Le retour jusqu'à la maison a été difficile. Jane n'a fait aucun commentaire sur son état, se contentant de penser qu'elle ferait mieux de ne plus l'emmener dans le quartier Valkyrie, où il finit en sale état à chaque fois, et l'a ramené au temple.

Une douche chaude, quelques heures de sommeil. Le lendemain il n'y parait presque plus, malgré sa démarche toujours un peu raide et son entrejambe douloureux. Ca au moins, il va être calmé de ce côté là pour quelques jours.

Lorsqu'il allume ses écrans, tout clignote et s'affole.

- Bon sang Jane, t'aurais pas pu me réveiller avant ?!

- T'avais besoin de dormir, et de toute façon, c'est fini maintenant. Ca changera plus rien.

Son réseau d'information, étendu grâce à Jane par chez les NOD et les Automates les moins précautionneux, lui fait savoir que les infiltrés ont frappé un grand coup à la Centrale NOD cette nuit, libérant une foule de prisonniers, et faisant exploser autant de chair que de bâtiments.

Explosion...

L'autre pignouf est impliqué ? Hum, si c'est le cas, il faut qu'il le sache, et qu'il s'occupe lui-même de son cas. Une bonne fois pour toute.

Une fois toutes les informations intéressantes apprises sur l'altercation, et après avoir parcouru vite fait le reste des nouvelles, il s'étire en grimaçant, soupire un instant, puis se décide à aller s'habiller comme il se doit. Cela fait trop longtemps qu'il n'a pas mis les pieds au Temple lui-même, et ses supérieurs vont finir par lui en vouloir s'il ne le fait pas.

Un col haut pour cacher les dernières traces de doigt. Il ne peut rien faire pour sa joue, mais de toute façon, une balafre en plus ou en moins... Et il descend enfin, fier et noble dans sa tenue de Mentaliste, le petit sigle de l'Ordre attaché à son col. Ceux qui savent le craindront un peu pus comme ça.

Le Temple est calme à cette heure-ci, il réussira peut être même à faire son tour tranquillement sans croiser personne... Enfin... Peut être pas finalement. Voilà un Mentaliste qui a visiblement décidé de lui chercher des noises... Soupir. Puis sourire factice vissé au visage en se tournant vers lui.

- La ferme, Velios. C'est ce qui arrive quand on va sur le terrain plutôt que de courir après les boss pour leur lécher le fion.

Ca a toujours été comme ça entre eux. Et vas-y que je t'insulte copieusement, mais s'il faut couvrir l'autre, pas de problème. Avoir des penchants convergents, et s'être mutuellement surpris sur le fait, ça rapproche.

- Qu'est-ce que tu veux ? C'est pas souvent que tu prends la peine de venir m'astiquer les bottes. Elles doivent pas fouler d'assez hautes marches pour toi.

Il est content de le voir, à dire vrai. Lui au moins, il va pas les lui briser.

Sale con. Tout le monde sait que c'est mieux sans les bottes. Soupir. Toute une éducation à refaire. Hum bref. L'attentat de l'Opéra ? C'est ça qu'il veut ?

C'est drôlement facile comme question, pour le coup. A savoir s'il va lui dire la vérité ?... Il laisse quelques pas avant de répondre, les bras pendants de chaque côté de son corps, et le visage impénétrable.

- Des infos sur l'attentat ? Ouais, j'en ai. J'sais qui c'est qui a fait le coup, c'est même lui qui m'a laissé ce joli accident de rasage. J'te filerai une photo si tu veux. Guinea qu'il s'appelle, un troufion d'insurgé qui traine dans les égouts. Mais il est à moi, j'te préviens, pas touche. On a des comptes à régler lui et moi.

Tout ce qu'il a à dire. Des infos, il en a d'autres, par son réseau, mais il partage pas tout. Pas gratuitement.

- T'es au courant pour la Centrale au fait ?

Tâter le terrain. Voir si les Mentalistes ont d'autres infos là-dessus. Ca peut toujours être utile.

Sale pourriture de Mentaliste. Y a pas à dire, les manipulations sur le cerveau humain, ça a laissé des traces plus que visibles. Il en connait pas un qui soit un peu taré, et dans son cas et celui de Velios, faut bien reconnaître qu'ils sont carrément frappés. Ce monde marche sur la tête, et ils en sont la première dégénérescence. Bah, on peut pas combattre sa nature, alors autant s'en accommoder.

Lorsqu'il prononce le prénom de sa soeur, un signal d'alarme retentit immédiatement dans son esprit. Violent et franchement désagréable. La réaction est instinctive. Il attrape le Mentaliste par le col et plonge son regard désormais noir dans le sien.

- Si tu touches à ma soeur...

Il se stoppe net dans sa phrase. Jaden, déconne pas ! Un taré comme lui, si tu lui fais miroiter le danger, il va se hâter d'aller s'y jeter.

Il lâche le Mentaliste avant que celui-ci ait pu réagir, et reprend sa route. La migraine pointe.

