Vol au dessus d'un nid de coucou

J'évalue un instant la réaction de mon collègue à l'ouïe fine. Non, ça va, il boude. Je n'aurai peut-être pas besoin de laisser un cadavre de plus dans ce taxi.

Rassurée autant qu'on peut l'être avec un dingue pareil, je reporte mon attention sur notre invitée lumineuse, qui n'en mène pas large. Peu importe, puisqu'elle est d'accord pour répondre.

Je prends mon ton velouté pour la matraquer de points d'interrogation :

Tu as ça depuis quand ? C'est suite à un événement particulier ? Tu ne brilles pas tout le temps, alors qu'est-ce qui déclenche le phénomène ? Ça fait mal ? Tu as d'autres « particularités » ?

Prête à répéter les questions une à une, je prends mon air de maîtresse d'école indulgente.

Ok, je bouge pas. Je vais en profiter pour me faire les ongles.

C'est moi, ou Il fait la gueule, ce grand malade ? Je Le regarde par en dessous. Ils engagent vraiment ce genre de trucs, chez les NOD ? Ou c'est son côté destructeur de masse qui leur a plu ?

Mon p’tit sushi… non rien. Fait lui mal, j’aime ça.

Je déglutis. Pas envie d'avoir mal. Pas... envie... du tout. La voix douce d'Elle me parvient aux oreilles. Il est si tentant d'y répondre... Comme si on était sûr d'être pardonné... En même temps, j'ai pas demandé ce qui est arrivé, moi : si les gaines électriques étaient moins pourries...

Tu as ça depuis quand ? C'est suite à un événement particulier ? Tu ne brilles pas tout le temps, alors qu'est-ce qui déclenche le phénomène ? Ça fait mal ? Tu as d'autres « particularités » ?

Je cille. Peut pas aller moins vite ? Et puis j'ai du mal à les surveiller tous les deux à la fois, c'est chiant. Je réponds à voix basse, les regardant alternativement.

- Ça fait une semaine. J'ai pris le jus. Quand j'ai peur, que je suis nerveuse. Je ne sens rien du tout. Je ne crois pas.

Quelque soit la puissance d'éventuels détecteurs de mensonges, ça passera : je dis la vérité.
Ce que je cache ?
...
Que quand un bébé m'a souri ce matin dans le rue et que je lui ai répondu... J'ai brillé aussi.

Wow, c’est de l’interrogatoire musclé.
Je suis sur le cul.
Même pas une petite gifle ?, une petite lame bien affutée sur la jugulaire ? Regarde ça comme elle est gonflée par la trouille, prête à gicler, à déballer la pression et lâcher le sang rouge, épais… nada.
Un vrai poulailler. Et ça picore… blablabla… vachement instructif la discussion. Putain, je lui mordrais l’épaule.
Sans déconner, avec ce qu’elle a déballé, on a de quoi renverser la rébellion et coffrer tous les Insurgés. Et avec un peu de chance, on ramènera une colonie de rats et leur chef.
Raaa fait chier.

C’est samedi bordel !!

Là, je passe les détails, mais j’ai changé de banquette. Je me suis carrément étalé ventre contre dossier entre les deux poulettes, le sushi et l’omelette. Et j’ai chopé le chauffeur par le colbac. Je lui ai collé entre les dents un morceau de fin de vie, un couteau au paradis entre langue et palais, pour qu’il comprenne que rester sur place, c’est pas une bonne chose, et que j’ai envie que ça bouge putain !

Je me suis recadré sur ma banquette, en plein milieu comme un putain de pacha, les bras écartés vautrés sur le dossier, bien calé en face des poulettes, et la tête balancée en arrière, le regard pointé vers le ciel de verre.

Je crois que j’ai gueulé un : « Accrochez-vous les filles !!!!!!!!!! »
Pas le temps de terminer ma phrase que le chauffeur embraye et bascule à fond les manettes.

Alors ça c’est un truc qui me plait.
J’ai les dents scotchées aux gencives tellement ce con de chauffeur à mis la gomme.
On descend en piqué, à fond la caisse !

HiHAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!!

Putain, c’est bon !!!!
On remonte pire que la descente, le même piqué mais à l’envers, à fond la caisse encore.

OUAAAAAAAAAAOWWWWWWWW !!!!!!!!

J'AIME CE CHAUFFEUR!

