On était encore en train d'aménager un peu la salle - comprenez, de pousser le bordel dans un coin malgré les protestations d'Emilie - quand mon transmetteur a encore grésillé.

- Allo les enfants, on est dans les temps. Krebs, soit prêt à être rapatrié parce qu'on a pas de temps à perdre.
- Sans blague ?! Qu'est ce qui se passe ?!

Wola, c'est quoi le bordel? Pourquoi Krebs a l'air agité comme ça? Sourcils froncés, je m'arrête au milieu de la salle, et porte la main à mon oreille pour l'isoler un peu du bruit et tenter de comprendre ce qui a pu se passer. Samuel a pourtant l'air d'un pro...

*CRRR*

- April ? Krebs. Samuel a utilisé le pare-choc de sa voiture comme sédatif. On retrouve ses morceaux et on arrive !
- DE QUOI?!

Merde, il a coupé. Ptit con va. Sidéré, j'enlève mon transmetteur de mon oreille et reste le fixer dans ma main, presque comme si c'était lui qui venait de heurter notre mentaliste. Il lui a roulé dessus...
Et l'autre qui parle de morceaux, j'espère que c'est une blague...

- Oh non non non non non, ça va pas du tout, pas du tout...
- Qu'est-ce qu'il se passe Ap'?
- Déjà, m'appelle pas comme ça. Ensuite, il se passe qu'ils ont roulé sur le colis!!
- ... Oh.
- Oui, oh. J'suis pas un expert en la matière, mais je crois que les cadavres, pour faire du chantage, c'est pas c'qu'il y a de plus efficace.

Le mec en face de moi soupire. J'ai pas retenu son nom, j'suis pas doué pour retenir les noms. Si on avait des surnoms funs pour la mission, je suis sur que ça marcherait mieux pour m'en souvenir.

- Pas la peine de t'énerver sur nous, c'est pas nous les boeufs dans l'histoire...
- Oui, désolé...

Et de grommeler pour moi même "Samuel tu vas voir qu'on va lui rouler dessus aussi à ta paye putain..."

Je suis souvent appelé pour des patients. Régulièrement.
Par contre, appelé pour un futur patient, ca ne m'étais jamais arrivé. Il faut un début à tout, comme dirait l'autre.

April a grandit, c'est sûr, mais ce qui me frustre le plus c'est qu'il est maintenant à fond dans ces petits groupes de racailles d'insurgés, prêt à faire des mauvais coups. Je l'avais prévenu que je ne ferais rien, mais il faut croire que je suis trop gentil.

Et maintenant, je me retrouve dans un espèce de hangar de hippie mécaniciens pour réparer un type renversé par une voiture. Se prendre une voiture de face, c'est pas bon pour la santé, croyez moi.


J'ai collé un de ses appareils hi-tech hors de prix sur sa gorge, pendant quelques secondes, et après un large bip sonore, l'écran afficha les résultats : Les ondes cérébrales paraissent bonne, le pouls est régulier, la pression sanguine est pas mauvaise... Les seules perturbations proviennent du fait qu'il n'est pas aussi humain que nous.
Forcément, quand on découvre des mauvaises surprises comme ca, on a tendance à grommeler dans sa barbe :
« April, un mentaliste ?! Tu capture des mentalistes, t'a pas honte ? Que dirait tes parents ? Et tout cassé, en plus ! »

Je me suis retourné et ais-fait face aux rebelles :
« Bon, il est en forme. Pas tout neuf, mais en forme... Faut juste attendre qu'il se remette de son choc, et voir s'il n'a pas une commotion cérébrale. »

Une des racailles hocha la tête et leva le camps du hangar avec son complice, et le mentaliste en profite pour refaire surface.

- Y’a guégun ? Aiyé-moi !

Il est sérieusement dans les vapes. J'entrouvre ses paupières et y projète un peu de lumière avec un pointeur. Il réagit bien à la lumière, il va se remettre, c'est juste une question de minute.
Nouveaux tests, nouveaux relevés, résultats aussi positifs que la première fois.

