Sisi, elle se l'était donné à elle-même ce prénom. Mais dans sa mémoire résiderait la mauvaise graine, une expression captée entre deux ruelles sur les lèvres de la ville basse.
Elle ressemblait à deux gouttes de pluie au cadre posé sur le secrétaire.
— C'est qui ?
— Voyons, c'est toi.
— Non c'est pas moi. J'ai pas pris la photo, pas comme ça.
— Tu as sans doute oublié. Va donc arranger ta chambre.
12 ans. Oh qu'elle aurait dû porter la puce bien plus tôt, cela lui aurait évité bien des questions. A force de farfouiller dans la malle de vétustes jouets, ses parents très bien lotis se sont sentis dérangés par ce prototype.
— On vous a demandé de cloner notre fille et elle n'est pas...
— Elle ne ressemble en rien à notre fille.
L'aspect n'est visiblement agréable qu'un temps. Les éprouvettes n'avaient pas trouvé moyen efficace de photocopier la personnalité des disparus ; c'était la raison pour laquelle, à défaut de cela, on préférait les effacer... Au travers de beaux efforts plutôt inefficaces, au vu de sa frêle constitution, Sisi s'est donnée du mal pour essayer de rester dans le bolide qui deviendrait un nuage de son nouvel univers. Elle fut jetée comme un produit d'occasion sur le bas côté d'une ruelle, un bonnet vissé sur sa tête et ses deux nattes mal tressées. Ils n'avaient pas suffisamment de temps à sacrifier pour balayer devant leur porte, alors elle irait rejoindre ce qu'ils jugeaient être infernaux - toujours situés en bas.
La pitié faisait-elle partie des vices ? Sinon pourquoi le vieil ivrogne du coin aurait-il jugé bon de lui dire "vire tes miches de là et rentre fissa avant qu'un cinglé prenne tes tifs pour des rênes d'attelage!"
Peut être pensait-il que sa vie pouvait se racheter avec un geste honorable. En tout cas, ça a permis à Sisi de vivre dans ce taudis où l'ancêtre aimait à coincer sa bulle.