Collocs...

Ma situation s’était nettement améliorée.
En l’espace d’une soirée je venais de passer du statut de sdf notoire à celui de squatteur plus ou moins durable… le niveau juste au-dessus en fait… Ceci dit, je n’allais pas m’en plaindre.

Lorsque nous quittâmes le Murphy’s j’indiquai à Siobhan un vague recoin des bas-fonds à proximité des usines. Le quartier glauque où se trouvaient les quelques mètres carré que j’avais occupé pendant des années.

J’insérai la clef dans la serrure avec une certaine appréhension, craignant que l’appartement ait été débarrassé et déjà refilé à un quelconque employé d’une quelconque usine des alentours… ou, pire que ça, qu’un sombre individu attende sagement tapis dans le noir le moment où je franchirais le seuil…

Je tournai la clef, la porte s’ouvrit. Rien. Soupir de soulagement. Ou… pas tout à fait…
Depuis mon dernier passage l’appartement avait été saccagé. Raison de plus pour ne pas s’éterniser.

J’attrapai un sac, y fourrai les affaires que je pus ramasser parmi ce carnage. Essentiellement des vêtements. Je ne possédai rien de vraiment précieux.
Voilà. Cette fois-ci je tournai pour de bon le dos à mon ancienne vie. Mais, bien davantage que le souvenir froid des années de servitude, ce fut cette vision de l’endroit mis à sac qui m’ébranla.

Partir d’ici. Vite.
Ne pas montrer mes émotions. Horriblement compliqué quand cela fait à peine une poignée de jours que vous en avez recouvré l’usage. Mes mains tremblaient mais je réussi à sauver la face.

***

« - Bon, tu fais pas gaffe au bordel... La salle de bains est sur la gauche, je prends le canapé près de la fenêtre, il fait moins mal au dos, désolée... Pour l'eau, faut pas tirer entre 17 et 21h, sinon, ça passera pas inaperçu. On se douche plutôt vers minuit. Le frigo, ben... C'est là... Et on ira te chercher une caisse pour tes fringues. »

D’autres lieux. La tranquillité rassurante de quatre murs qui ne m’évoquaient aucun souvenir ni malaise du genre. Et Siobhan qui me faisait un topo sur le règlement intérieur de la maison.
Je ne fis effectivement pas gaffe au bordel. Pas le genre à me formaliser pour des détails.

Je balayai la pièce du regard avec attention. Absorbé par cette contemplation je n’écoutais plus ma nouvelle colocataire que d’une oreille.
Il me sembla qu’elle me demandait si le coin me convenait.

« - Parfait, c’est très bien. »
Répondis-je, toujours un peu distrait, occupé à faire visuellement le tour du propriétaire.

Soudain, mon cerveau fit un retour en arrière, me retransmettant des bribes de phrases qui me ramenèrent à la réalité. Je tiltai sur cette histoire de filles, de mecs, de prévenir, de pas ramener, d’expliquer.

Je posai mon sac dans un coin et vint m’asseoir sur le clic-clac à côté de la jeune femme.

« - Personne n’a… ? … Je vois… y aurait une sorte de loyer à payer ? »

Murmurai-je, affichant un petit sourire ironique.

Ce sur quoi j’enchainai immédiatement avec la question suivante. Question primordiale à vrai dire…

« - Donc… c’est là que je dors ? »

Ton faussement innocent, je faisais le malin. En guise de ponctuation un petit mouvement de tête désignant le clic-clac sur lequel nous étions tous les deux assis.

Bon. Il a pas l'air sur le point de claquer de stress, c'est un bon point. Quand on est allés chercher ses fringues, j'ai bien cru qu'il allait se morfondre ou chougner, mais nan. Leur putain de fierté virile, c'est quand même hyper utile, des fois.

Par contre, il m'écoute que d'une oreille, va falloir que j'en remette une couche sans doute. Ceci dit, attendre qu'il ait un peu posé ses bagages aurait pu être un bon plan : à mon avis, là, il est un poil trop secoué pour comprendre quand je cause.

Je me tourne vers lui quand il s'assied à côté de moi : ben ouais, il y a rien en face, c'est pas comme si on allait mater un film, si ?

« - Personne n’a… ? … Je vois… y aurait une sorte de loyer à payer ? »

Ah ben j'ai pas pensé à ça, tiens.

- Heu... Ben si tu fais les courses de temps en temps... Vu que je paye ni l'appart, ni l'eau, ni l'électricité... Je pense que ça ira. Un peu de ménage aussi, ce sera pas du luxe. Voilà.