« Bon, votre homme est vivant et en bonne santé... Il faut juste attendre qu'il émerge. D'ici, oh, une ou deux minutes.... »

Bah oui, un mentaliste.
C'est peut-être pour ça que Newton est en surchauffe depuis qu'ils ont ramené l'otage. J'ai un peu de mal à le tenir, je dois le rappeler à l'ordre tout le temps.

-Newt, sage, saaaage... c'est des amis. Il faut pas leur faire de mal. D'accord ?

Des amis, des amis... je les connais à peine. Et en plus ils m'ont tout déplacé mes affaires, je ne vais plus rien retrouver ! Ils auraient pu prévenir qu'ils leur faudrait autant de place, j'aurais commencé à ranger bien avant qu'ils arrivent. Pfff ! r'gardez moi ce chantier ! Mais bon, c'est pour la bonne cause.

Et puis j'ai intérêt à rester zen, j'ai l'impression que Newt sent ces choses là, comme s'il avait une espèce de sixième sens. Pourtant, je sais bien que ce n'est qu'une machine, mais des fois, j'ai l'impression qu'il comprend tout ce que je dis et même plus.
Et plus les gens qui me rendent visite me contrarint, plus il est sur la défensive.
Là, il arrête pas de braquer son canon sur tout le monde. Même le docteur, il l'aime pas. Il faut dire qu'il a l'air pas net celui-là.

L'otage semble revenir à lui.
Ça m'inquiète cette histoire, même s'il avait les yeux bandés en arrivant. Si jamais il connaissait l'adresse je risquerais d'avoir de sérieux ennuis.
Mais bon, c'est ça la vie de rebelle. Il faut prendre des risques. Et ils vont avoir besoin de moi.

Pour l'instant, je préfère les laisser gérer. Je ne voudrais pas les gêner en étant dans leurs pattes... Et s'il me voit, ce mentaliste ? Il va se souvenir de mon visage une fois qu'on l'aura relâcher... Au fait, on va bien le relâcher à un moment ? Mince, j'avais pas pensé à ça, mais si ça se trouve, ils vont le torturer et le tuer après, ici, dans mon atelier. Ça va être moche. je ne sais pas si je vais supporter ça... En plus j'ai plein d'outils à leur prêter, s'ils ont besoin de le faire parler. Ah non ! Berk ! Faut pas que je commence à imaginer des trucs pareils. Mais quand même, je devrais peut-être m'y préparer... au pire, je m'enferme dans le bureau avec Newt, si ça devient trop gore.

*Soupir*

Mon oncle. Oui, il n'y avait que lui que je pouvais contacter pour soigner un possible futur cadavre. Heureusement qu'il a un semblant de conscience professionnelle, même si celle ci est bien éloignée de celle de ses confrères.... Une chance aussi qu'il ai passé la faille, lui aussi. Comment je l'ai retrouvé? C'est une autre histoire.


- Merci tonton... T'en fais pas pour mes parents, ça fait 100 ans qu'ils sont morts, et ils n'ont même pas de tombe dans laquelle se retourner.

Le mentaliste s'agite, et se met à hurler. Lassé, je me bouche les oreilles. Ouf, déjà fini... S'il avait continué, j'aurais envisagé de l'achever avec le tabouret hyperactif d'Emilie. Je regrette déjà qu'il récupère ses esprits. Dommage, Samuel le grand génie est parti, sinon il se serait surement fait un plaisir de le renvoyer dans le coma.
Hé oui, désolé coco, mais t'es un chien du gouvernement, donc je t'aime pas. Ca m'aurait soulé que tu claques, mais uniquement pour les besoins de notre mission. D'autant que mon informateur aurait sans doute refuser de me balancer un de tes copains, vu comme je l'ai remercié la dernière fois...

- Bon, on pourrait peut être en profiter qu'il soit encore dans les vapes pour faire l'enregistrement non? Comme ça on voit qu'il est vivant sans qu'il soit trop chiant.

