Phil en avait longuement parlé avec son fidèle bras droit et ils étaient d'accord : ils devaient agir. Mason avait prit un rendez-vous un plus vite avec le Patriarche, il devait absolument s'entretenir avec lui. Il ne voulait pas parler avec le NOD, ils étaient beaucoup trop étriqués et formatés pour lui, et il avait toujours eu de la sympathie pour les mentalistes. Ces derniers savaient se montrer spirituels, savaient voir l'avenir autrement que par des bilans de comptabilité et par dessus tout, ils avaient été créés pour le bien de l'Etat.

L'Etat, l'Assemblée, Novlangue City, tout ce qui était précieux aux yeux de Phil était en danger, et il ne resterai pas sans bouger. La nouvelle des attentats l'avait profondément secoué. Lorsqu'il avait appris ces actes impardonnables, il était entré dans une colère noire et avait dévasté la moitié de son bureau. Il se revoyait prendre son fauteuil, le soulever au dessus de lui et le jeter violemment sur son bureau en verre avec ordinateur intégré qui avait éclaté en mille morceaux. Puis se fut au tour du bar, presque toutes les bouteilles y passèrent, insultant les insurgés à chaque contenant brisé ; seuls les plus vieux millésimes furent sauvés de cette folie destructrice. Il finit en renversant ses canapés et en lançant la table basse contre le mur. Henry était resté sans broncher tandis que son patron et meilleur ami revoyait la décoration intérieure. Il avait l'habitude des colères spectaculaires de Phil, mais celle-ci fut particulièrement violente ; Mason étant d'habitude beaucoup plus pervers et machiavélique. Cependant, certaines fois, la haine se déchaine sous sa forme la plus pure.

Phil attendait patiemment que le Patriarche Weissman le reçoive. Il avait déjà eu à faire à lui récemment et espérait que tout se passe pour le mieux, comme la fois précédente. Il était plutôt confiant, après tout, qui refuserait de nouveaux fonds ?

Monsieur Mason est arrivé et souhaite vous voir, monsieur.
Il avait pris rendez-vous ?
Oui monsieur, hier soir en stipulant que c'était de la plus haute importance. Comme vous êtes libre durant les prochaines heures je me suis permis de...
Merci, Matteus. Fais le entrer.

Phil Mason... Un automate influent en 2040 qui a traversé la faille temporelle pour se retrouver cent ans plus tard. Il s'était déjà permis de réquisitionner un mentaliste à plein temps, une requête à laquelle Weissman avait consenti vu les états de service du bonhomme.
Mais qu'est ce que l'automate peut bien vouloir ? Les insurgés ont fortement perturbé l'ordre public avec leurs attentats à la bombe. Mason aurait-il été touché, et voudrait il se venger ? Non, Weissman n'est pas un bureau des plaintes, on ne le contacte que pour des choses importantes, même si les automates ont parfois des passe-droits.

Le patriarche range les dossiers -classés secret défense- dont il s'occupait avant que Matteus ne l'interrompe et ferme le tiroir de son bureau à clé, il y a des informations qui ne doivent pas être accessibles à n'importe qui.
Juste à temps, Matteus fait entrer Mason qui s'assied sur le fauteuil prévu à cet effet.

Ce qui apparaissait comme le secrétaire de Weissman vint chercher Phil. Il le fit entrer dans le bureau du Patriarche et lui indiqua une chaise. Mason s'assit et salua son hôte :

- Patriarche, c'est un honneur de vous rencontrez, je sais que votre temps est précieux, surtout en ce moment, je ferais court.

Il prit sa respiration et reprit :

- Mon père était un fervent partisan du régime, j'ai grandi dans le respect de l'Etat et l'amour de mon pays. Et je ne resterai pas sans rien faire face aux actes de défi des insurgés.

Son visage s'était durci sur ces dernières paroles, il avait presque craché le mot insurgés.

- C'est pourquoi j'espère que vous accepterez mon aide. Je n'ai rien d'autre à vous proposer qu'une contribution financière mais je pense que cela pourrait vous aider. Un budget n'est jamais trop grand. Et ce serait réellement un honneur que de contribuer à la sécurité de notre ville.

Phil se tut, il avait fini d'exposer son projet, tout reposait désormais entre les mains du Patriarche.

Ainsi, Mason veut donner de l'argent au Temple ? Et la raison pour que sa proposition aide vienne maintenant est la vague d'attentats qui a secoué la ville tout récemment ?
Mais les automates sont ce qu'ils sont, des hommes d'affaires. Ils ne jettent pas l'argent par les fenêtres sur un coup de tête. Même si celui-ci est connu pour ses agissements "particuliers", un quelconque coup fourré n'étonnerait pas le patriarche.

Le mentaliste se redresse pour mieux observer son interlocuteur. Il n'a pas l'air d'avoir quelque chose à se reprocher -et puis Matteus l'aurait signalé- et son respect de l'Etat semble authentique.

Et quelles seraient les conditions?

Autant être franc et ne pas prendre des gants. Ils sont tous les deux adultes et responsables, ils peuvent se permettre d'énoncer les choses comme elles sont. Et une grande partie des donations faites au Temple sont des tentatives de pots-de-vin.

Je ne veux pas me retrouver à devoir vous faire une faveur en remerciement.
S'il n'y a aucune close qui engage les mentalistes nous accepterons volontiers votre argent, dans le cas contraire... énoncez toujours et je verrai ce que je peux faire pour vous.

Phil haussa un sourcil interrogateur, voila bien une chose à laquelle il n'avait pas pensé. Une contre partie ? À aucun moment il n'y avait songé, même si désormais il voyait une multitude de possibilité ; mais cela restait du domaine de l'imaginaire, pour une fois dans sa vie, Phil s'apprêtait à commettre un acte dénué d'intérêt direct.

- Et bien monseigneur, dit-il. Pour la première fois de ma vie je ne demande rien. Cela peut vous paraitre étrange, je le conçois parfaitement. Mais j'aurai tout de même ma part du gâteau au final, quand vous aurez débarrassé la ville de ce fléau cela assurera la pérennité de la ville. C'est ce que tous nous souhaitons.

Il se réajusta sur son fauteuil, décocha un sourire amical et parla très sérieusement, le ton grave mais néanmoins impassible de son accent britannique refaisant surface.

- Je ne fais affaire qu'avec les automates, c'est notre rôle. Vous, vous assurez la cohésion entre le haut et le bas de la pyramide, vous entretenez leur amour de l'Etat et c'est une tache grandiose, mais complètement différente. C'est pourquoi je ne demande rien ; le Temple n'est pas une place de marché. Lester fut la seule et dernière entorse.

Phil bouillonnait d'impatience, l'enfant qui avait grandit avec des discours patriote sur l'honneur et le devoir allait enfin accomplir le sien. Père serait fier de lui.

- Qu'en dites-vous Patriarche ?