Il parle beaucoup... tant mieux. Mais je risque d'oublier ce qu'il dit au fur et à mesure, tellement il en dit.

Bon, j'essaie de répondre comme je peux, qu'il ne s'inquiète pas pour rien, au moins.

-J'ai... j'ai... merde, comment lui dire comment je me suis retrouvée dans cet état ? De toute façon, vu ma tenue, il doit s'en douter un peu, non ? Bon, c'est un détail, passons.

-Alors voilà...
C'est cher payer quand même. Si j'avais su... j'aurais pas dû le laisser aller aussi loin.

-Mais ça va passer. Ça passe toujours. C'est juste que c'est...

J'arrive pas à lui dire à quel point c'est pénible, l'absence de plaisir. La seule chose qui fait aimer vivre. Je ne supporterais pas de perdre ça définitivement. Il faut absolument que ça passe.
Et si cette fois ça ne passait pas ?

-J'ai peur.

Non, il ne faut pas paniquer. Ce n'est pas la peine de se mettre dans un tel état. Il faut...

-il faut juste que je me repose. En général, ça passe après une nuit de sommeil.
Mais ça va pas être facile de m'endormir comme ça.

Je regarde le lit, les draps moites...

-c'est désagréable.

Je ne sais pas comment lui expliquer, et je ne sais pas non plus ce qu'il pourrait faire pour m'aider. C'est pas avec des médicaments qu'il va... ah si, peut-être que...

-Vous avez des somnifères ?
Et mes vêtements sont dans le salon.

Bah oui, c'est vrai que je suis à poil. Comme si je me sentais pas déjà assez mal comme ça, il faut en plus que je sois dans une posture embarrassante, nue devant un inconnu avec juste un drap sale pour me cacher. Si ça se trouve il est transparant en plus.

Il bafouille en plus ! Alors là, en plus d'être à poil et de chialer comme un veau, je dois être rouge comme une tomate... moche... et morte de honte.
Ya un placard là, j'irais bien me planquer dedans pendant qu'il est pas là, mais j'ose même pas bouger. Et puis c'est pas ça qui va arranger les choses.

Quand il revient, j'avale tout ce qu'il me donne (sauf les vêtements).
A près je suis embêtée parce que je sais pas quoi faire du verre que j'ai dans la main. Il est froid et ma main est moite dessus. J'aime pas.
J'attends qu'il soit sorti pour le poser à côté du lit, puis je m'habille. Mais ça non plus, j'aime pas. J'aurais du lui demander d'amener les fringues neufs qui étaient dans les sacs. Les miens sont misérables et crasseux. Mais bon, au moins il arrêtera peut-être de me reluquer à travers le drap.

Je me sent fatiguée... gros coup de barre... peut-être le somnifère qui fait effet. Et j'ai moins mal partout.
Il faut que je dorme.

Mais je l'écoute encore qui me parle de l'autre côté de la porte. Je devrais peut-être lui dire qu'il peut revenir maintenant, mais non, je le fais pas.

Je lui répond juste, un peu faiblarde :

-je me bat ? euh... si on veut... je tag

et là je tangue. Je ferais bien de m'allonger un peu. mais j'ai pas envie de retourner sur le lit. Je veux pas non plus sortir de la chambre ni... en fait je sais pas ce que je veux. Ou plutôt, je ne veux rien. Juste que ça s'arrête et que je puisse me reposer.
Alors j'arrête de me poser des questions tant que je sent que je suis capable de m'endormir. Je plis les genoux, me pose par terre et me couche là, sur le tapis. Ça vaut bien un autre endroit quand de toute façon rien n'est plaisant.
Je ferme les yeux et laisse le sommeil me sauver de ce calvaire.

Je me réveille... nan, je veux dormir encore un peu.
Mais... j'ai dormi combien de temps ? Ça doit être revenu !

Le tapis.
Il a une texture sympa le tapis.
Mais j'ai un de ces mal de dos... faut dire que dormir par terre, c'est peut-être pas ce qu'il y a de mieux.
J'ose pas me lever tout de suite. Je sent qu'il y a un truc qui cloche.
Et puis quand je caresse le tapis, je sent qu'il est plutôt doux, mais... en temps normal j'aurais kiffé ce genre de texture. Je le frotte plus vite, plus fort mais évidemment ça ne le rend pas plus plaisant et... aïe ! ça y est, j'ai mal aux doigts. Il est nul ce tapis !