Mais c'est qu'il commence à me chauffer, là, le frappadingue.

J'abandonne pour l'instant notre invitée en pleine lutte contre le vomissement. Je tends une main vers le col du chauffeur, le ramène d'une traction de notre côté du taxi, le jette tout hurlant sur les genoux du collègue.

Tiens, amuse-toi avec ça et fais pas chier.

Sans attendre la suite, j'enjambe la banquette, m'installe sur le siège encore chaud, redresse et enclenche le pilote automatique. Bon timing, on allait se crasher sur la paroi du dôme.

Hé, mignonne, rejoins-moi devant, on va laisser les hommes entre eux.

Histoire que tout soit bien clair, je me retourne et surveille l'incontrôlable de service. On m'abîme pas mon spécimen, j'ai bien l'intention de la ramener aux sœurs, et si possible en état de répondre. J'essaie de faire passer dans mon regard que sa vie, à lui, compte énormément moins que la sienne. Mais je ne suis pas très douée pour faire passer des choses dans le regard... Alors je précise :

Tu as ton joujou, tu me laisses le mien.

Je commence vaguement à me détendre -ma mort ne serait PEUT ÊTRE pas douloureuse, en fait- quand Il a un rien pété un plomb, sautant sur notre banquette pour vociférer des ordres au chauffeur, avant de se repropulser sur "sa" banquette et d'y prendre une position d'attente.

J'ai à peine le temps de me remettre de la frayeur ressentie que cette fois-ci, c'est le chauffeur qui disjoncte : il descend en piqué sans préavis... m'envoyant m'écraser en plein sur Lui.

Je pousse un couinement horrifié et tente de rouler sur le côté avant qu'Il ne puisse réagir -de façon sans nul doute négative- quand le chauffeur passe la surmultipliée vers le haut cette fois ci, me renvoyant heurter ma banquette avec un halètement de douleur mais aussi de soulagement.

C'est là qu'Elle réagit en chopant le chauffeur par le colback et en l'envoyant Le rejoindre sans ménagement, puis en rétablissant le pilote automatique, avant de s'installer confortablement aux commandes.

Je crois que je vais vomir.

Hé, mignonne, rejoins-moi devant, on va laisser les hommes entre eux.

Laisser les... J'étouffe un élan de pitié -qui suffit pour allumer ma main- envers le malheureux chauffeur et j'enjambe les dossiers pour me laisser tomber dans le siège passager, dos à la portière : comme ça, je peux plus ou moins mater tout le monde, et , c'est idiot, mais je me sens mieux.

Jusqu'à ce que j'intercepte Son regard à Elle. Clairement préventif.

Tu as ton joujou, tu me laisses le mien.

Ouais. Je pense qu'il vaut mieux que je tente de faire semblant de pouvoir être utile le temps de me jeter de ce foutu taxi. ... Si je peux.

Ah ouais ! Ça décoiffe putain et j’aime ça ! Une N.O.D qui a de la suite dans les idées, merde, c’est pas courant dans le bénitier qui nous sert de dortoir.

Mère Theresa prend des initiatives ?

J’oublie made in japan pour me consacrer à mon jouet.

Salut Chauffeur, moi c’est Mad.
Quel est ton petit nom ?

Il bafouille ? Ou c’est moi qui ai les oreilles qui grésillent ?

Tu m’agaces déjà.

Regarde moi cette merde. Il fait dans son froc, et c’est sa putain de banquette, son taxi de merde, son gagne pain, et il chie sur la banquette.

Putain, tu schlingues !
Sors de là…
Sors de là, j’te dis !!!

Hey, Barbie Nem, mets le frein, le monsieur descend ici.

Y pue ce con, je le touche pas, je dégomme un coup de latte dans la portière, ouverture directe sur les grands boulevards, le vent dans les cheveux, et le vide sous les pieds, la poudre d’escampette pour animal rampant.

Je pousse Du Con de la banquette, à coups de pieds, il empeste trop ce cafard.

Saute…
Saute !!!
Ou je m’énerve.

Dégage j’te dis !!

Y m’énerve… et elles aussi, elles m’énervent à faire la causette pour rien, on s’en fout d’elle, de ce qu’elle est, de ce qu’elle fout ici, et sa main qui sert de lampadaire, on s’en fout, y a qu’à lui trancher ! Ça fera une lampe de poche.