- Cette partie de chasse est rien qu'à moi, désolé vieux. Par contre, si ça t'intéresse, j'ai une Valkyrie à laquelle je dois rendre visite... Et je risque d'avoir besoin d'une diversion. J'imagine que je peux compter sur toi ? Y a des jolies poulettes dans le secteur.

Père faire son avancée sur l'échiquier politique ? Il se fait pas de souci pour lui, c'est un vieux briscard foutrement plus malin que bien de ces collègues. Il est pas taré lui, ou alors, il cache ça mieux que les autres. Jaden aimerait bien découvrir ce que c'est son péché à lui. Histoire de se sentir moins seul. Ca doit pas être beau à voir en tout cas...

- Si on s'emmerde, on pourra toujours partir à la chasse aux prisonniers évadés. Ca fait longtemps qu'on n'a pas joué ensemble...

Putain de dégénéré. Kes', ma chérie, va falloir que tu fasses gaffe si tu reviens au temple... Soupir intérieur.

Et puis le jeu reprend, à propos de la Valkyrie. Que lui dire, que lui répondre ? La vérité ? S'il le fait, il sera plus tout seul sur le coup, mais en même temps, elle mériterait bien ça, la garce. Réflexion...

- Au contraire, c'est une putain de dingue, comme toi et moi. Elle a l'air d'aimer les sensations fortes donc j'envisage de lui préparer quelque chose à sa hauteur. Je t'en reparlerai en temps utiles, d'ici là, trouve toi d'autres lièvres à courir.

Puis il s'arrête.

- Et pour la chasse aux prisonniers, t'en dis quoi ?

Velios se stoppe soudain, saluant quelqu'un derrière eux. Jaden interrompt également sa marche pour se retourner, posant son regard clair sur la nouvelle arrivante. Melian. Il a un petit dossier sur elle, comme sur la plupart des Mentalistes du Temple, mais rien de bien probant. Elle fait partie de ces gens discrets qui finissent rarement sur le devant de la scène. Ca doit cacher quelque chose, mais quoi ?... Signe de tête respectueux.

- Melian. Que pouvons-nous faire pour vous ?

Si elle vient jusqu'à eux, c'est qu'elle a besoin de quelque chose. Pas qu'il ait spécialement envie de perdre son temps avec elle aujourd'hui, pas d'humeur à jouer, même avec une poulette farouche, mais quand même, il doit bien assurer un minimum de relationnel. Ca fait partie du contrat. Tu profites des avantages des mentalistes, en échange, t'acceptes de te plier à leurs contraintes débiles de temps à autres.

Et puis qui sait, elle a peut être quelque chose d'intéressant à raconter... Ca le changerait ça tiens, qu'on vienne l'emmerder pour un truc intéressant pour une fois.

Son agacement doit être perceptible sur ses traits, tandis qu'il ne quitte pas la jeune femme du regard.

Pour l'histoire intéressante, c'est raté. Un simple rapport, voilà tout. C'est d'une tristesse... Même pas un élément croustillant dans son compte rendu. Ca l'étonne pas trop au final, vu que ça vient quand même d'une sacrée coincée, mais nom d'un chien, ils pourraient essayer de faire un effort un jour. Juste réussir à éveiller un peu sa curiosité, pour une fois. Ca changerait ça aussi.

Seule la façon de parler change un peu, il l'avait oublié dans son rapport ça, faudra qu'il le rajoute. Ne sait visiblement pas conjuguer un verbe et semble ne pas avoir conscience de sa propre personne. Ou juste ne pas savoir dire je.

Ca cache peut être quelque chose d'intéressant. Ou peut être pas. Comptez pas sur lui pour aller chercher.

Velios choisit ce moment pour faire l'intéressant, lui pour le coup, se rendant ainsi désagréable. On abîme pas les consoeurs, même si elles sont folles et complètement coincées. Ca se fait pas, c'est tout. Même si le fait de ne pas se rappeler son pouvoir là tout de suite, ça l'agace. Et Jane qui ne réagit pas dans son esprit... Il déteste quand elle fait ça.

- Couché Velios ! La dame est encore fatiguée, tu ne vois pas ? Tu les préfères plus en forme normalement.

Ouais, ça fleure bon l'interdit, mais rien à foutre. Il tend alors le bras à Melian.

- Pardonnez ce goujat, il a visiblement oublié ses bonnes manières... Je vous en prie, venez marcher un peu avec nous, ça nous permettra de discuter un peu de ce rapport. Alors, qui avez-vous rencontré d'intéressant dans les bas-fonds à part de la vermine ?

Il sait pas pourquoi il fait ça. Enfin si il le sait, le charme est l'arme première du Mentaliste, et il est nécessaire d'avoir tous les appuis possibles au Temple. Même si cela revient à charmer les cinglées les jours de grosse gueule de bois.

Velios... L'a jamais su se taire quand il fallait celui-là. Il voit pas que la Melian, c'est du genre biche effarouchée qu'il faut apprivoiser... ? Pas lui sauter à la gorge comme ça, faut y aller avec douceur. Oui, il y parait pas comme ça, mais Jaden sait aussi se montrer miel quand c'est nécessaire. Cette Melian, elle a besoin de toute la finesse dont il peut faire preuve.

