Non mais vraiment !
Quelle mission à la con !
Et il faut que ça tombe sur moi en plus. Je suis sûr qu'il a fait exprès. Il peut pas me blairer, ce connard. Comme beaucoup d'ailleurs. Je ne l'aurais pas déjà croisé au centre ? Un des grands que Samuel m'avait donné pour adversaire. Maintenant, il me parait moins grand. Ça sent la vieille vengeance. Vivement qu'il se casse, que je n'ai plus à supporter sa connerie de supérieur bouffi d'orgueil.

En attendant, j'ai du laisser l'uniforme pour des fringues de clodo. Un vieux jeans troué et sali exprès et un pull mité, les cheveux pas peignés pour faire plus vrai. C'est mieux aussi pour planquée mes oreilles. Entre celle qui est coupée et l'autre qui est marquée... Mais surtout, j'ai du laisser mon masque et mes gants, trop voyants, trop reconnaissables.
Je suis vraiment pas à l'aise.
Enfin, au moins en bas, je pourrais sourire, ça ne devrait pas être trop gênant.

Mon, on y est.
Je respire un bon coup.
Courage, c'est pas la mer à boire. Faut juste éviter de se faire remarquer.
Putain j'aime pas ça !

Allez, on y va. Je soulève la plaque d'égout et je descend.
J'entends la foule. Il y a du monde là dedans.

Arrivée en bas, c'est un vrai souk que je découvre. Les collègues vont avoir du boulot pour nettoyer la zone.
Je fond dans la masse, jette un œil à quelques étalage comme si je faisais mon marché, mais surtout, je fais ce pour quoi on m'a envoyer : repérer l'état des lieux, le nombre de personnes, les issus... Il faut un maximum de renseignement pour que la descente à venir. Qu'on sache combien d'homme envoyer, par où, et de façon à faire le plus de dégâts possible sans perdre trop des nôtres.

De temps à autres je prends quelques notes dans un petit calepin.

Je me fait un peu bousculer.
Putain de merde ! Ils vont me refiler leurs parasites à passer aussi près ! Celui-là, vu la gueule de la tignasse, je sûre qu'il a des poux.
Et l'autre qui me tousse sur l'épaule. Tu veux pas que je te prête ma manche pour te moucher tant que t'y es ?! Ouais, c'est ça, t'excuse pas. Casse-toi connard ! De toute façon, vous allez tous crevé et ce sera pas dommage. C'est un vrai nid à miasmes ici.
La première chose que je fais une fois de retour à la surface, c'est de me jeter ses fringues pourris et de me désinfecter de la tête au pied.

Mais pour l'instant, j'ai du travail. Autant le finir au plus vite.

Quoi ?
Il me parle, lui ?
Qu'est-ce qu'il veut ?
Déjà qu'il me touche...

clack

merde, j'ai pété mon crayon en deux.
Ok, on se détend... respire...
C'est qu'un crayon, mais... ça m'énerve...

Je me retourne pour voir la gueule de l'emmerdeur.
Je devrais pas lui lancer ce regard là, celui qui dit "recule ou je t'arrache la gueule avec les dents".
Putain ! Qu'il enlève sa main de mon épaule ou je lui plante mon crayon cassé !
Je voudrais lui savater sa sale petite gueule de rat trop curieux, mais faut pas que je me fasse remarquer.

Donc, on reste zen et aimable, on souris... ouais nan, vaut mieux que j'évite de sourire comme ça, ça doit plutôt ressembler une grimace. Je souris pas, je montre les dents. Il manquerait plus que je grogne.

Je me racle la gorge et lui répond, quand même :

-Ce que je fais ? ... j'écris.

Oui, bon, je sais, c'est évidant. Mais qu'est-ce que vous voulez que je lui dise ? Que je prend des notes sur les lieux pour qu'on vienne leur faire la misère ?

-j'écris... des trucs... pour... c'est un brouillon !
En fait, j'écris une histoire. Et j'ai besoin de quelques détails, pour mon histoire... pour faire plus vrai. Les commerces, les allées, la foule tout ça... Mais c'est pas fini ! Et faut pas regarder, ça me déconcentre.

J'espère qu'il va gober ma comédie improvisée. Raconter une histoire, c'est bien un truc de rebelle ça, c'est interdit. Donc ici, c'est normal. Non ?

S'il pouvait me foutre la paix maintenant...

Je vais lui planter dans le crâne, le crayon !

Putain, je hais les rats ! Ils sont tous aussi chiants ?!
On a vraiment affaire à des sauvages, mal élevés, puants...

Il veut voir ce que j'écris ?
NAN !! DÉGAGE ! c'est ce que je voudrais lui dire, mais ça aurait l'air suspect. Il me soupçonne déjà de quelque chose, sinon pourquoi il voudrait voir un brouillon ? Je lui ai déjà dit que je ne voulait pas qu'on regarde, que ça me déconcentre. Il m'a pas cru ?