Sio…
P’tite chérie…
Pousse-le.

Mère Theresa prend des initiatives ?

Je hausse un sourcil, examine rapidement les options de répliques.

J'ai l'air d'une bonne sœur ?

Sourire n°7, provocant. Ma petite souris est venue se nicher à l'avant. On est tranquilles pour un moment, là, non ?

Ah non.

Mad ? Mad ? Pourquoi pas, après tout. Je m'appelle bien Beauté, moi.

Mad, donc, fait tout un chambard à l'arrière. La portière s'ouvre à la volée, sécurité explosée par son coup de grolle. Devant moi, un voyant rouge se met à clignoter sur le tableau de bord.

J'immobilise le taxi au-dessus d'un toit plat. Bien au-dessus. 37,50 mètres très exactement. Le chauffeur n'a aucune chance de survivre à la chute.

Sio…
P’tite chérie…
Pousse-le.

Je fronce les sourcils. On avait dit que la souris était mon jouet, pas le sien. Mais je ne proteste pas davantage, et me contente de regarder Sio, attendant de voir ce qu'elle va décider.

Je le savais.
Je le savais que ça pouvait pas bien se passer à l'arrière.

L'espèce de fou furieux -son nom lui va terriblement bien en fait- a tellement terrorisé le chauffeur qu'il en fait sous lui et l'odeur est telle que je me demande un instant si je ne vais pas vomir.

Et -PUTAIN !- Il a défoncé la porte à coups de pieds ! Je Le regarde, bouche bée. Mais ils sont tous montés sur os en adamantium, chez les NOD, ou quoi ?

Sio…
P’tite chérie…
Pousse-le.

... Qu-quoi ? Mon regard va d'Elle à Lui, et je note enfin que nous sommes en stationnement au dessus d'un toit. ... Vachement bas, le toit.

Je clignote comme un stoboscope.

Je pourrais peut être...

Je me lève, comme incapable de résister à l'ordre, passe à l'arrière sans toucher aucun des deux occupants, me penche au-dessus du vide et recule. Regard en coin vers Elle. Mordillage de lèvres. Petite voix.

- Je peux pas le pousser... C'est bien trop haut, il va se casser... Vous pourriez... ?

Quelle poisse ! Elle a des états d’âmes ! Et ça veut faire la révolution ?! Mais, il va falloir te laisser pousser une paire de couilles bordel !!!

Pousse-le, merde !!

T’as de peur de quoi ? Qu’il se brise la nuque sur le toit ?

Mais Chikita, c’est pire que ce que tu crois.

Tu vois, à vue de nez, doit bien y avoir dans les 35-40 mètres de chute. Tu prends l’apesanteur, l’accélération qui va avec, t’ajoutes un peu de résistance de l’air pour limiter les dégâts, en espérant que ce con ne tournera pas de l’œil, et qu’il va écarter les bras comme un putain de piaf, et… une omelette dans une marre de sang. Ouais, une belle omelette baveuse.
Je gage sur un écrasement du crane et de la cervelle. T’auras du jus de cervelle sur le béton, des cellules grises mêlées au sang et aux bouts de cervelle éparpillés.

Quoi qu’il a pas l’air très malin. C’est pas la tête qui passera la première, vu son gros bide, il va se vautrer à plat comme une grosse merde. Tripes en bas, ça va gicler putain !

Pousse…

Mais pousse !!!

Fait chier putain, faut tout se coltiner.

Je chope la main qui brille comme un néon de supermarché. Je referme mon poing sur le sien, un poing bien fermé, dur comme une putain de saillie. Et je frappe sa gueule de toutes mes forces, avec tout son poids, je frappe. Et frappe encore, et encore, jusqu’à lui exploser les arcades sourcilières et puis le nez. Ça fait un bruit de craquement : l’os du nez brisé. Ça pisse le sang, son visage est maculé rouge et au milieu deux petits yeux noyés dans la marée rouge.
Ils implorent la pitié ? J’connais pas.

J’arrête mon poing et le sien soudés l’un dans l’autre. Je stoppe nos poings enserrés juste avant le dernier coup, suspendu au dessus du visage ensanglanté et des petits yeux mouillés. Et je la regarde. Je veux voir sa gueule, je veux voir son dégout, je veux voir la haine qu’elle a pour moi de l’obliger à fracasser un inconnu, un innocent. Ouais, je veux voir ses yeux, son regard qui doit pas comprendre, ou qui comprend trop bien ce qu’elle est en train de faire.

