Avec un verre dans le nez, ce serait plus simple.

(Désolé de mettre une vidéo, mais j'ai rien réussi a faire marcher en lecteurs !)

Je me suis retrouvé ici comme une merde sur l’eau qui échoue sur une plage : par hasard. Au fil des rues, au grès du pavage, d’un coup d’épaule ou de jolies jambes, j’ai débouché sous une galerie de verre, et ça m’a rappelé le bon vieux temps. Celui où je m’offrais une pute de ci de là, celui où je commençais à échanger un peu avec cette ville de merde.

Celui où je me poudrais pas encore le nez.

J’ai toujours trouvé un poil dégradant de taper dans une roulure, mais je crois pas avoir eu vraiment le choix non plus. Je sais que mon père adorait ça. Il disait que c’était encore mieux qu’avec ma mère. Il a pas volé d’avoir accouché de ses tripes ce connard. Moi, j’ai jamais été assez proche d’une femme pour profiter des mêmes services.

Mais depuis que je m’envoie de la farine par le fond du tarin, c’est comme si j’avais perdu le sac, plus le besoin, le désir si, mais le besoin a tiré sa révérence comme un soldat revenant du front.

Ca me fait bizarre mine de rien de débarquer là, alors que j’y avais pas foutu les pieds depuis que j’ai commencé à sucrer le café, et j’en aurais presque l’impression de renaître. Disons que les plaisirs naturels sont moins destructeurs....

A me retrouver là, j’ai pas pu m’empêcher d’aller faire un tour au Bagdad, ce bon vieux tripot où les secret n’en sont pas, où les femmes belles et soignées ne sont pas exceptions, où le plaisir est permis. Même si ça part d’une intention purement vénale, ça reste une permission de liberté, pour un instant, pour eux, en tout cas. J’aimerais autant ne plus connaitre le plaisir que de ne pas savoir me séparer de ma haine. Je les envie tellement.

J’ai pris leur truc le plus fort, on m’a servis un godet noirâtre, et j’ai vu ma gueule dans le reflet du verre. Putain, j’ai faillit en chialer, de croiser ce regard. Une espèce de niche de douleur sombre, infinie. La ganache rongée par la drogue, et ce vieux rictus mi-figue, mi-raisin, mi-douleur, mi-colère.

J’ai demandé une paille à la serveuse, et c’est à peine si je la lui arrachais pas des mains, quand elle me l’a tendue. Elle est restée sèche, la paille, plus sèche que mes yeux, en tout cas. J’ai rabattu mon chapeau pour me cacher, j’ai siroté un peu de leur eau de vie, faisant descendre un peu de rage le long de ma gorge, et je me suis calé un peu de poudre blanche dans le blair, histoire de chasser les idées noires.

Et ça va faire quelque heures maintenant que ce vieux malaise me clou à mon putain de siège, relégué au même niveau que ces pervers qui se cachent sous la visière de leur chapeau pour reluquer sereins. J’ai réussis à sauver mon égo en ne versant pas de larmes, mais les yeux humides suffise à me faire honte, alors je les caches, et j’attends, là, dans mon coin.

Elle ne travaille pas ce soir, mais elle aime se trouver ici. Sa deuxième maison, sa famille. Son Bagdad.

Elle les regardent, les épient. Ces mâles qui ont tant besoins de se prouver leur virilité. Si ils savaient. Ils sont étranges ces temps les clients. Ils ressentent avant même qu'elle fasse mumuse avec leurs implants. Ce n'était déjà pas facile de s'en débarrasser avant, mais depuis cette panne.
Oui ils sont étranges. Insupportables.

Elle sirote tranquillement son cocktail. Repousse les avances d'un client. Chose qu'elle n'a pas l'habitude, avant c'est elle qui allait vers eux. Mais depuis la panne. Rien que ce soir c'est le troisième.

Ses yeux se posent à nouveaux sur lui. Encore plus bizarre lui. Il n'a pas bougé depuis qu'il est arrivé. On dirait presque qu'il tente de se cacher. Recherché peut être.

Elle ne devrait pas mais l'envie de lui parler augmente en elle. Elle ne peut pas dire pourquoi. Surement parce qu'il fait tache dans le lot d'homme qu'on trouve ici.

Elle se lève lentement, son cocktail dans la main et s'approche de sa table. Elle sourit en le voyant de plus près, pourtant elle aurait du y penser.
Les yeux ne peuvent trahir. Il n'est pas différent, juste défoncé.

