Trafique d'organes (suite)

[après ça ]

-Ne fais pas attention au désordre
enfin si, un ptit peu quand même, va pas te prendre les pieds dans quelques chose

Les premiers mots de Newt...
Moi aussi je me demande ce qu'il va dire.
Il doit en avoir des choses à dire.

Je vois son ancien corps qui est toujours, immobile.
Est-ce qu'il va m'en vouloir d'avoir été là dedans ?
Il aurait sans doute préféré avoir été comme maintenant dès le début. Mais j'ai fais ce que j'ai pu avec ce que j'avais et surtout de façon à ce qu'il ne me fasse pas de mal. J'espère qu'il comprendra, ou qu'il a déjà compris.

Ohlala, j'ai le trac !

Et lui qui m'apporte déjà un tourne-vis.
J'en ris un peu, nerveusement.

-t'es mignon

Un regard vers Kim, qui est là pour assister au spectacle.

-bon et bien... c'est parti
on va voir ce que ça donne.

Je commence à dévisser ce qui maintient la petite plaque sous son menton.

Kim agite une main en l'air.

Me rembourser ? Ouais, on verra plus tard. Autant, le truc marche pas et je me rembourserai avec les dents du vendeur.

Elle enjambe deux-trois pièces détachées et se trouve un tabouret. Enfin, c'était peut-être une jante de camion, à l'origine, mais comme tabouret, c'est nickel.

Elle observe le robot qui a préparé tous les outils nécessaires. C'est vrai qu'il est mignon. Délire que ça soit le même qui ressemblait à un chien avec un canon dessus !

Ou peut-être pas, qui sait. Peut-être que les robots changent si on leur change le corps. Kim pense qu'elle changerait, si on la mettait dans la peau d'une blonde platine bien en chair. Et puis elle casserait le nez de celui qui aurait fait ça, bien sûr. Ah non, elle changerait pas tant que ça, finalement.

Au fil de ces pensées passionnantes, le travail avance.

J'observe un pic de nervosité quand Kim parle des dents du vendeur comme monnaie d'échange.
Quand je pensais que les humains sont nerveux à la vue de leurs organes, en fait ils le sont aussi quand on parle. Et apparemment, ça vaut également pour les dents.
Ma mécano n'ose pas répondre à ça.
Mais il l'aurait mérité, ce vendeur. Il ne m'avait pas l'air honnête. Je dirais même qu'il avait l'air particulièrement vicieux.

Les vis sont sorties une à une et une sorte de petite trappe s'ouvre sur l'espace prévu pour accueillir le petit appareil. Après quelques ajustement, celui-ci s'emboite à merveille.

Analyse des périphériques de sortie
nouveau matériel détecté
réglage des paramètres de la boite vocale

Emilie est de plus en plus nerveuse.

-ça marche ?

-ça harche
ça marche
ça mmarrche
ça marche
CA MORCHE
ça marrchche
ça marche

réglages terminés.

-oui, ça fonctionne
merci

Emilie me regarde avec des grands yeux brillants.

-merci beaucoup

Là, on dirait qu'elle est sur le point de pleurer.
Elle est émue, je crois.

-de rien mon Newton

Un peu plus et elle sanglotait.
Je n'aurais pas cru que le fait de me donner la parole lui tenait tant à cœur. A moins que ce soit les quelques mots que j'ai dis ?
C'est pourtant pas grand chose. Mais je m'étalerait plus tard, pour ne pas la gêner maintenant devant notre invitée. Nous auront beaucoup de chose à nous raconter, surtout maintenant que les dialogues ne sont plus à sens unique.

Par contre, la chauve n'a pas peut-être pas besoin d'un moment d'intimité pour entendre ce que j'ai à lui dire.

-et merci à vous aussi, Kim
vous m'avez certainement sauvé la vie tout à l'heure au marché
et grâce à votre aide je peux enfin vous le dire avec des mots : merci

C'est rigolo, une Noire qui rougit : ça fait violet.

Oh, bah, de rien.

Tu, heu, hum, bin du coup, tout est arrangé, hein ? Newton est revenu, il parle, et...

Et des violons par là-dessus ? S'il y a un truc qui met Kim mal à l'aise, c'est bien les scènes d'émotion. Elle saute à bas de son tabouret improvisé.

J'vais vous laisser ! Salut Newt, classe ton nouveau corps. Ressors pas tout seul. Salut Emilie !

Elle tente une sortie désinvolte et bute dans une pièce détachée qui traînait. Epic fail.

Bizarre comme cette femme d'apparence si dure se met à ressembler à Emilie. Tout gênée, avec une variation pigmentaire transitoire et la maladresse de ceux qui manquent d'assurance.
Tout ça pour un "merci".
Il y a des gens qui adoptent une attitude proche de celle-ci quand on leur braque une arme sur la tempe. Pourtant un merci n'a jamais tué personne.

Et Emilie qui grimace comme si c'était elle qui s'était cognée dans cette pièce détachée. Elle semble avoir mal pour Kim. C'est assez étonnant de voir comme un humain peu souffrir à la place d'un autre et ça, même quand celui qui est touché physiquement ne souffre pas. Comme s'ils étaient connectés entre eux.

Ma mécano salut timidement la chauve quand elle s'en va, se gardant de faire une remarque sur sa sortie. Elle a sans doute peur qu'elle le prenne mal.
Les humains ont ce qu'on appelle de la fierté. Certains plus que d'autre. Et les plus fières, on ne peut pas leur faire remarquer leurs erreurs sans en provoquer la colère et l'indignation. Pourtant, on dit que l'erreur est humaine. Ils en font tous. Pourquoi ne pas simplement le reconnaitre ?
Mais bien souvent, l'émotion inhibe la logique.

Je vais garder cette réflexion pour moi, afin de rester en bon terme avec les personnes présentes. Les humains n'aiment qu'on révèlent leurs faiblesses.

-Au revoir Kim.

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