Force toi Jaden, c'est pour assurer ton avenir.

- Pas vraiment humaine ? Vous voulez parler de ces femmes robots créées fut un temps ?

Jane vient de lui souffler l'idée. Et si c'est le cas, c'est sacrément la merde. Pas étonnant qu'on les ait toutes faites cramer celles-là, elles étaient dangereuses. Et le danger, le gouvernement aime pas trop ça. Jaden non plus. Faut qu'il se renseigne de toute urgence sur cette nouvelle menace potentielle, parce que si c'est vrai... Frisson. Faut qu'il se renseigne.

- Vous pourriez m'en dire plus sur elle ? J'aimerais bien la retrouver pour la remercier comme il se doit d'avoir prêté main forte à l'une de nos Soeurs. De tels gestes doivent être loués et encouragés au sein de la population.

Il a l'air crédible à sa propre oreille. C'est beau, des années de manipulation et de mensonge, ça laisse des traces. Le NOD, il le garde en tête aussi, il en parlera plus tard. Pour l'heure, il faut cajoler cette jolie demoiselle, et lui faire cracher tout ce qu'elle sait. Pour le moment, il utilise la douceur. Si ça marche pas...

Merde, y a aucune info valable dans ce qu'elle lui raconte, si ce n'est que non contente de traîner en liberté, une orgienne fréquente en plus les bas fonds. Si elle est du côté des insurgés... Frisson. Non non Jaden, t'enflamme pas, elle vivait ptet juste sa vie. Bien sûr. T'es pas crédible, tu le sais ?

Quelle vie ça peut avoir un tas de ferraille pareil ? Est-ce que c'est intelligent ? Si ça l'était pas un peu, le gouvernement les aurait pas éradiquées ceci dit. Jane a intérêt à trouver toutes les infos possibles sur les bases de données, il avait déjà assez de souci comme ça sans rajouter des psychopathes robotiques probablement pas très contentes de s'être faites débrancher... Des femmes en plus... Fallait être con aussi, tout le monde sait qu'il faut pas agacer une femme. Ce sont les pires harpies après.

Il fait un sourire rassurant à Melian dont il sent le bras un peu crispé autour du sien, et effleure même le dessus de sa main du bout des doigts pour tenter de la détendre. C'est pas le moment de la faire paniquer. Vraiment pas. Elle est encore toute effarouchée, il faut la mettre en confiance. Il se renseignerait bien sur cette histoire de problème à la jambe, histoire de savoir quel peut être le moyen de réduire à néant ses saloperies, mais il a peur de paraître trop insistant si c'est le cas. Changeons donc de sujet, elle finira bien par cracher quelque chose de valable.

- Oh tant pis, je suis certain que votre remerciement l'aura déjà enchantée.

Vous souhaitez nous parler plus en détail de ce NOD ? Peut-être pourrions-nous vous aider à mieux le comprendre. Les hommes des fois... Et puis ma soeur est une NOD elle aussi, alors je connais un peu ces spécimens, ils sont parfois étranges.

C'est le ton de la confidence et de l'amusement. Ca ne suffira peut être pas à la faire parler, mais ça devrait la mettre un peu plus en confiance. Il l'espère. Il a pas envie de lui faire sauter la cervelle à celle-là... Il est fatigué de sa rencontre avec l'autre dingue de Valkyrie, et s'il pouvait se contenter d'un léger flirt pour obtenir tout ce qu'il veut, ça l'arrangerait.

Maître Jaden. Oh putain. Là, il prend son pied. Cette gamine est peut être intéressante en fait, tout bien réfléchi. Et la suite... la suite ne le déçoit pas. Pauvre bichette. Finalement, elle est encore plus coincée qu'il ne le croyait, et en plus de ça, c'est auprès d'eux qu'elle demande la rédemption...

Son regard croise celui de Velios, et il réprime difficilement le rire qui chatouille ses lèvres. Melian est complètement perdue, et il rattrape ses mains avant qu'elle ne s'effondre complètement. Velios tente de la rassurer, mais pointe du doigt le point le plus douloureux d'une telle histoire. Il sait bien, il a vécu longtemps avec une psychorigide du non-plaisir.

Jaden plonge son regard dans celui de Melian, la forçant à soutenir le sien par sa seule force, et murmure ensuite d'une voix douce, en écho aux questions de Velios.

- Melian, calmez-vous. Tout va bien. Vous vous êtes fourvoyée, nous en convenons, mais il n'est pas la peine de vous en rendre malade. Nous en avoir parlé est une très bonne chose.

Il relève la main jusqu'à son visage, et caresse sa joue du pouce, sans prendre ombrage d'un éventuel mouvement de recul.

- Calmez-vous. Nous allons vous aider. Vous êtes Mentaliste que diable, relevez le menton, et souriez. Le monde entier doit plier sous vos pas, vous n'avez pas à vous terrer ainsi. Nous sommes le pouvoir Melian, et le pouvoir ne s'excuse pas.

Hum... Il y va un peu fort là. Mais... l'idée l'amuse. Et quand il s'amuse, il perd un peu pied.