22h33. La pluie ralentit. Le dimanche c'est toujours un peu plus calme et puis c'est encore tôt pour les fêtards. Les portes de l'Inn-Uendo sont ouvertes, l'enseigne lumineuse baigne la rue d'un rouge vif et la musique déborde sur la route. Quelques robots nettoyeurs s'activent sur le trottoir et dans l'entrée de l'établissement.


A l’intérieur, l’ambiance est franchement glauque. Quelques poivrots matent deux strip-teaseuses qui se déhanchent sans conviction, des éclats de voix rappellent à la serveuse que quelques paumés traînent encore dans les alcôves. La salle est presque vide, pas de fumée, pas de jeux de lumière, aucune énergie, même la musique sonne désagréablement… difficile d’imaginer que dans 3 heures on refusera du monde à l’entrée ! C’est la mauvaise heure : après le service bar classique de la journée et avant l’ambiance club, plus jeune et festive, de la nuit. Mais c’est aussi le moment idéal pour régler ses affaires… discrètement.

Lewis Clarke :

Lewis est au bar, essuyant machinalement les verres, l’esprit ailleurs. Soudain, l’arrivée d’un client lui fait marquer un temps d’arrêt, comme s’il doutait de ce qu’il voyait. Et en effet, hésitante, osant à peine pénétrer dans la salle, une jeune cliente qui de toute évidence ne devrait pas être là semble chercher quelque chose.

« J’peux vous aider mad’moiselle ? »

Règle numéro 1, ne jamais donner le nom de son contact.

Je fronce les sourcils, ferme mon bouquin, et regarde autours de moi. Mon livre atterri dans mon sac, mais je n'avance pas pour autant. Mes yeux observent le néon rouge. Un instant, la panique me gagne. Je suis sûre que ces gens là on un flair à Automate. Et, même si je n'en suis qu'une à moitié maintenant, j'ai toujours cette peur qu'ils ne le devinent.
Je détourne le regard, qui se pose sur mon reflet dans l'une des vitrines du quartier devant laquelle je me trouve. Y a-t-il quelque chose de suspect ? Je n'en ai pas l'impression. Je me trouve juste mal fagotée, comme certaines, ou certains, que je vois parfois, dans les caveaux, en train de faire la manche. A force d'observation, je me dis que je suis devenue comme un. En apparence en tout cas...

J'ai rassemblé mes cheveux en une queue de cheval, mais ça n'empêche pas de nombreuses mèches de s'en échapper, et que je dois sans cesse ramener derrière mon oreille. Pas de maquillage, les quelques nuits d'insomnies que j'ai passé à penser à ma venue ici rendent mon visage bien plus expressif. Toutes mes autres affaires viennent de la paillade, trouvées par ci par là. Un sorte de jogging gris qui, par chance, est assez grand pour ne pas mouler mes grosses cuisses. Des baskets pourries, mais avec lesquelles je pourrais courir. Un t-shirt bleu passé et une veste dix fois trop grand, même pour moi. Et sur mon épaule, un vieux sac en bandoulière.
Je ne me sens ni bien ni mal dans ces habits, j'ai même plutôt l'impression de regarder une étrangère. Ai-je bien fait ? Est-ce que ce look inspire plus confiance qu'un look de... de putain, comme j'en vois dans la rue ? J'ai déjà essayé ça aussi, en montrer bien trop de mon corps, de mes formes trop généreuses, pour que le vendeur soit plus occupé par moi que par le prix que je donne. Mais ça ne me plait pas non plus.

Un regain de colère nait en moi, ou plutôt se ranime. Peu importe ma façon de m'habiller, je ne me trouve jamais bien. Et la réaction des hommes me met toujours dans des colères pas possible, qui n'explosent qu'une fois rentrée chez moi. Ils sont prévisibles. Et celui que je vais voir ne sera sans doute pas bien différent des autres.
Sadique, ou peut-être sadomaso, j'espère qu'il y aura assez de lumière dans le club pour pouvoir observé son visage lorsqu'il me verra. Pour pouvoir observer les quelques micro secondes – voir plus s'il n'est pas doué – pendant lesquelles il ne pourra pas se retenir. Cela me fera sans doute du mal mais me donnera suffisamment de rage je l'espère pour accomplir le pourquoi de ma venue ici.

