C'est chez moi. Mon antre, mon boudoir comme on disait dans l'ancien temps, mon home sweet home, mon nid douillet...

Cet appartement m'a été attribué le jour où je suis entrée en fonction. Rien que pour ça, je ne regrette pas ce que je suis, parmi d'autres avantages sonnants et trébuchants. Il était vide à mon arrivée. Quand je dis vide cela signifie qu'il ne contenait qu'un lit, une table, une chaise et quelques couverts assez bas de gamme. J'ai claqué mes premiers billets dans l'ameublement en me concentrant d'abord sur la chambre car j'allais y passer pas mal de temps. Et au fil des années et des clients réguliers et surtout très satisfaits, j'ai réussit à me constituer une petite fortune qui me permet de vivre aujourd'hui dans un des appartements de la ruche les plus originaux. Beaucoup de mes "consœurs" ne sont devenues mes amies que pour avoir l'occasion de venir prendre le thé chez moi. Bande d'hypocrites. Ici tout le monde n'a qu'une envie: foutre le camp, ne plus être esclave du désir des autres et vivre sa propre vie. Moi non. j'aime la vie que je mène.
Elles ne se rendent pas compte, c'est pas possible. Nous sommes des ultra-privilégiées et notre faculté à faire sauter le verrou mental imposé par le gouvernement est un pouvoir extraordinaire. J'ai souvent l'impression de posséder le droit de vie et de mort sur les hommes et à bien y regarder, c'est presque ça. Tous ces orthodoxes que j'ai libérés pendant quelques heures et qui m'ont raconté ce qu'était leur vie, tous ces mentalistes que j'ai fait rêver à d'autres choses que des gens en prison ou morts... Oui, j'ai ce pouvoir et les informations que je possède grâce à lui peuvent se monnayer extrêmement chères. j'en ai fait un commerce parallèle qui me rapporte quasiment aussi gros que le premier. C'est grâce à ça que je vis bien au-dessus des moyens de la plupart des habitants de la ruche. D'ailleurs, je n'y ai pas d'amis. Quelques connaissances qui viennent donc sonner pour "papoter" ou des "confrères" dont le désir pour moi a subitement explosé devant tant d'argent. Comme si j'allais le dispenser aux premiers venus! J'ai mieux à faire, mieux à gagner. Je sors ce soir...

Non, je ne regrette pas le jour où j'ai franchi ce passage et où je me suis retrouvée dans cette ville frigide et bouillante à la fois. Pour quelqu'un comme moi, elle regorge de possibilités incroyables car je n'ai pas le cerveau formaté comme les autres. je viens d'ailleurs et cet ailleurs est un gage de liberté que je garde très secrètement au fond de moi. J'ai vite appris que la liberté, ici, rimait avec autorité. Mais les hommes de pouvoir ont des failles plus importantes que les autres. Il suffit simplement de les trouver et lorsque vous les découvrez, elles apparaissent pour ce qu'elles sont: des abysses.

Allons, je dois finir de me préparer, ce soir est un soir spécial...