Une petite Auberge l'accueille depuis plusieurs nuits.
Elle ne se demande pas combien de temps elle restera. Pourquoi faire.
Elle a pour le moment suffisamment d'argent pour voir venir.
Elle visite la petite ville portuaire la journée.
Elle a déjà appris quelque mot sur les marchés, et avec la femme de l'aubergiste.
Une femme qui semble dotée de l'incroyable faculté d'être partout à la fois, Elea n'a jamais eu à s'occuper de quoi que ce soit, et se demande comment il est possible d'en faire autant. Seule, et avec le sourire.
Des mots posés sur des gestes, elle apprend peu à peu. Les marchés lui ont permis de se constituer une nouvelle garde-robe. Pas grand-chose, ses besoins sont faibles.
Aujourd'hui elle se tient assise au bord de l'eau. A la sortie du port il y a une avancée de pierres noires. Noires, lisses, la mer vient les frôler, et c'est précisément à ce point de jonction qu'Eléa se tiens.
Les jambes allongées, les jupons relevés jusqu'aux genoux.
L'eau salée vient chatouiller ses pieds, puis ses mollets.
Le visage levé dans l'éclat du soleil, toute la chaleur imprègne son corps.
La solitude ne lui pèse pas. Elle n'a jamais eu besoin de trop parler. Bien au contraire !
A présent personne ne viendra troubler ses instants d'introspection.
Depuis toute petite elle a ce besoin, de rentrer en elle-même.
Entrer en relation lui semble inutile.
Pourtant elle aime observer les gens, leur manière de s’exprimer, de bouger.
Avoir des amis était une obligation dû à son statut, une nécessité politique. On peut dire qu’elle ne sait absolument pas ce qu’est l’attachement. Le lien gratuit, exempt de toute attente, de tout calcul.
La simplicité de la vie des gens d’ici lui donne à penser, comment les relations peuvent-elles être si simples. Elle reste tout de même persuadée que des jeux de pouvoirs sont toujours présents entre deux êtres, dans un groupe. Du fait de la barrière de la langue elle n’a sans doute pas encore pu l’observer voilà tout.
Seulement trois jours dans cette ville. Lorsqu’elle sera rassasiée du lieu elle longera la côte, ou alors s’enfoncera dans les terres.
Il n’est pas facile de trouver sa place dans ce monde, lorsqu’on vous a programmé à une autre vie, une fonction, un lieu.
Et bien que la solitude ne soit pas un souci, le manque d’action finira par le devenir. Ne rien faire n’est pas dans sa nature, il faudra bien qu’elle trouve un moyen de gagner sa vie. Mais pas seulement pour l’argent, le travail n’est pas une option pour Eléa.
S’activer, travailler, s’impliquer, fait partie de sa manière d’aimer sa vie. Maintenant qu’elle a mis fin à sa carrière de dictateur elle n’a plus de prise sur ceux qui l’entourent.
Bien évidemment tout dans son attitude est un signe d’autorité, de charisme. Sa manière de parler aux autres, de les regarder lui permettent d’obtenir ce qu’elle désire. Sans avoir les mots pour le dire, elle a déjà réussi à être particulièrement bien reçue là où elle loge. La meilleure chambre, des petites attentions.
Ceci n’était peut-être dû au fond qu’au tarif qu’elle a accepté de payer. Et pas du tout au don qu’elle croit posséder.
Combien de temps cela durera-t-il ? Combien de temps avant qu’elle retourne à novlangue ? Déçue de son rêve, revenue à la réalité, peut-on échapper à ce qu’on est ?