Je comprend pas... il a pourtant pas l'air de mauvaise qualité, bien au contraire. Pourtant, je le trouve pas super, alors que je m'étais déjà tapé un de ces tripes avec un paillasson... mais il grattait bien, le paillasson. Dommage qu'il était pas à moi, j'ai dû le rendre à son propriétaire quand il est sorti de chez lui en me regardant d'un drôle d'œil. Bah oui, les gens ne comprennent pas qu'on puisse abuser de leurs paillassons. C'est triste quand même.

En tout cas, là, j'aurais beau abuser de ce tapis là, j'ai peur que ça ne me fasse pas tellement triper. D'ailleurs, je m'en lasse déjà. Et puis il faut que je me lève, j'ai mal au dos.

Mais j'entends quelqu'un dans la pièce, alors je n'ose plus bouger.
Ça doit être cet homme qui est arrivé après Samuel. Il m'avait trouvé dans un état... j'ai un peu honte.
Qu'est-ce que je fais ? Je reste là et je fais semblant de dormir ? Peut-être qu'il sait pas que je suis réveillée.
L'ennuie, c'est qu'il finira bien par le savoir. Il faudra bien que je me lève un jour.
Peut-être que si j'attends qu'il parte... mais quand est-ce qu'il va partir ? Il a l'intention de rester là longtemps ? Bah tient, il manquerait plus qu'il habite ici.

Et puis je n'en peux plus de rester coucher par terre ! Il faut que je bouge.
Je me redresse doucement sans faire de bruit et jette un coup d'œil par dessus le lit. Il est là le monsieur, de l'autre côté, près de la fenêtre.

Bon, je vais quand même pas rester comme ça mille ans, les genoux par terre à l'espionné juste au dessus des draps. Ça se fait pas. Allez, courage ! De toute façon, il va pas me manger. Alors je pose mes trois main sur le bord du lit, fait dépasser un peu plus ma tête et ose enfin l'interpeller pour faire savoir que je suis là et réveillée :

-euh... bonjour ?

De la nourriture et des vêtements propres ? encore ?
Mais yen a plein les sacs dans le salon.
Je devrais peut-être lui dire. Mais il cause tellement que j'ai juste tourné la tête vers la porte en levant une main, mais pas eu le temps ou pas osé sortir un index pour lui montrer et encore moins prononcé les mots pour le lui dire.

A vrai dire, je ne sais pas quoi faire: j'ai beaucoup de temps libre et tout ce que j'ai vécu d'intéressant ces derniers temps c'est ma rencontre avec toi.

bah dis dont... là je sais pas quoi dire... le pauvre, il doit beaucoup s'ennuyer ou ne pas s'intéresser à grand chose... sans doute les deux, sinon comment il fait pour s'ennuyer ?
oh... il a peut-être un implant. Un orthodoxe ? Je sais pas pourquoi mais je le voyais pas vraiment orthodoxe. Mais ça expliquerait qu'il s'ennuie beaucoup. Le pauvre...

Il faudrait que je l'occupe.
C'est gentil en plus de vouloir s'occuper de moi, même s'il n'a que ça à faire.

-euh...
et là mon ventre se met à faire un boucan de tout les diables. Il gronde plus fort que je cause.
-je mangerais bien un morceau... pour commencer.

et après... on verra. C'est que ça risque de ne pas beaucoup l'occupé de me voir mangé. Mais avec un peu chance, peut-être qu'il a faim lui aussi, comme ça, lui aussi il mangerait. Et manger ça occupe... un certain temps... ça dépend de ce qu'on a à manger. Mais avec ce qu'on a ramener du centre commercial, ça devrait aller.
J'aimerais bien me changer pour mettre mes nouveaux vêtements aussi, mais on verra après.

Je le regarde un moment, de la tête aux pieds. Je suis pas sûre du tout qu'il soit orthodoxe. Mais qui il est en fait ? J'ose pas lui demander. Et puis j'arrête de regarder comme une bête curieuse, il pourrait trouver ça gênant. En plus, c'est plutôt moi la bête curieuse.