Je me dirige vers le club, jetant des regards méfiants autours de moi. Mais, plus j'avance et plus mon pas se fait lent, hésitant. Je pourrais craner, dire que je joue un rôle, mais il n'en est rien. J'ai réellement la frousse.

Mon regard rencontre celui de l'homme derrière le bar. Je fais un pas de plus, mets mes mains dans ma veste. Il faut que je me reprenne.
Ma voix est plus assurée que je n'osais l'espérer.

-Je cherche à voir un certain RJ.

Renard joueur ?

Une ombre de plus est entrée dans la salle, je n'y prête pas plus attention que d'habitude d'autant je dois lutter avec un mal de crâne qui me terrasse. Transpirant, les doigts crispés sur la table, je sens ma tête comme écrasée par un étau qui ne cesse de se resserrer. Je redoute ces moments de crise aiguë de plus en plus fréquents, manquant parfois de me faire défaillir.

« Saloperie d'implant ! » Je marmonne, reprenant une bonne gorgée de bière, seul traitement potable en ce bas-monde.

Puis mon attention est attirée par le comportement inhabituel de Lewis. Il est derrière le zinc, comme d'habitude, mais s'est soudainement arrêté, absorbé par la nouvelle ombre venue. Il semble décontenancé, ce qui est, le connaissant, plutôt rare. Il hésite quelques secondes puis me désigne du regard, s'exécutant machinalement, comme par défaut d'une action mieux adaptée.

« Eh merde ! » Moi qui comptais me saouler peinard dans mon coin, je sens que ça va se compliquer. Encore une embrouille, pas une grosse embrouille sinon Lewis aurait fait le nécessaire mais un truc pas agréable qui va me retomber sur le coin du museau...

La silhouette s'approche de ma table planquée dans une alcôve discrète. Je distingue mieux mon visiteur qui se détache peu à peu de la pénombre... Une jeune femme apparaît, d'un genre qu'on s'attend plus à rencontrer dans une bibliothèque qu'à l'Inn-Uendo. Définitivement.
Elle avance timidement, hésitante, se retournant à plusieurs reprises vers Lewis qui lui confirme de la tête qu'elle ne se trompe pas de direction. Je réfléchis à combien de bières j'en suis exactement, n'étant pas vraiment sûr de mon compte à la vue de la scène dont je suis témoin. Je regarde Lewis d'un air interrogateur qui me répond un peu désolé par un hochement des épaules.

Elle s'arrête un peu loin de la table et me demande, voyant mon air incrédule.
« Vous êtes RJ ?
- ... oui... qu'est ce que tu veux ? Je la tutoie, involontairement mais naturellement, par condescendance très certainement comme j'aurais parlé à ma petite soeur. D'un autre côté, sans son apparence si inoffensive je l'aurais certainement dégagée depuis longtemps, et de toutes façons elle n'aurait même pas passé le filtre Lewis. Et puis la situation est tellement improbable, je suis assez curieux à vrai dire. D'autant que j'ignore d'où elle connaît mon nom, enfin mon surnom.
- ... en fait je...
- Reste pas là, viens t’asseoir. » Je tends le bras vers le banquette opposée à la mienne, l'invitant à rejoindre la table.

Mon regard suit celui de l'homme derrière le bar. Je n'y vois pas grand chose, à peine une silhouette, mais il pourrait y en avoir plus... Je peux encore partir.
Pourtant, quelque chose me pousse à avancer vers l’alcôve. Pas à pas, je me dirige vers l'homme, ne sachant pas à quoi m'attendre.

Lorsque, enfin, j'arrive à distinguer son visage suffisamment, je m'aperçois qu'il n'a pas encore contrôlé son expression.
Finalement, il ne réagit pas comme je le pensais. Je ne sais pas trop quoi en penser. Je ne sais pas trop non plus comment réagir fasse à ça. De l'indifférence, ou du rejet, ça, je sais y répondre, mais de la simple surprise...
Pas vraiment.
Je l'écoute, m'assoie, toujours autant surprise.
J'aurais du penser à demander à mon contact à quoi ressemblait ce fameux RJ. De cette façon j'aurais su mieux réagir.

