Dop' party

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Je ressens sa rage à ma proposition, mais au final, je crois que ce n'est qu'un prétexte pour haïr le monde entier. Résignée, je soupire, sans cesser de le faire avancer.
C'est lui qui demande de l'aide, et pourtant il ne la supporte pas. Il déteste visiblement l'image qu'il renvoie, mais ne fait que se précipiter vers la même chose...
Car je commence vaguement à comprendre qu'il vient ici chercher quelque chose qui le fera se sentir mieux, mais seulement en apparence. Et ce quelque chose ne cadre surement pas avec la Loi qu'il est censé représenté.

C'est bien notre mission aussi en quelque sorte, retrouver les âmes égarées et les remettre dans le droit chemin. C'est ainsi que je le ressens.
Et si j'ai quelque aversion pour les Automates et les NOD, c'est que beaucoup d'entre eux ont perdus foi en ce système que nous défendons.
Alors, pour une fois que j'en rencontre un, un vrai de vrai, je ne sais quelle drôle d'envie me prend, et ça n'a rien à voir de la pitié, mais je me met en devoir de faire ce que je pourrais... de là à savoir comment, c'est une autre histoire.

Nous arrivons vers la péniche-hôtel. Et lui me débite des phrases sans queue ni tête... bon, au moins il a conscience de son état déplorable. Allons, on va déjà entrer.

Pas dire de bêtises. Déjà fait assez. Mythe du NOD pas exister...

Et cette phrase qu'il lâche soudain et qui me fait tiquer. L'envers du décors, lui non plus ne connait pas tout.
Ca y est, on y est. Je regarde tout autour de moi, le bâtiment respire le luxe trop apparent et les magouilles sous-jacentes. A peine entrée, je sens des dizaines de regards converger pour nous scruter, enfin plutôt me scruter. Lui passe plutôt inaperçu à coté.
M'enfonçant un peu plus sous ma capuche, je jette un oeil vers le paumé que je traîne à mon bras qui me désigne une table du regard. Quelque chose a légèrement changé en lui, du soulagement, ou de l'impatience peut-être.
Levant les yeux au plafond, à défaut de ciel, je finis par nous diriger vers les tables et le fais asseoir, avant de m'installer face à lui d'un air déterminé.

Bon, attendre quoi ou qui?

Je me suis tu quand il s'est mis à parler. C'est sorti comme ça, sans qu'il y réfléchisse je crois, un peu par hasard. Ses mots sont tranchants mais il en ressort quelque chose de douloureux qui, pour je ne sais quelle raison, m'affecte aussi. Certes, mon histoire n'est pas comparable, mais pas tout à fait opposée non plus.

Il s'est retranché dans son malaise, hagard, il scrute la foule pour y repérer celui qu'on attend. Enfin il le repère, et m'indique la marche à suivre.
Je l'écoute attentivement, avec ses mises en gardes. Fronçant légèrement les sourcils, je perçois enfin ce qu'il veut et ce qu'il vient faire ici.
Sans attendre, je me lève et me déplace avec assurance vers l'individu. Une façade que j'arrive à tenir, même si à l'intérieur je bouillonne. Mon esprit fonctionne à toute allure avec une certitude: je dois l'empêcher de prendre ce truc.

Arrivée à coté de l'étrange phénomène aussi imprimé qu'un livre, je me contente d'un Hum hum pour attirer son attention avant de lâcher sur un ton qui se veut nonchalant:

Venir pour l'autre là-bas à table. Je désigne mon compagnon d'infortune. Lui vouloir comme d'habitude.

Après quoi je fais demi-tour sans me retourner, gardant mon contrôle, mais j'ai quand même des drôles de frissons dans le dos, ce type a pas l'air très net. J'ai croisé son regard un instant et ce que j'y ai lu n'est pas joli joli.

Revenue à table, soulagée et le coeur battant la chamade, je jette un oeil en coin au soldat, je perçois presque l'avidité avec laquelle il guette le fournisseur.
Nous n'avons guère longtemps à attendre.  Au bout de quelques minutes, il se dirige vers nous d'un pas tranquille, ses mains dans les poches, et son regard pervers rivé sur moi.

