiment avoir un grain pour s'attacher à se genre de personne. C'est vrai quoi, il aurait du s'attacher plutôt à moi. Je suis mignonne, non ? Bon ok, je dois chausser du 75 et j'ai pas la taille d'un mannequin, et puis une toute petite poitrine. Mais j'ai pas un beau cul ? Et puis c'est pas l'apparence qui compte, c'est ce qu'il y a à l'intérieur.
D'ailleurs, il y a quoi à l'intérieur ?
Une orpheline. C'est tout comme. Je me fais des illusions mais il n'y a personne pour vraiment prendre soin de moi. Personne pour m'aimer. A quoi ça sert de ne pas avoir de puce anti-plaisir dans la tête si c'est pour pas se sentir aimée ?
Ya des infirmiers qui sont gentils, mais ils feraient pas grand chose pour moi, juste leur bouleau et exécuter des ordres.

Lui, il aurait pu être comme un père, mais c'est pas vrai.
J'aurais bien aimé, mais c'est pas vrai.
Alors puisque c'est comme ça, je m'en vais ! J'irais fonder une famille ailleurs et sans son consentement de préférence !

Et puis en fait, je vais même pas le lui écrire.
Il s'en fout ! Alors pourquoi prendre cette peine ?
Si je lui écris que je quitte le poste qu'il m'a attribué, à savoir protéger sa psychopathe bien-aimée, il va peut-être vouloir me retrouver, mais se sera pour me punir d'avoir déserté. Non merci ! Autant qu'il ne sache pas. Et puis comme ça il s'en rendra peut-être compte qu'un fois que l'autre cinglée sera internée. Ce sera pas dommage, elle est dangereuse ! En fait, si je m'évade, je fais le bien de la communauté et non celui d'un seul home qui n'en a rien à foutre de ma condition de rate de labo.

Quand j'y pense, l'extérieur, c'est tout un univers à explorer...
Bon, l'extérieur est un intérieur, celui du dôme. Mais c'est déjà plus extérieur que ma cellule. Ça doit être déjà très grand et plein de gens bizarres... Ya les rebelles dehors. C'est dangereux ça. Les rebelles, ça aime pas les mentalistes. Remarque, je ne les aime pas non plus... même si je les connais pas vraiment... juste ce qu'on m'en a raconté ici... et c'est pas joli joli ! ces gens sont des monstres !

Ouais, un rebelle, ça te coupe la gorge dans une ruelle cradingue et ça prend son pied en te regardant te vider de ton sang et te refroidir. Et même, ça copule dans tes fluides vitaux et se branle sur tes intestins. Des malades !
Le libre plaisir n'est pas à mettre entre toutes les mains. Sinon c'est la porte ouverte vers les pires folies. Ils se contenteraient de se lécher les mains et de les frotter derrière les oreilles, ça ferait de mal à personne, mais non ! Ça leur suffit pas ! Ils font des choses avec des choses et avec des gens et même à leurs dépends. Et puis c'est quoi cette idée de vouloir renverser le gouvernement ? A coup de bombes ! Sadiques ! pervers ! détraqués ! une bande de tarés. Je ne voudrais surtout pas les croiser.
Mais il faut que je sorte.

Oui oui, je vais aller dehors dans le dedans du dôme.
Je ne sais pas encore comment mais j'y vais.

L'extérieur... celui que je vise est en fait un intérieur. Mais l'extérieur du dôme est aussi un intérieur, celui d'un continent qui est à l'intérieur d'une planète qui est à l'intérieur d'un système solaire, dans une galaxie à l'intérieur de l'espace infinie... infinie ? Peut-être pas. Peut-être l'univers est-il contenu dans autre chose. Peut-être qu'un proton est aussi une enveloppe qui contient tout un monde, un univers. Nous sommes si grand, ou si petits... petits par notre vision limités des choses, dans tous les cas.
Sortir de cette cellule sera un tout petit pas vers l'infini mais un grand pas vers... vers quoi d'ailleurs ? Vers moi ! Oui, car ici comment savoir vraiment qui je suis ? Un simple rat de laboratoire ? Je ne crois pas. Je sent que je suis bien plus que ça. Ou en tout cas, je pourrais l'être. Il faut que j'essaie. Que je tente un truc pour être quelque chose.

