Seel

Je me suis encore faite abordée par un homme étrange. Pourtant, j'avais toujours pensé que, avec mes nombreux kilos disgracieux, on me laisserait tranquille. Mais, depuis quelques temps, c'est pas le cas. A chaque fois, c'est des hommes plus vieux que moi en plus. Au moins deux fois mon âge ! Et moi je ne comprends pas pourquoi maintenant, et pas avant ? Qu'est-ce qui a changé entre temps ?

Le premier m'avait demandé son chemin. Je suis pas un gps embulant ! Je sais qu'ils font des nouvelles technologies, qui ressemblent à des humains, sans en être, et qui on tout un tas de fonctionnalités, mais quand même. Qui irait faire un robot gras ?
Je m'étais approché de sa voiture volante. Il me regardait avec un sourire à la "je tourne dans une pub pour le dentifrice". Comme si je savais, en plus, où on trouvait des bars avec des valkiries moi. Est-ce que j'ai une tête à aller dans ce genre d'endroit ? Alors j'ai dit qu'il devait y avoir en centre ville. Et là, encore ce sourire à la dentifrice et, malgrés ses 20 ans de plus que moi, voilà qu'il me sort un "ça vous dit de boire un café avec moi pour vous remercier de m'avoir aidé ?". Ma première réaction, ç'a été la fuite, bien entendu. Qu'est-ce qu'il croit ? Je le connais pas, il a l'âge de mon père, et je sais pas m'y prendre avec les gens. Alors j'ai secoué la tête de droite à gauche, et j'ai dit que je devais rentrer.
Pourtant, dans mon appartement, personne ne m'attend.

Parce que, en fait, mon appartement, il est rien que pour moi. Cadeau de papa maman quand j'ai eu 14 ans. Parait-il qu'il fallait que j'apprenne à me débrouiller toute seule. C'est plutôt parce que je leur fais honte. Une fille d'automate comme moi... Ya mieux quoi. Aux diners et tout, je présente pas bien. Donc on m'a éloigné. Remarque, ça me va aussi bien, j'aimais pas trop l'ambiance. Et puis on s'habitue à vivre seule. J'ai même dit à la femme de ménage que ça allait aller. Mais qu'il fallait pas le dire à mes parents. Donc elle vient plus, mais ils la paient quand même. Je me dis que ça doit l'aider à rajouter du beurre dans ses épinards, même si je suis pas sûre qu'en tant qu'orthodoxe elle ai le droit d'avoir du beurre, ou même l'envie.
Je crois que, s'ils savaient, mes parents auraient encore plus honte de moi. Une automates qui lave elle même ses toilettes !
J'ai même planté moi même des plantes sur mon balcon. Ca pousse tout doucement, je suis fière de moi. Il faut bien que quelqu'un le soit hein...

Le deuxième homme... J'étais en train de pique niquer dans le parc. Il est passé devant moi, et en fait il est revenu. Je l'avais bien vu, et j'avais eu peur qu'il ne vienne vers moi. Je me demandais ce qu'il pouvait me vouloir celui là. Il m'a demandé si j'avais une cigarette. Mon oncle, le seul de la famille du côté de mon père a avoir été aimable avec moi, en est mort, alors ça m'a jamais trop tenté. Alors je lui ai dit mon. Il a haussé les épaules, dit "tant pis" et a tourné le dos, fait trois pas, et ai revenu vers moi. Je devais faire une tête de dix pieds de longs en le voyant faire. Mais ça l'a pas découragé, au contraire. Il s'est rapproché, m'a demandé ce que je lisais. Je savais pas trop quoi faire, je voulais m'enfuir encore une fois, mais il m'aurait vite rattrapé. Alors je lui ai montré la couverture du livre. Il a fait un "ouah" genre celui qui lit pas et qui trouve ça incroyable. Mais il a quand même fait semblant de s'intéresser, en profitant pour se rapprocher bien sur... Et il a continué à me parler, alors que moi j'étais de plus en plus crispée et que je regardais autours de moi, me demandant qui viendrait m'aider si jamais...
Mais il a du le sentir, il est parti peu de temps après. Ou alors il a du se dire que j'étais trop coincée. J'en sais rien, et je m'en moque.

Et le dernier là... Il m'a demandé l'heure. Il a pas une montre imprimé sur la peau comme pleins de gens ? Ou ces nouveaux portables qui ont une centaine d'utilités ? Bon gré malgré je la lui donne. Il disparait derrière un arbre. Et revient ! Là, je l'ai senti très très mal. Il s'approche tout près de moi, assise sur mon banc. Me dit qu'il faut pas être triste. Ahah... Il me sort ensuite que j'ai de beaux yeux. Me demande si je suis d'ici. S'étonne quand je lui dis que oui. "Comment ça se fait que vous ayez d'aussi jolis yeux en étant d'ici ? ". Sa remarque me surprend. Qu'est-ce que j'en sais moi ? Et puis, mes yeux, qu'est-ce que je m'en fous ! Ce ne sont que des yeux. Il y a plus beau. Ils sont juste quelconque, marrons. Mais lui continue. Me dit que je suis très jolie. Il m'a bien regardé ? Et là, le voilà qui se penche vers moi en me disant, on peut se faire la bise. Euh... Non ? Mais le voilà déjà qui m'embrasse la joue, ses poils coupés me rapant la peau désagréablement. Cette présence imposée me dégoute, j'ai peur. Mais personne ne peut m'aider. Je suis toute seule. Il continue à parler de ma beauté imaginaire, et moi, j'ai juste une envie, qu'il parte. Qu'il me laisse. Il me demande si j'ai un petit ami. Je ôche la tête mécaniquement. Un petit ami... Je rigole jaune intérieurement. Il m'a pas vu cet idiot ? Qui voudrait de moi ! Et là, il me sort "toutes les jolies femmes sont prises, c'est dommage". Il me refait la bise sur ses paroles, et s'en va. Mais la peur est toujours là. Je le suis des yeux, pour être sûre qu'il ne revienne pas.
Pour une fois, j'aurais voulu ne plus être seule. Que l'on me protège. Au lieu de ça, je ramasse mes affaires, la peur au ventre, les larmes aux joues, et je rentre chez moi, fermant la porte à double tour.
Et je ne peux même pas appeler mes parents, qui ne comprendraient pas. Et puis, pour leur dire quoi ? Qu'un homme qui m'a trouvé joli m'a fait peur ? Alors que, à part la bise, il ne m'a même pas touché ?


[Fille d'automate]