Elle s'adosse au mur juste derrière lui.

Et voilà, même pas le droit d’être tranquille dans un putain de bar pour ressasser ses souvenirs. Elle est passé près, j’ai jeté un oeil à son visage, elle se fout de ma gueule en plus. Elle a maté les yeux vitreux, juste un peu plus de mépris pour un pervers, après tout. Qu’ils pensent ce qu’ils veulent, après tout, c’est pas pour rien que je n’ai pas d’amis.

Par contre, ce que j’aime moins que ça, c’est d’avoir quelqu’un dans mon dos, mais ce serait quand même con de lui dire de se barre, à elle, qui est plus chez elle ici que moi dans cette ville.

Je lève la main quand la serveuse regarde dans ma direction, et lui fait signe de nous remettre la même chose, à elle, et à moi. Puis je l’invite à s’asseoir. Au moins, elle ne sera pas dans mon dos.

- Venez donc m’expliquer ce qu’il y a de si drôle, et n’ayez pas peur, ‘suis pas là pour tringler, si ça peut vous rassurer.

Bah mon vieux, heureusement que tu lui précises, toujours ce même putain de ton bourru, à se demander si c’est vraiment par choix que t’as pas d’amis.

De toute façon, heureusement que je viens pas pour ça, ça doit être une telle merde en ce moment avec les implants qui chient, j’aurais été refoulé, et être refoulé avec une femme comme ça devant soi, y’a de quoi se jeter. Toujours eu un faible pour les brunes.

Mais bon, que dire ? J’essaie de sourire, ça doit sortir comme une vieille grimace de douleur, mais bon. Je fais mine d’enlever mon chapeau, mais j’hésite, finalement, la main sur la visière. Je suis bien, moi, caché dessous, à éviter les regards curieux.

Au fond, pleine de son mépris pour tous les pervers qui hantent ce bar, elle ne s'assiéra probablement pas, j’ai donc pas trop de soucis à me faire.

Refuser. Ce fut sa première pensée. Mais après tout c'est elle qui s'est approché de lui. Il l'intrigue. Et après sa précision, il l'intrigue encore plus.
Si il n'est pas là pour ça, ni pour se trouver la poudre du bonheur c'est déjà fait ça.
Le bagdad n'est pas le lieu de prédilection pour "boire un verre" tranquillement et il n'a pas l'air assez défoncé pour ne plus savoir où il se trouve. Il l'intrigue.

De toute façon je ne travaille pas ce soir.

Elle s'installe face à lui. Pourquoi accepter une telle invitation, il n'a même pas l'air d'être enchanté d'avoir de la compagnie. Elle le regarde un instant, un court instant. Elle plisse les yeux avec un air sérieux.

Ma propre stupidité me fait rire. J'ai cru un instant que vous étiez là pour

Elle fait une petite pause pendant que la serveuse pose les verres.

Merci....

Que vous étiez là pour vous cachez des autorités. Mais vous cachez juste votre addiction.

Elle lève son verre dans sa direction.

Au plaisir.... quel qu'il soit.

Cacher mon addiction, elle est bien bonne celle là. J’arrête de rire en voyant certains clients se retourner vers moi. Je lève mon verre en réponse :

- Au plaisir ? Drôle d’expression dans cette ville tordue non ? Mais en effet, au plaisir.

Puis d’ajouter :

- J’ai rien à cacher, j’suis là pour autre chose, mais ça va vous faire rire.

Ouais, ça va la faire rire, pourquoi un camé viendrait dans un bar à tapin en souvenir du bon vieux temps ? Ca colle pas, mais on peut pas toujours être bon hein.

-Je venais ici avant, régulièrement. Un peu la seul compagnie que je peux avoir, et bon, vaut mieux payer sa compagnie que pas en avoir, non ?

Je me sens con, elle est superbe celle là, elles le sont pas toutes, les Val’, mais elle, putain, c’est une sacré femme. Et son regard noir me fou mal à l’aise.

- Mais c’est plus tout à fait pareil maintenant, la donne a changé, j’ai muri, j’ai pourri, mais c’est agréable, même si c’est douloureux, de revenir sur ses pas.

La pauvre doit pas apprécier cet instant, à palabrer avec une espèce de chien comme moi, qui aboie plus qu'il ne parle...

