Trafique d'organes [Kim]

On ne voit pas les choses de la même façon à 4 pattes et sur deux jambes. Déjà on voit plus loin. On remarque aussi le visage des gens avant leur chaussures. Un visage, c'est tellement plus expressif qu'une chaussure (sauf pour 70% des orthodoxes).

Beaucoup me regardent. Je lis sur leurs faces de l'étonnement, de la suspicion, de la crainte, du dégout, de l'intérêt aussi, surtout de la part de ce bonhomme qui vend des pièces détachées.
Que penserait un humain en voyant un étalage d'organes au marché ? Étrangement, cette espèce est facilement impressionnée à la vu de ses propres viscères ou de ceux d'un congénère. Pourtant, ils le savent bien qu'ils ont des choses comme ça à l'intérieur.
Voir un corps vidé de ses organes, ça aussi, ça les effraie. C'est peut-être pour ça qu'on me regarde bizarrement ? Parce que je n'ai pas d'estomac, de pancréas, de foie, d'intestin, de reins, de vessie ni autre trucs du genre. Pourtant je ne suis pas vide. Je cherche juste une langue, ou plutôt son équivalent robotique.

Voyons ce qu'on trouve là.
Des bras, des jambes, des armes... j'en reconnais certains modèles qui étaient porté par d'anciens collègues. Le vendeur se les seraient procuré directement sur leurs dépouilles ? Après on dit que ce sont les NODs qui sont barbares. Jamais je n'aurait volé une jambe à un insurgé pour la revendre. D'autant plus que je n'en voyait pas l'utilité. J'étais un NOD, pas un marchand. Mais il est bien connu que les commerciaux n'ont que peu de sens moral.

Je commence à m'inquiéter de la façon dont cet homme reluque mon corps tout neuf. Pour lui signifier que je n'apprécie pas son attitude et que je n'ai pas l'intention de lui céder une partie de moi, je cache ma poitrine avec mes bras et remonte un genou devant l'autre. Monsieur, arrêtez de lorgner mes attributs robotiques, ce n'est pas correcte.

Kim errait entre les fausses vitrines, dans le vague but d'aller demander des pièces d'ordinateur à un arnaqueur de ses connaissances, un tout petit peu moins malhonnête que les autres. Elle se balade, aussi. Elle a pas le droit ptêtre ? Cigarillo entre les dents, mains dans les poches, regard-qui-tue tout prêt à faire reculer les emmerdeurs, elle passe le coin de la rue et...

Saisit la crosse de son flingue dans sa poche. Puis desserre le poing.

Putain, que ce truc ressemble à un NOD. Un peu plus et elle tirait dessus, dans la foule et tout.

Mais un droïde de la maison poulaga, 1) ça se balade pas tout seul en pleine Paillade, 2) ça prend pas la pose d'une gonzesse à poil toute gênée, sauf sérieux bug dans les circuits.

Un cercle s'est formé autour de l'humanoïde, elle fend la barrière de badauds d'un coup d'épaule. C'est clairement du boulot d'insurgé : les bras sont pas du même modèle et les articulations, c'est de la récup. Beau boulot, mais d'insurgé. Elle parierait sur Emilie... D'ailleurs son clébard en ferraille a un peu le même look.

Hé ! Toi, le heu... ~~truc~~ robot, appelle-t-elle en s'approchant, la main de nouveau refermée sur la crosse de son flingue et le canon pointé sur le bidule à travers la veste, parce que bon, on sait jamais.

Tu cherches quelque chose ? On peut t'aider ?

Kim n'en revient pas de sa diplomatie. Comment elle est trop gentille avec les gens en métal. Bien plus qu'avec les gens en viande, si on y réfléchit...

Il y a beaucoup de gens qui se sont rapprochés. Ils m'encerclent et me regardent. Eux aussi ils en ont après mes pièces pas encore détachées ? Ça commence à être plus que gênant. J'aimerais bien repartir d'ici en un seul morceau.

Une personne m'interpelle. Une femme avec la même coiffure que moi. Enfin je crois. Je ne me suis pas vu dans un miroir, alors je vérifie en passant une main sur mon crâne. Pas de cheveux qui s'accroche à mes doigts, rien, c'est lisse. Je suis bien au moins aussi chauve qu'elle.
Elles gens ont souvent peur de ce qui est différent d'eux, ça les met mal à l'aise. C'est peut-être pour ça que cette femme est la seule à avoir osé m'adresser la parole. Nous avons un point commun.

