Départ dans l'Ombre
* De l'Ombre, une voix s'éleva, grave et légère *

Mes amis, mes sœurs, mes frères, ma Princesse, mon Opaline…

Je dois vous faire une confidence, la première et la toute dernière.

J’ai vécu les plus belles aventures qu’il ait été donné de vivre à un homme, enfin à un troll * rire léger *, grâce à vous, à vos côtés. Il y eut des rires, des larmes, des tensions, des frémissements, les plus durs et les plus doux des soupirs. Bref, toujours il y eut entre nous la plus saisissante des passions.

Cette passion m’a fait comprendre quelque chose, lorsque me réveillant d’un rêve, j’ai compris que je n’avais pas rêvé, mais que c’était éveillé que je rêvais. Aussitôt, je perdis substance, et la main que je tentais de poser sur le rebord de ma couche traversa le bois sombre et massif.

Je suis une ombre, vous savez… Une vraie… Je suis apparu dans ces terres car la douleur qui m'avait étreint dans un autre monde a projeté sur Sarwyen une ombre de celui que j'étais.

Je n'avais de substance que quand je croyais en cette existence de troll que je m'étais inventée pour oublier, pour oublier que j'étais mort il y a bien longtemps, ailleurs... Pourtant, les dieux savent que vous m’avez donné envie d’y croire à cette vie, de la vivre et de m’y oublier, de ne plus être une ombre que par le nom. De ne plus être un revenant mais un « restant », restant parmi vous, à vos côtés lors de chaque bataille, restant avec vous lors des longues veillées du repaire, restant tout contre vous lorsque la nuit se faisait trop froide. Être une ombre à vos côtés est bien plus agréable que d'exister en chair et en os ailleurs.

Mais je ne peux plus vous mentir sur ce que je suis, pas plus que je ne puis continuer à me mentir, vous comprenez ?

Sarwyen m'est devenu aussi étranger que pourrait l'être le monde d'un rêve au réveil…

Il est temps pour moi de me réveiller de ce doux songe que j’ai vécu avec vous, me réveiller pour mieux m’endormir, en paix, enfin…

Merci à vous. Merci d’avoir été ceux que vous êtes et de le rester. Vous êtes exceptionnels, quoi qu’ils en pensent, aucun clan ne vous arrivera jamais à la cheville!

Où que j’aille, ou nulle part que j’aille, je vous emmène avec moi, même si là où je vais on n’a plus rien.

* la voix disparut, et pourtant son timbre sembla se répandre sur le silence qui suivit, longtemps… longtemps… *
Slinger