J'ai pas l'habitude de mentir à visage découvert, j'ai peut-être des mimiques qui me trahissent. Ou peut-être que le bobard en lui-même n'est pas crédible. Après tout, j'y connais rien aux écrivains des égouts.
Rrrrah ! Et zut ! J'ai un tic à la lèvre supérieur. Ça tressaute. De savoir que tout le monde peut voir tout mon visage, ça me rend nerveuse.
Il devait le savoir, l'enfoiré qui m'a envoyé ici. Il savait surement le genre de merde que j'y trouverais. Il l'a fait exprès. C'est pas une mission, c'est du suicide !
Si je me fait repérer, je suis morte. Il aurait plus trouvé plus quelqu'un de plus compétant pour les infiltrations.

Bon, comment je fais avec ce fouineur ?
Je regarde mes notes... il n'y a rien qui indique que c'est pour une mission de grand nettoyage, juste quelques croquis, esquisses de plan et indications sur le nombre approximatif de commerce, les voix d'accès, la longueur du tunnel...

Je lui montre rapidement.
Comme ça, peut-être qu'il me foutra la paix. Et c'est moins louche que si je lui cache, même si ça n'a pas vraiment la gueule d'un roman.

-Je vous l'avais dit, c'est un brouillon.

Tu vas me foutre la paix maintenant ?!!

C'est aussi une caractéristique des insurgés d'être aussi bavards ?
Et de préférence pour débiter des conneries.

Il s'excuse, mais il insiste. Il pose des questions, puis finalement d'autres. Il sait pas ce qu'il veut !
m'énerve
Dans tout les cas, il est trop curieux. C'est quoi ? un interrogatoire ?! Il est de la police ? Ah bah non, ça c'est moi. Mais il faut pas qu'il le sache.

Et vas-y qu'il essaye de me prendre mon carnet !
Paf ! Je lui en fout un coup sur les doigts avant qu'il n'est le temps de me l'arracher des mains.

-Nan mais ça va oui ?!
C'est MON carnet !
Et je vous ais dit que j'aimais pas qu'on regarde ! J'ai pas fini !
Et c'est quoi ces insinuations sur mon espérance de vie ? Des menaces ? Je vous préviens, je sais me défendre !

Voilà, bien agacée, je la lui joue outrée sans trop de difficulté, le menaçant de l'index dressé, autoritaire, faute de mieux. C'est ça ou lui péter les dents. Mais j'aime autant éviter de lui faire une démonstration "d'auto-défense" ici, au milieu de cette foule de vermine. Pas de scandale. Je pourrais lui mettre une tarte, à la limite, sauf que j'aurais plutôt le réflexe de fermer le poing avant de lui en coller une, donc c'est aussi à éviter.
Je dois rentrer dans mon rôle d'écrivain, d'artiste rebelle et non lui refaire le portrait.

Mais il a quand même pas intérêt à me toucher.
J'ai l'air assez menaçante avec mon demi-crayon pointé vers lui ? Ouais, heureusement que le ridicule ne tue pas.

Qu'est-ce qu'il me baragouine encore ?
Il veut vraiment que je me fâche ?!

Qu'est-ce qu'il a à tourner autour du pot comme ça ? Est-ce qu'il sait au moins où il veut en venir ?
Il me parle d'être tué, de puce... enfin il me décrit mon job quoi...

… Et si j'étais un Nod ? Que se passerait-il pour vos jolies fesses d'insurgée ?

Quoi ?!
Mais c'est le monde à l'envers !
Nan... il n'essaie quand même pas de me dire qu'il serait... Ça se peut pas. Nan mais vous avez vu sa tronche de débile ? Et sa façon de parler, complètement brouillon, sans queue ni tête, bien trop fantaisiste. A moins d'être vraiment très bon comédiens, je ne vois pas comment ça pourrait être un NOD.
Et de toute façon, qu'est-ce qu'il fout là ? On serait deux à avoir été envoyés sur la même mission ? Sans avoir été prévenus ? nan

-En admettant que vous soyez un NOD, vous pourriez me dire ce que vous me voulez ?
C'est pas un peu stupide de venir chercher la merde au milieu d'une foule d'insurgés ? Juste pour une artiste ?
Et si je vous dénonçait ? C'est une idée ça, tient ! Qu'est-ce qu'il se passe si je hurle, ici maintenant, que vous êtes un NOD ?

C'est bien ce qu'il me semblait, c'est pas un NOD.
Possible alors que des gens le connaissent ici et si je gueule personne ne me croira.

C'est juste un sale petit rat, un emmerdeur.
Mais pourquoi il veut pas me foutre la paix ? Il y a plein d'autres gens à faire chier ici, alors pourquoi moi ?