Elle me parait quand même tendue, méfiante sans doute. Pourtant, moi, je ne cache rien dans ma veste. Pour ça, il faudrait que j'en ai une. La sienne a une bosse, pointée vers moi, avec un message d'alerte juste au dessus. C'est dans mes programme de NOD de ne pas me faire avoir par ce genre de ruse.
D'ailleurs, elle n'est pas la seule à me donner un message d'alerte. Il y a aussi un homme avec la main près de la cuisse dissimulant un pied de biche derrière sa jambe. Un autre a un taser à peine caché et un autre encore a sa main serrée sur quelque chose dans la poche intérieur de sa veste, il en est crispé jusqu'à l'épaule.
J'ai repéré des mutants aussi, ce qui m'affiche des alertes supplémentaires. Mais j'ai appris par Emilie, qu'un mutant n'est pas forcément une source de danger, contrairement à ce que le NOD à inscrit dans mes programmes.

Si ces gens avaient été un temps soit peu observateurs, ils auraient remarqués que je n'ai pas d'arme. Il n'y a donc pas lieux pour eux de s'inquiéter.
Pour ceux qui convoitent des parties de mon corps, c'est une autre histoire.

Tout indique que je suis en danger.
Pourtant, je suis des leurs. Les rebelles sont donc nuisibles même entre eux ? Aucun de mes anciens collègues n'a jamais voulu me faire du tort. C'est vrai que j'ai failli être recyclé, mais c'est parce que j'avais échoué dans ma mission. Alors que là, je n'ai rien fait de mal.
Ces gens ne sont pas très civilisés.

Tu cherches quelque chose ? On peut t'aider ?

Est-ce que cette personne serait un peu plus aimable que d'autres, malgré l'arme qu'elle dissimule ?
Comment on dit "je veux survivre" en langage des signes ? Parce que si elle pouvait m'aider à ne pas me faire réduire en pièces, ce serait bien. C'est même ce qui apparait actuellement comme but prioritaire.
Je n'ai pas de moyen de me mettre hors de danger. Ils sont bien trop nombreux.

Dans quel autre but suis-je ici ?
Trouver de quoi parler.
Alors je vais faire comme si cette femme n'était pas déjà classée ennemie et essayer de lui faire comprendre ce que je cherche.

Je pointe ma "bouche" de mon index, puis imite un genre de bec de canard avec ma main.
Oh mais, je ne devrais peut-être pas faire ce geste en pointant le bec vers elle, parce qu'il me semble que ça peut vouloir dire quelque chose comme "ferme ta boite à camembert" ou "ta gueule". Alors je recommence en faisant pivoté mon poignet vers moi. Là, c'est moi qui ferme ma gueule, parce que je ne peux pas l'ouvrir.

En attendant sa réaction, je n'oublie pas de regarder un peu partout pour voir ce passe autour de moi, au cas où un de ses sauvages déciderait de m'attaquer.

Le robot pige ce qu'on dit, apparemment. Et s'il répond pas comme on s'y attendrait, au moins, il se fait comprendre : il lui manque un truc pour causer.
Kim laisse son flingue retomber au fond de sa poche.

Bon, le seul problème, c'est que quinze badauds ont failli défourailler dès qu'il a bougé.

Woooh, on se calme, gueule-t-elle à la cantonade. Voyez pas que c'est un robot custom ? C'est quelqu'un de chez nous qui l'a construit, bordel. Rangez les guns et faites pas les cons.

L'argument porte, la petite foule commence à se disperser.

Elle se tourne vers le vendeur de pièces détachées qui fixe le droïde d'un air gourmand.

Hé, t'as pas un bidule vocal pour les robots ?

Elle ne me menace plus avec son arme, mais l'alerte est toujours là. A un degré amoindri, mais non nul. En même temps, c'est une rebelle, le risque ne peut donc pas être nul.
Je me suis habituer à l'alerte que me provoque la mutante Emilie. Elle est permanente et ça fait longtemps que je n'y répond plus.
Et la sienne, est-ce que je dois l'ignorer aussi ?

Elle a de l'autorité et un peu plus de jugeote que ses congénères.
En fait, elle vient de me sauver la vie.
Alors que les autres ne m'identifiaient visiblement pas comme l'un des leurs.

Je suis "un robot custom". Mais eux autres, ils voyaient juste un robot. Et comme la plupart des robots humanoïdes circulants dans les rues sont des NODs, ils m'auraient pris pour un ennemi... à part le vendeur qui me prend juste pour une potentielle marchandise.

Je faisais moins peur quand j'étais un chien. Mais maintenant que je leur ressemblent d'avantage, ou à un de leurs ennemis, ils seraient près à me recycler. Dois-je en conclure que les gens ont plus d'estime pour les chiens que pour les bipèdes ?
Après tout, celui dont on dit qu'il est le meilleur ami de l'homme, ce n'est pas l'homme.