La tension est à son comble, je ne sais toujours pas quoi faire, mais je dois agir vite. L'échange est finalement très rapide et bien rôdé. En quelques instant, le tatoué a déposé un poignée de petits cachetons blancs au bord de la table. En retour, mon voisin lui glisse rapido ce qui me semble être des billets dans la main, et pendant quelques infimes instants, leurs regards se croisent alors que le tatoué vérifie son paiement.

C'est le moment ou jamais. Sans aucune préméditation et avec la souplesse et la rapidité d'un félin, je tend le bras et m'empare d'une partie du butin. Je n'arrive pas à tout prendre, tant pis, je n'ai eu droit qu'à une chance. D'un ton déterminé mais aussi angoissé, je l'invective violemment:

Pas bon pour toi! Pas bien! Pas permis!

La panique me gagne alors que je regarde ces pilules que je tiens dans ma main, qu'en faire? Comment faire pour qu'il ne les ai pas?
Je sens déjà son regard de braise sur moi et sa colère qui irradie. Je suis sure qu'il va tout faire pour les reprendre, en manque comme il est!
Ni une ni deux, j'agis...

... et j'avale tout ronds les cachets que je tiens...

Ca passe difficilement vu la quantité prise d'un coup et je tousse bruyamment, manquant presque de m'étouffer. Ce n'est que quand je respire à nouveau que je mesure les conséquences de mon geste. Je crois bien que je blêmis un peu...
Oups!

Je m'attendais à beaucoup de choses... mais pas à ce qu'il tue le dealer comme ça du tac au tac. A peine le temps de réaliser mon geste que je vois l'homme tombé au sol, un trou béant dans la tête, du sang s'écoulant de partout...
Je pâlis encore plus, je n'ai guère l'habitude de ce genre de spectacle. La mort reste toujours lointaine et sous-jacente au Temple.

Mon regard perturbé revient vers lui qui reste stoïque comme si tout ça n'était qu'un petit dommage collatéral. Enfin, ça doit l'être pour lui.
Le voilà qui se précipite sur les quelques cachets que je lui ai laissé. Voilà, c'est reparti pour un tour, j'aurais échouée dans ma mission... Et en parlant de tour, quelque chose me dis que moi, je vais avoir droit au manège complet. Mais qu'est-ce que j'ai fait?

J'affronte bravement sa tirade, le regard rivé sur lui, sa colère fait monter la mienne, comme un écho.
Est-ce que je lui ai demandé, moi de me mêler de sa transaction foireuse?, je lui ai pas demandé de se doper non plus, ni de refroidir ce pervers de dealer.

Ha il est beau le NOD, ça demande de l'aide et ça se traine devant toi avec un regard de chien enragé, et après ça te reproche ton aide et ça te mord jusqu'au sang.
Mais à quoi je m'attendais? La charité ça sert à rien, juste à te faire avoir...
L'amertume se lit dans mon regard, pas besoin de mot.

Silencieuse et serrant les dents, je me lève non sans grâce et tout en évitant le sang par terre, ça aussi on apprend au Temple!
Drapée dans ma fierté, je lui crache tout de même quelques mots au visage.

Te casser vite avec tes pilules maudites! Toi pas capable d'affronter la réalité. Adieu.

Je lui tourne le dos et fais quelque pas avant que la façade ne s'effondre. Ma colère s'évanouit pour faire place à une sourde angoisse qui me vrille le ventre.
Je n'y connais rien moi à ces trucs que j'ai avalée. Peut-être que si je rentre vite au Temple... mais je ne sais même pas où je suis...

Toute à mes réflexions, je marche un peu au hasard dans ce grand hall et soudain percute quelque chose. Non, quelqu'un. Un regard de travers et je repars en direction de la sortie, un peu au radar. Est-ce déjà l'effet de la dope? La peur qui me gagne m'empêche de me concentrer et je manque presque de foncer dans un énorme... c'est quoi ce truc, un genre de garde du corps de deux mètres de haut. Bredouillant une vague onomatopée, je titube jusqu'à la porte, mais je finis par m'arrêter juste devant, aussi tétanisée par la panique que par le fait d'être perdue... Et ces regards sur moi... Et ce malaise qui me prends...

