J'ai marché longtemps après cette rue. Je n'ai toujours pas retrouvé Newton et je crois que je vais pas pouvoir continuer longtemps à le chercher comme ça.
Je me sent pas bien. J'ai mal, je titube un peu, j'ai soif. J'ai peut-être de la fièvre. J'espère que ma blessure ne s'est pas infectée.
Je commence à être vraiment inquiète. J'ai jamais reçut de balle avant. Ça avait pas l'air aussi terrible dans les films, quand le héros continue à courir après le méchant même en en ayant trois ou quatre dans le corps dans le corps. C'est normal que ça fasse aussi mal et que le simple fais de respirer me paraisse fatigant ?

Ya pas de pharmacie dans le coin, et de toute façon, je n'en connais pas qui vendrait des trucs à une femme avec trois bras, même s'il y en a un de plombé. Et puis je ne suis pas sûre de savoir me soigner ça toute seule.
Un médecin ? Un pas trop cher qui prend les mutants, j'en connais pas beaucoup non plus. Un seul en fait. Il était chez moi il y a peu pour le mentaliste.
Il a l'air un peu louche, mais dans mon état, je vais pas faire la difficile.

Sa plaque est juste là, à côté de sa porte.
Je sonne avant d'entrer ? Merde, je trouve pas la sonnette. Tant pis. J'ouvre et j'entre... sans faire de bruit... pourtant ce serait mieux qu'on m'entende arriver.

Ya pas de secrétaire ? Je fais quoi alors ? Je vais directement dans la salle d'attente ? Ou il faut peut-être que j'aille prévenir le docteur que je suis là... mais s'il a déjà un patient, ça ne se fait pas... sauf peut-être si c'est urgent... C'est une urgence ou pas ? Je peux peut-être tenir encore un peu, depuis le temps que je me promène avec mon trou de balle dans le bras.
Mais s'il n'a pas de patient et qu'il attend dans son cabiné sans savoir que je suis là ?

Holala, je me sent pas bien, j'ai la tête qui tourne. Je vais m'assoir un peu.
Je transpire sous mon manteau, mais j'ose pas l'enlever. Si quelqu'un entre et vois que j'ai trois bras, je fais quoi ? Surtout si c'est pas un rebelle. Et puis je préfère pas regarder ma plaie, j'ai peur de tomber dans les vapes.

J'espère qu'il va venir me chercher...
Il est là au moins ?
Je suis vraiment pas rassurée, toute seule dans cette salle d'attente.
J'appelle :

-il y a quelqu'un ?
docteur ?

Quitte à appeler, je devrais peut-être appeler plus fort, mais il risque de m'entendre... mais qu'elle crétine ! Je vais peut-être crever là sur ce siège et j'ose même pas appeler un médecin ? Nan mais c'est sûr, faudrait surtout pas le déranger des fois qu'il soit débordé avec sa salle d'attente remplie d'absents !
Si ça se trouve il est même pas là.

Bon, ça suffit, j'ai trop mal et j'ai trop peur que ce soit grave pour rester sagement à l'attendre ici. Je lève mes fesses de ce siège et me dirige vers la porte du cabiné en longeant le mur pour pas tomber parce que ça tangue un peu et que je vois des petites lucioles. J'ose même prendre la poignée et ouvrir la porte... un peu... je l'entrouvre doucement, en fait, pour voir s'il y a quelqu'un à l'intérieur. Et puis je sursaute parce qu'en effet j'ai vu quelqu'un. Alors j'ai refermé la porte en vitesse.

Allons, un peu de courage. Il était seul de toute façon, j'ai pas vu de patient. Je peux bien lui demander de s'occuper de moi.
Je prend mon courage à trois mains et je frappe à la porte :

toc toc toc

Bon là non plus, je ne suis pas sûre qu'il est entendu, mais au moins je l'ai fais, je suis bien élevée. Puis j'ouvre la porte, assez pour passer la tête... bon encore un peu quand même.