Cette humaine, contrairement à d'autres, a agit en ma faveur. Si je veux pouvoir espérer que nos rapports continueront à s'améliorer, je dois la remercier. C'est la moindre des choses.
Mais comment ? En la prenant dans mes bras, comme le fait Emilie quand elle est très contente de moi ? Elle a été surprise quand j'ai pu à mon tour le faire. Si je surprend celle-là, vu son caractère, je crains une réaction violente de sa part.
Une caresse suffira.

Pendant qu'elle parle au vendeur, je pose ma main sur son crane chauve, le plus délicatement que je puisse faire avec la précision qui m'est donnée, et je lui caresse doucement la tête. Emilie faisait pareil pour exprimer sa reconnaissance.

Le vendeur fouille dans son bazars. Il trouve une tête qui m'est familière. J'ai bossé avec des robots de la même série. Celui-là a eu moins de chance que moi.
Cet homme barbare arrache quelque chose de ce qu'il reste de sa gorge et nous le temps en annonçant le prix.
Je réalise alors que je n'ai pas de quoi payé. C'est la première fois que je fais du shopping. Dans mes anciennes vies, je n'ai jamais eu à payer quoique ce soit. Je me suis toujours fait entretenir par un propriétaire.

J'ai sursauté comme si je m'étais pris le jus et j'ai failli m'écraser le poing contre sa face de métal. D'où il me touche la tête lui ?
Putain, en plus, ça me rappelle quelque chose. Un rêve énervant.

Hé, je suis pas un clébard, laisse mes cheveux.

Le gars en a un, de bidule vocal. Par contre, il voudrait de quoi s'acheter une baraque, en échange. J'en oublie le robot tripoteur de crâne.

Non mais tu nous as bien regardés ? Y a marqué pigeon ? Viens, heu, robot, on va voir ailleurs.

Je m'éloigne de deux pas, le temps pour le gars de diviser son prix par deux. Y a du mieux, mais c'est pas encore ça.

Cinq cents, pas un crédit de plus.

Tu veux ma mort ! Allez, dix mille, et on n'en parle plus.

Cinq cent cinquante.

Cinq mille ?

On négocie un bout de temps et je finis par emporter le morceau à huit cents. Une liasse de crédits passe de ma poche à sa main, et je tends le bidule vocal au droïde, triomphante.

Ah, par contre, va falloir que quelqu'un te l'installe. Je connais une bonne mécano, t'es d'accord pour que je t'emmène chez elle ?

En effet, heureusement que je ne l'ai pas prise dans mes bras.
Je ne savais pas que ce genre de manifestation affective était réservée aux chiens.

Elle a voulu m'attaquer.
Heureusement que j'ai pu différer l'ordre de riposte à temps.
Si elle pouvait éviter de stimuler mon programme de survie inutilement, ça m'arrangerait.
Ça fait la deuxième fois qu'elle le fait. "Multiple tentative d'agression sur un officié du NOD", cela la fait monté d'un rang sur l'échelle des ennemis à éliminé au plus vite. Mais vu ma situation actuelle, cette échelle est obsolète. Ce qui n'empêche pas le message d'alerte de passer à un niveau supérieur. Et le pire, c'est qu'un rebelle peut monter les niveaux d'alerte, mais il ne peut jamais les redescendre. Les cyberNOD sont programmés pour être rancuniers. Rancunier et susceptibles, surtout avec les insurgés.
Si elle continue comme ça, l'alerte qui se déclenchera à chaque fois que je la croiserais fera un bordel de tous les diables. On peut dire qu'elle sait comment s'y prendre pour capter toute mon attention.

Pendant qu'elle négocie avec le vendeur, j'arrange mes fichiers comme je peux et me penche sur la question suivante : comment la remercier ?

Une poignet de main peut-être ? C'est à peu près le seul contact qu'Emilie tolère de la part d'un autre humain.

Je tend donc la main à cette femme présumée dangereuse. Mais au lieu de la serrer, elle y met un truc. C'est la pièce qui me permettra de parler. Elle me la payé, alors qu'elle n'est même pas ma propriétaire.
Je vais encore devoir la remercier. Mais je fais comment si elle ne comprend pas que quand je tend la main, ce n'est pas pour réclamer ? On verra.
Je n'aurais qu'à le faire quand j'aurais (enfin) retrouvé l'usage de la parole. Comme ça, je pourrais lui dire "merci", et en restant à distance en cas d'une éventuelle riposte. On ne sait jamais.

