Mason avait eu du mal à rentrer dans les bas-fonds de la ville, des jours entiers de recherches sur le comportement animal de ces moins-que-rien à apprendre comment s'habiller, se tenir, parler et tous détails pouvant le trahir. Et il avait prit toutes les précautions, s'étant même empêché de dormir à grand coup d'amphétamines pour ressembler à un prolétaire éreinté. Tout était là, le geste, la démarche, le ton de la voix et pourtant il n'était pas dupe, un oeil avisé tel que celui de Johnson le repèrerait directement. Mais qu'à cela ne tienne, Johnson avait l'habitude.

La paillade, zone infâme et mal contrôlée par le NOD, un bouge immonde que l'assemblée ferait bien de faire raser. Les devantures crasseuses arboraient tout ce qu'il était possible de contrefaire et cela lui donnait la nausée, une attaque aussi flagrante de la propriété industrielle, impunie et juste sous ses yeux.

Après quelques minutes de marche, à éviter soigneusement tout contact avec la masse populaire, Phil trouva enfin le pub dans lequel Johnson avait l'habitude de trainer. Il y entra et se demanda si l'intérieur n'etait pas pire que l'extérieur, il pensa même qu'il aurait du prendre des gants, c'etait le genre d'endroit où vous pouviez attraper n'importe quel germe ou bactérie rien qu'en touchant le comptoir. Un grand gaillard à mi chemin entre le boxeur et le joueur de rugby essuyait les verres tout en faisant la causette avec les quelques piliers de bar. Ce dernier fixa longuement Phil, il ne l'avait jamais vu et ce n'était très certainement pas dans les habitudes de la maison. La musique et les conversations se seraient toutes stoppées que Cela n'aurait en rien étonné Phil, il avait bel et bien l'impression d'être dans un mauvais film d'horreur, avec des monstres de foire et une musique de cirque en fond sonore, il ne manquait plus que l'orateur au regard fou et au haut de forme miteux.
Mason se dirigea vers le bar et fit signe au gaillard de s'approcher :

- Je vais m'installer avec Johnson, amenez-nous deux bières.

Et là, il se força de tout son être afin de prononcer ces quelques mots, comme s'ils allaient lui écorcher la gorge :

- S'il vous plait.

Puis il alla retrouver le dénommé Clyde qu'il avait reconnu grâce au dossier constitué par Henry et s'assit sans crier gare.

- Monsieur Johnson, bonsoir. Je savais que je pouvais vous trouver ici. Ne vous offusquez pas pour mes manières, mais j'ai l'habitude d'aller droit au but. J'ai besoin de vos services pour quelques petits boulots peu conventionnels et bien entendu, votre prix sera le mien, dans la limite du raisonnable, bien sur.

Le crâne qui recommence à tambouriner. Je vais encore passer une soirée d'enfer. J'enserre ma tête entre mes deux mains, le visage caché, les coudes posés sur la table dans la pénombre de l'Inn-Uendo. Il y a deux nouvelles filles ce soir au strip, elles sont franchement bonnes si seulement j'avais pas ce putain d'implant qui me ronge de l'intérieur... Perdu dans mes pensées sombres et mes délires psychotiques des quelques joints que j'ai fumés, je ressens soudain une présence inhabituelle qui se pose tout près. Je n'ai pas même encore relevé la tête qu'une voix chargée de bien trop d'énergie se fait entendre.

« Monsieur Johnson, bonsoir. Je savais que je pouvais vous trouver ici. Ne vous offusquez pas pour mes manières, mais j'ai l'habitude d'aller droit au but. J'ai besoin de vos services pour quelques petits boulots peu conventionnels et bien entendu, votre prix sera le mien, dans la limite du raisonnable, bien sur. »

Je me redresse lentement, émerge doucement de mon état comateux. L'homme est assis devant moi, sa précipitation me fatigue déjà, il trépigne sur place, ses doigts, ses ongles sales mais en trop bonne santé percutent rapidement la table, signe ostensible d'impatience. Sans répondre encore, je me tourne vers Lewis l'interrogeant du regard sur ce "cadeau" qu'il avait laissé passer. Aucune réponse à espérer de sa part, il hoche simplement les épaules pour exprimer son ignorance... chose qu'il maîtrise plutôt bien. Je reviens à mon invité et lui dit sur un ton calme, lent et posé.

« Etant donné que vous connaissez déjà mon nom, il serait opportun que vous finissiez les présentations... Je sais que vous n'êtes pas du coin, j'aurais parié pour un NOD mais votre outrecuidance vous aurait coûté la vie. Du coup, je dirais un non-implanté plutôt fortuné qui cherche des bras pour assurer un sale boulot. Parlons de ce boulot... un truc pas super légal, ça va de soi, certainement pas "petit" vu que vous êtes prêt à y mettre le prix et comme vous êtes venu spécialement pour moi je suppose que vous connaissez mes tarifs plutôt élevés. [silence]
Le truc c'est qu'en ce moment tout le monde me file du fric... je sais pas... je ressemble à un clochard ? » Face à sa promptitude je lui fait un signe de la tête le dissuadant de répondre à cette question qui n'en est pas une. Je regarde mon costume "un peu" défraîchi et conçois intérieurement à l'éventualité d'une méprise.

Lewis arrive avec deux blondes. Juste ce qu'il fallait pour démarrer les affaires. Je lui fais signe que tout est ok et il s'éclipse vers son zinc. Je regarde les deux belles pintes jaunes coiffées d'une sublime mousse blanche. Des petites gouttelettes perlent le long des deux verres tandis que de milliers de minuscules bulles s'élèvent rapidement jusqu'à la surface du liquide. Un flash me traverse alors l'esprit, et mon mystérieux interlocuteur prend une toute nouvelle importance.

« Vous avez finalement peut-être les moyens de payer... je vous écoute l'ami. »