Je hausse les épaules.

« - Donc… c’est là que je dors ? »

Voilà. Rien écouté. Bien c'que je disais. Looooooooong soupir d'exaspération théâtrale.

- Nan. Toi, c'est sur l'autre. Pourquoi personne ne m'écoute jamais ?? Pfffff... ... C'est pas tout ça mais... T'as pas faim ? Envie de prendre une douche chaude ?

Il devrait en théorie y avoir de quoi nous nourrir tous les deux dans le frigo. Et je savais qu'une douche remettait les idées bien en place, en général. Surtout les froides, mais bon...

En langage commun on appelait ça se prendre une veste.
Et en prime je m'étais payé le reste de la penderie sur le coin de la gueule.

Je voulais juste détendre l'atmosphère moi. Sauf que là c'était autre chose qui était à présent totalement détendu.
Enfin bef...

Une douche... Une douche... Deuxième fois en un laps de temps réduit que j'emprunterai la salle de bain d'une charmante jeune femme. Cette pensée m'arracha un sourire.

«- Je verrai plus tard pour la douche. C't'à dire que là tout de suite je viens d'en prendre une bien froide...»
Cynique.

J'ignore si j'avais voulu prononcer ces dernières paroles ou si à la base elles étaient censé demeurer dans un coin obscur de mon esprit. Quoi qu'il en soit, le résultat était le même.

Je me levai pour aller m'installer sur le canapé qui m'avait été attribué.

Si l'idée de la douche me tentait moyennement dans l'immédiat, j'aurais volontiers mangé un morceau. J'acceptai donc la proposition de Siobhan à ce sujet.
La prochaine fois j'irai faire les courses moi-même, mais en attendant...
Présenté comme cela, la situation ressemblait de très près au banal quotidien de n'importe quels colocataires. J'en oubliai presque les évènements qui m'avaient conduit ici. Presque.

«- Seulement deux mois que t'es là ?»

Interrogeai-je.
Malgré la tournure un peu abrupte et maladroite de ma phrase, j'essayai d'adopter le ton de la conversation. Faire mieux connaissance avec la personne avec qui vous allez vivre quelques temps c'était tout de même plus sympathique; non ?

«- Sinon... Rebelle c'était une vocation, ou plus recrutée au hasard... un peu comme moi quoi ?»

En ma qualité de mec qui débarque, j'étais assez curieux. Puis, connaitre le parcours de Sio' m'aiderait à me familiariser avec ma nouvelle condition.

«- Je verrai plus tard pour la douche. C't'à dire que là tout de suite je viens d'en prendre une bien froide...»

Gné ? D'où il s'est pris une douche ?
Je lève les yeux pour vérifier qu'une canalisation ne s'est pas rompue de façon inopinée, mais non, rien. Pis je m'en serais aperçue, de touts façons : je suis assise à côté... Non ?

Je le suis du regard tandis qu'il s'installe de son côté.

- Heu... Si on doit vivre ensemble, je pourrais te demander d'être un peu moins cryptique ? Parce que je ne suis pas certaine d'avoir compris à quoi tu fais allusion, là... ... Oui, seulement deux mois. Je suis toute neuve dans le monde des vilains rebelles.

«- Sinon... Rebelle c'était une vocation, ou plus recrutée au hasard... un peu comme moi quoi ?»

Je m'adosse plus confortablement à mon canapé, enlève mes gants. Ma main gauche luit très faiblement en bleu.

- J'ai pris le jus. Je n'ai même jamais réfléchi au fait de devenir une rebelle : je le suis devenue de fait. Mais... Je ne regrette pas. Être un peu ivre, c'est bien... Rire avec des amis, c'est chouette aussi... Et il parait qu'il y a plein plein d'autres émotions positives chouettes. Et j'aime bien faire des expériences de ce type !! ... Pis t'as pas été recruté au hasard : j'ai été subjugué par ton sens inné de la couleur.

Ça, logiquement, ça devrait le décrisper, non ?

Cryptique, cryptique… Tout de suite les grands mots…
Je n’avais pas prévu qu’il faudrait détailler ce genre d’allusions. Normalement dans ces cas là soit la personne en face comprend la teneur de vos propos et réagit plus ou moins bien, soit l’affaire lui passe totalement au-dessus de la tête et elle ne cherche pas à savoir ce que vous pouvez baragouiner.
Plutôt gênant de devoir formuler ses insinuations.

J’allais éluder en suggérant à ma colloc’ d’investir dans un décodeur, mais elle embraya d’elle-même sur le récit de son enrôlement parmi les Insurgés.