Et comme si ça ne suffisait pas, je sens soudain LA chose arriver. Ce n'est pas volontaire, mais l'angoisse s'est faite si forte qu'elle irradie autour de moi, et je sais qu'il peut la sentir...

Peut-être l'a-t-il senti.. Je ne sais pas. Toujours est-il que tout d'un coup il est là, à m'embarquer avec lui à travers l'établissement. Je n'ai pas la force de réagir ni de lui résister. Je suis comme un pantin qu'on fait marcher. Ma tête se fait lourde et mon coeur s'emballe déjà comme un cheval au galop.

Je trébuche de plus en plus, purée ça vient vite ce truc, et quelque chose me dit que ça fait que commencer. Je perçois presque son amusement, ou bien c'est moi qui m'imagine des choses?
La pensée fugace que nos deux rôles se sont inversés bien vite.
Il nous faut ce qui me semble une éternité pour atteindre la chambre. J'ai chaud et mon esprit s'égare.

Ha le mur! Il m'empêche de tomber c'est bien. Je crois que j'ai du mal à tenir encore sur mes jambes.
J'entend l'eau qui coule, je sens un peu la fraîcheur..
Et soudain je suis propulsée droit sous l'eau glacée qui me tombe dessus à grands flots. Je me rattrape tant bien que mal à la paroi. Le choc est brutal mais a au moins l'effet de me faire réagir. J'ouvre la bouche sous le coup de la surprise autant que pour protester vaguement. Le liquide glacé s'insinue déjà sous mon vêtement qui s'alourdit et m'encombre.

A gestes maladroits, j'entreprends de défaire l'attache de ma cape de religieuse. J'enlève ma capuche et la tunique glisse et finis au sol, dévoilant mes cheveux noirs et raides qui me tombent sur les épaules. Mes yeux d'un bleu glacé se tournent vers lui en quête de compréhension. Finalement, je crois que l'eau me fait du bien, enfin momentanément. La robe mauve que je porte encore sur moi est trempée mais je m'en fou.

J'ai froid et chaud en même temps, des frissons sous la peau me tiraillent la nuque et les épaules, et maintenant mes mains se mettent à trembler légèrement. Je vois plus très clair...
Lentement, je me laisse glisser le long du mur de la douche, mes jambes commençant à me lâcher. Le froid de l'eau me fait respirer plus profondément.
Sans jamais le quitter de mes yeux légèrement plissés, je me retrouve finalement assise au fond de cette douche, face à lui et à ses manières de truand.

Silencieuse et repliée sur moi-même, je me contente de le défier du regard. En même temps, c'est tout ce que je suis encore capable de faire.

Tiens, il s'est assis aussi. Son regard fixe le mien qui le fixe.
Comme un miroir.
Sauf qu'à la place de la provocation et du mépris, je retrouve ma propre détresse, dans son regard.
Je peux pas, ça je ne peux pas supporter.
Affronter son regard, m'y confronter et haïr ce que je vois, ça je peux, ça me fait tenir, ça me permet de survivre.
Mais son air triste et sa détresse, c'en est trop.

Je me redresse avec un gros effort, je me retourne à quatre pattes au fond de cette douche pourrie. Lui peut mater mon arrière-train, vas-y profites! En tendant le bras, j'arrive enfin à actionner le mécanisme et à arrêter l'eau.
Le temps s'arrête avec la douche.
J'ai si froid.

Je me traîne au sol pour sortir de la pièce. Toute ma volonté s'est engagée dans ce but. Je rampe, j'avance.. ça tangue un peu.
Et je passe près de lui.
Toute seule, ma main a commencée à se tendre vers lui, pour...
Pour quoi?
Je l'arrête.
Non, ça je n'ai pas appris, personne m'as jamais montré comment faire, personne m'as jamais expliqué les autres et comment ça marche.
Seule, je l'ai toujours été. Alors je le laisse seul avec ses larmes, qui se mêlent à la traînée d'eau que je laisse sur mon passage.

