L'échoppe fourrée d'échauffourées

[Venant de là]

Le fier destrier mécanique s'arrête en pétaradant devant un des innombrables magasins de la Paillade. Rien ne distingue l'échoppe de ses voisines : miteuse, crasseuse, moche avec ostentation, elle affiche en vitrine une série de vêtements de travail grisâtres, tous du même modèle. A se demander pourquoi ils en ont mis plusieurs.

Kim lâche le blouson du Cyclope, met pied à terre et attend son comparse en observant les lieux, mains dans les poches, l'air de rien. Si ça continue, elle va se mettre à siffloter...

[Et dire qu'il y avait aussi comme possibilité alternative de titre à ce post : "Les 2 cavaliers de l'apocalypse et l'échoppe fourrée d'échauffourées"..... ]

Hu ! Joly Jumper !
"Blop blop blop" répondit la bécane en coupant les moteurs.
Benny descendit. Un pied, puis l'autre, éperons au vent dans le midi sonnant. (Ou presque, parce qu'ils ont arrêté de les installer en série sur les Dock Martin's)

Il rejoignit Kim. Un coup d'oeil dans la vitrine avant de remonter ses manches.
Sympa le costume des Daltons.
Prêt à entrer il attendait que Kim passe la première.
Honneur aux dames, Calamity Jane !

On sait jamais ce qui va transformer une warrieuse en petite chose kawaï. Là, c'est juste un surnom de plus.

Calamity Jane ? Elle avait une fille... Elle.

Kim observe les combinaisons grises dans la vitrine avec une concentration suspecte. Surtout qu'elle les a déjà vues. Surtout qu'elles n'ont pas vraiment besoin d'être regardées deux fois, encore moins trois. Surtout qu'ils ont du boulot à l'intérieur.

Allez, au boulot, Jesse James, enchaîne d'ailleurs la pétroleuse en entrant dans le gourbi.

Ça ressemble à une boutique de fringues pour orthos. De même que celle de gauche ressemble à un fournisseur de gélules nutritives, et celle de droite à un marchand de meubles en kit. Il faut juste savoir que sous le comptoir, c'est pas tout à fait la même chanson.

Et derrière le comptoir, il y a Ray :

Spoiler:

Salut, Ray ! Comment va ? Et Dom et Lolita, ça baigne ?

Vu que le boutiquier n'a jamais vu Kim de sa vie, mentionner les prénoms de sa femme et de sa fille fait toujours son petit effet. Même si Kim ne touchera jamais à un cheveu de leurs têtes. Mais ça, chut, faut pas le dire.

Il déglutit avec un "clic" audible.

Heu... On se connaît ?

Au son du "clic" Benny mit, par réflexe, la main dans son paletot. Proche de son flingue. Mais il attendit avant de le découvrir au grand jour, visiblement pour Kim, dégainer trop vite c'était un tue-l'amour !

Heu... On se connaît ?


Allez Joe l'Indien, joue pas les Mohicans ! On se connait pas encore, mais avant que je te présente les rainures de mes pompes d'un peu prêt, tu vas écouter la dame, et jusqu'au bout...parce que couper la parole, c'est mal-poli. Puis de derrière ton comptoir, j'vois pas tes mains et ça m'énerve....
Allez Gérard Lambert, sert nous donc un p'tit Ricard, que ça t'occupe les doigts, et qu'on puisse causer tranquille... entre amis !

Spoiler:

Kim appuie ces sages paroles d'un sourire.

... et nous dis pas que t'as rien à picoler ici. Ça risquerait de nous mettre en colère, et t'as pas envie de nous voir en colère.

D'une main tremblante, Ray sort une bouteille de sous son comptoir et sert deux verres.

Je... Qu'est-ce que vous voulez ?

- A ton avis ? rétorque la rebelle en s'appuyant au comptoir pour le serrer d'un peu plus près.

- J'ai balancé personne ! J'vous jure ! Si Manu vous a dit ça eh bin il ment !