« - J'ai pris le jus. Je n'ai même jamais réfléchi au fait de devenir une rebelle : je le suis devenue de fait. Mais... Je ne regrette pas. Être un peu ivre, c'est bien... Rire avec des amis, c'est chouette aussi... Et il parait qu'il y a plein plein d'autres émotions positives chouettes. Et j'aime bien faire des expériences de ce type !! ... Pis t'as pas été recruté au hasard : j'ai été subjugué par ton sens inné de la couleur. »

Je fronçai légèrement les sourcils à l’évocation de notre première rencontre. La petite anecdote ridicule qui me suivrait longtemps j’en avais peur. Je me consolai en me rappelant que ça aurait pu être largement pire.

« - Qu’est-ce que tu veux, la classe on l’a ou on l’a pas… »
Petit sourire en coin. Une dose d’autodérision ça pouvait pas faire de mal.

Elle avait également mentionné des « expériences » à tenter… Mouais… et après c’était moi qu’on accusait de faire des allusions douteuses !?!
Détail à prendre en compte : est-ce qu’elle réalisait l’ambiguïté de ses propos ? Ou alors je devenais parano et voyais des doubles sens partout *non, pour ça le terme exact c'est "pervers"* ?

« - Le plus perturbant c’est pas de se retrouver dans une situation complètement improbable où pour la première fois de ta courte vie de non-implanté tu vas te sentir à deux doigts de mourir de peur. Ce qui m’a fait vraiment bizarre c’est de refaire tous ces trucs à la con auxquels je prêtais même plus attention d’habitude… »

Tandis que je partageais mes impressions quant à mes premières expérimentations plus ou moins volontaires du panel d’émotions qui m’était accessible depuis que mon implant avait cessé de fonctionner, je commençais doucement à m’acclimater à mon nouvel environnement. J’enlevai mes chaussures, m’allongeai sur le canapé, poursuivit mon raisonnement, l'air de rien, les yeux soudain perdus dans la contemplation de ma main gauche.

« - T’sais style tu prends une douche, par exemple, et tu remarques que c’est plutôt agréable en fait. Ou t’es là, assis à côté d’une fille, qui te parle de pas ramener de gens à la maison, et de lui expliquer je ne sais quoi, et ça te fait juste trop bizarre.»

A ressentir c’était aussi hallucinant que mes propos pouvaient paraitre confus.

Certes…
D’une : c’était quoi cette fixation sur les douches ?!!
De deux qu’est-ce que j’en savais moi de ce qui pouvait se passer entre deux individus livrés à eux-mêmes ? Pas beaucoup plus que Siobhan apparemment. Sauf qu’il y avait une part de moi qui me soufflait des idées. J’en avais déjà suivie certaines, en solitaire… Pas forcément de mauvaises suggestions d’ailleurs…

Yes !

L'animal se détend !! Enfin, je suppose, vu qu'il prend possession du canapé avec une nonchalance rêveuse. ... Ouais. Entre lui dans les nuages, et moi à coté de la plaque, je sens que la cohabitation risque d'être amusante.

Soupir.

« - Le plus perturbant c’est pas de se retrouver dans une situation complètement improbable où pour la première fois de ta courte vie de non-implanté tu vas te sentir à deux doigts de mourir de peur. Ce qui m’a fait vraiment bizarre c’est de refaire tous ces trucs à la con auxquels je prêtais même plus attention d’habitude… T’sais style tu prends une douche, par exemple, et tu remarques que c’est plutôt agréable en fait. Ou t’es là, assis à côté d’une fille, qui te parle de pas ramener de gens à la maison, et de lui expliquer je ne sais quoi, et ça te fait juste trop bizarre.»

Heu... Keskidi ? Reprenons.

- Pour mourir de peur, je peux comprendre. Depuis que j'ai grillé, j'ai croisé pas moins de 3 NODs dont deux voulaient clairement ma peau... Une fille lézard qui a jeté un beau bordel dans ma vie... J'ai eu le bras cassé en faisant s'écraser un taxi volant... Enfin bref, tu vois ce que je veux dire.

Je me roule sur le ventre sur le canapé, afin de pouvoir le regarder.

- Et pour les trucs sympas... Effectivement, j'adore les douches. C'est un truc super simple... et quand t'es implanté, tu saisis pas toujours à quel point c'est bon, une douche presque brûlante qui cascade sur toi...