Je n'ajoute rien de plus, car aussi idiot que ça puisse paraitre, je n'ai aucune idée de nos revendications. Enfin, si, une vague, mais rien de plus. On m'a appelé pour aider, j'ai accepté, pas besoin d'en savoir plus. Je suis toujours ravi d'aider la bonne cause... Même si celle ci nécessite de presque tuer un type. De toute façon, si ça se trouve, dans trois semaines c'est lui qui aurait tenté de nous faire la peau...

L'enregistrement !
Il faut que je m'occupe de ça.
Bon bah... quand faut y aller...

Je quitte mon coin de mur, demande une dernière fois à Newton de ne pas bouger et de rester sage et je ramène le matos vers le prisonnier.

-J'installe ça tout de suite, j'en ai pas pour très longtemps.

Il me voit le mentaliste ? Ohlàlà ! oui, je crois qu'il m'a regardé.
Il a pas l'air en forme.
Il m'a fait peur quand il a crié. C'est parce qu'il a mal ou il a juste peur ? les deux sans doute. A sa place, je serais pas rassurée non plus. En plus apparemment ils l'ont percuté avec une voiture, le pauvre.

Nan mais faut que j'arrête de m'apitoyer sur son sort. C'est un ennemi, un de ces chiens qui nous traque comme du vulgaire gibier ! Et puis si je commence déjà à m'inquiéter de son sort, qu'est-ce que ça va être quand ils vont commencer à le torturer...

Bon au travail !
J'installe les trois trépieds autour de la table pour mettre les caméras à la bonne hauteur. C'est pas du matériel très récent et j'ai du le retaper un peu, mais c'est suffisant pour faire un enregistrement holographique en couleur et en 3D d'assez bonne qualité et avec le son. Ensuite je fais les branchements.

-Faites attentions aux fils... ne pas vous prendre les pieds dedans...

Ce serait ballot qu'ils foutent tout par terre pendant que ça enregistre. Et puis c'est un peu fragile quand même, faut faire attention.

Je relis le tout au petit boitier de commande, j'allume le bazar, j'appuie sur bouton avec un rond rouge, le petit voyant s'allume et...

-Ça y est, ça enregistre.

C'est à eux maintenant, s'ils veulent passer un message au gouvernement. Mais ce serait peut-être plus prudent de leur envoyer par écris avec la vidéo plutôt que de parler maintenant ou pire, de se filmer avec. En tout cas, personnellement, je tiens pas à être sur le film.

Bon, il va bien, c'est le médecin louche qui le dit donc ca doit être vrai. Il a vraiment une drôle de tronche, ce gars là.

J'ai scanné les vêtements du Mentaliste occupé à crier pendant qu'April répondait au médecin douteux... Aucun arme, ni rien d'électronique sur lui.
Tonton ?
L'alcoolo loqueteux, c'est son oncle ? Bah, il a l'air louche mais réglo.

« Il a rien d'électronique sur lui, donc pas de mouchards. Ne nommez plus personne, il va bientôt sortir de son état brumeux selon le... Euh, doc machin, et il pourrait entendre ce que vous dite. Essayez d'en dire le moins possible. »

J'ai remplacé les cordes sur ses bras par des menottes auto-verrouillables en polychrome d'acier : Ça me rassure, contrairement aux cordes qui paraissent tellement... Antiques. Puis j'ai placé un simple bandeau de tissu sur ses yeux, suffisamment opaque pour qu'il n'y vois rien d'autre que la nuit. Une nuit froide et obscure !... Bon, là, je métaphorise, mais en gros c'est ca...
La petite diode sur les menottes indiquent qu'elle fonctionnent correctement. Bien.

J'ai posé ma main sur l'épaule d'Émilie, et j'ai chuchoté à voix basse :
« Merci de nous héberger. Promis, on t'embêtera le moins possible, c'est déjà gentil de ta pars d'accepter sa présence et la nôtre ici... »

Puis j'ai tourné mon regard vers April.... On va le garder combien de temps ?...

-J'installe ça tout de suite, j'en ai pas pour très longtemps. Faites attentions aux fils... ne pas vous prendre les pieds dedans...

