Je marche, seul dans le noir, avec pour seul compagnon l'écho de mes pas, et aussi... un carton à la main. Oui, car si je cherche à m'éloigner du brouhaha continuel des souterrains insurgés, c'est avant tout pour pouvoir enfin dormir en paix. Je n'ai pas de toit, et marre de me faire marcher dessus par des maladroits. Marre de me faire réveiller par des beuglements aussi. Enfin bref, ce soir je dormirai BIEN! J'ai mon super carton pour m'isoler de l'humidité du sol, une couette pour poser ma tête (oui car je suis un être délicat, j'ai besoin d'un oreiller), et une autre encore pour avoir chaud. Les deux étaient vendues dans un super petit sac à dos compact comme on en fait plus, le mec qui me l'a vendu s'en servait pour des piques-niques qu'il m'a dit. Il appelait ça des plaids, mais je trouve ça moche comme nom. Enfin, passons.

J'étais encore en train de marcher quand quelque chose m'interpela. Surpris, je m'arrête, et écoute. Mais oui, c'est ça, il y a d'autres pas! Quelqu'un s'approche! Je lâche mon carton et saisit mon couteau suisse dans ma poche, prêt à dégainer. On est peut être en zone insurgée mais on n'est jamais trop prudent...

J'en ai marre! On marche depuis des heures sans aucune trace de vie. Pourtant j'étais quasiment sur que l'on allai trouver des gens par ici. Heureusement que Pili me porte parce que je n'aurais jamais marchée aussi longtemps. La solitude commence à me peser, Pili ne parle pas, et on ne peut pas dire qu'une peluche est de très bonne compagnie. J’ai envie de voir des gens entendre du bruit autre que les pas de Pili. Comme par exemple des cris, les pas qui sont au loin, de la vie quoi ! Mais bon, arrête de rêver Ema, tu es seule et pour encore longtemps probablement.

Attend, des pas. J’ai entendu des pas!

- Arrête-toi! Et lâche-moi!

Je glissai du dos de Pili et sortant la tête pour voir devant, je vis une silhouette, en une position pas très amicale vu ce qu'il tenait dans la main. Quoiqu’il n'a pas l'air d'attaquer et semble plutôt inoffensif. Attention Ema, tu sais que ça ne veut rien dire, regarde toi. Aller, montre lui ton charme légendaire, et tout se passera bien. Je passai devant Pili, en leva les mains, mon lapin en peluche dans celle de droite. Et avec une voix enfantine et un air peureux je dis:

-Ne me fait pas de mal, monsieur! S'il te plait!

D'accord, autant pour moi, c'est qu'une gosse. Et avec une grande plate derrière en bonus. On aura vu plus exotique comme rencontre dans des égouts... Rassuré malgré tout, je range mon couteau dans ma poche, et ramasse mon carton (ou comment passer pour un parfait clochard, leçon 1).

"Désolé, tu m'as fait peur... Je ne voulais pas te faire de mal. Mais qu'est-ce que tu fais ici petite?"

Je m'arrête juste avant de lui demander où sont ses parents. Si elle vit ici, rien ne garantis qu'elle les a encore...

J'esquissai un sourire. Arme rangé, adulte pas dérangés. Cette phrase est tellement vraie. Je serrai Rabbit contre moi. Je suis ici comme plein d'autre. Je suis petite donc je ne devrai pas, mais pourquoi? Je penchai la tête sur le coté et fixa l'inconnu.

-Je cherchais de la compagnie? Je m'appelle Emaelle. Derrière moi c'est Pili et mon lapin s'appelle Rabbit. Je me suis perdue dans les tunnels et j'étais toute seule.

Je regardai le carton coincée sous son bras. Puis remonta mes yeux dans les siens. Toujours regarder un inconnu dans les yeux, pour montrer que je n'ai pas peur.

-c'est votre maison?

Toute seule? Elle vient pourtant de dire qu'elle était avec l'autre fille, Pili. Enfin vu qu'elle n'a toujours pas dit un mot, et qu'elle a le regard vide, je pense que je comprend ce qu'elle veut dire...

"C'est ta maison?"