Je l'ai suivis timidement jusque dans la cuisine.

-des pâtes, oui, ce sera très bien.
merci

Et pendant qu'il prépare les pâtes, je ... je fais quoi ?
J'aimerais bien me changer. Ils doivent être plus agréables à porter, les vêtements neufs. Et puis j'ai du mal à trouvé des trucs vraiment agréables depuis que je suis réveillée. Tout me semble un peu plus fade que d'habitude.

Je m'approche du sac qui contient les vêtements, jette un œil au gentil monsieur qui fait à mangé... et puis j'ai pas besoin de sa permission pour prendre mes vêtements quand même ! Alors je prend le sac et me dirige sans bruit vers la chambre. Me demandez pas pourquoi je fais pas de bruit, j'en sais rien. Peut-être pour pas qu'il me remarque ? Pourtant j'aimerais qu'il m'entende quand je lui dit :

-j'vais m'changer

Ce serait mieux qu'il l'ai entendu, parce que s'il arrive dans la chambre alors que je suis en train de me changer, ça risque d'être gênant.

Je fais vite. J'enlève mes vieilles fringues et enfile un pantalon et un t-shirt en restant bien dans le coin derrière la porte. Mais j'ai un ptit soucis avec le t-shirt... il y a un vice de fabrication ou quoi ? Ils ont oublié un truc... ouais, c'est bien ce que je craignais, il manque une manche. Va falloir faire un trou, comme pour celui d'avant. Mais il est solide, ce tissus, et j'ai peur de trop le déchirer en tirant dessus. Il faudrait défaire la couture sur le côté mais pas complètement, juste de quoi faire passer un bras. Remarque, il y a peut-être des ciseaux dans cet appartement. Je vais demander.

Je reviens dans la cuisine, avec un bras coincé jusqu'au coude dans mon t-shirt tout neuf et je m'approche du cuistot, lui fait toc toc avec un doigt sur son bras pour attirer son attention et lui demande un peu embêtée :

-vous ne sauriez pas s'il y a des ciseaux ici ?

Des pâtes? Ouf, je n'aurai pas à mentir. Et heureusement, parce que j'aurais eu du mal à lui mentir. Elle est jeune, innocente et a besoin de mon aide, ce serait salaud que de lui mentir.

Je l'entends prendre ses vêtements et aller se changer, ou plutôt je l'écoute. Ma paranoïa ne s'est pas calmée, et puis je ne la connais pas vraiment. Si ça tombe, c'est juste une manipulatrice qui a chauffé Samissou pour avoir une nuit au chaud. Oui je sais, c'est insultant pour elle, mais je suis parano, alors merde, hein !

Bon, elle a quitté la pièce en me prévenant qu'elle allait se changer. J'ai acquiescé, mais je ne suis pas sûr qu'elle l'ai vu, tant pis. Je n'ai pas le courage de lui répondre en parlant, je suis trop concentré sur ce que je fais.

"Remplir une casserole d'un litre d'eau", c'est fait. Maintenant, est ce que je mets du sel? Ca ne se mariera peut être pas avec le sucre après. D'un côté, le sucré salé personnellement j'adore, ça donne plein de goût à la nourriture. De l'autre, ce n'est peut être pas son cas. Et puis si ça tombe, d'habitude elle ne sale pas les pâtes donc elle risque de trouver ça dégueulasse.

...

Quelle dilemne!

Face aux dilemnes, une seule solution: faire les deux. Je prends donc une deuxième casserole remplie d'eau à laquelle je rajoute deux cuillères à soupe de sel. Je mets un peu d'huile pour que ça ne colle pas, et puis vais choisir les pâtes.
Spaghettis, spirelli, tagliatelle? Les spirelli on a pas besoin de cuillère, mais on mange ça comme un rien. Les spaghettis et tagliatelle c'est du pareil au même, mais peut être qu'elle préférerait l'un à l'autre.
Oh, et j'ai trouvé un bocal de bolognaise dans le sac qu'ils ont ramené. Donc, pâtes bolo ou pâtes au sucre? Le sucre c'est énergique et ça peut être très goûteux. C'est moins acide que la bolognaise, si elle a des problèmes d'estomac. Mais la bolognaise a quand même meilleur goût.

