Souvenir d'enfance

Sujet: Souvenir d'enfance Mer 28 Sep 2011 - 16:33

A ce jour, l'un de mes souvenirs les plus marquant est sans doute ce jour où mon père, prenant enfin le temps, m'a emmené avec maman hors du dôme. J'avais à peine huit ans il me semble. Jusqu'à présent, ce qu'il y avait hors du dôme n'était pas réel. J'avais même cessé d'y penser, mon monde étant tout centré sur ce que je voyais autours de moi.
Encore aujourd'hui, j'ai cette difficulté à appréhender ce que je ne connais pas, ce que je ne vois pas.
Aussi ai-je eu peur lorsque papa est venu me voir, me parlant d'aller au-delà du dôme. Peut-être était-ce la peur de l'inconnu ? La peur d'aller vers cet endroit que je ne connaissais pas, que j'avais même complètement oblitéré.
Mon père a sourit en voyant la panique sur mon visage, l'a caressé doucement de sa main, pour me rassurer.

-Tu verras, c'est un endroit très beau...

Maman vint s'assoir près de nous, posant sa main sur mon dos, ajoutant à la sensation rassurante que je commençais à ressentir. J'avais confiance en eux et ils m'aimaient, je le sentais. Alors pourquoi m'inquiéter ?
Lorsqu'il sentit que je me détendais, mon père me regarda avec sérieux. Tout dans sa voix et dans son attitude me montra que je devais être attentive.

-Tu dois cependant me promettre de ne jamais parler de ce voyage. Ce sera notre secret d'accord ?

Je suis restée un moment sans rien dire, réfléchissant à ce qu'il vient de me dire. Ai-je compris ce que cela voulait dire ? La portée de ses paroles ? Je ne crois pas.
Je ne sais pas exactement à quel âge j'ai eu le déclic, cette petite chose qui fait que, soudainement, le petit secret entre papa, maman et moi, devenait plus que ça. Plus important, avec un impact plus fort.

Mon regard était passé de ma mère à mon père, qui me regardaient tous deux avec le même sérieux, avant de hocher lentement la tête.

-Un secret... D'accord.

A mes paroles, je les sentis se détendre.

Le voyage fut rapidement organisé. Le jour même, tout se passa comme si rien de spécial n'allait se passer. Mon père parti travailler, ma mère invita comme à son habitude ses amies à prendre le thé tandis que je passais quelques heures avec mon précepteur. Je n'arrivais pas à suivre ce qu'il m'expliquait, tant j'étais excitée à l'idée de ce qu'il allait ce passer le soir même. Le professeur du s'en rendre compte car la leçon se termina beaucoup plus rapidement que d'habitude.

J'avais préparé mes affaires pour le voyage la veille, comme me l'avait demandé mes parents. Toutes nos valises étaient parties en pleine nuit, emmenées par un orthodoxe depuis longtemps au service de ma famille. Longtemps, j'ai cru qu'il était muet car je n'avais jamais entendu le son de sa voix.

Je prenais tout ça pour un jeu, alors que ç'a n'en était pas un. Comment aurais-je pu deviner que toute cette discrétion que mes parents prenaient était vitale ? Encore aujourd'hui, j'ai du mal à comprendre le réel besoin de cette discrétion, ou plutôt de ce mensonge à propos du dehors.

Maman et moi sommes parties main dans la main, comme si nous allions nous balader. Papa nous attendait déjà à l'endroit où nous pouvions traverser le dôme.
Je ne me souviens pas tellement du trajet, surtout qu'il me semble que j'ai fini par m'endormir sur l'épaule de ma mère.
De toute façon, ce n'est pas ça le plus important... Non, ce qui est important, c'est ce que j'ai vu en me réveillant...

Sujet: Re: Souvenir d'enfance Mer 28 Sep 2011 - 20:27

Bien sur, j'ai déjà vu de l'eau. Dans la baignoire. Dans la douche. (Oui, j'ai la chance d'avoir les deux chez mes parents.) Au parc, avec les fontaines. Les cours d'eau avec les canards et les cygnes. Mais... Mais pas autant ! Pas partout.
Où que se posait mon regard, j'en voyais.

Je suis tout de suite tombée amoureuse de cette étendue.
Autours de nous, tout était calme. Comme si la nature comprenait l'importance que revêtait ce moment pour moi, et cherchait à ne pas me faire peur.
Mes parents restaient sans un mot à mes côtés. Lâchant leur main, je me mis à m'avancer vers le ponton en bois, craquant doucement sous mes pas. J'étais stupéfaite. Et ravie à la fois.
Ainsi, c'était ça notre secret ?
Cette magnifique étendue, vibrant doucement au souffle du vent. Changeante selon le temps.

Lors de cette première sortie, je n'avais pas osé m'approcher plus, ni toucher l'eau. Mes parents étaient allés se baigner tandis que je restais sur la berge, à regarder l'eau qui s'étendait devant moi, rêveuse.

Ce n'est que plus tard, après d'autres voyages de quelques jours, que j'ai enfin osé pénétrer dans l'eau. Mais, sans doute trop habituée avec les piscines, la sensation sous mes pieds me faisait frissonner d'effrois. Je ne pouvais m'empêcher d'imaginer ce qu'il pouvait y avoir dans la vase ou sur la plage immergée. Quelles petites bêtes s'y trouvaient ? Étaient-elles dangereuses ?
Je ne pus bientôt plus penser à autre chose qu'à ses questions qui envahissaient mes pensées, et le plaisir que je ressentais d'être dans ce lieu tant aimé en étant alors ternis.
Mes parents durent s'en rendre compte, puisque je restais alors assise sur le ponton, laissant mes jambes seules aller dans l'eau. Mais que pouvaient-ils y faire ?
Ils me proposèrent de rester en ville, mais cela ne résoudrait rien, et je serais en plus privée de l'océan.

C'est à quinze ans, au cours d'une de mes balades solitaires le long du rivage, que j'ai trouvé la solution.

Sujet: Re: Souvenir d'enfance Mer 12 Oct 2011 - 19:42

Mon envie étonna mes parents. Ils ne faisaient presque rien sans l'aide d'un orthodoxe, alors savoir que je voulais réparer ce bateau moi-même, sans aide, sauf pour les choses un peu trop dures pour moi, étaient pour eux une nouveauté.
Ils préféraient même que je passe mes journées sur le ponton à rien faire plutôt que de savoir que je « travaillais ». Ce n'était pas digne d'une fille d'automate selon eux. Mais qui le saurait sinon nous ?

Je me suis donc passée de leur permission, me débrouillant comme je le pouvais.
Le bois était plus pourri que je ne le pensais. Un jour, mon pied passa au travers d'une planche de bois, m'entaillant légèrement la jambe.
Je revins vers mes parents, boitillant, avec quelques traces de sang là où le bois avait le plus entaillé ma peau.

Nous sommes rentrés immédiatement à Novlangue, et nous ne sommes pas ressortis pendant de longs mois, avant que mes parents ne me cèdent mon caprice. Il faut dire qu'ils aimaient beaucoup ces petites escapades à la mer que notre statut nous permettait et qu'ils ne se voyaient pas me laisser toute seule à Novlangue, ou me faire suivre par quelqu'un pour m'empêcher d'aller au bateau.
Alors, ils décidèrent de m'aider, s'assurant ainsi que je ne me blesserais plus.

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