Ah, par contre, va falloir que quelqu'un te l'installe. Je connais une bonne mécano, t'es d'accord pour que je t'emmène chez elle ?

Mais c'est qu'elle pense à tout. Comme elle est intelligente.
J'accepte en hochant la tête.
Mais cette bonne mécano qu'elle connait, est-ce que ce ne serait pas la même que celle qui m'héberge ?

Y a pas de doute, il comprend tout ce qu'on lui dit. Il doit y avoir une IA de folie furieuse, là-dedans. J'ai hâte de montrer ma trouvaille à Émilie. Enfin, à condition que ça soit pas elle qui l'ait fabriqué, évidemment.

Je sonne à la porte de son atelier. A chaque fois, je me dis que des tas de machines perfectionnées doivent me renifler, me filmer, stocker mon ADN et envoyer le feu vert à Émilie. Même si c'est probablement pas aussi perfectionné, hé, on a le droit de rêver.

Elle ouvre, l'air un peu défait. Je lui offre mon plus beau sourire-qui-mord-pas et désigne du pouce le droïde derrière moi :

Salut ! Regarde un peu ce que j'ai trouvé.

Et bien oui, c'est bien ma mécano.
Elle en fait une tête.
Ah non ça y est, elle m'a vu. Elle a l'air content de me voir.
euh non, pas si content que ça en fait.
un mélange des deux peut-être ?

-NEWTON !
t'étais passé où ?
Non mais ça va pas de te sauver comme ça, sans prévenir ?!
j'étais morte d'inquiétude !

euh, bonjours Kim

aller rentre

Elle est toute rouge, avec les yeux tout humides.
Elle n'a même pas vu ce que je tiens dans ma main.
Tant pis, je rentre sans faire d'histoire. Je lui re-montrerais quand elle sera un peu calmé.

Je vais lui préparer les outils nécessaire à l’installation de mon appareil vocal, pendant qu'elle discute avec l'autre alerte sur pattes.

-merci de me l'avoir ramené.
il ne t'as pas posé de problèmes ?

J'entends au son de sa voix qu'elle est toute gênée. Elle n'en mène pas large devant Kim. Comme je la comprend. Moi aussi elle me fait peur. Alors pour une mutante aussi intimidable qu'Emilie...

-hum... tu veux entrer ?

Kim hausse un sourcil.

Newton ? C'était pas le nom de ton heu... chien-robot ?

Emilie n'a pas l'air trop en état de tailler le bout de gras. Visiblement, elle s'est fait un sang d'encre pour son ami en fer.

Hé bin heu des problèmes, à moi, non, mais il a fait un peu peur aux gens. Au fait, je lui ai trouvé un truc pour parler, je pense que c'est ce qu'il cherchait.

Elle tente encore le grand sourire rassurant, mais elle n'est pas douée pour ça, Kim. On voit surtout les dents.

C'est gentil, ma grande, je veux bien. J'suis curieuse d'entendre sa voix.

Parfaitement consciente qu'Émilie n'a fait la proposition que par pure politesse, la rebelle s'introduit quand même dans l'atelier. La curiosité est un vilain défaut, ouais, ouais. N'empêche qu'elle lui a donné un sacré coup de main à son droïde, elle a bien le droit d'entendre ses premiers mots, non ?

Newton ? C'était pas le nom de ton heu... chien-robot ?

-euh ben... oui, c'est lui

Pourquoi je lui dis ça comme ça ? Ya pas de quoi avoir honte. J'ai juste changé mon chien en assistant pour mes bricolages. J'aurais fais l'inverse encore, changer mon assistant en chien... mais c'est mieux là, non ?

Mais je viens quand même de l'engueuler comme un chien, le pauvre. Et devant elle en plus. La honte.
C'est pas sympa pour elle. C'est jamais agréable d'arriver chez quelqu'un et de le voir ce disputer avec son robot avant même de dire bonjours.
Mais il m'a tellement foutu la trouille...

Hé bin heu des problèmes, à moi, non, mais il a fait un peu peur aux gens. Au fait, je lui ai trouvé un truc pour parler, je pense que c'est ce qu'il cherchait.

Un truc pour parler ? Il est sorti d'un coup pour ça ? La vache, ça devait vraiment lui tenir à cœur. Il a pris des risques pour aller le chercher, avec tous ses gens dehors, pas toujours bien intentionnés. Et moi qu'est-ce que je fais ? Je l'engueule. Quelle tâche !
Pauvre Newt.
Tout ça serait pas arrivé si j'avais fais les choses correctement au lieu de bâcler pour satisfaire un caprice.

-merci
c'est très gentil.
Ça t'as couté cher ? Je te rembourserais.
entre

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