Je grimace. Etre réduit à l'état de clochard qui dort dans un carton ne me fait pas plaisir, franchement. J'ai pas toujours été SDF surtout, et c'est ça qui m'ennuie : que je le sois devenu. Avouer à cette petite que oui, je dors sous mon carton, me fait mal quelque part. Elle est une prise de conscience : je me fait carrément pitié là.

Mais je ne dois pas m'attarder sur ces pensées, sinon autant m'attacher une ceinture d'explosifs autour du corps et courir allègrement vers un bâtiment administratif. Demain est un autre jour.

Je lui adresse donc un sourire un peu terni par un rictus cynique que je ne controle pas.

"Oui, c'est ma maison."

Oh, et puis on va pas s'éterniser là dessus non plus!

"Tu veux que je t'aide à regagner la ville peut être? Celle des insurgés s'entend, j'ai pas envie de retourner dans le trou des orthodoxes là..."

Je souris a la grimace que provoqua mes mots, comme moi, un jour il devait avoir autre chose qu'un pauvre carton pour dormir le soir. Lui aussi il devait avoir des parents, et peut être des frères et sœurs. Je regarda son visage et secoua la tête, non il lui ressemblait mais ce n'était pas lui... Ce n'était pas possible. Je serrai mon lapin contre moi, geste qui aurai pu être pris pour un geste de méfiance mais qui en vérité était juste un geste pour ne pas oublier d'où je venais.

Je le regarda dans les yeux, les miens pétillants d'impatience, quand j'entendis ce qu'il dit. La ville, c'est la que je devais aller! Et il voulait bien m'accompagner! C'était ma chance! En plus j'aurai enfin de la compagnie pour un bout de trajet. Je lui fit un grand sourire plein de chaleur.

"Oh oui! Emmène moi à la ville des insurgés! En plus je serais plus seule pour le moment."

Je pencha la tête, mon sourire disparu, il n'avait pas l'air méchant mais le poids de mon pistolet dans ma poche me rassura. Je m'approcha de lui, Pili sur mes talons, lui tendit la main avec de nouveau le sourire enfantin un brin factice sur les lèvres.

"On y va?"

Oh mon dieu, elle est atroce cette petite. Avec un sourire aussi chaleureux et sa mouille enfantine, impossible de lui résister, je me sens fondre.

"En plus je ne serais plus seule pour le moment!"

Bah, y'a l'autre asperge derrière là... Oui enfin, c'est vrai que niveau compagnie, elle doit pas être top, elle a toujours rien dit... Je l'observe, un peu curieux, mais elle ne semble pas faire attention.

La main de la petite -Emaelle?- dans la mienne, je me met donc en route. Je ne sais pas ce qu'elle compte faire une fois là bas, j'espère qu'elle a quelqu'un à retrouver qui s'occupera d'elle, c'est rude de devoir mener sa vie seule si jeune...

Je lui fais un sourire que j'espère gentil (j'ai encore du mal à sourire, mais croyez le ou non, je m'entraine).

"Oui, allons y."

Je l'entraine avec moi dans ces égouts sombres, l'autre fille sur les talons. Tellement transparente qu'on l'oublie très vite, surtout avec une petite fille aussi pleine de vie à coté d'elle pour lui faire de l'ombre. Je dois faire attention quand même, pour un peu j'aurais l'impression d'avoir une petite sœur. D'être un grand frère. Surprenant non? Surement le peu de différence d'age entre nous (une dizaine d'années à peine) et le fait que nos situations sont très probablement similaires qui nous rapproche ainsi. Attention à ne pas trop s'attacher ni se prendre au jeu.

J'oubliais, moi c'est April. Au fait, il y a quelque chose que tu veux faire en ville?

Pas envie de la larguer toute seule là bas, si elle doit retrouver quelqu'un je l'accompagne jusqu'au bout... Bout qui va pas tarder à arriver alors, j'étais pas si loin de la ville en fait, un début de brouhaha nous parvient déjà.