Quelque chose, mais quoi ?
Et dans quoi ? Avec quoi ?
Ça grouille dehors, je crois. Qu'est-ce que je serais au milieu d'une foule d'êtres ? Un être de plus, ça c'est sûr.
Un être de plus enfermé dans un dôme. Je changerais de prison pour une plus grande et plus peuplée. Mais les gens dehors sont-ils comme des infirmiers ? Je ne crois pas. Daddy doit bien s'amuser dehors avec ces petites pépées et sa fortune.
Dehors, je n'aurais pas de pépées ni de fortune. Qu'est-ce que j'aurais ?
Tout ! Tout ce que je trouverais dans MON nouvel environnement sera à moi. Puis je pourrais peut-être sortir du dôme qui sera à moi et m'approprier l'extérieur de l'extérieur. D'enveloppe en enveloppe, le monde m'appartiendra.
Mais une chose après l'autre. Il faut déjà sortir d'ici.
Comment ?

Il faut trouver une bonne solution avec un maximum de chance de succès, de préférence.
Pour ça, je vais devoir comploter. De toute façon, je n'ai que ça à faire, comploter. Alors complotons.

J'entrevois déjà deux façons de sortir : l'une valorisante et l'autre sournoise.
La valorisante : me montrer plus habile que jamais dans tous les tests qu'on me fera passer. Prouver que je suis apte à servir en dehors du Temple. Jusque là, j'ai fait le nécessaire à mon confort. Il faudra faire plus. Si je peux arriver à surpasser les humains, ma sortie devrait être assurée. Les surpasser mais de peu, car s'ils se sentent inférieurs il me garderont captive pour ne pas se faire devancer.
La solution sournoise serait de m'évader en douce en usant de mon pouvoir, de ma ruse et de ma discrétion. C'est illégale et risqué. Être mentaliste bossant officiellement dehors, touchant un salaire et rentrant chaque soir dans un nid douillé serait sans doute moins périlleux que de trahir le Temple et d'aller me cacher dans la population. Avec mon apparence j'aurais du mal à passer inaperçu parmi les honnêtes citoyens. Je risquerais de n'avoir pour refuge que les planques des rebelles, ces dégénérés assoiffés de sang et d'entrailles. Ça craint.
D'un autre côté, si je sort de façon honnête et légale, mon créateur le saura. Il sera pas content et me fera passer un sale quart d'heure. Après quoi il s'arrangera pour me renvoyer à ma cellule ou pire encore. Je suis presque sûre qu'il est méchant. Ce n'est pas grave d'être un peu méchant, sauf quand ça peut me nuire.
Bref, dans un cas comme dans l'autre, ça sent mauvais !

Ah si seulement je pouvait me faire oublier de tout ce monde. Je pourrais, mais pas sans conséquences. Par exemple, si on oublie que je suis mentaliste et qu'on me croise dehors mon me flinguera à vue.

Et si je sortais honnêtement et que je tuais Thorvaldson ?
Je ferais ça ? Je tuerais mon propre père ?
ouais ! C'est même pas un vrai père. Ou en tout cas il ne me l'a jamais montré.
Si je le tue, je risque d'aller en prison aussi. A moins d'un super complot pour qu'il soit pris lui comme coupable de tout ce qui lui arrive. Comme au final il sera mort, il peut bien être coupable aux yeux de tous, ça ne lui fera pas beaucoup plus de mal. Et comme ça je pourrais apparaitre comme une héroïne, la justicière qui aura neutralisé un dangereux criminel. Tout le monde va m'adorer.
Enfin c'est pas encore gagné. Il a une forteresse, des gardes du corps et plein de pognon.

Il faut que je trouve le bon plan et que je le mette au point.
Mais j'ai le temps.
J'ai tout mon temps.
Il faut juste que je ne devienne pas complètement cinglée d'ici là. Ce sont des choses qui arrivent quand on reste confinée dans un petit espace sans trop de distractions et qu'on en sort que pour subir des tests aussi douloureux qu'humiliants. Et il ya aussi ce petit truc que j'ai dans la tête, un petit machin détraqué. Ça me stresse !
Mais en fait... dehors aussi ça me stressera... et comment je ferais quand ça déchargera de violent accès de douleur à m'en frapper la tête contre un mur ? Que me filera des tranquillisants et qui soignera mon petit crâne ensanglanté ? Surement pas les rebelles. S'ils trouvent une faille dans ma caboche, ils y planteront une paille pour me sucer le cerveau et se régaler de ma matière grise réduite en bouillie.

Il faut penser à tout ça avant de se lancer à l'aventure.
Bien réfléchir
se préparer
Je suis pas prête !! j'ai les dents qui claquent !