Deux dilemmes de plus.
Je pourrais lui demander, comme j'aurais pu lui demander pour le sel.

...

Vaye que vaye¹! Je sors quatre casseroles supplémentaires et
AH!!!!

On a fait toc toc sur mon bras, et on me demande des ciseaux! Pendant que je cuisine, quelle idée ! C'est Emilie qui est revenue. Elle a l'air toute penaude avec son bras coincé dans son T-shirt, alors je lui pardonne immédiatement.

Des ciseaux? Oui bien sûr, il y en a dans le tiroir.

Je vais les prendre et les lui donne.

J'ai aussi du matériel à coudre quelque part. Que voulez vous, faut bien entretenir son uniforme.

Au fait, que préféreriez vous comme pâtes? Spirelli, spaghetti, taglatelle? Au sucre ou avec de la bolognaise?

Je crois que je l'ai un peu agressée avec mes questions. Mais si ça me permet de ne pas cuisiner 9 sortes de pâtes différents (avec de la bolo, on met forcément du sel! Quoique... Allez, de toute façon je n'ai pas 9 casseroles, et encore moins 12).


¹ Point de faute d'orthographe, c'est du wallon. Plus ou moins synonyme de "à dieu vat".

Des pâtes au sucre ? Drôle d'idée.
Mais c'est bon le sucre... non c'est décidément pas un orthodoxe. Et puis le fais que je soit une mutante n'a pas l'air de le déranger.
Si ça se trouve, lui aussi il cache un truc quelque part sous ses vêtements, peut-être plus discret qu'un bras en plus. Ou peut-être qu'il n'a jamais eu d'implant. Mais en tout cas, il doit avoir l'habitude de côtoyer les mutants.
Maintenant que j'y pense, il avait pas dit à un moment qu'on était du même camp ? Peut-être avant que je dorme, je ne sais plus trop.

-taglatelle ?... avec de la bolognaise, s'il vous plais.

Et pendant qu'il prépare ça, je retourne dans la chambre avec les ciseaux.
Je repère à quel endroit doit passer le bras et enlève le t-shirt pour mieux couper le fil de la couture.
Je ne sais pas où est le nécessaire à couture du monsieur (qui apparemment habite ici) et je ne le lui ais pas demandé. J'aurais peut-être dû mais... enfin tant pis, je vais me débrouiller.
Il suffit de défaire la couture, de faire un nœud en haut et un nœud en bas pour que le reste ne se défasse pas, et voilà. Je renfile le tout pour voir si ça me va.
C'est pas mal. Plus propre que ce que j'avais fait avec mon ancien t-shirt (j'avais déchiré un peu n'importe comment et ça s'effilochait). N'empêche, trois mains pour faire des petits nœud, c'est assez pratique (il faut bien que ça ait des avantages, déjà que je dois retoucher tous mes vêtements).
En tout cas, je suis déjà plus présentable et libre de mes mouvements.

Bon, et maintenant ?
Les pâtes sont peut-être bientôt prêtes. Et puis je vais peut-être pas le laisser tout seul dans la cuisine.
Donc retour dans la cuisine. Mais cette fois, pour pas lui faire peur comme tout à l'heure, je viens me mettre à côté (un peu en arrière, je suis pas sûre d'être dans son champ de vision) de lui et attendant qu'il se tourne et me remarque de lui-même pour lui rendre ses ciseaux.

Bah... et les ciseaux ? Il a pas vu que je voulais les lui rendre ? Qu'est-ce que j'en fais maintenant ?
Je crois qu'ils étaient dans le tiroir là, mais comme je suis pas sûr, je vais les poser à côté de l'évier, qu'il les retrouve facilement.

Il a l'air pressé de passer à table, alors je me dépêche de le rejoindre dès que la table est mise.

Ça a l'air bon. J'ai une de ces faims.

-Bon appétit

Et là, ya pu de lumière. Panne de courant, sans doute.
Bah, ça m'empêchera pas de trouver ma bouche. Je tâtonne un peu pour trouver ma fourchette et mon assiette et j'attaque.