-euh... bonjours.
excusez-moi...

Je peux entrer ? J'attends qu'il m'y invite quand même. Et je vais attendre aussi d'être un peu plus près de lui pour lui expliquer ce qui m'amène chez lui, sinon il va rien entendre. Mais en même temps, j'ai pas tellement envie de m'approcher. Il faudra bien pourtant.

Le chlore flotte dans l'air, s'accrochant agressivement aux murs et aux habitants de la pièce. Ça sent le propre et parfois même le désinfectant.
Quelques vieux outils chirurgicaux trainent par terre, d'autres sous l'évier et un dernier dépasse de sous un meuble. Les médicaments sont mélangés, et si certaines choses ici semblent profiter de manipulation méticuleuses, d'autres semblent participer à la théorie du chaos.
Ici, chaque élément est partagé entre le bordel et le rangement maniaque, sans vrai distinction entre les deux...
Est-ce une sorte de mise en scène ? Est-ce juste un décors que j'ai monté ?
Après tout, les meilleurs artisans sont toujours excentriques, et je suis, en tant que médecin de mon état, un très très bon artisan.
Enfin, c'est ce que me souffle mon égo.

Alors ? Décors ou non ?
La réponse ne sera jamais donnée... Et puis, franchement, ce genre de question n'attend jamais de réponse digne d'être prononcée à voix haute.


Masque sur le visage, gants sur les mains, pieds sur la table et bien allongé au fond du fauteuil, je potasse le dernier mot croisé déchiré dans le journal télé du mois.
Les insurgés ne devraient pas tarder à venir sur une civière. J'aurai pu les dissuader de lancer leurs opération kamikaze, mais mon compte en banque apprécie leurs participation, ainsi que l'économie alternative Novlanguaise. La médecine vous remercient !

En vertical et en quatre lettres, "Gâteau aux fruits rouges". Cake ? Le cake au fruits ?


La sonnette retentit. Quelqu'un viens d'entrer.
C'est pratique cette petite sonnette : Elle me préviens des visites, ne s'entend pas de l'extérieur et me permet de faire poireauter un peu mes clients. Ça renforce le coté professionnel.


Laissons attendre un petit peu.


Qualité d'un bon travailleur ? Vertical et dix-sept lettres ? Professionnalisme, non ?


Toc toc, fais la porte. Ou devrais-je dire la personne derrière la porte.
Ah, c'est une des insurgés de tout à l'heure. La moins impliquée d'après mes souvenirs. Complétement en nage, les cheveux collés au visage par la transpiration... J'en connais une qui s'est sûrement trouvée au mauvais endroit au mauvais moment.

« Ne vous excusez pas, et venez plutôt vous installer sur la table, on y gagnera du temps. »

La grille de mot croisé posée sur le meuble médical le plus proche, j'ai libéré la place pour qu'elle puisse s'y installer, puis j'ai trifouillé dans mes tiroirs afin de mettre la main sur un tube de crème anesthésiante.

« Je suis presque sûr que vous ne venez pas pour une toux ou un rhume. Appelez cela un pressentiment. »

Ah, ça y est, il a levé le nez de son bout de papier et il m'a vu.

« Ne vous excusez pas, et venez plutôt vous installer sur la table, on y gagnera du temps. »

D'accord, il est pressé alors... quoique les pieds sur la table comme il était, il avait pas l'air débordé. C'est peut-être juste pour pas me laisser souffrir trop longtemps alors ? Oui, on va dire ça.
Je me fais pas prier, je me dépêche d'enlever mon manteau... où je le met ? Là, sur la chaise ? Il y a une boite de je sais pas quoi dessus, mais bon, ça devrait pas trop déranger.
Ya des trucs qui trainent un peu partout. C'est quoi ça par terre ? Un genre de pince ? On se croirait dans mon atelier. Sauf que lui, c'est pas des machines qu'il répare.
Et cette odeur chimique... il a renverser quelque chose ?

