WTF ???

Nouvelle tête... Nouvelle tête égale méfiance. Elle a l'air suffisamment paumée pour être soit une dépucée de fraîche date, soit une NOD qui aurait fait l'actor's studio. Méfiance.

Cigarillo entre les dents, je lui barre la route et n'y vais pas par 4 chemins. Pas exactement mon genre.

Tu cherches quequ'chose ?

Et un petit coup de regard-qui-fait-flipper-sa-race par là-dessus.

Je la chope par le col et la repose pile en face de moi.

Pas si vite la miss.

Je l'inspecte. Du regard, hein. On va pas se la jouer fouille au corps en plein milieu de la rue. Et moi, de toute façon, les méthodes de flic...

Pas de bosse suspecte sous ses fringues d'ortho. Musclée mais pas plus que moi. Je l'attrape par le bras, la fais pivoter et lui soulève les cheveux de l'autre main. Pas de code-barre dans la nuque. Mentaliste alors ? Mouaif, peu probable. Je serais déjà en train de baver au fond d'une cellule.

A peu près rassurée, je la lâche, soulève un peu mon tee-shirt et lui envoie un clin d’œil avec celui du nombril.

Bon, maintenant qu'on a fait connaissance, c'est quoi ton nom ?

Déliiiire, les veines qui brillent ! Jamais vu encore, comme altération...

Je sens un sourire ébahi se dessiner sur mes lèvres. J'enlève le cigarillo de ma bouche et tends la main avec précaution. Si ça se trouve je vais me prendre du 200 000 volts... Ouf, non. Je lui serre la main sans lui broyer les phalanges.

Kim. Si on allait discuter devant un verre ?

Je l'emmène au comptoir de mon presque-ami Bao, dans Chinatown. On se rend service. Je pète la gueule aux clients trop lourds, il me fait crédit.

Je le salue d'un hochement de tête -- qu'il me rend --, m'installe sur un tabouret, et au moment de commander, j'ai un doute.

Au fait, t'as déjà bu d'l'alcool ? J'veux dire, t'as l'air dé... changée depuis pas longtemps.

Hm, je vois.

Je vois que dalle, en fait, mais ça fait pro de dire "je vois".

On va commencer par un petit baijiu alors, c'est pas très fort.

Les verres nous sont servis, je lève le mien.

Au changement ! Et faudra que tu me racontes comment t'as fait, ça intéressera nos... amis têtes d’œuf.

Je fais cul-sec, sors un cigarillo, lui tends le paquet.

Tiens, essaye ça aussi.

Je décapite le mien d'un coup de dents, l'allume en creusant bien les joues, lui tends le briquet.

Après, tu aspires mais tu avales pas la fumée. Tu la gardes un peu dans ta bouche et (démonstration) tu la souffles.

Ah ouais putain... Y avait bien une histoire de 200 000 volts dans l'histoire, alors.

Dommage. Enfin, pas qu'les esprits t'aient à la bonne hein. Mais qu'on pourra probablement pas renouv'ler l'expérience.

Je commande un autre verre de vitriol pour moi et me donne l'air de réfléchir.

T'en penses quoi, de c'qui t'est arrivé ? J'veux dire, t'as pas couru chercher les flics pour qu'ils te remettent ton implant, déjà un bon point pour toi. Mais t'as... des convictions ?

Merde, me vlà recruteuse.

Elle s'étouffe avec la fumée, je me marre. Je sais, c'est pas gentil. Je suis pas gentille.

"Efficace" ? Rha, les vieux réflexes d'ortho que t'as encore...

Certains trucs... T'as essayé quoi au juste ? Parce que l'alcool et la clope, apparemment, pas...

Je me marre encore. C'est marrant les newbies.

Oh, c'est trop mimi ! Arrête, tu vas me faire rougir. Allez, une grosse bouffée de fumée devant ma fiole pour le cas où.
Et on va en remettre une couche dans le pas-classe, sinon, manquera plus que les violons.

Et la baise ? Tu t'es pas jetée sur le premier v'nu ?

Tiens, regarde, Bao, comme il te mate. Il dirait pas non, hein, vieux pervers ?

Bao se marre et nous montre tous ses vieux bouts de chicots.

Alors là, je me tords tellement de rire que je manque de tomber de mon tabouret, et je me fais mal à l’œil à force de me tenir les côtes.

Y a bien quelques souvenirs qui demandent qu'à émerger et me mettre le moral dans les chaussettes, mais je leur refous la tête dans l'eau et les noie dans le baijiu.

Après m'être essuyée les larmes au coin des yeux d'en haut, j'arrive à articuler :

Excuse. J't'aime bien aussi, ils t'ont pas massacré le sens de l'humour. Si t'as un ortho dans le collimateur, on le dépuce pour toi, ma caille, et avec plai... rha. Enfin, sans problème.

Arrêteuh... J'ai mal au ventre...

Elle aura ma peau cette ex-ortho marrante, à me faire me bidonner comme ça.

Ouais, c'est exactement ça. Un coup de toaster et pouf ! Dépucé dépucelée. Tiens, regarde. Le toaster.

Je sors de ma poche intérieure une espèce de croisement entre pistolet pour gamin et cauchemar steampunk sous acide. Bah quoi, on bricole comme on peut, au Mirail.

Bon par contre... C'est un peu custom. Il nous pousse des trucs après, t'as vu mon œil. Et...

Boum ! Je sens mon moral passer du dernier étage au quinzième sous-sol avec la vitesse d'un ascenseur sans câbles. J'ai le temps de commander d'un geste un nouveau verre avant de m'écraser comme une crêpe au fond de mon cerveau.

... Et des fois, on en crève.

Cul sec.

Je retire ma main vite fait et je me retiens à grand-peine de lui remodeler le pif. Non mais ça va pas elle ? J'vais lui pleurer sur l'épaule aussi tant qu'on y est ?

Un long silence maussade plus tard, j'essaie de reprendre le fil.

Heu, ouais. Vaut mieux. S'appelle comment, ton hypotentiel ?

Je lampe un énième verre -- nan sérieux, c'est le combientième ? j'ai complètement perdu le compte -- et je rétorque avec un débit un peu pâteux :

Ben on n'a qu'à aller lui demander ! Hein ? "Salut Tyler, tu veux te faire dépucer et dépuceler dans la foulée ? La miss elle échange son pistolet magique contre le tien !"

Je me bidonne. J'ai lu quelque part que c'est nul de rire de ses propres blagues... surtout de ce niveau... mais là, je suis bourrée.