Souries chérie, t’es en train de buter un type…

Et j’envois la sauce, de toutes mes forces, j’entraine son poing et le mien dans le dernier acte, le coup fatal. Un grand floc de sang qui éclabousse jusque sur ses joues.

Le type est chaos. Ses mains glissent inertes sans force. C’est la chute.

Compte maintenant !
Chaque mètre…
Un mètre après l’autre…

Flouc.

Tu l’as buté
Tu es une vilaine fille.

Barbie nem, il faut la punir. Elle a été très méchante. Elle a buté un type.

J'observe. Et tandis que les cris, la puanteur, la haine et la peur qui m'arrivent de l'arrière saturent progressivement mes capteurs, je sens une émotion très humaine monter en moi : la colère. J'essuie machinalement quelques gouttes de sang qui sont venues déparer l'ivoire de ma peau synthétique.

C'est toujours une surprise, quand ce qui subsiste en moi d'organique se manifeste. Une surprise agréable, même quand l'émotion en question ne l'est pas. J'ai envie de laisser grossir cette colère, de la laisser exploser et réduire en miettes son objet. Ça tombe bien, il m'est indifférent, et ce qui déconne dans mon processeur d'empathie s'est reporté sur la souris.

Posément, je repasse à l'arrière, referme la portière qui continue à bailler un peu, fermeture complètement HS.

J'adresse le n°10 (apaisant et maternel, pour ceux qui suivent) à une Sio en plein stress traumatique, dont les veines éclairent l'habitacle a giorno, au rythme de ses battements de cœur emballés. Doucement, je la pousse vers l'autre portière, celle qui est intacte.

Puis je me tourne vers le fauteur de trouble. Je désactive mes inhibiteurs, et une fraction de seconde plus tard, il se retrouve la tête collée contre le plafond, maintenu par ma main serrée sur son cou.

Tu commences sérieusement à me gonfler, chéri. Je t'ai sauvé la mise, et tu n'as pas arrêté de merder. J'avais besoin de cette fille en bon état, pour des raisons qui te dépassent complètement, pauvre épave. Et regarde un peu ce que tu en as fait. Alors donne-moi une seule bonne raison pour ne pas te tuer, là, maintenant. Une seule.

Je desserre légèrement ma prise sur sa gorge. Qu'il puisse répondre.

Contact.

Une main sur la mienne, qui forme un poing, une boule, une pierre.

Contact.

Les yeux du taximan, qui se remplissent de... résignation et de larmes de douleur.

Contact.

Ses yeux à Lui, cherchant à capter quelque chose dans les miens. Colère, haine, peur... Il en sera pour ses frais : je suis en surcharge, je crois que je ne ressens rien, simple spectatrice d'une mise à mort crade.

La preuve ? J'entends plus rien. Ni le vrombissement du taxi, ni les cris du type, ni ce qu'Il dit, Lui. Je dois me concentrer pour y voir, maintenant, alors que mon champ de vision se réduit, entouré d'un halo gris, et qu'un bourdonnement sourd envahit mes oreilles.

Il vaut mieux, je crois.
Parce que le conducteur vient de passer par la porte ouverte.

Je ferme les yeux.
Perte du contact, juste la sensation de quelque chose qui m'enserre la main.

On me tire, doucement, vers l'arrière. Ah.
Je suis pas morte, au final.

Je rouvre les yeux sur une scène qui réussit à me faire sursauter.

Elle Le tient par la gorge. Mes oreilles semblent se déboucher progressivement, comme si inconsciemment, j'enlevais le filtre.

Tu commences sérieusement à me gonfler, chéri. Je t'ai sauvé la mise, et tu n'as pas arrêté de merder. J'avais besoin de cette fille en bon état, pour des raisons qui te dépassent complètement, pauvre épave. Et regarde un peu ce que tu en as fait. Alors donne-moi une seule bonne raison pour ne pas te tuer, là, maintenant. Une seule.

...

Moi, j'en ai une, de raison. Reste à savoir si elle sera suffisamment bonne pour Elle.

- C'est ce qu'il cherche, Madame. Que quelqu'un le tue. ... Je crois.

Par contre, si vous voulez lui faire très, mais alors TRÈS mal... Je suis pour.