-hmmm !!

C'est vraiment très bon. Ça m'a surprise tellement c'est bon. Oh putain, j'aime ces pâtes !
Et je suis rassurée en même temps. Je me demandais si j'arriverais à apprécier autant quelque chose à nouveau, depuis que je me suis réveillée.
Mais deuxième main gauche cramponne la table pour encaisser un tel plaisir. Je me demande même si c'est pas encore meilleur dans le noir.

Je prend le temps de finir ce que j'ai dans la bouche avant de lui répondre (question de politesse et puis sinon avec ce que j'y est enfourné, il va rien comprendre). Mais j'ai tellement la dalle que j'avale un peu tout rond.

-non non, ça ne me dérange pas.

Voir même, je me sent presque plus alaise comme ça. Il ne peut pas me voir. Pas que je sois horrible à regarder... enfin je crois pas... quoiqu'il y en a qui trouve ça affreux, le bras en plus... enfin ça me gène un peu quand on me regarde trop. Là ya pas de risque. Il peut même pas savoir si je me gratte le nez, par exemple. Et il ne verra pas non plus si je mange salement. J'espère quand même que je vais pas me tacher avec la sauce.

Je tâtonne pour trouver à boire. Il me semble bien avoir vu un pichet sur la table. Mince, où il est ? Même en cherchant dans toutes les directions, j'arrive pas mettre la main de... dessus... oups, je crois que je l'ai un peu renversé... un peu beaucoup même. Il est passé où que je le redresse avant qu'il finisse de se vider sur la table ? j'entends que ça goutte par terre vers mon hôte. Olala ! Si ça se trouve il s'est tout pris sur les genoux. La boulette.

-Désolée

En cherchant à redresser le pichet, j'ai bousculé autre chose qui a roulé et est tombé par terre. Je crois bien que c'était verre. Paix à son âme.

-pardon. Qu'elle maladroite !

Bon, j'arrête de chercher. Je ramène toutes mes mains dans mon secteur avant de faire une autre bêtise.
C'est embêtant, mais c'est quand même pas ma faute si j'ai deux mains gauches.
J'aurais mieux fait de toucher à rien.

Je l'entend faire se déplacer, ramasser, nettoyer, se blesser et je m'en mord les doigts de culpabilité.

Je fais très attention à la bouteille qu'il ma mis dans la main, la manipule comme un objet très précieux à ne surtout pas faire tomber.
La bouteille dans une main, le bouchon dans l'autre (ne surtout pas le poser pour ne pas le perdre) et le verre dans la troisième. Si je tiens tout bien comme ça, ça devrait aller.
Mais vous avez remarquez comme les choses semble dix fois plus compliquées quand on est hyper concentré dessus et qu'on a peur de rater ?
Bon, le résultat n'est pas si mauvais, le me suis juste un peu arrosée la main et j'ai failli me tromper au moment de refermer la bouteille (avec le bouchon, ça marche mieux qu'avec le verre, mais avec toutes ses mains, des fois je m'y perd, surtout entre les deux gauches).
Heureusement qu'il fait tout noir et qu'il ne me vois pas. Quoique s'il ne faisait pas tout noir, j'aurais peut-être pas renversé et serais du coup moins embarrassée.

Je bois enfin mon verre d'eau et fini de manger sans oser dire un mot.

Le silence, c'est bien, c'est reposant. Sauf quand on est avec quelqu'un qu'on connait à peine. Si ça se trouve, ça le met mal à l'aise se silence. Peut-être qu'il s'ennuie. Peut-être qu'il m'en veut aussi, même s'il a dit que c'était pas grave. Et moi qui ait autant de conversation qu'un pied de chaise... Et puis je vois pas quelle tête il fait, je ne sais pas ce qu'il en pense de ce silence qui commence à me peser.
Si seulement on avait de quoi s'éclairer...

En attendant, il faut que je trouve un truc à lui dire, histoire de meubler un peu.
Mais qu'est-ce que je peux bien lui dire ?
Allez ! n'importe quoi, ce sera toujours mieux que rien. Un peu de courage que diable !