Et je repars, je franchis finalement victorieusement le pas de la porte et me retrouve dans la chambre.
Il était temps! Le bateau démarre sur la mer qui fait des roulis et me plaque au sol.
Avec mes jambes, au prix d'un dernier effort, je referme la porte entre les deux pièces, entre lui et moi.
Chacun seul avec sa détresse.

Face contre terre, je laisse la houle traverser mon corps. Je me débat avec ma robe trempée qui a cet effet glacé sur ma peau. J'essaie de l'enlever en n'y arrivant qu'à moitié, pour finir empêtrée dedans.
Mon esprit tangue sur le bateau ivre des hallucinations. Saletés de cachetons!
Les murs blancs de la chambre se confondent avec le blanc de la clinique spirituelle, des ombres s'avancent, des blouses blanches, tout ce blanc que j'exècre. C'est pour ça que j'aime le noir, le sombre.

Je me sens très mal, comme si j'avais le mal de mer sans bouger. Mon corps reste presque immobile mais l'esprit lui tourbillonne à 100 à l'heure. Mon corps me tiraille comme des milliers de seringues qui s'enfoncent dans ma peau.
Là, là si on regarde bien, sur ma peau, on en voit encore les traces, des aiguilles et des expériences. Je n'ai été qu'un rat de laboratoire formaté.
Un jour tu seras Mentaliste.

Je ferme les yeux et j'ouvre la bouche. Des sons inarticulés, des gémissements, des cris.
Je veux garder trop de choses en moi alors parfois ça sort. Ca sort toujours quand je suis seule.
Je commence à pleurer, pleurer et crier en même temps.
Mes mains s'agrippent au sol, comme si elles pouvaient s'y enfoncer, encore et encore jusqu'à ce que mes ongles soient rougis de sang..
Faites que ce maudit bateau s'arrête...

La tempête dure longtemps... L'éternité passe alors que je suis assaillie par mes tourments, mélanges de faits vécus et de peur indicibles. Mon agonie se prolonge sans fin..
Les larmes et les cris se sont arrêtés; mon esprit embrouillé a perdu toute sa force. Mais subsistent encore les balbutiements enfiévrés que je marmonne sans cesse.

Sous l'effet de la dope, je suis partie très loin et resurgissent des souvenirs que je pensais oubliés. L'enfance solitaire et aseptisée, le manque de contacts sociaux, les terrifiantes séances à la clinique spirituelle et les après, les jours d'angoisses et de maladie, les émotions exacerbées qui me poursuivent encore maintenant.
Une vie sans saveur, sans réconfort, tournée vers la Loi et son culte, à coup de lavage de cervelle et de produits chimiques.
Et me voilà Mentaliste, défenseur et garante de la Loi, redresseuse de tort des Automates et des NOD pour le bien du peuple.

Foutaises! Laissez-moi mourir, j'en peux plus! Je vais crever de toute façon avec ses cachetons de malheur qui me font aller trop loin. Je crois que je marmonne un truc du genre d'ailleurs...

J'ai plus de conscience, je sens plus rien...
Rien? Si. C'est loin, très loin, y a comme un truc qui me chatouille.
C'est d'abord un tressaillement dans mon corps, quelque chose de non conscient.
Ensuite c'est ma respiration qui s'accélère, de plus en plus fort au fur et à mesure que ma conscience revient vers la réalité. Instant de répit laissé par la drogue.

Et je sens, je ressens désormais, de la peau contre ma peau, des mains sur moi, un mouvement lent et régulier. Quelque chose de pas normal, d'interdit.
Mes yeux papillonnent avant d'arriver à s'ouvrir et à se fixer sur un semblant de quelque chose. Une image floue, juste une silhouette. Et mon coeur qui bat aussi vite que si j'avais courue d'un bout à l'autre du Dôme, et la respiration haletante qui va avec.