- T'as balancé personne. T'inquiète, on est au courant. Sauf que t'étais sur le point de le faire, et ça nous a un tout petit peu agacés, figure-toi.

Kim lui balance une dose de son regard-qui-fait-flipper.

Juste après s'être envoyé son verre de jaune derrière l'oreille, Benny choppe la chetron sauvage par le colbac...
Petit... qu'est ce que je t'avais dit? Laisse parler la dame !

Tu m'as l'air de vachement te justifier pour un mec qui se sent propre sur lui....
Et déconne pas avec ton Manu ou je te taillade les veines !
Balance plutôt toute l'histoire ... Et ressert moi un ricard !

Kim profite du petit intermède musclé pour aller fermer la porte de la turne et retourner la pancarte sur "fermé".

Après quoi, elle passe derrière le comptoir, se penche et décroche de son support un beau fusil à répétition, ergonomique et stylé.

C'est de la daube, ces trucs, Ray, ça marche une fois sur deux. T'as bien fait de pas essayer de t'en servir.

Elle envoie l'arme à BJ qui la récupère de la main qui n'est pas serrée sur un colback. Ensuite, elle fouille le boutiquier. Sur le comptoir, elle pose : une liasse de crédits, un préservatif dans son emballage, une ID, une autre liasse de crédits, un butterfly, de la petite monnaie, un portefeuille.

T'as un blouson, mecton, l'est pas bidon.

Ray se laisse dépouiller de son cuir sans beigne ni marron.

Bon, on va faire une petite pause dans le shopping, Ray. On est tout ouïes. Vas-y, raconte.

Ouais, OK, j'ai appelé le NOD UNE fois. J'leur ai rien dit. Demandez à Manu.

Benny met dans sa culotte les deux liasses de crédits et tout le bordel.
Il laisse sur le comptoir un crédit tiré de la liasse et la capote.
Pour tes longues soirées d'hiver...

Puis quand Ray entame le couplet du NOD, Benny voit un peu rouge, alors il le secoue un peu juste pour l'hygiene...

De une.... c'est qui MANU, bordel !?!
Et de deux , si tu recommences ça, c'est sur la tête que je te la met, la capote. Parait qu'on s'y plait pas longtemps avant l'étouffement.
T'as appelé le NOD pour rien leur dit? Tu leur a joué de la guitare et du banjo, c'est ça? Joue pas avec mes nerfs Ray !

Doucement, Cyclope, sinon Ray va se faire dessus et on n'a pas prévu les pinces à linge.

Tremblotant, le boutiquier balbutie :

Ma... Manu c'est le gars qui tient le magasin d'à côté... à droite... Un grand con au grand cœur... L'est passé l'aut'fois et j'étais en train d'appeler le NOD, mais j'leur ai rien dit. Parole ! Z'avez qu'à lui d'mander !

Là, c'est au tour de Kim de perdre patience.

Bordel, ducon, je te l'ai déjà dit qu'on est au courant, on le sait que t'as pas encore balancé, mais si tu l'appelais le NOD, c'était pour quoi ? Un problème de plomberie ? Putain, j'aime pas qu'on me prenne pour une bille, Ray.

Alors, j't'explique. Là, tu vas dérouiller, rien que parce que tu as eu l'idée et que tu m'agaces et que j'aime pas ta gueule. Après, on va se barrer avec la caisse. Ensuite, si on entend encore parler de toi, on balance une alerte dans les tuyaux du NOD, et vingt minutes plus tard, y a plus de Ray, plus de Dom, et même plus de Lolita. Tu me suis ? On fera faire le boulot par tes copains, c'est pas hilarant ça ?

Ah, fuck, il s'est fait dessus.

Bien qu'il n'avait pas trop compris en quoi c'était "hilarant" Benny pris le temps d'éclater de son rire sonore, en tapant fort sur la table, (très fort !) ...Zut vraiment de la merde les meubles en kit ! Un grand coup fou, qui casse tout ! Peut-être que c'est pour ça que Ray s'est vidé.