Bon allez, c'est pas grave. Moi aussi je suis bordélique, mais ça m'empêche pas de faire du bon travail... mais c'est un médecin quand même !

On se détend, ça va bien se passer. De toute façon ça pourra pas être pire que maintenant... j'espère... non non non ! On ne commence pas à imaginer le pire.

Me voilà installée sur la table du boucher docteur, lui présentant timidement mon bras gauche du haut, celui qui a pris la balle.
Est-ce que je dois enlever le foulard noué dessus ou est-ce qu'il vaut mieux le laisser faire ? J'hésite.

« Je suis presque sûr que vous ne venez pas pour une toux ou un rhume. Appelez cela un pressentiment. »

Ahah ! sympa de vouloir détendre l'atmosphère comme ça. Non monsieur, en effet c'est pas pour un ptit rhume. Pour un peu j'en rirais... mais jaune.
Mais c'est bien qu'il le prenne comme ça, ça montre qu'au moins il n'est pas inquiet, parce qu'il sait ce qu'il doit faire, il doit avoir l'habitude. Ou peut-être qu'il s'en fout ? ... non non non ! C'est juste qu'en me voyant arriver il devait déjà savoir que c'était pas très grave. Après tout, j'ai réussi à marcher jusqu'à son cabinet, c'est que ça doit pas être très urgent. Oui, c'est ça, c'est surement moins grave que ça en a l'air et il va me soigner ça en moins de deux.

-j'ai trou de b... j'ai reçut une balle, dans mon bras...

Vous pouvez faire quelque chose ? Ca j'ai pas oser lui poser, comme question. Même si j'aurais bien aimé qu'il me réponde que oui, il va me soigner et que tout ira bien.

Bon... Voyons la blessure...

Encore toute fraiche, pas infectée. Le problème vient de la balle, qui est profondément enfoncée dans les chairs... L'extraction ne sera pas des plus simples.

J'ai dévissé le couvercle du pot, plongé la main dans la crème anesthésiantes et j'ai badigeonné son bras du bout des doigts, tout autour de la blessure.

« Je ne vais pas pouvoir vous empêcher de souffrir... Mais je peux atténuer vos douleurs, du moins un petit peu. »

Sa peau devrait se désensibiliser peu à peu.

« Voila. On laisse reposer un petit peu... Ah, et mordez dans ca, aussi. »

J'ai tendu un livre entièrement rempli de grilles de mots croisés. C'est assez souple pour qu'elle ne s'y casse pas les dents, et ca lui permettra de se concentrer sur autres chose que la douleur quand j'enlèverais la balle.

« La nouvelle technologie, ca a du bon, vous savez ? La médecine est complétement revue et corrigée depuis une centaine d'année... Malheureusement pour vous, certaines choses, comme les extractions de corps étrangers de l'épiderme, ca se fait à l'ancienne avec une pince, de l'alcool et beaucoup de courage. Bon, il va falloir attendre un peu que la crème fasse effet... »

En attendant, je farfouille à la recherche d'une pince dans mes nombreux tiroirs, et j'en profite pour jeter un œil sur ma grille en attente.

« Dites, pendant que vous êtes ici et que vous attendez, vous ne pourriez pas m'aider ?... "Comestible, mais indigeste au cinéma", en cinq lettre ? »

Je sers les dents pendant qu'il me tartine de pommade. A peine on effleure la blessure que ça me fait danser. Mais je ne dois pas bouger. Je me contente de cramponner la table avec mes deux mains libres.

Ouf ! enfin il a fini avec la pommade.
Ça y est ? C'est guéri ? c'est tout ? et la balle, elle reste dedans ?
Ah non, c'est pas fini en fait.
Il veut que je morde la dedans ?! Je le sent pas... mais j'oserais pas discuter ses méthodes. C'est lui le docteur après tout, et j'en ai pas d'autre à disposition.
Pas la peine de s'éterniser, je discute pas et je mord son bouquin. Ensuite je ferme les yeux très fort et j'attends qu'il fasse ce qu'il doit faire.
Allez, qu'on en finisse...