-heum... ça va ?

C'est... un peu nase. Mais c'est un début. Il faut bien commencer par quelque chose pour faire la conversation. Et plus j'aimerais vraiment savoir comment il va, ce qu'il pense de tout ça... Pourquoi il dit rien ?
aïaïaïe, je commence vraiment à avoir l'impression d'être un poids, une espèce de boulet qui ne sait pas quoi dire ni quoi faire de ses 15 doigts.

Il y a eu tout un temps sans que rien ne se passe vraiment. Pas un mot, on a juste terminé notre repas en silence. Ca m'a rappelé, avec un peu de nostalgie, le temps où j'étais toujours seul à errer dans la ville. Bon, d'un côté c'était encore le cas hier donc ce n'est pas trop lointain, mais je me demande... Est-ce fini? Pour de vrai? Pourquoi? Pourquoi pas? Ils m'ont probablement oublié, et j'ai changé mais... Puis-je? Pourrais-je?
Peut être...

-heum

WAAAAH haha, elle m'a fait peur. J'étais perdu dans mes pensées, et puis voilà qu'elle fait un heum. Bon, c'est discret un heum et ça aide à s'éclaircir la voix, mais... Il n'y avait rien d'autre, c'était le silence total et donc ça m'a surpris un peu.
C'est comme une femme en petite tenue: Dans un bâtiment de Valkyrie ça se remarque à peine, mais au beau milieu d'un tas d'ordure du quartier insurgé... Enfin, c'est peut être leur trip, "la liberté et la nudité, même combat"? Faudra que je lui demande. Elle n’a pas l'air d'être une nudiste. Et puis à poil dehors par ce temps...

-ça va ?

J'ai à peine entendu tellement j'étais surpris, donc ça m'a pris un peu de temps pour reconstituer sa phrase et y trouver une réponse adéquate.

Ca va, ça va... Au moins j'ai un petit peu de compagnie, car seul c'est plus ou moins déprimant.
Et puis il faut bien que ça aille. Si je ne vais pas, le reste ne va pas m'attendre, et ira sans moi.
Mais, et vous vous allez bien? Car quand je suis arrivé, ça n'allait pas très fort.

Il fait vraiment moche dehors, je pense qu'on pourra rester ici un certain temps. A moins que vous ayez quelque chose à faire?

Elle a dormi longtemps et s'est probablement bien reposé, mais je ne suis pas tout à fait rassuré. Dehors c'est plutôt la fin du monde que le paradis et Si on veut sortir il vaut mieux qu'elle soit en pleine forme parce que la ville ne nous fera pas de cadeaux. Mais si elle a quelque chose d'important à faire, ne vaudrait il pas mieux qu'elle le fasse?

Je m'inquiète, un peu. Pour elle? Peut être. Ou pour moi, peur qu'elle ne me ralentisse, que je n'aille pas si elle ne va pas, et que le monde aille sans nous. Ce n'est pas bien, c'est égoïste de penser ainsi. Mais il y a encore un an, je l'aurais tuée sans même me demander si elle a des sentiments.

Il y a un an j'étais un monstre en quelques sortes, alors je me rachète, je fais amende honorable. Peut être est elle mon ticket vers la paix intérieur.

Il apprécie ma compagnie
Il apprécie ma compagnie parce que tout seul c'est déprimant, qu'il a dit. Mais il apprécie quand même ma compagnie
Je suis rassurée
et même soulagée
contente
heureuse
émue
transportée de bonheur !

holà ! ça va hein, il apprécie ma compagnie, ya pas de quoi s'emballer non plus.

Mais c'est beau quand même, lui, moi, dans la même pièce, et juste parce que je suis là, c'est mieux pour lui. Je n'ai presque rien dit mais le soulage déjà du poids de la solitude.

Et il s'inquiète pour moi, comme c'est gentil !
C'est mignon... mais un peu embarrassant aussi. Je ne voulais pas l'inquiéter.
En plus je ne sais pas trop comment je pourrais lui expliquer ce qui c'est passé. C'est pas très décent. On va dire que ça ne le regarde pas, hein ? Pas la peine de lui dire que je suis une détraquée du plaisir et que j'ai buggé par excès. Je pourrais lui dire que j'ai eu un malaise à la limite... nan, je crois que c'est mieux de ne pas en parler, si c'est possible, ne pas éveiller sa curiosité.