Rhaaaaa... Ma voix est ENCORE devenue ronronnante et chaude. Putain, j'ai un réel souci avec les douches, moi. Je le surveille du regard, essayant de me remémorer ce que m'a dit Kim, qui sonnait comme "si le gars veut faire des trucs et pas toi, vise les grelots".
Souci : QUELS trucs, bordel ?? Je suis sensée lui mettre un coup de pied dans les glaouis si il veut regarder la télé et pas moi ?

Bref. Quelque chose me dit qu'on a pas le cul sorti des ronces.

Je vais aller faire un café, tiens.

- Tu veux en café ? Je vais en faire.

Les yeux toujours rivés sur ma main gauche dont je m’amusais à plier et déplier les doigts métalliques. Quelques jours plus tôt je frisais la catastrophe à chaque mouvement ; je me débrouillais mieux maintenant.

J’admets, la demoiselle avait l’air d’en connaitre un rayon dans la série émotions négatives et autres frayeurs dont on se passerait volontiers. Trois NODs ? Oui, ça fait peur. Même très peur je supposais. Enfin, pour ce que j’en savais moi…

Elle se mit à me causer d’aspects sympathiques. Partagea mon avis sur les bienfaits de la douche. C’était bien. Un autre point commun en plus du côté bleu fluo.
Je me redressai légèrement, me désintéressant de mes rêveries abstraites et autres jeux de mains pour me tourner vers la jeune femme.

Je demeurai un instant figé, la dévisageant d’un regard pénétrant qui dissimulait efficacement –et malgré moi surtout- le vide intersidéral qui tournoyait lentement dans mon esprit.
Sujet aux absences ? Moi ? Si peu… …

C’était quoi la question déjà ?
Café ? Oui, café, voilà.

« - Veux bien un café, mais je te préviens, après je tiens plus en place. On en a pour toute la nuit. »

J’avais déjà bu du café une fois… ou deux je crois. Pas mauvais. Ça me plaisait bien, assez stimulant… un peu trop puisque j’avais passé le reste de la journée en mode pile électrique et que je n'avais ensuite pratiquement pas dormi de la nuit.
Dans ce cas valait mieux prévenir ma colloc' des possibles effets secondaires; non ?

Heu... Pourquoi il me regarde avec cet air de poule qui couverait un œuf carré ? J'ai un bouton sur le pif ?

« - Veux bien un café, mais je te préviens, après je tiens plus en place. On en a pour toute la nuit. »

Je hausse un sourcil. Hm. C'est moi, ou sa phrase est un peu... comment dire... détournable ? ... Non, il me regarde d'une air vide avec ses yeux fluos, il n'y a pas de place là dedans pour un quelconque truc grivois. C'est juste qu'il est paumé, c'est tout.

Je vais donc au coin cuisine sans plus prêter attention à Soren, et prépare le café dans la cafetière électrique, un des seuls trucs que j'ai achetés, parce que le café...

- Tu vas voir : le café, une fois que t'y as goûté, t'es accro ! Moi j'adore quand il est chaud, limite bouillant... Sucré et doux... C'est presque aussi agréable que les douches, tu vois ?

L'odeur forte du café frais envahit la pièce, et je suis limite à sniffer le filtre. Mais comme je ne tiens pas spécialement à épouvanter mon colloc, je tente de ne pas insister, et nous sert deux mugs. Je ramène aussi le sucre, tankaf'.

- Et voilààà ! Fais gaffe c'est brûlant... .... Alors, est-ce que tu as un petit peu une idée de ce que tu as envie de faire maintenant ?

Je m'allonge sur mon clic-clac, la truffe dans mon mug. Ma main scintille doucement en jaune léger : je suis définitivement de bon poil.

Accro ?
Chaud… bouillant… sucré… doux… agréable… douche…

Je me laissais bercer par cette mélodie tandis que je planais tranquillement juste à côté de la réalité, mon songe éveillé flottant sur l’odeur entêtante du café chaud.

Un mug pour moi; Sio’ me l’apporta avec les recommandations d’usage. Ne pas se bruler, ça aurait été bête.
C’est à ce moment là que je me réveillai, sorti de ma bulle par d’étranges propos.
Ce que j’avais envie de faire ?

« - C’est une proposition ? »
M’informai-je, pas sûr d’avoir correctement saisi le sens de la phrase.

J’ignorais si c’était dû à l’ambiance particulière qui régnait dans l’appartement, mais il me semblait déceler une offre cachée derrière ces paroles d’apparence anodine.

« - Au point où j’en suis je prendrai ce qui se présente. Suis ouvert à tout... »

…ou presque.
La première fois. Je suppose que je n’allais pas faire le difficile. Restons positif tout de même.