Les cagoules ! J'ai envoyé une cagoule à April, et j'ai enfilé la mienne le plus vite possible en camouflant mes cheveux longs dans l'arrière de mon manteau.

- Ça y est, ça enregistre.

J'ai toussé, et j'ai pris la parole à coté de Lewis :

« A ceux et à celles qui s'imaginent qu'ils sont tout puissants. Nous sommes les traqués, les humiliés, et tous ceux que vous trainez dans la poussière.
Sachez que nous sommes nombreux dans les rues de votre ville, et que nous lutterons tant que persisterons les inégalités sociales, le racisme génétique envers les malheureux ayant subis des troubles dûs aux manipulations honteuses sur la génétique financé par VOS soins, l'élitisme économique et tout ce qui découle de votre politique fachiste !
Nous lutterons de toute notre force contre le dictat des médias, de l'argent et des polices de pensées...

Aujourd'hui, nous avons capturé un des vôtres, afin de montrer une infime partie de ce que nous pouvons, de ce que nous ferons si vous continuez dans votre voie.
Nous possédons énormément de pouvoir, croyez le, et nous nous en servirons.

Notre capturé ? Lewis Golden. Un de vos.... Mentalistes. Un de vos précieux petits protégés.

Si vous ne voulez pas davantage de sang sur les mains, vous pouvez sauver sa vie, en répondant à nos besoins bien moins couteux qu'une vie humaine :

Nous voulons de l'argent. Des crédits sans possibilités de tracage.
Nous voulons des médicaments : Tous ces médicaments que vous avez interdit sur le marché, au risque de tuer ces gens qui, contrairement à vous, ne peuvent se payer la clinique privée ultra-sophistiquée.
Nous voulons des armes : De celles que vos milices possèdent, de celles qui tuent parfois vos propres citoyens...

Et surtout... Le plus important... Si vous désirez faire tenir votre dictature bancale plus longtemps, offrez nous la liberté d'opinion. C'est autant à votre avantage qu'au nôtre : Cela ferait redescendre la pression de la soupape sociale et diminuerait le risque d'une révolution comme celle que nous déclencherons probablement dans peu de temps si vous persistez dans vos répressions sanglantes.

Offrez nous ce que nous demandons et nous libérerons Lewis, au moins l'argent, les médicaments et les armes.

Pour l'endroit de livraison, dites vous que nous représentons le peuple opprimé de novlangue, et donc qu'il n'y en a pas. Déverser de vastes stock de médicament, d'argent et d'armes dans les rues, et laisser la population se charger du reste.

Je vous dis à bientôt, et sachez que nous sommes là... Dans la ville... »


Je suis sortit du champs visuel, et j'ai demandé à Emilie d'éteindre l'appareil.

« C'était bien ? J'ai un peu improvisé, mais...Pour la livraison, les insurgés récupérerons tout par le biais du marché noir, j'ai pensé que ca pourrait être une bonne idée de tout... Non ? »

Ah, oui, la cagoule... Hein, euh, non! Cagoule ou pas, j'ai des yeux trop facilement repérables! Ah, et l'enregistrement qui commence bientôt! Je panique, jette la cagoule au type à coté de moi -sans rancune hein-, et le pousse à ma place. Voilà voilà... Krebs parle, le mec cherche à se donner une contenance, et croise les bras dans son dos, façon Vigile. OK, donc toi maintenant, je t'appelle Vigile.

- C'était bien? J'ai un peu improvisé, mais...Pour la livraison, les insurgés récupérerons tout par le biais du marché noir, j'ai pensé que ca pourrait être une bonne idée de tout... Non?
- J'aurais pas su faire mieux!

J'aurais pas su quoi dire surtout...
Vigile se tourne vers moi, pas très content.

- Putain t'es con, pourquoi tu m'as poussé là?
- Parce que toi, t'es toujours moins repérable que moi avec une cagoule!

Ah ça y'est, v'la le mentaliste qui cause... Et qui fait son truc mélodramatique. Qu'est-ce qui lui prend, il déconne? Ah, j'ai compris! Tu crois que j't'ai pas repéré mon ptit gars? T'attend qu'on pointe une arme sur toi pour nous la piquer, c'est ça? Mouais, risqué quand même...