-ça va... beaucoup mieux, merci

Même si des fois j'aimerais bien en parler, pouvoir me confier à quelqu'un... Seulement, je le connais à peine. Mais je ne connais pas grand monde plus que ça. Je parle pas beaucoup aux gens, je reste plus souvent dans mon coin... toute seule... d'y penser, je me sent encore plus heureuse d'être avec lui, dans la même pièce, même si je ne sais pas quoi lui dire.

Il parle du temps qu'il fait dehors. C'est bien.
Et il me demande si j'ai quelque chose à faire dehors, ça aussi c'est bien. Il me pose une question, comme ça je répond, moi qui ne savait pas quoi lui dire. C'est facile comme ça.

-non non... j'ai rien à faire... rien de spéciale...

Ça me fait parler, oui, mais pas beaucoup en fait.
Qu'est-ce que je pourrais bien lui dire d'autre ?

-... j'habite dans une cave

Je me rend compte que ça fait bizarre dit comme ça. Mais c'est le premier truc qui m'est venu.
Ya pas grand chose à faire dans une cave. C'est de la terre battue, alors je m'embête pas trop pour le ménage. Et de toute façon, avec ce qu'il tombe dehors, on ne doit plus pouvoir y entrer... ou alors avec un masque et des palmes, en nageant. Avec un peu de chance, ça la lavera, du sol au plafond.

Heureusement que je suis ici, au sec... et avec quelqu'un qui apprécie ma compagnie en plus. J'ai beaucoup de chance.
J'espère ne pas la gâcher, cette chance. Si je continue à lui raconte des trucs comme "j'habite dans une cave", il va me trouver bizarre et l'ambiance risque de devenir un peu tendue.
En plus si je vis dans une cave, c'est qu'il y a une bonne raison. Et cette raison là, j'aime mieux ne pas avoir à lui en parler.

-de l'orage, non... On est mieux ici que chez moi.

Encore un NOD... enfin ex-NOD.
Il parait que ces gens là sont fous à lier, dressés pour tuer, sans pitiés, conditionnés pour être très méchants.
Remarque, c'est pas le premier avec qui je sympathise, mais l'autre était un cyborg et il était en panne, comme tous les implants de la ville.

Lui, il n'a jamais été une machine. J'aurais trouvé ça plus rassurant. Mais je ne peux même pas me dire qu'il est en panne et que je ne crains rien.

Bon, il a pas l'air particulièrement dangereux, si ce n'est son gabarit.
Là il fait tout noir, je ne le vois pas. Mais je me souviens qu'il est loin d'être un gringalet, c'est un homme grand et fort, musclé, viril... ça doit être sa formation de NOD qui lui a donné ce physique là. Un corps de machine à tuer. J'en ai des frissons... mais j'aime bien ce genre de frissons. C'est encore pire si je l'imagine en uniform. Mais c'est pas bien de fantasmer sur l'ennemi !
Mais lui, c'est pas un ennemi puisqu'il a quitter les NODs. Même que je le trouve gentil.

Vivre un an tout seul à faire se faire passer pour mort, ça doit pas être marrant. Par contre, une question me trotte dans la tête. Un truc qui me turlupine.
Je devrais lui demander... mais c'est peut-être pas quelque chose qu'il a envie de me dire... c'est peut-être indiscret... je pourrais toujours lui demander plus tard... sauf que c'est maintenant que ça me tracasse ! et plus tard, j'oserais peut-être pas non plus.
Bon allez, j'me lance !
...
maintenant !
...
bon, je respire un coup, le temps de me préparer à l'idée et je lui demande...
...
allez !

-heum... je peux vous poser une petite question ?
Si c'est pas trop indiscret.
Sinon vous me le dites, hein, c'est pas grave.
Et même si je la pose, vous n'êtes pas obliger de répondre si vous ne voulez pas, si ça vous gêne ou que vous n'avez pas envie.
C'est juste une petite question.
... je peux ? Vous voulez bien ?