Elle ne rit pas, il faut dire qu'elle ne rit jamais elle sourit. Mais elle ne sourit pas pour autant sur le moment. Ainsi donc c'est un ancien habitué. D'habitude quand ils ne viennent plus c'est qu'ils ne sont plus, overdose ou assassinat, rarement un mort naturelle.
Retourné sur son passé, sur ses pas comme il dit. Ca lui inspire plus le respect que le rire. Ne fuit-on pas son passé en général.

Elle croise ses bras en appui sur la table et se penche un peu, s'approche de lui. Elle le regarde ainsi un instant comme pour le jauger. Elle adore faire ça, sentir leur mal aise de se faire observer de cette façon. Elle dit simplement.

Vous n'avez pas l'air si pourri que ça pourtant.

Elle boit une gorgée, elle n'arrive pas à définir qui il est. Chose encore plus difficile depuis la panne, elle ne peut plus différencier les implantés des autres.
Un orthodoxe implanté qui retrouve ses esprits depuis la panne? Probablement.

Et vous en avez eu marre de la compagnie?

A peine sa question posée, que déjà son regard trahi le regret. Elle ne devrait pas. Elle ne doit pas. Pourquoi cette curiosité soudaine. Ca ne lui ressemble pas.

Mais ca vous regarde.

Doit-elle demander pardon? Elle boit encore une gorgée, en regardant autour d'elle. Ce Bagdad qu'elle a toujours connu, aussi loin que remonte ses souvenirs elle l'a toujours vu comme ça. Ce n'est pas le lieu qui a changé, ce sont les gens qui changent.

Je ne pourrai jamais imaginer quitter cet endroit un jour.

Elle s’approche, me jauge, sensation bizarre, ça sent plus une espèce de provoc’ qu’un réel jugement, ce qui me met à l’aise, plutôt que de me déstabiliser, étonnant.

- Vous avez bien remarqué que je suis défoncé, non ? C’est ça, être pourri. Prendre goût à cette merde, c’est pas pire que cette ville, mais pas bien mieux non plus. Et j’ai pris goût à la violence aussi, comme de la rage au fond de moi, que j’arrive pas à cracher, vous connaissez ça ? C’est pire qu’un vieil alcool frelaté qui vous brulera cinq minutes. Là ça vous prend, ça vous ronge, du matin jusqu’au soir, et ça vous suit du soir au matin, et vous vous levez en vous demandant pourquoi ça continue, pourquoi personne a eu l’amabilité de venir vous trancher la gorge dans la nuit. Toujours, ça continue, et la poudre atténue ça, d’abord, pour qu’ensuite ça soit encore plus brulant, toujours plus brulant.

J’ai jamais parlé autant, et je sais pas pourquoi je le fait maintenant, mais ça fait du bien, est-ce que c’est se souvenir du bon vieux temps, est-ce que c’est elle, sa beauté, ses formes, ses cheveux, son regard, sa provoc’ ? J’en sais rien. Je m’en tamponne en fait. Elle m’écouterait pas que ça me ferait autant de bien de déballer mes conneries.

- Et non, pas marre de la compagnie, si c’est pas de l’amour, c’est une espèce de bien être, qu’on a en votre compagnie, vous, les Val’. Vous savez y faire, même sur les non-implantés, croyez moi. Mais vous savez ce que sont les hommes, outre le désir, ils ont aussi le besoin, presque aussi vital que de bouffer, de vider leur sac. Mais ça m’a passé, avec l’âge, avec la défonce. On a jamais marre de la compagnie, c’est...

Bah non, on a pas marre de la compagnie, comment on pourrait ? Juste que j’ai cru un temps que je pouvais m’en passer, que je pouvais me suffire à moi-même, moi et mes vieux démons, et là, avec de la compagnie, voila que je lui déballe toutes mes conneries. Et comment lui expliquer avec mes mots ? Moi qui ai parlé ce soir ce que je débite en un mois d’ordinaire ?

- ...c’est juste qu’un jour, on se rend compte que c’est pas la partie de cul qu’on s’achète un soir qui nous suffira...

Je sais même pas comment expliquer tout ce qui me passe par la tête, tous ces sentiments qui se battent au fin fond de mon crâne. Au moins, ils se foutent pas de ta gueule quand tu leur demande leur boisson la plus forte, ça et la poudre aident les mots à sortir. Mais merde, quand on sait pas parler, on ferait mieux de fermer sa grande gueule, plutôt que de me retrouver là comme un gamin à qui on a volé sa sucette.