Super, de tous les mentalistes de la ville, on a chopé le seul suicidaire du lot... Je marmonne dans ma barbe (inexistante, mais c'est une expression bande d'incultes).

Tu sais, on s'est quand même donnés pas mal de peine à te choper, c'est pas pour t'achever juste car tu le demande, et aller chercher un autre de tes potes en espérant que celui là manquera un peu plus à ses copains... Par contre, si tu veux tellement être charitable, car je te sens d'humeur généreuse, on peut te prélever des organes et les filer à nos copains qui se sont fait perforer un poumon sous vos tirs. Ou à leurs enfants qui sont malades à cause de vos déchets toxiques. D'ailleurs ça tombe bien, on a le Doc' là. Alors, tenté?

L'enregistrement terminé, je débranche tout, je range le bazar et le boitier à la main...

-je vais graver ça...

Je ne sais même pas pourquoi je leur dit, ça me semble évident. Et puis j'ai pas besoin de leur permission. Juste pour qu'ils savent où je suis peut-être, des fois qu'ils ne me voient pas partir et me chercher après. Enfin même là, je suis pas sûre qu'ils m'aient bien remarqué, mais tant pis, je fais une caresse à Newt en passant pour lui rappeler de rester sage et je file dans mon bureau. Là, j'allume le PC, connecte le boitier, insère un CD et pendant que ça grave, j'écoute ce qu'ils disent à côté.


« Bon, on transfère tout sur CD et on envois ca à nos amis ? »

« Qui se charge de porter le colis ? »

Le CD est près, je le sort de la machine et l'amène dans l'autre pièce avec les autres.

-moi je veux bien...

Et les laisser chez moi avec Newt ? Mince, j'ai du oublier de réfléchir avant de parler. Tant pis, c'est trop tard. Et puis on arrête pas de me dire qu'il faut que je sorte. Je vais me rendre utile. Je suis la mécano timide, d'accord, mais je suis pas que ça.

-je peux le faire et je sais conduire.

Ça peut-être pratique, surtout à notre époque où tout est battit en hauteur. Sans véhicule volant, on ne va pas bien loin.

-Si quelqu'un peut me trouver un véhicule... sinon, j'en trouverais bien un à emprunter.

Avec ou sans permission. C'est pas difficile à emprunter une voiture, du moment qu'on a les bons outils.
Et puis j'adooore conduire ces engins ! C'est l'occasion.

Enregistrement bouclé, ça c'est fait... Pour l'envoi, me semblait que y'avait un truc de prévu, mais je ne sais plus quoi... Bah, c'est que ça devait pas être tant prévu que ça en fait.

-Si quelqu'un peut me trouver un véhicule... sinon, j'en trouverais bien un à emprunter.

- J'peux demander à Samuel s'il a fini avec la voiture...

Je choppe le transmetteur accroché à mon oreille, et tire un peu dessus pour mieux parler dedans.

- Samuel? April. Dis, on aurait besoin d'une voiture, on peut emprunter la tienne?

Je retiens de justesse une pique brulante sur l'état possible de la voiture vu leurs méthodes plus que discutables. Un instant, j'envisage de lui demander de faire le chauffeur à la place d'Emilie, mais je viens heureusement de me rappeler que si je veux que l'enregistrement arrive à bon port, c'est à proscrire.

Tout pourrait presque aller pour le mieux, sauf que pendant ce temps là, l'autre c... euh, otage, s'est remis à parler...

- Euh… Je peux objecter ? Mais vous ne pensez pas que c’est risqué ce que vous faite là ? Parce que, si comme vous le pensez, le gouvernement a un quelconque intérêt pour ma vie, il entreprendra de me sauver. Et la vous serez mal.

Je le regarde avec un rictus. Mon pauvre coco, c'est exactement le contraire de ce que tu nous as dit tout à l'heure... C'est beau le bluff...