Pour la première fois, me faire tutoyer ne me heurte pas.
Je n'en ai pas tellement l'habitude, devant vouvoyer et étant vouvoyée par mes propres parents. Et ça me fait réaliser ce que je suis en train de faire, à qui je suis en train de parler, même si je ne connais rien de lui que les on dit.
Tout d'un coup, l'intimidation me tombe dessus et comme à chaque fois, je bouge mes jambes sous la table, sans même m'en rendre compte.
Je trouve tout à coup mon envie complètement stupide. Je pourrais sans doute me faire agresser ici. Mais je ne peux plus reculer...

-J'ai besoin de certaines choses.
On m'a dit que vous pourriez m'aider.

Je n'en dis pas plus, espérant qu'il va me dire que je me suis trompée. Tout en espérant qu'il n'en sera rien, et qu'il m'aidera.

Elle s’assoit puis d'une voix pas très rassurée, me dit.
« J'ai besoin de certaines choses.
On m'a dit que vous pourriez m'aider.
- Faut voir, si t'as d'quoi payer on peut sûrement s'arranger. »

Voilà. Les mots magiques. Si je peux payer ? Un léger sourire étire mes lèvres et mes jambes cessent tout à coup de bouger.

-Il y a moyen.

Je ne précise pas la nature du paiement, je verrais bien ce qu'il me demande. Sans doute pensera-t-il que je ne peux le payer qu'avec de l'argent, et je ne veux pas le détromper. Pas temps que je ne le connais pas plus, et que je ne sais pas s'il est un homme de confiance.
Voilà plusieurs mois que je prends chaque jour un peur d'argent liquide, que je garde chez moi, dans ma pièce fermée. Il me semble que cela est plus discret que de prendre une grosse somme en un coup. Même si mes parents ne s'en inquièterait sans doute pas plus que ça.
J'ai aussi récupéré des tas d'objets qui me semblaient pouvoir permettre un échange, comme des médicaments vendus aux automates, des trucs électroniques qui peuvent toujours servir..

« Il y a moyen. »

[silence]

zen.. :

Putain, la soirée avait déjà super bien commencé : l'implant qui fait des siennes, un marteau piqueur dans le crâne, les affaires qui se compliquent et maintenant ça... Je m'agrippe à la table un peu plus fort, prends une grande inspiration afin de canaliser toute cette énergie et reprends calmement.

« Ecoute... euh... petite. Je sais que venir jusqu'ici a dû te coûter un max car le coin n'est pas très sympa pour ceux qui n'en ont pas l'habitude... et je suppose aussi que si t'as fait tout ce chemin c'est pas pour faire une promenade de santé mais bien parce que t'as besoin de quelque chose de suffisamment spécial pour risquer ta vie.

Il se trouve que là j'suis assez occupé. Sur la table trônent plusieurs cadavres de bières. Alors soit tu me dis ce dont tu as besoin et je pourrai peut-être t'aider, soit tu prends une petite bière ou ce que tu veux et puis tu rentres chez toi car là je suis franchement crevé... »

Garder mon calme m'a coûté un effort considérable, j'essaie de ne pas effrayer la jeune femme qui semble un peu perdue mais elle n'est pas tombée au meilleur moment et je commence à perdre patience.

Petite ?
Il se moque de moi ? Et il parle de quoi, de ma taille ? Parce que, oui, ok, je ne suis pas spécialement grande, mais je suis dans la moyenne. Et puis ma taille me permet de rester toujours un peu plus petite de la plupart des hommes lorsque je mets des talons, ce qui leur évite des fissures à l'orgeuil.
Mon âge alors peut-être ? Qu'il ne connait pas, puisque je ne lui ai pas dit. Et je ne me sens pas petite, surtout par rapport à lui, qui doit avoir quel âge d'ailleurs ? Pas plus de 30 je dirais. Alors non, désolée, mais le "petite" ne passe pas. En d'autres circonstances, j'aurais dit quelque chose.

... Dans ma tête sans doute. Ne rêvons pas. Depuis quand j'ouvre ma gueule quand on me dit quelque chose qui me plait pas ? A part avec ma famille, je me tais sans cesse. Et je rumine.

Môsieur est occupé ? A décuver peut-être ? Ou à attendre que les bouteilles vides se remplissent ? Il risque d'être occupé longtemps hein. Mais bon, c'est son problème.
La patience a pas l'air d'être son fort. C'est dommage.