Ouais c’est ça, tue-moi. Si tu peux.

J’ai connu pire. Le plafond est molletonné. Si tu me lâches pas, je vais t’arracher le bras avec les dents.
Dans le doute, je vais me cantonner au basique, un truc efficace, un peu de vice dans ce monde de bruts, ça devrait pas faire tache.
Un vieux truc d’école ça. Un de ces vieux tours de passe-passe qu’on apprend au centre de conditionnement NOD. Et elle, elle sait pas…

J’ai la gueule dans le plafond, mais les mains libres comme l’air. Admire les mimines, chérie baby.
Et ouais, c’est là que j’en balance une exactement là, entre ses cuisses. C’est moche hein ?
J’enfonce la main et je serre en tenaille pubis-sexe, un duo terriblement douloureux avec une poigne de fer. Je lâche plus, comme un putain de lézard qui se décroche les mâchoires pour immobiliser sa proie.

Normalement, un truc pareil, ça met au tapis n’importe qu’elle femelle…

Elle… y a un truc qui cloche.

Sauvez par le gong. Son crachoir émetteur annonce une bombe dans le quartier des Harbours.

La gueule dans le plafond, j’arrive à marmonner un truc qui dit qui faut y aller. Je crois que j’ai ajouté un Barbie nem quelque part.

- C'est ce qu'il cherche, Madame. Que quelqu'un le tue. ... Je crois.

Je lâche entre mes dents :

Sans blague ? J'avais pas remarqué. Je crois que je vais lui faire ce plaisir.

Comme prévu, il tente une prise en traître. L'endroit choisi, par contre, me prend au dépourvu. Encore plus vicieux que je ne pensais, l'animal !

Le sourire n° 17 se dessine sur mes lèvres sans que je l'aie vraiment décidé. Les parois de métal se referment sur ses doigts, pas assez pour lui broyer les phalanges, mais de quoi faire très mal. Je relâche.

Ça te plaît, l'étau de velours, chéri ?

Rha, mon com a un truc à dire. C'est toujours quand on s'amuse qu'on est dérangé.
Bon, j'ai deux options :
1) Je tue le frappadingue et j'emmène la souris au QG. Ça veut dire désertion, couverture foutue, une nouvelle identité et un nouveau visage à me construire.
2) Je fais ma bonne petite NOD et je vais m'occuper de cette bombe avec mon cher collègue. On fait quoi de la souris ? Je m'assure comment qu'il se taira ? Mais si une soeur est prise dans le souffle de la bombe ?

Le dilemme a duré quelques fractions de seconde. Je lâche le cou de Raving Mad.

Au boulot, poulet.
T'auras appris un truc ce soir, sur les nouveaux NOD cybernétiquement augmentés. Tu peux essayer de refaire le con avec moi, si vraiment tu tiens plus à la vie. A toi de choisir.

Je me tourne vers la souris pour lui annoncer avec une certaine tristesse qu'elle ne va pas survivre, finalement.

Mais... Elle est où ? Putain, elle a pris le volant ! Ça m'apprendra à triper sur les émotions humaines, la baisse de vigilance qui va avec signe notre arrêt de mort. Parce que là, on est quand même très près du sol. Et on va quand même très très vite.

Adieu les soeurs...

Ils sont très occupés, là... Peut être que...

Je glisse jusqu'aux sièges avant, enlève le pilote automatique. Ma main brille tant que ça en devient stroboscopique, éblouissant. J’enclenche la ceinture de sécurité. Je baisse le "volant", pointe le nez du taxi vers le sol. Pleins gaz.

Il y a des bombes quelque part ?

Très bien.

Celle qui va leur tomber sur le coin de la gueule, personne aura pu la prévoir, même pas les rebelles.

Je sais pas trop où on est, mais c'est super coloré, comme endroit. Je vise au plus vif.

4
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3
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2
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1
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Impact !

Mon monde éclate.

/...

System reboot...

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Launching Cybows 42...

J'ouvre les yeux sur un enchevêtrement de métal et de plastique tordus.

Premier réflexe : lancer le programme de diagnostic.

Bonne nouvelle : rien n'a morflé, sauf les jambes. Mauvaise nouvelle : les jambes ont salement morflé. En visuel, il y en a une qui est arrachée, l'autre écrabouillée. Magnifique. Sans compter que mes intérieurs de chrome et de câblage sont offerts à la vue des badauds.