J'aurais eu plus vite fais de la poser tout de suite, cette question, mais au lieu de ça, je demande son accord, comme s'il pouvait refuser avant même de savoir ce que je vais lui demander. Mais pendant que je parle pour ne rien dire, je ne la lui pose toujours pas, cette question qu'il pourrait trouver embarrassante, je gagne du temps... même si ça sert à rien, puisque maintenant que je lui ai dit tout ça, il va falloir que je la pose... sauf s'il me dit qu'il ne veux pas que je la pose, mais ça, j'y crois pas trop... pourtant maintenant j'aimerais bien, d'ailleurs je croise les doigts pour qu'il me dise "non".
Mais c'est idiot puisque j'aimerais quand même connaitre la réponse à ma question, et sinon j'avais qu'à pas lui dire que j'en avais une à lui pose. Quelle crétine !

Bon bah voilà... c'est le moment... il faut que je lui pose ma question maintenant... allez !

-et bien... je voulais savoir... c'est peut-être indiscret, vous n'avez peut-être pas envie de m'en parler, ça ne me regarde pas, mais... enfin vous avez dit que je pouvais toujours vous la poser la question alors...

Alors il faudrait que j'abrège un peu, que j'arrête de tourner autour du pot, je vraiment finir par le saouler.
Qu'en faut y aller...

-... pourquoi vous avez voulu démissionner ?

Et qu'est-ce qu'il regarde comme ça par la fenêtre ?
Tient, j'arrive à voir qu'il regarde vers la fenêtre ?
Il y a de la lumière, d'où elle vient ?

Je regarde à mon tour vers la fenêtre et je vois cette... lueur... c'est quoi ? C'est beau... tellement beau... une lumière bleutée qui diffuse dans la nuit. Un étrange éclat si peu commun qu'il pourrait venir d'un autre monde.
Cette lumière, elle m'absorbe, emplie mon esprit. Elle est comme une invitation aux rêves, peut-être la porte du paradis grande ouverte et à notre hauteur, sur terre. Le ciel serait devenu fou pour nous envoyer le déluge et sa lumière divine en même temps ?

C'est grand... oui, c'est peut-être ça le mot, du moins ce que j'en ressent.
C'est comme un monument qui aurait décidé de changer de place.
C'est cette lumière dans l'obscurité, comme un espoir, comme la liberté de ressentir que je vole du matin au soir. C'est un abus de beauté, c'est le joyaux le plus pur changé en feu sacré qui irradie jusqu'à mes prunelles de pauvre mortelle.
Mes yeux se noient devant telle splendeur... et parce que ça m'éblouis mais malgré les larmes, je ne veux pas arrêter de regarder... je ne peux pas faire ça. Baisser les yeux serais un crime devant pareil spectacle. C'est exceptionnel, sans doute éphémère.
Combien de temps elle va encore briller ?

Je ne sais pas ce que c'est, mais je dois la voir, encore, mieux, tant que je peux, avant qu'elle ne disparaisse.

Sans la quitter des yeux, je me lève de ma chaise et marche religieusement vers la fenêtre.
La vitre froide où frappe la pluie est un bien triste obstacle. Elle m'empêche de voir clairement ce trésor. Alors je lève lentement les mains et ouvre la fenêtre comme un précieux écrin, les yeux toujours rivés sur l'horizon majestueux.

Le vent souffle avec rage et s'engouffre à l'intérieur. Je me prends la pluie en pleine face et me retrouve vite tremper.
Mes mains écartent mes cheveux plaqués sur mon visage.

Je la vois, la lumière...
C'est si beau
mais encore si loin...

Mon cœur bat la chamade, et un lourd frisson m'envahis.
J'oublie le froid, la tempête, tout ça n'a pas d'importance. Je veux me rapprocher pour mieux la voir, toujours plus près.

Un pied, puis l'autre,
me voilà debout sur le rebord de la fenêtre. J'attrape les coins des murs, affronte la bourrasque, les yeux toujours grand ouverts pour ne pas raté le moindre rayon bleuté, et je me penche en avant, toujours plus près...

Cette lueur qui grandi... c'est si beau... si beau... j'en ai les jambes en coton.