Comment pourrait-elle connaître tout ces sentiments dont il parle. Elle n'en ressent aucun. Elle n'est pas dans ce monde pour ressentir, mais pour faire ressentir les autres.
Elle n'est qu'une poche vide qu'on remplit selon ses envies et qui se vide une fois fini.
Une poche vide.

Non elle ne peux pas comprendre. Elle connait bien la solitude, mais est-ce un sentiment? Elle ne pourrait pas le dire

J'en ais vu des plus pourris que vous, vous avez encore du chemin à faire.

Oui les "pourris" elle connait bien. si défoncé qu'ils n'alignent pas trop mot, défiguré par la neige qui les bouffent, se laissant emporter dans la déchéance jusqu'à la mort.
Elle l'écoute, elle est forte pour écouter.

Il n'est donc pas implanté, ce n'est pas un Nod non plus. Un mentaliste peut être, c'est rare ici, aussi rare que de trouver un automate, ils ont plus tendances à les faire venir à eux.

Il est seul comme elle. Seul entouré de monde, seul au fond de lui. Comment savoir ce qui nous suffit. Une simple compagnie, une partie de cul et ce "pour le meilleur et pour le pire" qui n'a plus aucun sens. Pourquoi cette phrase aurait encore un sens , il ne reste plus que le pire de nos jours.

Elle le regarde, elle l'écoute attentivement. Tient, son verre est vide.

Comment savoir ce qui nous suffit? On en veut toujours plus, la nature humaine est ainsi faite.

Elle fait signe à la serveuse de les resservir.

Vu ainsi, on peut même être satisfait de n'avoir aucune envie, ni rêve. Pas de rêve, pas de déception.

Pourquoi elle lui dit ça. Elle doit faire le contraire normalement. Lui vendre le désir, le plaisir. L'envie quel qu'il soit. Mais il n'en veut pas. Elle non plus d'ailleurs.
Juste un petit instant, une parenthèse toute simple entre deux obligations.

Et le plaisir est si varié. Si un ne vous convient plus il faut passer à un autre.

Elle le fixe, dans les yeux.

Autre que ce qui peut vous détruire bien sur.

Aucun rêve. Si seulement. Mon premier rêve serait de connaitre ma mère, et encore, j'hésite encore entre lui cracher à la gueule pour m'avoir mis au monde, pour avoir choisi un connard pareil pour me tenir rôle de père ou pour n'être pas restée me protéger de ses poings.

Mon second rêve serait une belle lame bien aiguisée qui viendrait m'ouvrir la carotide au coin d'une rue.

Mais pourquoi lui avouer de tels rêves ?

- On a tous des rêves, et plus ils sont modestes, plus ils sont réalisables, et agréables à la fois. Mais je suis d'accord, ici, vaut mieux pas en avoir.

Pas de rêves, pas de déception. C'est vrai.

Je suis toujours déçu, le matin, quand j'ouvre les yeux...

Là où je suis pas d'accord, par contre, c'est du côté des plaisirs. Si seulement j'avais pas découvert la blanche. Jamais j'aurais remplacé le cul par la poudre, quelle idée. Mais on choisi pas toujours, et la drogue est un plaisir sournois, mais elle semble croire que ça a été un choix, étonnant.

- Vous rencontrez souvent des types qui se défoncent par choix ? C'est pas vraiment mon cas. Mais il est un peu difficile d'arrêter de se poudrer le nez quand le sac a bonheur est plein dans la poche. Vous avez déjà essayé ? Si non, le faites pas, ma chère, c'est le bordel, une fois gobé.

Ben tiens, Monsieur Golgoth en père donneur de leçon, demain j'officie au temple, tant qu'on y est ! J'adore, je me découvre, je suis vraiment con, ma parole. Et elle, si belle et si blasée, est-ce qu'elle m'écoute, ou est-ce qu'elle se fait chier ?

On a tous des rêves, cette phrase la fait sourire. Ses cauchemars doivent prendre trop de place alors.

Elle ne le lâche pas du regard. Il a l'air de vraiment croire ce qu'il dit.

On a toujours le choix au moins une fois, la première fois. Vous avez bien du avoir le choix la première?

Elle se penche à nouveau en dessus de la table et ajoute à voix basse, comme pour lui dire un secret.

