L'histoire d'Ingrid

Ingrid tient sa fille dans ses bras.

Elle a déjà perdu son mari avec la maladie.
Et cette fille qui leur a coûté toutes leurs économies, cette fille qui est tout ce qu'elle a tousse à son tour.

Comme tout le monde, elle a vu l'annonce sur un des écrans du quartier.
Comme tout le monde elle a paniqué.

Une maladie, une épidémie. La mort partout.
Mais un hôpital, des médicaments ? Un vaccin ?

Elle se reprend vite, s'enveloppe sous des tonnes de tissu et fais de même avec sa fille.
Couvrant du mieux qu'elle peut bouche et nez.

Il lui faut trouver cet hôpital.

« Maman ! »

Elle courre dans les rues sous la pluie qui s'abat inlassablement.

Sa fille qui cri dans ses bras.

Elle cherche, elle cherche.
Mais surtout elle se cache, sous les foulards, dans l'ombre.

Ils sont tous devenus fous là dehors.
Y'a pas un NOD, rien, personne pour surveiller, mettre de l'ordre.
Où sont-ils tous ?

Ça courre, ça casse, ça pille.
C'est déjà le chaos ici.

Elle a couru jusqu'à la limite du quartier sans trouver l'hôpital.
Et là une grille, six mètres de haut à la louche.
Elle se jette dessus, passe ses doigts autour du métal, tire, pousse, secoue.

" S'il-vous-plait, aidez-moi... J'vous en suppliiiiiie... Aidez-moi ! Ma fille va mourir... PITIIIIIIIEEEEEE !! "

Mais à son cri de désespoir un NOD s'avance et lui donne plusieurs coups de taser.

" Reculez, on vous a dit. "

Aucune diplomatie, les ordres sont les ordres.
De l'autre côté, un mur se construit.

Et ici, c'est la misère, c'est le chaos, c'est la mort.

Y'en a quand même un qui s'est approché, Elle a eu peur qu'il lui file un coup lui aussi, mais il lui a juste balancé un journal, sans dire un mot.

Elle a ouvert, puis lu.

La maladie sur toutes les pages ou presque.
La mort d'un terroriste.
Tant mieux, la vie est assez dur comme ça pour avoir peur d'exploser dans un attentat.

Mais surtout y'a un plan du quartier avec l'emplacement de l'hôpital.
Enfin !

Un vieil immeuble délabré, bien loin d'ici.

Elle chuchote quelques mots à son bébé qui crie toujours et repart.
Épuisée, tout son corps endolori.

Elle a vu pour le vaccin, mais il ne lui reste plus rien.
C'est cher, beaucoup trop cher.

Pas le temps de se reposer, pas le temps de faire une pause.

La ville est grande et chaque quartier aussi.
Encore plus quand les rues sont dangereuses, que la mort rode.
Que la population devient folle.

Quand on est mort mais encore en vie, on n'a plus rien à perdre et tout à faire.
C'est là que ça devient n'importe quoi.

Inhumain.

Pourtant elle y arrive, elle traverse le quartier.
Pas sans encombre.

Rue Ceylan. Enfin !
La façade du numéro 31 s'étire vers le ciel, grise et morne.
Il n'y a plus de vitre aux fenêtres, la surface est tagué arbitrairement.
L'intérieur est sombre.

Il n'y a pas un chat.
Elle vérifie plusieurs fois les données du journal.
Mais elle ne s'est pas trompée.

Elle rentre dans le grand immeuble vide, faisant fuir quelques rats.
Elle craque.
Elle s'assoie pour pleurer.

Il n'y a pas d'hôpital.