- Et puis, vous n’avez pas peur de moi ? Vous n’êtes pas sans savoir que je suis mentaliste. Vous ne craignez pas que j’use de mon pouvoir, quoi qu’il soit, sur l’un de vous, ou sur vous tous en même temps, on sait jamais, ça dépend de mon pouvoir, afin que je puisse me libérer et fuir ?

Là, j'ai failli être con. Il a raison, c'est un mentaliste, ne pas le provoquer inutilement... Même si j'ai quand même tendance à penser que si son pouvoir était si puissant, il s'en serait déjà servi. Aussi bien, il en a un pas utile, mais juste chiant, et dans ce cas, je ne veux pas me retrouver à voir tout rose autour de moi, ou à avoir une chiasse légendaire, juste car j'ai pas réussi à la fermer...

Et là... Il demande... A boire et faire pipi?! Mort de rire!
J'hésite entre rire, me foutre ouvertement de sa gueule, ou l'envoyer paitre bien froidement. Malheureusement, je commence déjà à rigoler.
C'est bête, mais les mentalistes nous en font tellement voir, que ça me ferait rire de le voir se faire dessus... Mais comme je l'ai dit plus haut, c'est bête, et je ne me sens pas assez salaud pour ça. Sauf que, euh... J'suis pas sur d'avoir très envie de tenir le rouleau de PQ à un mentaliste pris en otage... Pas envie de me faire assommer contre un urinoir.

Bon, trève de plaisanterie...

Quelqu'un a une idée pour aider Monsieur?

Il veut faire pipi ? déjà ?
Mais on va quand même pas le détacher pour l'emmener aux toilettes, ce serait trop risqué. Comme il l'a dit, c'est un mentaliste quand même...

C'est pas rassurant ça. C'est quoi son pouvoir mental ? J'aimerais pas qu'il l'utilise sur nous.
Il le fera pas... s'il en avait l'intention, il l'aurait pas dit, il l'aurait déjà fait... mais quand même, c'est pas rassurant.
J'ai peut-être quelque chose pour l'en dissuader, au cas où.

-Newton n'a pas de cerveau (désolé Newt) et il est solide. Il ne doit pas craindre beaucoup de pouvoirs mentaux. Si tu l'utilises sur l'un d'entre nous, je lui demanderais de... de te... de te mordre ! ... là où ça fait bien mal !

Je suis convaincante là ? J'arrive à lui faire peur ou pas ?

-Et si c'est sur moi que tu l'utilises, il fera surement pire.

J'espère que j'ai pas fait une gaffe en lui disant ça. Qu'il aille pas prendre ça comme un défis. Je veux pas qu'il fasse du mal à mon Newton.

En attendant, il a envie de faire pipi, le monsieur mentaliste. Il faut trouver une solution, on va quand même pas le laisser se pisser dessus... encore que, ça pourrait être une solution. Mais c'est pas propre et faut peut-être pas trop le contrarier quand même.

Je regarde un peu tout ce qui traine dans l'atelier... qu'est-ce qu'on pourrait bien faire pour arranger son problème de vessie ? Oh, j'ai peut-être une idée.

-On pourrait utiliser un récipient plutôt que de l'emmener aux toilettes. Ça me semble un peu trop risqué. Je dois bien avoir une bassine qui pourrait servir d'urinoir, ou une bouteille vide pourrait faire l'affaire.

Sur ces mots, je ramasse une bassine rouillée trouvée là et un vieux bocal à cornichon qui trainait ici. Mais alors que je me présente avec un objet dans chaque main (ou presque), un problème ce pose.

-euh... qui... qui est-ce qui... qui va... s'occuper de ça ?

Que ce soit la bassine ou le bocal, il peut pas faire tout seul dedans vu qu'il est attaché. Il faudrait lui baisser... lui sortir le... enfin vous voyez quoi ! En plus faudra peut-être la tenir pour pas qu'il en foute partout. Et je suis une fille, je vais quand même pas toucher son petit oiseau. Ce serait mieux si c'était l'un d'entre eux qui s'en occupait.