Apeurée, terrifiée, tout mes sens me hurlent de fuir, mais je ne peux que tenter de me débattre faiblement, mes gestes rendus maladroits et lents par les effets de la dope. Je prends peu à peu conscience avec horreur que je suis complètement nue et emprisonnée entre ses bras. Et il sait, il a du voir, sur ma peau... J'ai honte.
Ma bouche est sèche et j'articule avec peine, la voix rauque et hachée.

Non... non... me laisser... pas permis... non... pas survivre...

Mon angoisse est amplifiée par l'effet des cachets, elle est désormais si forte et moi je suis si perdue que mon pouvoir de mentaliste s'active.
L'espace de quelques instants, quelques secondes, je lui transmet mes émotions et il peut dès lors ressentir en tout point la peur et l'incertitude qui m'affecte à ce moment précis.

Je reprend mes esprits, un peu hagarde. Je crois qu'il a trop vu, tout vu même et tout compris... foutu contrôle que je n'ai pas sur moi-même. Je voulais seulement qu'il ait peur et qu'il me lâche. Je me sens encore plus mise à nue.
Et puis ces mots, doucement murmurés, qui changent un peu la donne. Comme une promesse non formulée, l'assurance qu'il ne me fera pas de mal.

Plus que ça, il y a désormais quelque chose, un lien ténu, mais existant entre nous. Une partie de moi le sait, le sens sans vraiment le comprendre. Et cela m'entrouvre la porte de quelque chose d'inconnu, ce à quoi je n'ai jamais eu droit, ce à quoi je me suis toujours refusée.

Cette partie de moi voudrait fort et essaye, essaye malgré tout de faire tomber la barrière, de se laisser aller, de lui accorder ma confiance...
C'est elle qui me fait soudain arrêter de me débattre, comme une prise de conscience qui stoppe enfin la mécanique de mon corps affolé.

Et pourtant cette autre partie de moi, la plus grande sans doute, est incapable de s'y résoudre. Comme si cette porte entrouverte m'était à jamais défendue. Entrée Interdite écrite en grosse lettre. Comment désirer ce qu'on n'a jamais connu? Je me suis passée de ce besoin toute ma vie, alors est-ce encore un besoin?
Une toute petite voix en moi me hurle que oui, mais je ne l'écoute pas, pas encore.

Mon corps n'est plus qu'une boule de nerf, figée, tendue à l'extrême entre ses bras. La sensation de ses mains sur moi, de son corps tout contre le mien m'est trop étrangère. Pas désagréable pourtant, pas douloureuse non plus, mais pas assez familière pour que je puisse l'apprécier, pour que je puisse m'abandonner à lui.
Pourtant j'aimerais... je crois...

Je ferme les yeux, fort, très fort, mais des larmes en sortent silencieusement. Pas comme avant non, pas de peur ni de douleur, d'autre chose.. comme du regret.
Mes lèvres murmurent, pour moi autant que pour lui

Pas pouvoir... pas arriver... trop difficile, trop... trop dur...

Et là je sens que ça revient, que le répit s'arrête et que l'effet de la drogue déboule en force.
L'angoisse revient aussi sec, et je cherche son regard. Je me souviens de ses paroles, j'ai déconné et j'ai trop pris d'un coup.. Par réflexe, ma main droite s'agrippe à la sienne qui me tiens.
Mais déjà je commence à m'égarer et ma voix faiblit.

Pas vouloir mourir, pas maintenant...

Je pars de nouveau, dans cet entre deux monde, entre le réel et le rêve, là où tout ce qui fut est encore.
Je sombre, mais pas sans sentir son contact, ses mains et ses lèvres sur mon visage, sur ma bouche. Son intrusion, sa sauvagerie... Je le sens, mais je ne peux pas réagir.Mon corps se laisse faire, mon esprit est trop engourdis. Foutue drogue.

Combien de temps je reste là, nue et roulée en boule après que mon corps s'est laissé choir quand il m'as relâchée? Quelques minutes, quelques heures? Le temps n'a plus d'emprise là où je suis.
Mon voyage est moins violent qu'avant.. Mon corps se serait-il déjà habitué aux substances? Je m'en fou, je me sens moins mal, plus forte même, et quelque chose qui monte en moi, comme de la rage, de la colère...

