Cabinet du Dr. Fritzerman

Approchez, approchez davantage. Approchez et voyez ce bâtiment gris et difforme, au bout de cette rue, voyez ma demeure, mon antre médical.
Ici, si vous avez le courage de pousser la porte malgré la boule dans votre ventre à la vue de la plaque en marbre portant mon nom, vous pourrez bénéficier de soin et de chirurgie pour une bouchée de pain. Ou deux bouchées, tout dépend de ce qui vous cause tant de maux.
Approchez. Traversez donc le couloir pour déboucher sur ma salle d'attente.
Ne vous encombrez dont pas d'une demande de rendez vous, mon carnet est aussi vide que ma salle d'attente, et prenez place sur un des sièges inconfortables qui vous tendent les accoudoirs.
Seul le tic-tac de l'horloge dans votre dos indique que le temps ne s'est pas arrêté.
La porte n'est jamais loin, si vous considérez la fuite comme une solution, et elle mène vers le dehors, vers le quartier des Minguettes.
Sentez vous ? Sentez vous cette sensation oppressante dans votre estomac que quelque chose d'affreux va vous arriver, la même sensation que petit, pour aller chez le dentiste. Mais ici, pas de sucette à la sortie.... Votre main aurait volontiers attrapée un magasin people sur la table pour vous occuper, mais ici, il n'y a pas de table et encore moins de magasine. Vous ne pouvez qu'attendre en lorgnant sur le plafond poussiéreux ou sur les murs lézardés.
Et puis, des bruits de pas se font entendre, réguliers, de plus en plus proche, puis la porte s'ouvre mettant fin à l'attente infernale.
Un médecin en blouse se tient dans l'encadrement de la porte. Vous remarquez tout d'abord ses yeux de couleurs étranges, puis quand d'un geste de main gantée il vous fait signe d'entrer, vos doutes disparaissent quant à quelque chose d'étrange le concernant.

La salle de consultation sert également de salle d'opération, instillant une ambiance étrange qui vous parcours la moelle épinière. Le médecin étrange s'assoit à son bureau et vous invite à vous asseoir également.

Alors, dites moi, qu'est ce qui vous amène ici ?

Les temps ont passés. Cent ans pèsent lourd dans cette ville. Personne n'a touché à ce bâtiment, et seul les plantes s'y pressent.
Si le docteur qui jadis y habitais s'est évaporé, ce n'est pas le cas de cette vieille bâtisse qui survis tant bien que mal dans cette ville ou les bâtiments se divisent et se multiplient comme des cellules dans un grand corps cancéreux. Pendant l'avènement de la technologie permettant de soulever n'importe quoi à bras le corps jusqu'aux nuages, le cabinet, abandonné et rejeté de tous resta rivé au plancher des vaches, seul à son triste sort.

Plus personne ne s'en rappelle. Plus personne ne s'y rend. Plus personne ne pourrait mettre de visage sur son étrange résident qui autrefois y habitais, pas plus qu'un nom par ailleurs.

Cet endroit est bien mort.

Les plantes, voyant que les humains s'en désintéressaient, en ont fait leurs territoires. Pousse après pousse, lierre après lierre et branche après branche, l'endroit fut envahis par les squatteurs verts.
A croire que seule la chlorophylle supporte encore le bon vieux sol, bien qu'aussi pollué que la plupart des humains qui y vivent désormais... Ceux que l'on appelle amicalement et affectueusement les « rebuts ».

Oui, la ville a bien évoluée. Tout est si compliqué désormais, et si technologique...

Puis, parfois, certaines portes sont enfoncés. Métaphoriquement, mais littéralement également : en présence d'un alcoolique revenu d'un lointain voyage, l'entreprise pour restaurer une nouvelle dignité à un lieu qui n'a que trop souffert est lancée.

Le lierre est préservé ( car donnant un certain cachet à l'endroit ), la poussière est dépoussiérée, les murs sont repeints, la plaque descellée par les plantes est vissée de plus belle, de nouveaux magazines sont posées sur une table toute neuve, des sièges rutilants remplacent les anciens mités et troués et une décoration remplace l'ancienne, désuète.

Bientôt, le Docteur Fritzerman mettra la main sur un matériel médical technologique avancée ce qui mettra fin à la rénovation du lieu, et alors... Et alors...

- Et alors ce lieu ressuscitera.

Cabinet du Dr. Fritzerman

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