Rez-de-chaussée, accueil.

- Bon tout le monde est là, on peut commencer ? Alignez-vous là que je regarde vos tenues. Bon sang Martine, c'est quoi ces chaussures ? Frotte-moi ça, j'veux y voir mon beau reflet. Oh bordel, André, t'es au courant qu'on est en pleine épidémie ? C'pas un entrainement. Va enfiler ta combie. J'veux voir personne sans combie. La Combie c'est la vie. Répétez après moi. La combie c'est la vie.
- La combie c'est la vie.
- Plus fort !
- LA COMBIE C'EST LA VIE !
- PLUS FORT !!
- LA COMBIE C'EST LA VIE !!!
- Bien. Parce que le virus qu'on doit combattre passe par ... ?
- Le sang ! L'air ? Le nez ! La peau, le toucher...
- Tout. Il passe partout. Comme le nain. Donc on reste habillé en permanence.
Ici on est dans l'entrée, soit l'accueil. Là, Paulette et Jacot s'occupe de faire les papiers de dispatcher les malades. Par là, au fond du couloir, c'est notre salle de repos avec un sas d'entrée. C'est un par un, on se déshabille dans le sas et on attend la désinfection. Les NOD sont là pour veiller à ce que les malades restent loin. Dedans y'a café à volonté et un distributeur de repas ©QuingDoe. Journée noire comme on dit dans le jargon, et elle va être longue.

Quelle bande d'ahuris qu'on m'a pas encore collée bordel... Et c'est avec ça qu'il va falloir travailler, et beh. J'devrais ptetre percer la combi des trois quarts et problème réglé.

- Pour les questions c'est à moi ou à Krystina ici même. Niveau matos, faut notre autorisation signée, et y'a pas grand chose. Inutile de demander des sédatifs ou des euthanasiques, y'a pas. Pour le premier, on attache, pour le deuxième on attend.

Ou pire, mais ça, pas besoin de leur dire. Y'a tout une équipe déjà briefé.

- Bon maintenant je vais vous faire une rapide visite avec la démarche à suivre. En rang par deux, sans vous donner la main. J'veux pas voir d'attouchement, c'est sale. Merci. Donc Rez-de-chaussée y'a l'accueil, faut vite trier les patients, et la salle d'attente, qui est méga grande donc occupez vous de ceux qui sont le plus en forme en premier, si les autres crèvent en attendant, c'est pas grave. Ah oui et interdiction de parler avec les patients.

- Suivez-moi, on commence par le premier étage.

Et voilà, c'est pas l'endroit que j'imaginais, ou si ... dans mes cauchemars les plus fous.
Bon vite trouver quelqu'un qui pourra la prendre en charge.
Mais il y a un monde dingue.
Heureusement je suis couvert.
Mais bordel ça fiche la trouille tous ces morts vivants, décomposés à l'avance.
Je me surprend à tapoter la main de la petite, pour la rassurer quoi.
Elle va être traumatisée.
Mais en fait non j'en ai rien à faire , tant pis c'est elle qui est venu me demander de l'y emmener.
Oui pas tout à fait , mais c'est tout comme!

Le premier qui dit que c'est surtout pour me débarrasser d'elle que je fais la queue devant l’accueil il se prend mon pied sur son derche.
C'est vrai... mais c'est pas une raison pour critiquer.

Chacun son instinct parental, moi c'est les bouteilles de whisky que j'élève, au moins ça cri pas, ça coule pas du nez et ça vous tiens chaud le soir.

J'exhibe mon badge de NOD et je roule des épaules pour arriver plus vite au petit lot qui s'occupe des inscriptions. Enfin je sais pas si c'est un ptit lot, la combi... trop large.

Et puis merde pas besoin de vous faire un dessin, j'ai gratté la file et je dépose la petite devant.

bon ils vont s'occuper de toi, tu bouges pas. Moi j'ai du travail

Je me retourne pour partir...

- Attendez !

L'homme allait quitter l'hôpital lorsqu'une infirmière l'interpelle.

- C'est vous qui venez de la déposer ?

Geste de la main en direction d'une gamine seule, devant la file d'attente.

- Vous ne pouvez pas la laisser seule.
Trop de risques pour vous.
Vous avez été en contact longtemps ?

Hors de question pour Krystina de laisser le NOD ressortir sans un petit contrôle. Et puis la gamine ... sale état ...