« - C’est vrai, j’ai pas encore eu l’occasion de penser à comment je pourrais agir au sein de la rébellion. Mais si t’as quelque chose, un petit boulot à me confier, je prends ! »

Continuai-je avec enthousiasme.

Pour le moment je ne serais pas envoyé sur les missions importantes, et c’était parfaitement normal, on ne confierait pas les opérations capitales à un mec enrôlé depuis … euh… à peine quelques heures.
C’était facile de se proclamer défenseur de la liberté, encore fallait-il trouver un moyen de s’impliquer dans la révolte.
A ce sujet, si ma colloc’ avait une ou deux suggestions j’étais preneur.

« - C’est une proposition ? »

- Une proposition ? Ben... En quelque sorte, oui. Si il y a un truc qui te botte, tu m'dis et je peux te rencarder sur comment on le fait -si je sais- ou te dire où on le fait, éventuellement. Je dis pas que la vie de rebelle c'est uniquement rien glander et être extatique -encore que certains le font mais c'est qu'ils abusent des cachetons- mais c'est clairement plus sympa que d'être implanté.

« - Au point où j’en suis je prendrai ce qui se présente. Suis ouvert à tout... »

Gnu ? Je le dévisage par dessus mon mug. Des fois, j'suis pas sûre qu'on cause la même langue, lui et moi. C'est sûrement dû au fait qu'on mette pas encore bien les... inflexions de la voix au bon endroit. Ça fausse le discours. ... J'crois.

- Ouvert à... tout... C'est bien ça.

« - C’est vrai, j’ai pas encore eu l’occasion de penser à comment je pourrais agir au sein de la rébellion. Mais si t’as quelque chose, un petit boulot à me confier, je prends ! »

Aaaaah.
Fausse alerte, j'me détends : le coup de pied dans les roustons, c'est pas pour maintenant. N'empêche, heureusement que je suis pas une violente, sur des malentendus, le pauvre Soren aurait déjà les cacahuètes format noix de coco sinon... Ce serait dommage, un garçon si enthousiaste !!!

- Hmmmm... Ben déjà, tu bossais dans quoi ? Si c'est un domaine intéressant, tu trouveras toujours du taf. Sinon... Ben j'ai parfois besoin d'aide pour porter mon matos... Si tu sais conduire on peut avoir besoin de gens... ... Pis en réfléchissant, tu devrais trouver d'autres trucs, j'suis sure !

La discussion prenait des tournants obscurs… à moins que je ne me fasse des idées…
Je mis ça sur le compte de la fatigue, et aussi un peu du café qui me faisait sans doute légèrement dérailler.

« - Suis plutôt doué de mes dix doigts… enfin… sept… les nouveaux je suis pas sûr. Faudrait que je teste. »

Transférant mon mug dans ma main droite, j’adressai à ma colloc’, en guise de démonstration, un signe maladroit de la main gauche.
Pas brillant. J’osais espérer qu’un minimum d’aisance me viendrait avec l’habitude.

« - Passé une bonne partie de ma vie à assembler des pièces de robotique dans une usine. Ça doit pouvoir me servir à quelque chose. »

Pas une carrière des plus passionnantes… ou peut-être que si, après tout, lorsqu’on est de nouveau capable d’émotions ? … … … Euh… ou pas…
Même avec toute la bonne volonté du monde je n’étais pas convaincu que l’on puisse trouver un intérêt autre qu’une éventuelle rémunération au fait de travailler à la chaîne dans une usine.

Par contre, si je n’avais pas trop perdu le coup de main, être capable de bricoler de la robotique s’avèrerait certainement utile.

« - Enfin, autant te prévenir, je suis pas sûr d’être toujours aussi habile. Quoique… tu m’diras… y a des trucs qu’on oublie pas… »

Je me levai pour aller reposer mon mug à présent vide.
Au lieu de revenir m’installer sur mon canapé attitré, je vins me planter devant celui de Sio’.
Commençant à vraiment me sentir comme chez moi, je m’accroupis par terre tel un beau crétin, et, le regard posé sur la jeune femme, poursuivis sur le ton de la conversation.

« - Avec ces trucs là chuis pas à l’aise. Trop de paramètres inconnus. Par exemple, maintenant que tu me parles de t’aider dans ton boulot, tout ça… Qui me dit que ça fait pas paratonnerre et que je risque pas de me griller le circuit avec ce genre d’engins ?? »

Pour tout dire, ces doigts là j’osais même pas les passer sous la douche (je me gardai toutefois de mentionner ce détail embarrassant) alors jouer les électriciens … ça me paraissait impensable.