Ou on vous a peut être mit le couteau sous la gorge pour vous obligez?

Elle lui pose cette question sans moquerie dans le regard. Enfaîte, si il répond positivement elle ne serait même pas étonnée.

La serveuse pose les verres sur la table.

Merci, c'est pour moi. Tu met tout sur mon compte.

Regard noir de la serveuse à Samia avant qu'elle ne retourne derrière son bar. Mais de quoi elle se mêle elle. C'est pas une petite nouvelle qui va l'inquiéter. Samia hausse les épaules et reporte son attention sur son interlocuteur.

Elle m’assène l’éternelle réplique du choix, comme toujours. Putain, j’ai bien du l’entendre des milliers de fois, cette phrase. C’est dingue ça, comme les gens pensent que le choix est toujours possible.
Ha non, elle se ravise. C’est bon. Elle est moins conne que les autres, elle comprend ce besoin primaire de survie, qui inhibe toute question de choix, face à la mort. Certains connards que j’ai croisé avait pas cette notion là.

- Dépend des gens, j’pense. Moi la première, c’est celle où j’ai eu le moins le choix, comme quoi... Mais finalement, j’ai finis par avoir ce fameux couteau dans la main, si vous voyez ce que je veux dire...

Je me demande comment elle va réagir. Bien sûr qu’elle sait que je suis mentaliste, elle sait même sûrement que je suis de l’ordre. Mais beaucoup de gens montrent un certain malaise à l’évocation d’un meurtre assumé. D’ailleurs, c’est pas tout à fait désagréable de mettre mal à l’aise certains types. Mais elle...Je mettrais ma main à couper que ça lui fera ni chaud ni froid.
Je l’observe.

Et cette conne de serveuse qui choisi ce moment pour rallonger. Là, dans l’instant, j’utiliserais volontiers son coude pour lui péter le nez à celle-là, avec le bras qui fait un angle avec le buste que j’ai toujours trouvé amusant. Mais je me retiens. Je dois déjà avoir l’air suffisamment toqué pour ne pas en plus lui faire une démonstration de violence irréfrénée.

Et voilà qu’elle veut payer en plus.

- Je vous jouerai pas la comédie du dragueur qui tient absolument à inviter, mais je pensais acquis le fait que la note était pour moi. J’pourrais le prendre mal, si j’étais là pour ça...

J’essaie de sourire pour appuyer cette touche d’ironie. Mais depuis quand je m’essaie à l’humour moi ?

Etrange, on dirait presqu'il en a honte, n'osant pas prononcé le terme exacte. Elle ne sourcille même pas. Plus rien ne l'étonne dans ce monde, même pas un meurtre revendiquer et surement même pas puni.
A t-elle tout vu, tout connu. Surement pas. Une vie entière ne suffirait pas. Mais elle a vu tant de souffrance chez les autres, tant d'actes malveillant, les bienveillants restant si rare. Trop rare.

Elle sourit à sa remarque

Justement, vous n'êtes pas là pour ça.

Elle prend son verre dans la main en ajoutant.

Mais je ne broncherais pas pour les suivants, si cela peut vous rassurez.

Elle boit une longue gorgée. Les suivants. Pourquoi il y aurait forcément des suivants. Il ne compte peut être pas passer toute la nuit ici, avec elle.

Nous avons toute la nuit devant nous, non?

Enfaite, je m'appelle Samia.

Elle boit encore une gorgée avant de reposer son verre, sans le lacher du regard.

Elle sourie quand je lui dis que je suis pas là pour ça. Soulagement ? Le droit d’accès au repos du guerrier. Peut-être. Elle m’offre même la possible existence des verres suivants, ce que je trouve amusant. Comme si elle répondait à une question tue : vous tiendriez compagnie à un connard pour un moment ? Tiens, du temps en bonus, 1 heure achetée, la seconde a moitié prix, et on ne touche la marchandise qu’avec les yeux, si on ne paye pas....Mais maman, j’ai pas eu mon argent de poche !

Moralité, ouais, j’suis pas là pour ça, merde, si ça avait été le cas, et sans ce bordel avec les implants, j’aurais pas raté ma soirée. Ca doit être dans les gènes, je pense. C’est pas possible de naître aussi bien foutue, ma parole.

Toute la nuit. Ouais, c’est sûr. Encore faut-il aimer vivre la nuit.