J'émerge à nouveau mais j'ai la rage au creux du ventre. Je me souviens de ce qu'il m'a fait. J'en ai encore le goût au coin des lèvres, même que je passe ma langue dessus.. Je souris un peu, finis la faible femme, la dose ingurgitée me donne maintenant de la vigueur, alors j'en profite, tant que ça dure. Autant que ça serve un peu, l'erreur que j'ai commise avec ces cachetons.

Je me redresse, la tête qui tourne un peu mais rien de bien méchant, des yeux je fais le tour de la pièce... Ah, le voilà.. Il a fermé les yeux. Dort-il? Je m'en fiche, je suis en colère et je vais le lui montrer. Lui le profiteur, l'agresseur, celui qui brave les lois, l'hypocrite qui est censé la faire respecté mais qui cède à l'interdit et entraîne à la débauche...

Je serre les dents et me relève, doucement parce que ça tangue un peu, mais surement, parce que ma rage me fait tenir debout. Et j'avance lourdement jusqu'à ce coin de mur où il s'est terré, c'est lui qui fuis maintenant hein... pauvre type.
Une envie furieuse de me défouler. Sur lui qui m'as mise dans cet état, qui m'as mise dans une situation impossible, au final c'est comme s'il m'avais fait avaler ces trucs de force. Pire encore, il a tout lu dans mon esprit et a voulu en profiter.

Ordure! Fumier! Connard de NOD!

Des mots que je ne pensais pas connaître sortent de ma bouche, violemment.
Ma main pars toute seule. Sans trop de force certes, moins que si j'avais pas l'esprit embrumé par cette cochonnerie, mais elle le gifle quand même, animée par ma colère. Mais ça me suffit pas, j'ai envie de m'acharner, et mon pied aussi pars vers lui, pour lui faire mal, aussi mal que je le suis.
J'ai un peu mal calculé, je le rate pas complètement mais je bute contre ses jambes repliées, et je finis par trébucher. Je tombe à moitié mais le rebord de la fenêtre est là pour me sauver.

La fenêtre. Et ce monde dehors qui n'en finit plus de dérailler.
Besoin d'air, besoin de respirer l'air pollué.
Je tourne la poignée, mais le mécanisme reste bloqué. Bordel!
Je tape dessus, de toutes mes forces, c'est mon défouloir, le bon prétexte. Je cogne encore et encore jusqu'à m'en faire mal, jusqu'à avoir du sang sur mes mains. Ca fait presque du bien, la douleur.
Je frappe cette vitre mais je crois qu'au fond c'est moi que je veux frapper. Je ne peux m'en prendre qu'à moi. Je finis par projeter mon corps contre cette fenêtre, de tout mon poids contre le verre, de nombreuses fois. Je ne peux plus m'arrêter, même quand la fenêtre cède enfin et s'ouvre toute grande.

Je bute contre le rebord et me penche par dessus.
C'est haut, c'est beau...
C'est si facile de se pencher, de jouer avec l'équilibre précaire de la dope...
Ces mouvements là en bas, cette agitation, elle m'attire. Le repos, la promesse d'un monde sans souffrance, sans colère, sans connards aussi...
Je me penche... un peu trop...?

Je bascule... j'oscille...
Et soudain ses bras qui me retiennent, qui m'empêchent de tomber là tout en bas.
Je souris.. c'est drôle? Je ne sais pas, je m'égare un peu, je crois qu'en fait c'est grave, pas drôle.
Mais je m'en fiche, je ne sens même pas son corps contre le mien, je crois que je pourrais m'envoler, comme un oiseau, comme une de ces foutues bestioles qui parfois se grillent au plafond du Dôme...
Sauf que moi, c'est ma cervelle qui va se griller...