« La nouvelle technologie, ca a du bon, vous savez ? La médecine est complétement revue et corrigée depuis une centaine d'année... Malheureusement pour vous, certaines choses, comme les extractions de corps étrangers de l'épiderme, ca se fait à l'ancienne avec une pince, de l'alcool et beaucoup de courage.

Il parle pour me distraire. Comme c'est gentil. Mais à la limite, je crois que je préfèrerais qu'il me parle d'autre chose, parce que ce qu'il dit là, ça ne me rassure pas du tout.
Je me sent pas bien.
Faudrait pas que je m'évanouisse avant qu'il est fini.
Allez, dépêche qu'on en finisse !

Bon, il va falloir attendre un peu que la crème fasse effet... »

hein quoi ? C'est pas tout de suite ? Il faut attendre ?
Alors je rouvre les yeux et le regarde fouiller ses tiroirs. Il cherche surement un outil pour extraire la balle. J'espère que ce sera pas un engin énorme comme pour ferrer les bœufs, ou pire, le genre d'outil que j'ai dans mon atelier. Peut-être que je ferais mieux de pas regarder dès maintenant, comme ça, même s'il me sort un gros engin de torture, je le verrais pas et j'aurais moins la trouille.

« Dites, pendant que vous êtes ici et que vous attendez, vous ne pourriez pas m'aider ?... "Comestible, mais indigeste au cinéma", en cinq lettre ? »

Ça aussi c'est pour me distraire ? Pour que je ne pense plus à mon bras ? Ou bien, c'est peut-être qu'il s'en fout. Nan, il prendrait quand même pas mon problème à la légère... putain, j'ai envie de pleurer !

Comestible, mais indigeste au cinéma en cinq lettres ? euh...

-nahé ?

Zut, le livre. Je peux peut-être arrêter de mordre dedans pour le moment. Moi il m'a dit de mordre, je l'ai fais. Je pensais pas que ça mettrais autant de temps. Bref, je pose le livre et lui répond plus clairement, mais la gorge serrée de trouille et la voix tremblante :

-navet ?

D'un tour de boucle, une sangle fut placée et serrée sur son bras. Il ne faudrait pas bouger pendant l'extraction, ca déchirerait les chairs et on ne le veux pas, pas vrai ?

« Navet ? Oui, ca doit être ca. Merci bien, jeune fille. »

Bon, la suite des évènements. L'extraction.
J'ai retrouvée la pince. Tout en longueur, et ( ô chance ) tout juste désinfectée.
Y'a plus qu'à.

« Votre bras doit être suffisamment engourdi. La douleur devrait être minime... Mais servez vous quand même du livre, d'accord ? »

J'ai posé tout le reste du matériel à portée de main. Je suis prêt.

« Dites moi quand vous êtes prête. »

Il... il m'attache ?
Ça doit être pour empêcher le sang de circuler pendant qu'il opère. Oui, c'est surement ça. Il devrait peut-être même serrer un peu plus fort, non ?

« Votre bras doit être suffisamment engourdi. La douleur devrait être minime... Mais servez vous quand même du livre, d'accord ? »

J'ai peur
J'aime pas quand il parle au conditionnel. La douleur devrait être minime ? Mais il faut quand même mordre dans le livre... qu'est-ce que ça serait si elle était pas minime ?

En plus, je ne suis pas sûre qu'elle fasse vraiment effet, sa pommade, parce que j'ai mal quand même. Mais c'est peut-être psychologique. J'ai tellement peur d'avoir mal que je souffre déjà.

J'ai comme un mauvais pré-sentiment. Mais ça doit être la trouille, la fatigue, la douleur... tout va bien se passer...