Je fronce les sourcils, essaie de cacher mon énervement. Il a donc tellement de clients qu'il peut se permettre de rabrouer les nouveaux ? Ou peut-être pense-t-il qu'avec moi il ne gagnera pas beaucoup ? C'est un tord, mais soit, je ne dis rien. Comme d'habitude.

-Je voudrais que vous me trouviez des objets d'avant la faille. Voir même plus anciens encore.

Je relève la tête, oubliant quelques instants mon mal de crâne, soulagé que la transaction progresse enfin. Je fais un petit signe de la main à Lewis pour qu'il me refasse le plein. Puis je reprends le fil de la discussion, légèrement embrumé par l'alcool et la douleur lancinante.

« Hum... Alors c'est ça ton trip... les antiquités ? lui dis-je un petit sourire en coin. Je sais que ça va sûrement l'agacer mais je ne peux m'empêcher de me délecter de ce genre de sarcasme. Avant d'en rajouter une couche.

Parce ce qu'a priori importer du matos de l'extérieur c'est pas vraiment un problème, et ça peu importe quand Dieu nous l'a pondu... à moins que t'aies des envies particulières... J'te dis tout d'suite j'fais pas les armoires Louis XV, quant aux armes j'fais plus les pointes de flèches en silex, j'ai encore une caisse de couteaux en os à écouler... j'crois que la tendance est passée. Je reprends mon sérieux d'un coup, rattrapé par des flashes douloureux et ce connard de marchand de sable qui m'met un bon coup de pelle dans la gueule. Pas dormi depuis 3 jours, cette broderie de fortune qui me tire derrière l'oreille, je suis pas au mieux de ma forme. Lewis rapplique avec une belle blonde que je m'enfile direct afin de noyer tout ça.

Trêve de plaisanteries, quel genre de camelote tu cherches... de la drogue ? des armes ? des put... un joli tableau pour la fête des mères ? Faut que tu me dises quoi, pour quand et je te répondrai combien... et ce sera la moitié tout d'suite et l'autre à la livraison... voilà comment ça marche. »

Mon trip ? Je hausse les épaules, avec l'envie de lui dire que je me fiche de ce que quelqu'un comme lui peut bien penser de ça.

-Je veux des cartes de l'ancien monde. Des livres d'avant. Le plus possible, de n'importe quel genre. Suivant la qualité des choses que vous me trouverez, je reviendrais vers vous pour de nouvelles choses.

J'ai quand même de gros doute sur sa capacité à me ramener ce genre de choses. Et surtout, en qualité assez bonne... Mais bon, cela fait déjà plusieurs années que j'y pense, alors autant lui donner une chance.
Et s'il ne trouve rien, tant pis, au moins je pourrais me dire que j'ai essayé. Et je pourrais me consoler en me disant que j'ai bien assez de bazar chez moi.

Et puis, j'ai pleins d'autres trucs en tête aussi, donc ce ne serait pas si grave. Surtout qu'il a l'air d'être spécialisé en d'autres choses que ce que je demande. Drogue... Dans mon milieu, pas besoin de passer par ici pour en trouver, de la drogue. Armes non plus, je peux même avoir le lourdingue qui va avec pour tirer à ma place. Et des putes, hein, on en trouve aussi.
Mais ça il ne peut pas le savoir remarque.

-Pour la date... Je dirais, quand vous aurez un stock suffisant.

[silence]

Ce silence-là dure plus longtemps que les autres. J'esquisse un mouvement de recul et je regarde la bouteille de bière que je tiens, comme pour vérifier que tout est normal. J'ai peut-être abusé ce soir, mon corps me réclame un peu de repos. Ou alors je rêve, je suis en train de rêver que suis dans un mauvais Zelda où je dois faire des aller-retour à l'autre bout de la carte pour collecter 150 petits cailloux à la con... Non, c'est une blague en fait, c'est la caméra cachée... oui c'est ça ! Je me redresse, tenant tout juste debout, m'esclaffant.