L'air me fait du bien et m'aide à retrouver mes esprits. Bordel, je crois que j'ai le vertige là. J'analyse ses paroles, je ne crois pas vouloir vraiment chuter de 50 mètres de haut et redécorer le bitume... partir sans douleur, c'est ça que je veux...
Je bouge un peu à cause du vertige, mais il a pas l'air d'aimer et me retourne d'un coup, me propulsant dans le vide...

Aie ma tête, c'est quoi ce son strident? Je ferme la bouche au moment où je comprend que c'est mon propre hurlement qui résonne dans mon crâne.

Stoop, stooop! Non!

Mes jambes cherchent à s'agripper à lui dans un réflexe de survie, tant pis pour la position plus que douteuse et blasphématoire. Au point où j'en suis, je passerais la prochaine semaine à expier mes fautes sur les dalles du Temple...

Je souffle comme une bête pour me calmer et éviter de gigoter dans le vide, le moindre faux mouvement de sa part serait fatal... La dope est loin, je ne sais pas si elle est vraiment partie, mais je me sens presque normale... enfin presque.
Et puis, je me force à parler un peu mieux, à renouer le dialogue avant qu'il ne soit trop tard. Finis les insultes, on va recommencer de zéro tu veux bien? J'articule avec soin, pour bien me faire comprendre, je sais que les gens ont parfois du mal avec ça. C'est pas facile, là au dessus du vide.

Melian être désolée, pas vouloir donner des ennuis. Juste envie de retourner au Temple. Faire erreur avec les cachets, pas une bonne expérience. Mais maintenant Melian mieux comprendre pourquoi toi en avoir besoin... eux aider à être mieux.

J'ai la tête qui tourne, et mes bras me tirent à force d'être balancés dans le vide.

Rien dire à ceux du Temple, même si être interdit. Beaucoup de choses à oublier. Et puis...quelque chose en plus... Toi voir... tout. Alors quelque chose maintenant, parce que personne encore jamais voir, avant toi..

Tout est là, j'ai rarement été aussi loquace. Je sais même pas pourquoi je dis tout ça, on a frôlé la catastrophe et je veux éviter le pire, juste dissiper les malentendus.

J'ai à peine le temps d'être soulagée quand il me repose enfin au sol que je me retrouve plaquée contre lui. Et sa phrase... Il veut dire... ça?!
Je rougis, heureusement il voit pas je crois, et puis zut je m'en fiche. Faut que je rétablisse la vérité, ce que je voulais lui faire comprendre.

Corps pas important, juste élément fonctionnel pour survivre. Mais toi voir dedans, dans âme...

En me taisant, je prends conscience de mon corps figé contre le sien. C'est automatique, je ne peux pas être bien, pas être à l'aise comme ça, avec lui contre moi. Je suis tendue et contractée, immobile, gênée, impuissante. Et toujours nue bordel!
Je m'apprête à essayer de le repousser sans violence quand de lui-même il relâche son étreinte. Sauf que... sauf que ses mains tremblent.

Je fronce les sourcils, qu'est-ce qui se passe? Le voilà qui se met à pleurer, sa tête tombe contre mon épaule. Mais... mais je fais quoi moi? Je suis censée faire quoi dans ces cas-là?

Devoir.. rentrer, devoir repartir au...

Non ma pauvre fille tu peux pas faire ça. Au Temple aussi je les accueille les gens qui pleurent parce qu'ils savent plus où ils en sont avec la Loi. Et je les remets dans le droit chemin. Enfin, j'essaie du moins.
Je dois essayer quelque chose...
Lui dire que placer sa confiance en la Loi résoudra tous ses problèmes? Non, ça enlèvera pas ce qu'il a vécu..
Lui dire que parfois, souffrir est nécessaire au bon maintien de la Loi? Pff, des âneries je lui dirais que dalle!

Je ne sais plus trop en quoi je crois, la Loi ne m'est d'aucune utilité ici...
Mais faut que je fasse quelque chose là. Je peux pas rester comme ça les bras ballants.
Une main hésitante part vers son dos, histoire de le soutenir un peu, faudrait pas qu'il s'effondre en m'entraînant avec lui.
Quand à mon autre main, j'en fais quoi?
Je la lève doucement, je sais pas où la mettre...
C'est quand je sens ses larmes qui coulent sur ma peau que je sais enfin. Ma main vient se nicher tout doucement à l'arrière de sa tête, vers la base de la nuque. Je passe maladroitement la main dessus et dans ses cheveux, comme... je sais pas.