J'étais contente! Cette main chaude et malgré moi réconforte dans la mienne me faisait du bien. Je ne devrais pas pourtant. Pas d'attache, Em, tu ne peux compter que sur toi. Mais il n'avait pas l'air méchant et il etait tellement vivant! Ses égouts paraissaient tellement moins terrifiants.
Je poussa un soupir de contentement et me laissa emmener et en pris une grande joie.

De mon autre main, je tenais Rabbit et le faisait balancer au rythmes de nos pas. Ne réfléchissant ni au chemin ni à la durée. A cet instant je voulais qu'il dure toujours, que ce jeune homme ne me laisse plus jamais comme tous les autres l'avaient fait.

"J'oubliais, moi c'est April. Au fait, il y a quelque chose que tu veux faire en ville?"

April, c'est un très joli nom, un peu bizarre. Je souris à cette pensée. Tu es mal placée pour dire ce qui est bizarre et ce qui ne l'ai pas, Em.
La fin de sa phrase m'arriva de plein fouet. Pourquoi aller en ville? Pour le retrouver? Pour ne plus être seule? Je ne sais pas, on m'a dit qu'il y avait du monde, de la vie. c'est cela que je cherchais. Comment ne fille de mon âge pouvait savoir qu'est ce qu'elle devait faire? Je sentis mon sourire se faner, je mit Rabbit contre moi et serra la main que je tenais.

"Je sais pas. Peut être trouver un carton comme le tien et quelqu'un qui pourra me tenir compagnie quand tu me laisseras."

Je sentis mes larmes monter, mais je me concentra pour qu'elles ne coulent pas. Tu le sais Em qu'il va te laisser, il doit avoir une vie et peu être quelqu'un a trouver. Tu doit t'habituer à la solitude, il le faut!

Ouch! Allez, prend toi ça dans les dents April! Mais qu'est-ce que j'ai pu dire qui l'ai mise dans cet état là? Je la regarde, complètement désemparé par sa réaction. Que dire? Je pensais qu'elle avait quelqu'un à retrouver, je savais bien qu'il faudrait que je la laisse, chacun sa vie, qu'est-ce que je ferais d'elle? Et pourtant, de la voir là, les larmes aux yeux et le regard fuyant, sa main serrant la mienne un peu plus fort, j'avais envie de la prendre dans mes bras et de la réconforter, de lui promettre que je ne la quitterai jamais et que je serais toujours là pour elle, même si ce n'était pas vrai, même si on devrait surement se séparer, tout ça juste pour qu'elle ravale ses larmes et souris de nouveau.

Le front barré d'un pli soucieux, je m'accroupis devant elle, et tend ma main libre pour la passer dans ses cheveux, cherchant encore quels mots lui dire pour la calmer sans lui mentir.

Ma main n'eu pas le temps de l'atteindre. Elle se crispa brusquement à mi-chemin.

On venait de m'abattre un coup de massue sur le crane. Une massue électrifiée. Mon crane se fendait en deux, les vagues de douleur parcouraient tout mon corps avant de rejoindre leur point d'origine. Mes muscles étaient tétanisés, martyrisés par ce qu'on leur infligeait. Et dans tout ça, plus que tout, j'essayais de ne pas hurler. Ne pas l'effrayer.

La douleur reflua lentement. Petit à petit, je pu de nouveau respirer sans risquer de me rouler par terre en hurlant. Les muscles encore douloureux, je regardais ma main libre, comme si je la découvrais.

C'était quoi ça...?

Je passe ma main sur la peau de son épaule, doucement, pour ne pas l'effrayer toujours. Le contact de sa peau douce et chaude ne m'apporta pas le réconfort auquel je m'étais habitué. Ne m'apportait rien. Ne m'apportait rien...

Je regarde de nouveau ma main, angoissé cette fois. Paniqué même. Ma puce... Ils ont remis les implants...

Je ne voulais pas qu'il me voie pleurer, d'abord je ne pleurais pas! Il du sentir malgré tout mon changement d'humeur car il s'accroupit devant moi. Son regard dégagé quelque chose que je ne voulais pas voir. Je regarda mes souliers sales. Je ne voulais pas pleurer et pourtant je sentis les larmes venir de nouveau. Sois forte Em, tu ne pleures pas, tu es une grande!