-vous devriez peut-être serrer un ptit peu plus, non ? des fois que...

des fois que j'ai un mauvais réflexe et lui mette une tarte en essayant de m'enfuir.

-non ?

Je le regarde avec des grands yeux inquiet tout en essayant de retenir la larme. Faut pas pleurer maintenant alors qu'il a même pas commencé.
Puis je me remet le livre entre les dents et cramponne la table avec toutes les mains qui peuvent encore cramponner.

Autant il y a deux minutes, je me disais "aller, finissons-en !", autant maintenant, j'ai plutôt envie d'appeler ma maman, même si elle est certainement restée au siècle dernier.

....

« Oh, excusez moi. Je viens d'avoir un moment d'absence... Vous disiez ?... J'étais complétement ailleurs, ahah.. »

Je l'ai laissé seul quelques temps. Quelques secondes peut être ?... Complétement dans les nuages.

« Resserrer ? Si je resserre plus, je vous fait du mal. Je n'ai pas envie de vous blesser plus que vous ne l'êtes déjà. Je suis médecin après tout ! Je répare, je ne casse pas. Enfin, pas trop. »

Revenir au monde réel. Se concentrer. Voila. La pince est là, elle est stérilisée. Je suis pret.

« Excusez moi... Bon, on va pouvoir commencer. Je ne vais pas vous mentir, ca va piquer. »

Elle mord le livre. Stressée ? Si peu.

La pince plonge dans la chair, à travers la plaie déchirée. Adroitement, j'essaye de mettre la main sur la responsable de tous ces dégâts.
Je suis sûr qu'elle souffre le martyr, mais j'y suis presque... Encore quelques millimétres... Encore... Et voiiiiii... Là !
J'ai mis les deux crochets dessus.
Difficile d'y voir clair avec tout ce sang, mais je suis entièrement sûr, à la résistance s'offrant à ma pince, d'avoir saisi la balle.
Plus qu'à extraire.

J'ai retiré minutieusement la pince, et j'ai sifflé à la vue de la balle.

« Un joli morceau. Vous voulez la garder en souvenir ? Attendez, ne bougez pas, il faut que je désinfecte tout ca, et cætera et cætera... »

ça fait atrrrrrocement mal !!
J'ai l'impression que ça dure des heures. Quand est-ce qu'il aura fini de me trifouiller dans la chair ?
Je vais mourir

ah... ça y est, c'est fini ?
Je vois la pince avec la balle... c'était gros quand même... je vois pas clair, je me sent pas bien.
et puis j'ai mal aux doigts. J'ai du serré trop fort les bord de la table.
Je laisse tomber le livre avec la marque de mes dents, un vieux gout de papier dans la bouche.


« Un joli morceau. Vous voulez la garder en souvenir ? Attendez, ne bou... »

J'entends pas et ne vois pas la suite. J'aimerais le prévenir que je tombe dans les pommes, mais trop tard.
Remarque, s'évanouir allongée chez le docteur... j'aurais pu tomber pire.

Un coup de pincette dans le bras, et paf, dans les tchou-tchou !
Pas très endurante, comme Insurgée.

J'ai désinfectée sa plaie en tamponnant avec un coton imbibé, puis j'ai rangé le matériel en le collant pêle-mêle dans l'évier.
Je laverais tout ca.
La balle, je l'ai faite tombée dans un petit sac en plastique, puis posée sur le bureau.

Bon, va falloir s'occuper de l'inconsciente.

J'ai glissé un bras sous son genoux et l'autre sous son cou, et je l'ai porté tant bien que mal dans l'arrière salle disposant de deux lits médicaux, parallèlement placés l'un à l'autre, puis posée aussi délicatement que possible sur l'un d'entre eux.
Elle n'avait pas l'air spécialement impliquée dans l'affaire, c'est dommage qu'elle ait été touchée par le conflit.

Bon. J'ai des mots croisés à finir moi.


