J'ai quitté
mon atelier assez vite pour qu'on me pose pas de question. Mais maintenant, une petite conversation ce serait peut-être bien...
Parler, ça soulage, mais pour dire quoi ?
Que j'ai eu la trouille de ce mentaliste attaché, de ce que pouvaient penser les autres rebelles, de Newton même qui risquait de faire du vilain ?
J'aimerais tant pouvoir lui faire confiance...
Et puis c'était idiot de réagir comme ça, pour si peu...
Newton aboie et je sursaute.
Ça fait un moment qu'il me regarde et que je fais comme si je ne le voyais pas.
-Ok, ok... je suis là Newt... je sais que tu me regarde. Tu dois te demander ce qui m'arrive. Tu vois bien que je vais pas bien...
Non non, ça va. C'était rien. Il n'y avait vraiment pas de quoi se mettre dans cet état là.Je renifle bruyamment et m'essuie la figure avec la manche du manteau.
Je suis pitoyable. J'ai honte.
-Bon sang ! Je suis vraiment une lâche ! J'en ai marre d'être comme ça, j'en tape sur le volant de colère. Colère envers moi-même, pas foutue d'affronter les gens, de leur dire ce que je pense sans trembler des genoux et devenir rouge comme une tomate.
-C'était pourtant pas quelque chose de grave ! Juste un putain de bocal à cornichon ! Ça l'aura pas tué de pisser dedans ! C'était une bonne idée, non ? Tu trouve pas ? J'ai pas à me le reprocher.
En plus c'est un mentaliste, une des ordure qui nous ferait la peau s'il pouvait.
Toi c'est différent. T'étais un NOD, c'est vrai, mais t'es pas comme eux. T'avais pas choisi d'être obligé de nous tuer. Et maintenant tu es devenu quelqu'un de bien... un peu agité par moment, mais raisonnable. Je t'en veux pas pour tout à l'heure.
Enfin bref, tu l'as bien mérité, ta sortie. Je suis fière de toi. Et je les emmerde, les autres. Je me fiche pas mal de ce qu'ils peuvent en penser. Moi je te connais...
Ça te dis, après avoir livré le CD je t'emmène faire un tour ? Ça doit te manquer de sortir, voir autre chose que mon atelier, non ? Ah ça fait du bien de discuter ! Un ptit coup de colère et puis cette sensation de liberté... Je volle, dans une voiture sans doute volée, avec mon cyberNOD à côté de moi et personne pour me juger, personne pour m'arrêter, personne non plus pour me dire de freiner.
C'est grisant la vitesse. J'adooore ces engins là ! Oh putain, ça me fout des frissons partout ! Mais c'est pas le moment de se taper un orgasme en s'envoyant en l'air entre les immeubles immenses. J'ai une petite chose à livrer.
Ça aussi, c'est excitant. Je me rend utile en faisant quelque chose de dangereux. Même pas peur !
Et si je me fait arrêter ?
Qu'elle délicieuse montée d'adrénaline ! J'aurais pas cru que faire un truc aussi risqué me fasse cet effet là.
J'emmerde les mentaliste, j'emmerde le gouvernement, et j'encule les copains rebelles qui diraient qu'avoir un NOD de compagnie est complètement irresponsable. J'emmerde aussi les panneaux de signalisations. Je volle où je veux, comme je veux, aussi vite que je veux ! Et j'évite les autres aux voitures aux intersections, juste au bon moment. Je suis trop forte !
Newton abois encore. Il trouve peut-être que je vais trop vite.
-T'inquiète, je maitrise. C'est marrant comme tout me parait facile. Vraiment, j'aime ses engins là.
On arrive devant le Temple, à hauteur des bureaux avec leurs bais vitrées. Est-ce qu'il y a des caméras qui nous surveillent ? Faut pas trainer.
Comment faire pour faire entrer ce CD à l'intérieur ? le mettre dans la boite aux lettre ? Naaaaan, j'ai une bien meilleure idée. Pourtant, c'est de la folie, ça ne me ressemble pas. Mais pour une fois que je me permet de faire quelque chose d'un peu fou, autant aller jusqu'au bout.
-Newt, tu vois la vitre là ? Tire dedans. Fais moi un joli trou que je puisse déposer ma jolie livraison. Tu veux bien ? Il hésite, je le vois bien. Peut-être que ceux qu'avant on lui interdisait à s'en prendre à un bâtiment de mentalistes.
-Alléééééé, s'il te plèèèè ! Fais le pour moi... juste un ptit trou, là. Dépêche, avant qu'on nous voit !
Ça y est, il se décide. Il pointe son canon par la vitre baissée et vise la bais vitrée en face. Le coup part, un puissant rayon jailli de son engin et fait voller le verre en éclats. Les morceaux dégringolent, plus épais que je ne l'aurais cru. J'aimerais pas être en bas et me prendre ça sur la tête. Ca risque que d'en alerter plus d'un, si ce n'est pas déjà fait. Alors vite, je vise et je lance le boitier avec le CD dedans. Il atterrit sur un siège. Mission accomplie.
J'entends des coups de feu. Ça pétarade au raz de ma tête. La bagnole se change en passoire. Merde ! Ils sont déjà là ! On n'est foutus !
Une douleur soudaine dans le bras gauche. Aïe ! Merde ! Ils m'ont eu. Je veux pas crever !
J'écrase l'accélérateur, on décampe d'ici en quatrième vitesse. Ce sera un miracle si je m'en sort, mais on y croit !
Ils me poursuivent avec leurs véhicules. Des mentalistes, des NODs, ils continuent à nous tirer dessus. La portière côté passager c'est barrée.
-Newt ! Fais gaffe ! Et là, tout par si vite... ça me semble pourtant durer une éternité.
Le choc violent, puis la tête en bas, en haut, en bas... ces salauds nous ont percuté pour nous stopper.
On tombe... on tombe !
Merde ! redresse saloperie de coucou, vieux tas de ferraille !
Ouf ! c'est bon, on reprend une trajectoire horizontale.
-Ça va Newt ?
Newt ?! Oh non... il n'est plus là ! Non... non non non ! C'est pas vrai !
Il a du tomber.
Oh non, en plus les NODs sont encore là, je les voit arriver dans le rétroviseur.
Désolé Newton, pas le temps de m'occuper de toi. Il faut
que je les sème avant tout. Pas le temps de respirer !