( écrire un 31 décembre, je sais pas, bonne année en tout cas)

Il s'en est passé des choses
C'est c'qu'il dit tout le temps le vieux Vrac, il s'en est passé des choses, un truc de vieux, tous les vieux disent ça, Sisi le sait parce qu'il est vieux et il dit tout le temps : s'en est passé des choses.

Sisi est plus ou moins heureuse, quand elle n'a pas peur de mourir ; assise au fond de sa pièce elle voit la lueur de vie dans les yeux du vieux qui s'éteint de jour en jour, aujourd'hui elle recommence donc à lui trouver quelque chose (en plus des choses qui se sont passées d'après lui) pour rallumer un peu ce qui s'en va.
Le monde est trop fumeux, elle préfère qu'il soit clair - elle n'a pas trop faim, pas trop mal, elle respire.. techniquement elle ne sait pas mais... y a au moins une chose qu'elle sait, par delà tout ce qu'elle sait, à savoir pas grand chose : c'est que si y'a un début et une fin, alors y'aura forcément une fin à leur début à tous...  donc ça sert à quoi de tout s'embrouiller ? (vous comprenez ?)

Le vieux Vrac lui dit de pas réfléchir, parce que ça pollue la santé, qu'elle doit laisser réfléchir ceux qui se sont trop esquintés les neurones pour encore rêver, mais ses dialogues sont d'un ronflant... Sisi s'endort à la moitié de ses monologues, la fin du monde, le début d'un autre, le "consumérisme" quelque chose blablabla...
Le vieux Vrac parle avec des mots compliqués, leurs sens s'évadent pour Sisi comme de l'eau quand ça glisse entre ses doigts : plus elle s'efforce de la retenir, plus ça s'en va.

Y'a bien un truc qu'elle a saisi.
Pas plus tard qu'il y a des jours, quelques jours... (sisi ne sait pas compter)
Elle cherchait parmi les décombres un objet pour le vieux Vrac, qui soit bien.
Un homme filait lentement vers l'Est ; trop voûté, maigre, elle ne s'est pas méfiée (un instinct inhérent à l'évolution, qui vous fait deviner la bête viciée du troupeau.)
Il parlait seul :

le destin du soleil est le même pour toutes les étoiles
Un jour elles mourront, plongeant le cosmos dans une nuit sans fin.

Et c'est tout.
Sisi, interloquée, l'a regardé longtemps, bien après qu'il soit parti à vrai dire... Elle ne sait pas si le soleil lui rappelait le vieux Vrac et le souffle de son "déclin" (elle se souvient de ce mot parce qu'il le répète trop) ou si elle avait compris qu'ils faisaient tous pareil : fouiller à la recherche d'un truc qui offrirait du sens, dans un monde qui n'en demandait pas.
Peut-être un peu des deux.
Parce que le vieux Vrac, s'il finissait par s'en aller comme le soleil, elle n'aurait plus de raison de chercher un truc de bien dans les débris.