Retour dans la salle d'opération, pied de nouveau posé sur la table, grille en main et crayon entre les doigts.

Cousin proche du chien, horizontal en quatre lettre ...?

Je suis où ?
Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Je me sent pas très bien.

J'ouvre les yeux sur un plafond que je ne connais pas... ou peut-être que si... Il y a des drôles d'odeurs chimiques...
Aïe ! J'ai mal au bras ! Je suis blessée ? Ah oui, je ça me revient. Le docteur, la balle, le crash, la course poursuite... Newton ! je dois le retrouver.

Je me redresse
un peu trop vite
la tête qui tourne
C'est rien, juste un léger malaise, hein ?
J'ai perdu beaucoup de sang ?
Le docteur a fini de me soigner ? Je crois que oui, il a enlevé la balle. Mais il a pas mis de pansement, c'est normal ? Bah, sans doute, il sait ce qu'il fait, c'est lui le docteur... un peu bizarre comme docteur. Enfin s'il n'a pas mis de pansement c'est que ça ne doit pas être indispensable !

Je me lève doucement et me déplace en prenant appuis sur le mur.
J'ai un de ces coup de barre...
Je me rapproche de la table où le doc à remis ses pieds. Il a l'air occupé... enfin... pas tant que ça en fait. C'est quoi, des mots croisés ?
Bon, j'ai un truc à lui dire :

-Je peux y aller ?

C'est que j'ai pas que ça à faire, de rester au lit. Les autres doivent s'inquiéter et j'ai mon Newton perdu quelque part dehors. Pourvu qu'il s'en soit sorti.

Elle s'est levée. Elle n'accorde aucune importance à sa rémission ou à son état de santé. Elle veux juste partir au plus vite, le plus loin possible de moi et de mon image de charcutier-pervers.
Elle ne pense même pas à me proposer de payer ou de me rembourser de quelques manières que ce soit.

Je travaille, moi, vous le savez, ca ?

Oui, vous pouvez y aller. Même si s'aurait été préférable de rester encore quelques temps pour laisser le temps à votre corps de se remettre.

Je me suis levé, ai ouvert le meuble et tendu mes doigts vers un récipient encore neuf.

Tenez. Le désinfectant dont je me suis servi possède des propriétés coagulantes tenant du merveilleux. Ce qui veux dire que tant que vous n'éprouverez pas votre corps, le saignement ne devrait pas reprendre.

Petit soupir. Je perd de l'argent à aider ceux qui ne payent pas. C'est idiot de ma pars... D'un autre coté, cela passe pour un acte désintéressé alors que si j'ai besoin d'un service un jour, ils seront obligés de me l'accorder.

Vous m'avez compris ? Pas de folie physiquement ! Du petit footing au gros marathon ! Rien ! Si vous avez besoin de faire quelque chose ou quoi que ce soit, demandez à quelqu'un d'autre que vous ! Vous vous reposez et tout rentrera dans l'ordre dans un petit mois !

Il ne reste plus qu'à ouvrir la porte et...

Vous pouvez y aller. Si la situation ne s'améliore pas, revenez me voir à la fin du mois.

-1 mois ?!
Mais c'est maintenant qu'il y a urgence !

Plantée devant la porte, le désinfectant à la main, je regarde le docteur
puis je regarde dehors, le couloir
puis la blessure à mon bras
puis dedans en direction des lits
puis à nouveau le docteur

Je suis fatiguée, je ne sais plus quoi faire.
Et dehors, c'est si grand... Newton, je le retrouverais jamais toute seule dans cet état.

Alors je reste plantée là, les yeux qui s'emplissent de larmes.
je voudrais m'assoir quelque part, mais sur le coup je ne sais pas où et j'arrive pas à demander. Je me mettrais bien là par terre, sur place, devant la porte, mais j'ose pas. Ça se fait pas je crois. J'aurais l'air de quoi ?
Et je me retrouve assez embêtée de pleurer comme une gamine devant le docteur.