Bon c'est pas tout, mais je crois que t'as à faire... Passer la serpillière...
Il désigne "feu" le comptoir
bricoler un peu... On va pas te retenir plus longtemps, maintenant qu'on sait que la porte est ouverte et que tu sais bien recevoir. Mais on hésitera pas à repasser au besoin !

Benny tourne le dos à l'asticot, il fait quelques pas avant de
"AAAAARGH"
Un douleur infernale.... il vacille et "plaf" s’effondre, là, en plein milieu de l'échoppe, de tout son long

Kim en reste comme deux ronds de flan. Elle a beaucoup de chance que Ray ne soit pas un dur : il aurait pu largement en profiter pour faire une bêtise. Mais il reste con, lui aussi, dans son jean qui empeste.

Alors, dans un premier temps, elle envoie son poing s'écraser sur la tempe du boutiquier, lequel va à son tour s'écraser sur les débris de son comptoir. Ça lui fera toujours dix minutes de tranquillité.

Ensuite, elle court se pencher sur le chêne déraciné. Elle va pas encore le réveiller avec des claques ?

Hé, Benny ! Benny J ! Merde...

Alors que Ray s'écroule sur le comptoir Ikéa, Benny, au sol, hurle.

Fuyez mon père... fuyez !
Il délire complètement, bat des pieds et des mains

Puis se réveille, un peu sonné.
Quand il voit Ray étalé il regarde Kim.
Tout en douceur toujours chérie ! Allez, je crois qu'il a son compte, cassons-nous !

Un peu éberluée, la rebelle prend le temps de vider le tiroir-caisse avant de suivre la Montagne, avec tout un tas d'idées qui s'entrechoquent dans son crâne.

Du coup, elle s'arrête net devant la monture d'acier, façon caprice-je-bougerai-pas-tant-que, et assène :

Ho, BJ, t'as remarqué que t'as eu comme une absence en pleine action ? Alors tu m'expliques d'où ça vient, et on trouve une solution, sinon c'est la dernière fois que je t'emmène faire le warrior.

Ce qu'on aime chez Kim, c'est son empathie, sa douceur et surtout, sa diplomatie.

Benny tente la solution "arranger la vérité" :
Écoute, j'ai eu des vapeurs, puis boum badaboum... Ça arrive non ?
On a picolé hier, j'ai pas bouffé ce matin... Enfin la vie....

Kim regarde BJ, l'air déçu.

T'as pas pu trouver mieux ? Ouais, moi pareil, quand j'ai trop picolé et pas bouffé, j'me tape un bon gros roupillon sans prévenir, pi je m'agite dans tous les sens en gueulant : "Fuyez mon père ! Fuyez !"

Elle hausse les épaules.

Garde ça pour toi si tu veux, moi j'dis, t'es pas fiable.

Ecoute poulette, je vais pas pourir ton atmosphere plus longtemps si tu penses que ça le fera pas.
Mais moi, je demande à personne qu'il me relève. Si je tombe, si je dois en creuver, tant mieux... Ca me soulagera. En attendant, je roule et quand je finis par terre je rebondis.
J'ai pas besoin d'une nounou, mais j'ai besoin de bosser. Alors soit tu te contentes de tes p'tits bras, soit tu acceptes les miens, aussi peu fiables soient-ils !
Benny enervé sort du shop, et lance le moteur de sa bécane. Prêt à partir... sans Kim.

Hé Poulette... Chérie... Princesse... Poupée... Poussin...

Elle a craché les mots comme s'ils lui étaient restés sur l'estomac.

Oublie pas ta part.

Elle tire de ses poches le contenu du tiroir-caisse, et l'enfourne par liasses dans les poches du blouson du Cyclope, avant de donner une grande claque sur l'arrière de la bécane.

Yaaaah !