Petit sourire Narquois.

" Excuse poulette mais j'ai du boulot aussi, et vu comme je suis accoutré y'a pas un microbe qui peut passer! Suis pas en contact avec quoi que ce soit. Mais si tu as du temps après ton taf je veux bien faire une exception pour toi "

Avec un peu de chance elle me laissera filer du coup.

Et puis je fais que ramener une gamine , suis pas sa nounou non plus.
Faudrait voir à pas exagérer.

Alors deux doigts sur le casque en guise de salutation je lui dis " mon nom est Daland, Swann Daland, hésitez pas à me faire appeler pour vos besoins personnels"


La petite n'a pas bronché, elle est à quelques mètres de moi, l'infirmière entre nous.
C'est inutile de faire un rempart de son corps, parce que si il fallait lui passer dessus, et ben moi j'hésite pas un instant.
J'ai toujours adoré les petites dames tout de blanc vétu.

Elle reste au milieu comme ça les bras ballants sous sa serviette avec une tête qui sent pas bon pour l'avenir.
Ou alors quelqu'un a pété.

Son regard est fixe.
Sa bouche sourit à l'envers.
Un brin de morve coule de son nez.

Ça sent l'explosion.

5...
4...
3...
2...
1...

Elle se met à hurler et pleurer de quoi décrocher les tympans de n'importe qui à moins d'un kilomètre. Elle se roule par terre, d'un côté de l'autre.
D'une certaine façon elle finit à plat ventre en s'agrippant au pied du NOD.
Et elle cri toujours, avec quelques mots perceptibles au milieu : seule, laissez, abandonnée, pas, encore, peur...

Non mais je rêve, il écrase tout ce qui bouge ( enfin encore un peu du moins) et ensuite il ose offrir un bonbon à MA morveuse.
D'accord je l'aime pas, mais moi et mes bottes pleines de morves on se sent lié à elle maintenant.
Je me penche rapido pour saisir la gamine par le fond du futal et d'un geste adroit je l'installe assise sur mon autre bras.

" On t'as pas appris à pas offrir de bonbon à une gamine que tu connais pas? "

ça lance tout de suite l'ambiance bonne enfant, la relation entre collègue pote.
Tout le monde il est beau gentil et content.

Coups de coudes, alcool et pétage de dents.

Bref je lui souris pas.
On sait jamais, il a l'air encore plus commode que moi, c'est pas parce qu'on est des rouges qu'on a des atomes crochues.

Il est passé par ici, il repassera par là.
C'est ça barre toi le cyclope.
J'enlève la sucette de la bouche de celle qui est à présent ma petite protégée.
" Mange pas ça tu ne sais pas où ça a trainé"

Et je me mets en quête d'escaliers, d'élévateur. Merde un truc pour aller au troisième.
C'est où ?!

Je déambule au rez-de-chaussée.
Ce casque me réduit considérablement l'espace visuel et je bouscule des moribonds de-ci de-là.

J'aurais dû suivre le cul de l'infirmière, ouah ! Ça mon gars ça aurait été du GPS: GIRL-PURE-SENSUELLE.
Enfin pour le S, j'édulcore, j'avais un autre truc en tête forcément plus salasse, sauf que j'ai une gamine sur les bras et que j'essaye de me concentrer.

J'avise une porte avec le sigle adéquat et je commence mon ascension, mes quelques petits kilos superflus (le premier qui s'avise de dire le mot obèse je l'abat sans sommation !!), et le poids de la gamine me font grimacer. Trois étages et deux genoux pétés plus tard, je me demande ce que je vais trouver derrière la porte.

Elle disparaît du sous-sol vers le rez-de-chaussée, puis elle disparaît tout court.

Comme tout le personnel, le matériel. Tout. En à peine quelques minutes tout est remballé, plié, compté, récupéré. Pas de temps à perdre, le temps c'est de l'argent. Et le gouvernement n'aime pas gaspiller de l'argent.
Tout ce qui faisait du lieu un vague hôpital a disparu.
Disparu dans la brume, envolé, comme dans un tour de magie.
Quelle aubaine !

L'expérience du gouvernement est terminée.
L'atmosphère du dôme a été purifié.

Tout est sain, il suffit de respirer un grand coup... Peut-être.


Peut-être pas pour les plus malades d'entre eux.