- Toute la nuit oui, et même plus si nécessaire. Moi, c’est Golgoth, sale raison à ce nom, mais c’est le seul qu’on m’ai donné, alors je le garde.

Et voilà qu’une fois de plus, je plante la conversation, je suis un chef pour ça de toute manière. En même temps je sais pas vraiment quoi dire, là, comme un con...

- Dites moi, excusez la question, mais, vous êtes modifiée, génétiquement, pour être aussi...parfaite ?

Bon...C’est tout ce que j’ai trouvé, et c’est sorti tout seul...Je me cache derrière mon verre, je crois je rougis.

Le regard fixe sur lui, elle boit une longue gorgée. Parfaite. Sûrement beaucoup l'ont pensés mais jamais encore ils ont osés lui poser la question. Il continue de l'étonner, ce qui n'est pas pour lui déplaire. Elle prend le temps pour lui répondre. Boit encore une gorgée.

On peut dire ca comme ca. Ma mère était la meilleure dans son domaine, la plus demandée également et la plus belle bien sur, je fais bien pale figure à côté.

Pourquoi "était", elle n'est pas morte à sa connaissance. A sa connaissance, c'est bien ca l'ennui. Depuis quand n'a-t-elle aucune nouvelle, 10ans? 15ans?

Et d'après ce que j'en sais, mon père a été choisi pour ses qualités de caméléon. C'est ma spécialité.

Elle amène son verre sur les lèvres mais se ravise et ajoute.

La poupée, c'est comme ca que vous... enfin les clients me surnomment.

A-t-il déjà entendu parler d'elle, elle épie sa réaction tout en buvant.

Dites moi qui est la femme de vos rêves, je peux le devenir, je peux devenir n'importe qui.

Elle ne sait pas pourquoi elle continue, pourquoi elle lui pose cette question. Elle y pense seulement après. Il n'est là pour ca et ca lui va très bien, mais en est-elle si sur.

Quelle femme aimeriez-vous voir en moi?

- J’ai pas de rêves.

Un peu abrupte, comme réponse. Mais en même temps, j’aime pas cette proposition, j’ai l’impression d’être rabaissé à être n’importe lequel de ces consommateur.

La poupée. Oui. Ca me dit quelque chose. J’en ai déjà entendu parler. Pour en entendre parler sans s’y intéresser, c’est que ça doit être une des meilleurs. Comme la dope, finalement. Les putes et la défonce, c’est du pareil au même, finalement.

Une poupée. Marrant. Mais pas tant.

- Vous ne me montrerez pas celle que je veux voir. Celle que je veux voir en vous, c’est celle que vous êtes vraiment.

Là si elle me prenait pas pour un tocard, le problème est réglé. Mais en même temps, je vais pas mentir. Je suis pas là pour consommer, à quoi bon voir autre chose que ce qui est vrai ? Mais pour un caméléon, Est-ce que l’originale a survit aux maintes et maintes transformations ? Si l’envie de me la montrer y est, c’est la que se reporteront mes doutes.

Moi?

Il aurait pu désirer tant de chose, même une compagne de beuverie et pourtant il ne veut pas la changer. Elle n'a jamais entendu pareille requête. Elle appuie ses coudes sur la table et pose son menton sur ses mains, plongeant son regard dans le sien.

Mais vous m'avez devant vous, depuis le début. Une poche vide sans intérêt, ni envie. Aucun rêve et pas plus de désire. Et on ne parle pas même pas des hobbies. Venir dans ce bar et boire un cocktail en regardant les aiguilles du temps tourner est la seule chose qui m'occupe.

Son regard s'adoucit légèrement.

Et de temps en temps, j'ai la chance de faire des rencontres plus intéressantes que ces habitués qui hantent les lieux.

Elle ne bouge pas et continue de le fixer. Elle attend l'air de mépris qu'il va sûrement prendre. Que peut-elle inspirer d'autre?
Elle n'est rien sans ses "rôles"

Ca vous tente toujours?

Vide et sans intérêt. Drôle de perception d’elle même. Et c’est dommage pour elle. Intérêt physique, avant tout, puisque c’est la première chose qu’on voit, mais pas que.

- Pas sans intérêt non, sinon je ne serais déjà plus là. Bon, bien sûr, j’aime vous regarder, faut pas se leurrer, mais pas besoin de compagnie pour ça. Non, jusqu’ici, j’apprécie notre conversation.