Il approcha sa main de ma tête, je voulais qu'il me touche, qu'il me rassure, qu’il me dise que je pourrai de nouveau être heureuse et insouciante. Mais cette main s’arrêta! Non, je voulais la sentir sur ma tête! Qu'il la frotte comme on fait à un enfant. Puis je sentis une crispation et ce regard si expressif me montra de la douleur!

J'étais perdue. Je ne comprenais plus ce qui se passait. il réussit a rester en place mais je vis la lutte qu'il faisait avec son propre corps. Pourquoi? Etait-ce moi? Etait-ce quelqu'un d'autre? Je regarda autour de moi. Mes sens en alerte. Je me blinda et chercha d’où venait la menace. mes yeux devenus froids et inexpressifs fit le tour de la zone. Personne. Pourtant il y avait quelque chose qui clochait.

Sa main effleura mon épaule. Je tressauta et fit un pas de recul. Un geste ridicule car je tenais toujours une de ses mains dans la mienne. Je le regarda de nouveau, mes sens toujours en alerte du moindre bruit qui pourrait sortir du noir qui nous entourait. Pili sentant que j'étais tendu nous tourna le dos et surveilla nos arrières. Pour quelqu'un qui ne la connaissait pas, ce geste sembla anodin, pourtant je savais ce qu'elle faisait.

Son regard avait changé. Il avait l'air d'avoir peur! Je pencha la tête sur le coté, tic que j'avais quand j'essayais de comprendre quelque chose. Mes yeux toujours froid le regarda intensément.

"Que se passe t-il?"

Ma voix pourtant enfantine était froide.

Lentement, je lève les yeux vers elle. On dirait qu'elle s'est fermée, son regard est froid et sa voix aussi. Un instant, j'hésite, inventer quelque chose, ne pas lui dire... Mais à quoi bon? Je doute de pouvoir trouver une explication plausible, et de toute façon je ne peux plus être le même qu'il y a quelques minutes... Je ne peux plus être humain... Il vaut sans doute mieux qu'elle le sache. Oui, il est préférable qu'elle sache à quel genre de personne elle était prête à s'attacher.

"J'ai un implant... J'avais rien demandé, j'ai été pris dans une rafle... Jusqu'à présent ils étaient en panne, j'étais heureux, mais là... Ils viennent de les réactiver, à l'instant..."

J'ai détourné le regard tandis que je parlais, je n'osais pas l'affronter, voir sa réaction... Elle allait me rejeter, c'est sur, quelle petite fille voudrait rester avec un pantin désarticulé qui ne ressent rien? Et moi qui, involontairement, m'imaginait comme son grand frère pour le temps d'une marche dans les égouts... Quel idiot, comme si ce genre de chose pouvait arriver à un implanté, un pauvre type qui, s'il n'avait été éduqué dans un environnement d'insurgés, serait surement en haut avec les orthodoxes à l'heure qu'il est? Ma seule parade, c'est de faire le con, mais là, j'ai pas envie. On vient de m'arracher des ailes tout justes acquises, je peux pas m'en foutre comme ça, pas maintenant...

Je relève enfin les yeux, plante mon regard dans le sien, prêt cette fois à encaisser sa réaction.

"Je te fais peur maintenant?"

Moi, j'ai peur qu'elle lache ma main...

Un implant! J’avais entendu des bruits comme quoi ils étaient en panne. Donc c'était que ça! Je poussai un soupir de soulagement et me décrispa. Un imperceptible geste à Pili lui fit comprendre qu'il n'y avait aucun risque. J’ai échappée aux rafles. Je peux comprendre ce qu'il ressent. Mes yeux toujours braquées sur lui s'adoucir. Il n'était pas blessé, enfin dans le sens le plus strict du terme.

N'oublie pas Em, il n'est plus vraiment comme avant. Après je ne le connaissais pas encore vraiment. Je regardai nos mains. Elles avaient de la chaleur, elles étaient faites de sang. Ce n'était pas les même, mais on était humains tous les deux. Alors cette puce ne changea rien!

"Je te fais peur maintenant?"

