Moi j'ai rien.
Depuis l'début, chuis restée enfermée chez moi. J'ai toujours de quoi bouffer et boire pour plusieurs semaines. Parce qu'on sait jamais.
Ça a toujours fait marrer les gosses, mes "on n'sait jamais".
Ouais.
Mais s'ils avaient fait comme moi, ils aurait pas tous claboté, dans l'immeuble. En crachant leurs poumons, ou dans une gerbe de pus.
Elle est pas propre, cette maladie, non, pas propre du tout.
Depuis qu'ils ont tous cané, c'est trop calme. Avant, j'occupais mes journées comme je le pouvais : j'écoutais les gens vivre mais là... Je m'emmerde, mais qu'est ce que je m'emmerde !
Alors quand j'ai entendu du bruit dans l'allée... ben j'ai été voir, sans trop ouvrir le rideau.
Il y avait... au bas mot une quinzaine de déjà-morts. Ils avaient des pustules bien visibles partout, la plupart toussaient et leur puanteur montait jusqu'à mes fenêtres.
Ils ont DÉFONCÉ la porte de la pharmacie. Enfin... pharmacie. Une petite officine qui vendait des granulés d'homéopathie et de l'alcool à 90°. Et ils ont tout ravagé. Ils ont pris toutes sortes de médicaments en même temps, les faisant passer avec de l'alcool. J'me demande encore s'ils voulaient se soigner ou bien se suicider. Il y en a qui ont dégueulé juste devant la porte.
Je sais pas ce qu'ils cherchaient. J'espère que c'est pas des soins, pas pour de bon.
Ils devraient avoir compris qu'on va tous y rester.