Mais le tout, c’est pas de l’apprécier, c’est de l’être en retour, et ça, pas sûr que ce soit le cas. Et que ça le soit ou non, je pense que l’avis d’un tocard comme moi dois lui faire une foutue belle jambe.

- M’enfin, je suis pas une référence hein.

Je sais pas si elle est surprise, ou si c’est autre chose, mais son regard change, pendant un temps, avant de redevenir cette paire inquiétante qui ne me quitte pas. Puis une idée me fait sourire.

- Au moins vous pouvez faire des rencontres intéressante au boulot. Considérez votre chance, la plupart de celles que j’y fais vont en tôle ou à la morgue, alors point de vue discussion, c’est pas tout à fait la joie.

La encore, pas tout à fait une référence, coco. Juste un élément plus ou moins contrôlable, sujet à plusieurs blâmes déjà. Tu t’en vantes ? Tu le cache ? Choix difficile, mieux vaut me repoudrer le nez.

-Scusez...

Grande franchise ou simple flatterie. Elle ne l'imagine pas en gentleman flatteur.

Une référence, qui peut encore se qualifier ainsi? Et encore moins dans ce lieu de perdition. Elle passe un regard rapide dans la salle pendant qu'il s'obstine à s'envoyer en l'air avec sa poudre magique. En regardant en direction du bar elle lui demande.

Qui est une référence? Le mec qui dort au bout du bar? Il ne pourrait pas dire grand chose de toute façon.

Elle regarde l'homme endormi la tête sur le bar, tellement bourré que si le mur ne serait pas là pour le soutenir un peu il serait tombé depuis longtemps de son tabouret.

Ou peut être lui?

Elle a tourné la tête en direction de la scène. On y voit un homme à genoux près de celle-ci, bavant littéralement devant la danseuse à moitié nue qui se trémousse face à lui. Petite grimace de dégoût.

Non, je ne vois personne qui pourrait être une meilleure référence que vous.

Elle continue de regarder cet homme devant la scène. Il se fait toujours plus insistant envers la jeune femme. Il est monté sur la scène avec elle et tente de la toucher, l'embrasser.

Il y en a tant qui serait bien mieux dans votre morgue.

Le videur est déjà là et s'occupe du client trop entreprenant, mais l'homme ne veut pas se laisser faire et une bagarre commence. Commence seulement, le pauvre homme se fait vite maîtriser par le professionnel et sortir sans ménagement.
Elle pose à nouveau ses yeux sur Golgoth

Pensez vous réellement que ces gens sont mieux que vous?

Elle prend son verre avant d'ajouter.

Permettez moi d'en douter.

Elle le finit d'une traite et repose le verre vide sur la table avec l'idée saugrenue de lui enlever son chapeau. Pourquoi, elle ne sait pas trop, juste voir son visage sans cet ombre qui plane. Elle a juste l'idée, le geste ne suit pas, elle ne peut pas se le permettre.

Belle énumération de toutes les merdes ambulantes présentes dans la salle, j’y jette un oeil au fur et à mesure, en m’arrêtant toutefois sur le chien en rut pour admirer la rare et faible violence qui imprègne ces lieux alors qu’il se fait malmener. Elle a l’oeil, la mignonne, et le bon, mais ça doit être normal quand tu bosse là depuis...va savoir.

Pourtant ça fait pas de moi quelqu’un de bien, peut-être même pas mieux. Mais elle a l’air de me préférer à eux, alors autant en profiter. Marrant. Comme quoi mes pas m’ont très bien guidés.

Elle lève son verre et le descend avant de le reposer et de me regarder assez bizarrement. Le plaisir de la dévorer du regard s’envol devant ce regard insistant, dont je ne saisie pas l’intention, entre ironie et impulsion, peut-être.

Alors je plonge mes yeux dans mon verre, et l’assèche d’un lever de coude. J’appelle la serveuse d’un sifflement pour lui faire signe de réapprovisionner le magasin et regarde à nouveau mon hôte-invitée. Son regard va de mes yeux à mon chapeau. Merde.

Je suis d’une connerie à défriser le cul d’un mouton. Toujours, on m’a rabâché les règles de politesse, et là qu’elles peuvent servirent, rien, niet. Alors, avec un léger sourire, j’enlève mon chapeau, hésitant un peu au dernier moment, et lui dit :

- Scusez, j’ai pas l’habitude, vous savez...

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Avec un verre dans le nez, ce serait plus simple.

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