Je levai la tête à ces mots, les yeux écarquillés. Son regard fuyant devenu limite durs. je ne comprenais pas. que sous-entendais t'il par cette phrase. Je penchai la tête et le regarda avec incompréhension. Puis avec un geste complètement enfantin je serrai sa main plus fort et me serra contre lui. J’arrivais presque à faire le tour de sa taille avec mes bras. J’enfouis ma tête contre sa poitrine.

"Oui tu m'a fait peur, j'ai cru que l’on nous attaquaient! Donc oui j'ai eu peur pour toi, tu avais l'air de souffrir!"

Je sentis mes larmes revenir. Non Em, tu ne dois pas pleurer. Tu dois le lâcher, tu ne peux pas t'attacher à quelqu'un. Je sentis pourtant mes bras le serrait un peu plus.

Ému, ne sachant que répondre, je la serrais maladroitement à mon tour de mon bras valide. Un peu fort même, mais je n'arrivais pas à me retenir. J'essayais de sourire, contractais vaguement le coin de mes lèvres en une grimace douloureuse. Un bien pale sourire.
Pas envie de la lâcher...
On peut pourtant pas rester éternellement ici...
Hop, je la prend dans mes bras tout en me relevant, comme ça, ça fait compromis. Je la lâche pas mais on avance. Non car c'est pas que ça soit accueillant les égouts, mais tout de même...
Grâce à sa diversion, j'arrive à faire abstraction de "ça" pour tenter de reprendre le contrôle sur moi. Et ça marche plutôt bien. Elle est vraiment très bien cette petite...

On devrait bientôt arriver... Je ne sais pas ce que tu avais prévu, mais comme je suis pas rassuré, je préfère ne pas te lâcher une fois arrivés là bas. On ne sait jamais, tu reste assez jeune, et tu passeras plus inaperçue avec moi. Ca ne t'ennuie pas j'espère? Je lui dis d'un ton léger, pour détendre l'atmosphère.

Et en plus c'est vrai, ça m'ennuierait de la larguer toute seule une fois arrivés en ville, la cité des insurgés n'est quand même pas ce qu'on fait de plus fréquentable pour les jeunes filles...

Je pose ma tête sur son épaule et me laisse emmenée. Cette sensation de chaleur est tellement agréable, je voulais que ça ne finisse jamais. A ses mots je jette un regard en arrière et vit que Pili n'avait pas bougé. Je siffle et elle se retourna puis se décida enfin à nous suivre. Je me replace contre son épaule et serre Rabbit contre moi.

"Non, ça ne m'ennuie pas, pourquoi ça m’ennuierais? Je suis bien là. Et puis cela fait longtemps que l'on ma pas pris comme ça. Je ne suis qu'une enfant pourtant"

je ferme les yeux et me laisse bercer par les pas et partis malgré moi dans mes souvenirs. L’épaule d'April, sa chaleur, son bras qui me tient. La dernière personne qui m'a tenue comme ça c'est lui. Lui aussi me porté comme April le fait a cet instant. Et peut être que si je garde les yeux fermés il sera à la place d'April.

J'ouvris les yeux subitement et me dégagea violemment des bras d'April. Il n'était pas lui. Je fixe April les yeux pleins de larmes et de colère puis mon esprit se reconnecta à la réalité et les traits d'April réapparurent. Il n'est pas lui. Je m'accroupis et serre mes jambes contre moi. Il faut que je me calme, mais les larmes coulèrent toute seule. Je m'assois par-terre, et tout en gardant la tête enfouis dans mes genoux, je tends une main vers April. Je ne veux pas qu'il me laisse, je ne veux pas qu'il pense que c'était de sa faute.

"Je suis désolée, je suis vraiment désolée..."

je dis ces mots en boucle, parlant autant à lui qu'a moi, le bras tendus vers April.

Mince, quoi encore, qu'est-ce que j'ai fait? Son petit corps se dégage soudain, me repousse, ses yeux sont plein de colère. De larmes aussi.
Qu'est-ce que j'ai fait?
Je ne sais pas mais je m'en veux déjà.