« HAHA ! HAHAAHAHA ! Alors celle-là elle est bonne ! Des livres.. HIHI ... Et des cartes ! ... HAHA ... anciennes... Enorme, alors là énorme ! ... excellente celle-là ! Vous avez faillit m'avoir... haha... Me calmant un peu je scrute tant bien que mal la salle, cherchant les coulisses de la supercherie. En vain.

Je m'appuie sur la table des deux mains un peu énervé, l'alcool et la fatigue aidant, espérant au fond de moi une mauvaise blague ou au pire un gros malentendu. Attends 2 secondes la miss... Est-ce que j'ai la gueule d'un libraire ? J'vais t'aider... Je claque mon Colt 1911 sur la table. Est-ce que tu crois que je me balade avec un putain de 911 pour faire régner le silence dans cette bibliothèque ?... NON ! Non parce qu'à l'entrée, ya écrit "The Inn-Uendo" et pas "Papeterie" tout simplement parce que c'est un putain de Pub dans lequel les seules feuilles de papier qu'on y trouve servent à rouler des joints ou à se torcher !

Ok... je n'aurais pas dû lui gueuler dessus mais elle se fout quand même un poil de ma gueule. Elle espérait trouver quoi ici, sans dec ? Et puis cela aurait été un gus il aurait déjà pris mon poing dans la gueule. Je me rassois.

Tu devrais rentrer. Tu t'es pas adressée à la bonne personne. »

Et voilà, comme tous les autres, il ne voit pas plus loin que son nez. Alcoolique. Maintenant qu'il me cri dessus, son haleine putride m'arrive en pleine figure. Je fronce le nez, dégoutée.
Je me lève à la fin de son petit discours.

-Soit.

Et je me détourne de lui. Mon contact avait tord. J'arrive au comptoir et le tourne à nouveau vers l'homme.

-Vous n'avez pas l'air d'un libraire non. En fait vous n'avez pas tellement l'air de quoi que ce soit, tout seul, la gueule défaite, à boire comme un trou.
Alors oui, vous avez un flingue, c'est chouette pour vous. Sans doute pour remplacer une carence dans le pantalon.

Et puis je sors de ce club, pas plus déçue que ça en fait. Je trouverais un autre moyen d'avoir ce que je veux. Avec de la chance, je trouverais bien des gens qui ne jugent pas mes envies, tant qu'il y a du fric – voir plus – en échange.

Putain ce mal de caboche... J'vais péter un câble si ça continue. Faut qu'je pense à autre chose, faut que j'me change les idées, faut qu'ça cesse sinon j'vais me mettre une balle.

Ces crises aiguës, de plus en plus fréquentes me font souffrir le martyre... sans délivrance possible. Mes mains tremblent, impossible de penser, impossible de faire, ce truc me réduit à néant. Je sors de mon coin sombre et passe au bar devant Lewis, qui curieusement n'essuie plus ses verres... pas la force de le remarquer.

« Lewis, tu sais où est Jess ?
- Non mec, j'lai pas vue ce soir. Tu devrais te coucher, ta vraiment une sale gueule !
- Mer... merci Lewis... j'vais y réfléchir... Réponds-je en m'éloignant du zinc puis je me retourne et ajoute.
Lewis... Si Jess montre pas son museau d'ici... disons... une demi-heure, tu peux m'envoyer une Valk ? Lewis est surpris par cette demande inhabituelle, et me fait répéter pour s'assurer d'avoir bien entendu.
- Chez toi ?
- Non non, à la fête foraine... ben évidemment chez moi, t'es con ou quoi ? » Marre, j'me barre du bar dare-dare.

Je ne suis pas de très bonne humeur. La surprise de Lewis était plutôt compréhensible, personne ne vient chez moi normalement, à part Jess et Lewis. Et je suis assez à cheval là-dessus car je tiens à ma tranquillité ce qui implique pas mal d'emmerdements : pas d'amis, pas de moyens de télécommunication, pas de vrai chez soi. Mais bon, parfois ya pas l'choix.
La dernière fois qu'une Valk s'est pointée, on la retrouvée avec deux balles dans le buffet, trois semaines plus tard, dans une casse des bas-fonds. Les NOD n'en ont pas tiré grand chose mis à part qu'ils avaient perdu un indic. En passant par Lewis, je sais qu'il m'enverra quelqu'un de sûr, pourvu qu'il fasse vite, dans une demi-heure je suis chez moi.