Badauds ? Je scanne en vitesse les abords du crash, en profite pour constater que notre pilote improvisée et le grand malade sont tous les deux vivants. Ils dégagent de la chaleur mais ne bougent pas.
Il y a un attroupement, en effet, mais ce qui reste de la carrosserie me masque. Bon. On est à Chinatown. Bon.

Il y a du réseau, et ça c'est encore mieux.

027-Mei aux soeurs, 027-Mei aux soeurs, appel urgent...

- Bien reçu, 027-Mei, nature de l'urgence ?

- Crash véhicule volant, jambes HS, venez me récupérer en vitesse, les filles...

- Bien reçu 027-Mei, équipe en route, terminé.

Quelques minutes à attendre. J'élabore des plans au cas où les secours humains arriveraient avant les soeurs.

Tiens, la souris bouge.

Ow putAIN !

Je me "réveille" en sursaut, ce qui a pour effet de déclencher une douleur intolérable dans mon bras gauche. ... Mais il a fait quoi aux puissance maléfiques, ce bras, hein ?? Je crois que j'ai un peu gémi. Ou crié. Je sais pas.

Et... les autres ?

Je débranche ma ceinture, comme je peux, et je me retourne.

Aouch. Ça a morflé, à l'arrière. Pour un peu, je culpabiliserais presque. Lui, il saigne un peu, apparemment. Je m'approcherai pas pour vérifier : Il est fichu de me mordre. Elle... Elle disparait à demi sous des tôles, et elle respire aussi. Je grimace. C'est moche, mourir écrasé, ça prend du temps.

- Je suis vraiment, vraiment désolée... Mais je veux pas mourir.

Le secours vont pas tarder à arriver, ou pire, les NOD, pour vérifier si on n'est pas une bombe. Faut que je me taille vite fait.

Je passe par la fenêtre comme la porte veut pas s'ouvrir... Ça me prend un temps fou, et je manque m'évanouir trois fois dans l'action, mais je réussis à me barrer.

Plusieurs rues plus tard, je me laisse tomber dans une encoignure de porte. Bon. Je suis où ?

(Là)

La souris a filé dans un petit trou, comme font les souris. En s'excusant... C'est étonnant, la capacité d'empathie des humains. Syndrome de Stockholm peut-être ?

Les soeurs, déjà. Nous sommes efficaces... Nous sommes parfaites.

Elles sont en uniforme du service médical des NOD, elles pilotent un véhicule du service médical des NOD, et je leur adresse l'image d'un pouce levé.

Si les badauds de Chinatown sont étonnés de voir sortir deux bombasses en blouse blanche du véhicule officiel, ils n'en montrent rien. D'ailleurs, ils ont une méchante tendance à aller voir ailleurs s'ils y sont. Ce quartier est un nid d'insurgés... La petite Sio s'y trouvera bien.

Les soeurs ramassent mes différents morceaux, effaçant dans le véhicule toute trace de ma présence. Une civière recouverte d'un drap cache opportunément ma ferraille, et je mets à contribution mon réservoir d'hémoglobine pour faire vrai. Dans le même but, je hurle et fais semblant de tourner de l'oeil.

Embarquez l'humain aussi, sinon ça sera louche.
Bien reçu.

Avec les mêmes précautions, elles installent Totally Nuts sur une civière et font rouler celle-ci dans le véhicule, à côté de moi.

Une fois les portes refermées, j'arrête mon cinéma, me redresse et lui fouille les poches. Pilules, ID, laser, matraque. Sa dope, il peut se la garder ; je m'approprie les armes, c'est toujours ça de pris, et enregistre les renseignements de l'ID, ça peut toujours servir.

Vous me le larguez devant la Centrale, les filles ?
Si tu veux, 027.

C'est ainsi que Mad Hatter, matricule on-s'en-fout et âge on-s'en-balance, est amené par deux accortes infirmières jusqu'au centre de la toile NOD. Elles expliquent qu'il a juste une grosse bosse, mais que sa collègue, elle, est gravement blessée et doit être amenée à l'hôpital de toute urgence. Elles ne s'attardent pas, elles ont une vie à sauver, quand même.

Je vais bientôt avoir de nouvelles jambes. Et je vais me faire engueuler par Saline. Ô joie...

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