Et maintenant il lui faut des preuves ?!
à merde
prouver que je suis ce que je ne suis pas
pas simple

Mais enfin, à quoi il joue ?
Qu'est-ce qu'il faut que je fasse pour qu'il me lâche la semelle ? Que je lui roule un patin ? Pour le coup, là il l'aurait sa preuve, mais... ah non, beurk ! Je ne peux vraiment pas faire ça. C'est au-dessus de mes forces. Même pas sûr qu'il connaisse le dentifrice en plus. Pour peu qu'il soit bourré d'aphtes, de caries ou de... ah non berk !! J'aime mieux pas y penser finalement.

Je lève la main pour réajuster mon masque avant de me rappeler que je ne l'ai pas.
Alors c'est pour ça que je trouve que ça pu autant !
Raaah ! puis je me sent toute nue sans mon masque ! Je déteste cette mission.

Bon il veut une preuve.

-une preuve...
... quel genre de preuve ?
Et puis pourquoi il vous faut une preuve ?

Je suis vraiment mal barrée. C'est de pire en pire.

-Bon d'accord, je ne suis pas une insurgée... enfin pour l'instant.
Mais je ne savais pas que cette endroit était interdit aux orthodoxes, qu'il fallait absolument une preuve pour pouvoir circuler tranquillement... c'est la première fois que je met les pieds ici.
Vous ne sauriez pas ou je pourrais trouver quelqu'un qui a de quoi neutraliser ma puce ?

Si je ne suis pas crédible en insurgée, peut-être que j'arriverais à passer pour une orthodoxe. C'est toujours mieux NOD dans un endroit pareil.

Pour se mettre dans une situation comme celle là, je pense que vous êtes réellement une orthodoxe. Parce que même le plus mauvais des Nod ne se mettrais jamais dans une situation pareille ! Haha...Ha...

Le plus mauvais des NODs ?! Non mais comment il y va lui ! C'est vrai que je suis dans la merde, mais avec une mission pareil, c'était obligé.
Je suis pas mauvaise !!

Par contre, je suis un tout ptit peu embêtée là, parce que c'est pas vraiment ce que je voulais, aller voir son pote pour me faire griller la puce que je n'ai pas. Et sans armes en plus !
Je suis pas supposé en avoir, là maintenant, mais si je me fait fouiller, ça risque de surprendre, la dague planquée sous le pull, sanglée au thorax, juste sous la poitrine. Et encore, j'ai pas pris le flingue du NOD (de toute façon je l'ai encore paumé, faudra que j'en redemande un au Centre).

Bon ok, je me suis super mal débrouillée sur ce coup là. Enfin, je vais voir un de leur gars qui neutralise les puces, c'est pas mal aussi comme info à rapporter. Comme ça je pourrais leur dire exactement où le débusquer lors de la prochaine descente... si j'arrive à revenir de cette mission en un seul morceau.

En attendant, jouons le jeu.

-Vous pensiez que j'étais un NOD ? Vraiment ? Je sais bien que j'ai mauvais caractère, mais quand même... Je vous fais peur ?

Voilà, avec le petit air innocent un peu embarrassé... ça marchait bien avec Samuel, pourquoi pas avec lui ?

-Bon, et bien je vous suis, allons me débarrasser de cette puce une bonne fois pour toute. Ça me rendra peut-être de meilleure humeur.

J'ai eu comme un réflexe quand il m'a attrapé le poignet, celui d'empoigner le crayon fermement et de le lever dans son dos. Mais je me suis arrêtée avant de lui planter la mine quelque part, et heureusement parce qu'il y a du monde qui nous regarde.
S'il pouvait éviter de me toucher avec ses mains de sale rat... j'ai horreur de cette familiarité, mais chez ces sauvages, ça doit être normal.

Il s'arrête devant un stand.

Quoi ? C'est tout ?
Lui qui disait qu'il faudrait y aller sans armes, comme s'il s'agissait d'un truc super bien gardé, finalement, il me montre ça.

Ça vaut mieux en fait. J'échappe à la fouille corporelle.
Par contre, son idée de lettre peut être intéressante...

-Et vous savez à qui je pourrais adresser la lettre. Parce que si c'est moins dangereux comme ça, ça vaut la peine d'économiser un peu plus, non ?

Et surtout, il y a peut-être moyens de remontrer jusqu'au scientifique par le biais de cette lettre. Ça se tente.

Aïe, je suis grillée.
Tu m'étonnes qu'il veut pas me dire à qui filer la lettre.
Je suis si mauvaise comédienne que ça ? Remarque, il parait qu'un NOD ça se repère bien, comme si c'était marqué sur notre front.
Il devrait le dire plus fort aussi, des fois les autres n'aient pas entendu !