Une fois à terre, elle se cache, me tourne le dos. Mais me tend la main.
J'aimerais pouvoir la reprendre contre moi, la serrer, la calmer. Après tout, comme elle le dit, elle n'est encore qu'une enfant. Une enfant dans un endroit comme ça n'a pas vécu que des moments heureux dans sa vie. Les moments sombres ne sont sans doute pas loin derrière pour elle...
J'aimerais la serrer, l'apaiser, lui chuchoter que tout ira bien, mais j'ai peur qu'elle me rejette encore. Que je la blesse, involontairement, car c'est surement ce que je viens de faire.
Alors je me contente de lui reprendre la main, et de la serrer. Et tandis que je la tiens fermement, j'attend, inquiet, qu'elle se calme d'elle même.
Je ne sais pas quoi dire, et ça sonnera surement creux.
"Ca va aller"? Qu'est-ce que j'en sais moi? J'aimerais pouvoir le lui promettre, mais je suis moi même un mome quelque part, un gosse à peine adulte, qui se réfugie dans l'insouciance pour oublier ce qui l'entoure. Alors est-ce que je serais capable de faire en sorte que ça aille, maintenant?

Alors j'attend.

Sa main, je sens sa main chaude dans la mienne. Je m'accroche à cette chaleur pour remonter à la surface, éloigné les souvenirs. Je me concentre seulement sur sa main et la chaleur qui s'en dégage. Inspirer, expirer, inspirer, expirer. Ma douleur parti petit à petit et mes larmes se calmèrent. La chaleur de la main d'April m’envahis le bras puis remonte dans tout mon corps. De ma main libre j'essuie les larmes encore accrochés à mes joues et mes yeux. Puis, me redressant, sa main toujours dans la mienne, je me retourne vers lui, un sourire au lèvres.

« -Sa va, je suis désolée. Bon, on devrait avancer, rester ici est dangereux. »

Je sais que mon visage et ma voix ne montre plus rien, à par l'insouciance et la candeur d'une fille de 13 ans. Je commence a être forte au petit jeux de dissimulation de ce que je ressens, de mes expressions, presque digne d'un NOD! Je suis redevenue ce que tout le monde voit et veux voir. Je ne voulais pas faire ça avec lui, mais j'étais obligée. On ne restera pas éternellement ensemble et je ne peux plus me permettre de montrer mes faiblesse, de montrer quoi que se soit. Pourtant je fixe son nez et non ses yeux, car je sais que les yeux sont les fenêtres de l'âme, on me l'a dit un jour, et je ne veux pas qu'il voit mon âme terrorisée et perdue.
J'ai envie pourtant, de me blottir encore contre lui comme tout à l'heure. Mais il me fait tellement penser à lui, c'est trop dangereux. Donc j'opte pour juste gardé sa main. Je ne peux pas ne pas avoir de contact non plus, je ne veux plus me perdre. Je tire un peu sur cette main qui m'est si importante pour l'instant.

« -On y va? Tu vas faire quoi dans la ville des insurgés? Tu vas grillé ta puce? »

Je sais très bien qu'il allait dans l'autre sens quand on c'est rencontré, qu'il m'accompagne seulement. Mais je ne veux plus qu'il me demande pourquoi je vais là-bas. Il ne peux pas m’aidai là-dessus, je veux juste restée avec lui encore un peu.

Elle s'est calmée... Tant mieux. Je ne suis déjà pas très doué pour réconforter les gens, alors une petite fille, bonjour la galère.
Ce que je vais y faire? Initialement, moi je voulais dormir, mais j'ai vraiment pas envie de la laisser toute seule comme ça, alors je vais rebondir sur sa proposition. Griller ma puce... Il y a bien le numéro du type rencontré au bar, mais enfin, je ne sais pas ce que ça vaut.

Oui, il faudrait que je m'en occupe... C'est dangereux, mais je ne vais plus pouvoir faire avec cet implant, alors...

Euh, c'était peut être pas malin, de lui dire qu'elle se baladait avec un futur cadavre. Galère, galère...

Ha tiens, on arrive!

Voilà qui va me sauver! Sa main toujours dans la mienne, j'avance vers la lumière et le bruit, la foule de la ville souterraine.

Arrivés ici