Et oui, ça fait péter les bureaux du Temple des mentalistes à coup de canon, ça conduit comme enragée du volant mais ça chouine quand ça a bobo au bras et que ça a perdu son ptit chien.
Bon c'est quand même un gros bobo, et Newton c'est bien plus qu'un ptit chien, mais je me trouve pitoyable quand même et je fais perdre son temps au monsieur.
Je crois que je lui ai même pas dit merci en plus.

Qu'est-ce que je vais faire ?
Dire que je m'imaginais vraiment partir fouiller la ville alors que je ne me vois même pas rentrer chez moi toute seule dans mon état. C'est loin à pied et je n'ai plus de véhicule, et de toute façon je suis pas en état de conduire.

Alors finalement, je fais un effort pour demander entre deux sanglots :

-Je peux rester encore un ptit peu ?

Un mois, je trouve que c'est relativement peu. Pas de quoi se plaindre.

Si vous avez des magouilles d'insurgés à faire, il va falloir contacter quelqu'un pour le faire à votre place. Évidemment

Sinon, j'ai un caisson... Un caisson, oui. Merci la science moderne !
Je n'en possède qu'un seul, le prix de l'objet étant particulièrement élevé, mais j'en suis fier !
Le principe est simple. On met la personne à l'intérieur et la machine arrête l'organisme du patient pour s'occuper entièrement de la blessure.
Cela soigne vite et bien, mais laisse l'organisme fatigué et à plat pendant un moment.

Oui, mais non... Je ne peux pas lui proposer cela. Cela signifierais un mini-coma de quelques jours, et je n'ai pas l'envie de garder une insurgée dans un coin de ma clinique tout ce temps.

Bon, d'accord, vous pouvez rester. Un petit peu. Le temps de vous remettre psychologiquement de votre choc. Ça vous va ?

-merci

J'essuie mes larme avec un de mes avant-bras.
je suis fatiguée.

Bon, mais je vais quand même pas restée plantée devant la porte.
Un petit regard interrogateur au docteur après un regard pudique vers les lits. Mais j'ai peut-être pas besoin de sa permission pour y aller. de toute façon, les mots ne sortent pas pour la lui demander.
Je suis pas sûr qu'il comprenne tout ce que je lui dis avec les yeux. Est-ce qu'il perçoit mon tout petit sourire tremblotant comme de la reconnaissance ?

Il est gentil de m'autoriser à rester. Je me ferais toute petite pour pas le déranger. Je ne toucherais à rien. Je vais juste me reposer dans un petit coin.
Il ne m'entendra même pas. Les larmes, ça ne fait pas de bruit et j'ai les lèvres scellée par la peine.

Newton... et si jamais je ne le retrouvais pas ?

Si les gens savaient, ils me prendraient pour une folle.
Folle d'être autant attachée à un NOD, même pas humain qui plus est.
Ils auraient peut-être raison. Je suis peut-être stupide de croire qu'il puisse apprécier ce que je fais pour lui. Idiote de croire qu'il pourrait avoir... un cœur.
Oui, je doit être complètement conne de penser ça.
Et pourtant, il ne m'agressait plus. Il m'aidait même à l’atelier. Il était toujours présent quand j'avais besoin de lui, attentif au moindre de mes gestes. Et quand il venait poser sa tête sur mes genoux quand j'étais triste, qu'est-ce que c'est si ce n'est pas de l'affection ? Est-ce qu'il ferait semblant ?
Un robot avec une IA, ça peut mentir ?
A vrai dire, je n'en sais rien. J'espère que non. Je sais au moins qu'il me fait confiance maintenant. Il ne me ferait jamais de mal, pas comme au tout début.

Je m'en vais m'installer sur un lit, sans faire de bruit.
J'entends la pluie qui tombe dehors. J'espère qu'il est à l'abri, lui aussi.