Ça doit se voir à la tête que je fais, que je me sent bien dans la merde. Surtout que j'ai pas mon masque pour cacher mes expressions. Du coup je me sent encore plus dans la merde ! Et ça doit se voir encore plus.
Allez, on se reprend avant que ça dégénère.

-et qu'est-ce qui vous fait croire ça ?

Ouais, je suis pas convaincante, mais bon...

Allez, fait pas le con... sinon il faudrait que je me sorte de là coute que coute. Et je n'hésiterais pas à t'utiliser comme bouclier ou comme otage. Voir même à te faire taire tout de suite avant que tu ne me fasse remarquer d'avantage.
Frapper la première pour avoir un temps d'avance même infime.
Je suis déjà en train de voir si tu serais pas armé, et de me préparer réagir au plus vite.

Comment je vais me tirer de là ?
Je ne sais pas exactement. ca risque d'aller très vite.
Je ne maitrise pas la situation, ça va pas ! Ça va pas du tout ça !
C'est pas bien...

Montée d'adrénaline, pupilles noires dilatées dans ses iris pâles, sourire en coin incontrôlé, une expression qui ferait hésiter entre panique et sadisme. Elle est comme un fauve acculé. Va-t-elle l'égorger ou juste fuir ? Peut-être les deux, qui sait.
Et cette tension, sa respiration accélérée... elle semble prête à exploser au moindre geste, au moindre mot de Krebs, celui qui sera de trop.

Un marché ? Une porte de sortie...
S'il tient parole, je peux m'en sortir sans bobo.
S'il tient parole...
Comme si ces sales rats en étaient capable !

Il n'a qu'un mot à dire pour me faire tuer. Il peut le cracher d'un instant à l'autre. Je lui arracherais la langue, s'il le fait.

D'un geste rapide, je l'attrape par le col pour le rapprocher de moi, là tout près (un peu trop près même, vu que j'arrive à sentir son haleine). Puis je passe mon bras derrière sa nuque pour pas qu'il s'éloigne, tout en faisant en sorte que la pose est l'air plus naturelle (du moins pour les rats).
Là, comme ça, plus près.
De l'autre main, j'ai attrapé ma dague sous mon pull, et la plaque contre son ventre, cachée entre nous deux. De son cou, mon bras descend gentiment dans son dos, qu'il ne puisse pas éloigner son bide de ma lame.

Alors je lui murmure à l'oreille :

-Je vais partir. Mais tu vas gentiment m'accompagner jusqu'à la sorti sans faire de vague, sinon je te fais sortir les boyaux. Compris ?

Hyena sourie. De l'extérieur, on pourrait croire qu'elle lui fait du gringue. Sauf que ce n'est pas du tout l'affection qui motive un tel sourire carnassier.

Non, ce n'est pas qu'une impression. Elle a bien frémit.
Pas l'habitude qu'on lui touche la main, surtout sans ses gants en cuir.

Qu'est-ce qu'il fait ce con ? Il veut vraiment mourir ?!
Sauf que si je le tue, je suis morte. Fait chier !
Il est vraiment sûr de lui ?

J'appuie un peu plus le tranchant de la lame contre son ventre, pas trop, s'il saigne ça va se voir et je vais me faire repérer. Juste assez pour voir si ça ne l'impressionne vraiment pas.
Je le regarde droit dans les yeux et lève un sourcil.

Tu m'en crois pas capable ? Tu sais que je suis pas saine d'esprit. Ya qu'à voir ce sourire qui me tire la gueule. Tu crois pas que je serais assez dingue pour t'éventrer ici, devant tout le monde ? Je l'ai déjà été assez pour venir jusqu'ici. C'était un ordre, mais quand même... Oui, je dois être vraiment dingue.
Mais pas suicidaire.

Et lui, il ne cède pas. Il doit être inconscient ou encore plus barré que moi.
Allééééééé ! Tu vas avoir peur oui ?!
Merde, il ne résiste même pas.

Et puis il faut vraiment qu'il ait sa main pleine de doigts sur la mienne, comme ça, directement ? On sait pas où il l'a mise avant, et j'aime mieux pas savoir.

Trop près.
Beaucoup trop près.
Faut qu'il me lâche !
A moins que ce soit moi qui le tienne ? merde !

J'enlève ma main de dans son dos et vient chercher la sienne pour la tirer de là où il l'a mise, que je puisse ranger ma dague sous mon pull.
L'arme rangée à sa place, je m'éloigne vivement de lui et respire un bon coup loin de son haleine de rat.

-fhuhu... hihihi ! tient, le voilà, ton carnet !

J'arrache une page, vite fait avant de lui coller le reste dans les mains, et je me casse avant qu'il dise quelque chose.
La page arrachée en poche, j'ai assez de renseignements pour ma mission. Faisons comme s'il avait pas capté. Je presse le pas vers la sortie.