Chuuuut... là... ça va aller mieux... bientôt... aller mieux... et peut-être.... un jour.... aller bien...

Je murmure des conneries. Je ne sais pas si j'y crois encore, je veux fort pourtant, croire que tout ira bien, très vite. Tout ça me bouleverse, et une larme finit par rejoindre les siennes sur ma peau.

D'un coup il me repousse. J'ai un peu de mal à réaliser, il est si changeant dans ses humeurs et dans son comportement...
En même temps, il s'est passé tellement de choses ces dernières heures, il est temps que nous revenions tout deux à la réalité.

Et là réalité, la vraie, la plus flagrante, c'est que je suis à poil depuis plusieurs heures! Ça va vraiment pas ça, je suis Mentaliste merde,  la crème de la société. C'est moi qui doit guider et faire comprendre que la chair et ses promesses sont vaines, et me voilà à déballer mes atours et à me pavaner dans la chambre...
Beurk, je me fais honte là...

Je prends mes vêtements encore plus vite qu'il ne me les donne et file dans la salle de bain sans demander mon reste.
Devant la glace, je contemple l'étendue des dégâts... j'ai vraiment une sale tête ce soir.. la journée a été rude aussi. Machinalement, je frôle du bout des doigts les cicatrices sur mes épaules et mes bras. Je soupire. Il est temps de m'en aller, je devrais pouvoir m'en sortir seule maintenant, faut juste que je sache de quel coté repartir.

J'empoigne mes habits et soupire. Ma robe est définitivement trop trempée, forcément, restée en boule comme ça au sol... J'enfile avec une grimace les sous-vêtements encore un peu humides, et finalement met simplement ma tunique de mentaliste par dessus. J'esquisse une autre grimace. Il fais noir dehors, personne ne verras rien, je marcherais vite.

J'ouvre doucement la porte qui donne sur la chambre, me demandant de quel humeur il sera maintenant. J'en ai assez pour ce soir des questions et des surprises, je n'ai plus qu'une seule envie, rentrer.
Il est sur le lit, semble pensif.
Je m'approche doucement, en veillant à claquer un peu la porte de la salle de bain pour qu'il me remarque.

Melian devoir rentrer au Temple. Toi pouvoir dire par où aller? Longer les docks ou aller vers secteur industriel?

Je m'arrête brusquement avant d'arriver jusqu'à lui. Quelque chose dans ses yeux me disent de ne pas m'approcher plus. Quelque chose qui devrait me faire peur, mais qui n'y arrive pas totalement.
Désormais, il y a moins de peur, mais plus d'incompréhension, plus de tristesse aussi.

Il bondit soudain sur ses jambes et mon coeur fait un bond aussi. Mais je reste, je ne recule pas. Il ne va pas me faire de mal, il ne va pas...
Ses gestes sont brusques mais je me laisse faire.
Ma main dans la sienne.
Ses lèvres dans le creux de ma main.
Tant de promesses non formulées...

Et le retour à la réalité, cette chambre dont je suis brutalement expulsée. Déséquilibrée, je manque de me vautrer sur la moquette du couloir.
Sa voix, son cri. Un avertissement, une lutte contre lui-même.
Une lutte qu'il doit mener seul.
Et je me retrouve seule...

Je me retourne alors qu'il referme.
Un dernier mot, comme une supplique.
Et une nouvelle fois une porte entre nous.

J'avance doucement contre elle, le front posé contre la surface dure.
Une main caresse avec douceur la texture lisse.
Un long soupir, et je pars sans me retourner.

Je pars pour ne pas te tenter, pour que tu ne me fasse pas de mal contre ton gré...
Je ne sais même pas ton nom...
Et j'ai déjà envie de te revoir...


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