J'aimerais vraiment pas être à sa place. Moi je pourrais pas faire pipi devant tout le monde.

Euh, mais c'est bien moi qu'il regarde là ? C'est à moi qu'il parle ?
Je regarde derrière moi des fois que soit à quelqu'un d'autre, quelqu'un que j'aurais pas vu... ben non, je crois que c'est bien à moi qu'il s'adresse.
Ça me met vraiment mal à l'aise... je sais pas quoi lui dire, je sais pas quoi faire... il me fait de la peine en même temps. Mais c'est un mentaliste ! Et il est sans doute pas aussi gentil qu'il veut le faire croire.
Mais je fais quoi moi ?

Alors montrez moi les toilettes !!!!

J'ai jeté un œil dans la direction des toilettes et comme une conne, je... je lui est montré les toilettes, en les pointant du doigt. C'est derrière la petite porte, là-bas.
Bah quoi ? C'est bien ça qu'il a demandé, qu'on lui montre, pas qu'on l'y emmène.
Je sais, c'est petit, mais c'est tout ce qui m'est venu à l'esprit.

Il me stresse à me regarder comme ça ! Pourquoi moi ? Parce que c'est moi qui tient le bocal ? Mais j'ai rien fait moi ! Je propose juste un alternative. C'est mieux que de se pisser dessus quand même ! non ?

Halala ! Je savais que ce serait compliqué cette histoire de prise d'otage, mais j'avais pas imaginé que ce serait gênant à ce point, de cette façon là.

Je ne sais plus où me mettre. J'ai trop honte. Ça doit se voir en plus, je doit être rouge comme une tomate.
Je regarde les autres, très embarrassée... puis finalement j'évite de croiser leurs regards.

BLAAANG !!!

Oups. J'ai échappé la bassine. Ça résonne.
Je me sent encore plus mal.

-euh.... heum... je...

Je pose le bocal sur le coin de la table et m'enfuis dans mon bureau.
J'ai trop la honte ! J'ai envie de pleurer.

Bon, au moins les NOD ne chercheront pas les autres. Mais on a quand même quatre voitures de patrouilles qui nous collent au cul...

La conduite est trop sportive pour que je puisse viser avec le gros calibre, et mon flingue ne ferait pas grand chose aux véhicules blindés de 2140, donc mon sort est entre les mains de mon jeune ami. Il se débrouille plutôt bien jusque maintenant mais commence à saturer.

- Samuel? April. Dis, on aurait besoin d'une voiture, on peut emprunter la tienne?

Hein? Mais bien sûr ! Attends, je demande à mes amis de la police des pensées s'ils veulent pas nous prêter les leurs en plus ! Et avec de la chance, ils nous fileront des petits gâteaux.
C'est ce que j'aurais voulu répondre, mais on a du faire un virage brusque pour éviter une moto volante qui ne nous avait pas vu. Et moi y a rien à faire, je préférais quand les voitures faisaient pas de looping. La gamin lui se marre:
-Le mal de l'air, bauss ?
-Ta gueuuuule, je préfère conduire c'est tout !

Bon le problème c'est plutôt que depuis que j'ai traversé la faille je ne supporte plus la voiture. Alors que les motos ça c'est le pied, j'adore alors que je n'en n'avais jamais fait.
Là par contre, je suis pas loin de renvoyer tout ce que j'ai bouffé et pas encore digéré: Faut régler ça au plus vite.

-T'as entendu le client, il faut qu'on se débarrasse de nos amis, on va aussi changer de véhicule.
-Okay boss, vomissez pas !

Ce petit enfoiré fait une descente en piqué, j'ai comme l'arrière-goût de mon dernier repas qui me revient tout doucement, et descend jusque dans les couches les plus basses de la ville.
Manque de pot, les NOD patrouillaient justement le quartier et nous avaient envoyés une voiture en contre sens, remplies de cyborg qu'en ont rien à foutre de crever. Mon coéquipier a à peine pu éviter la collision et a perdu la contrôlé. Heureusement qu'on était déjà bien bas et le choc n'est pas trop brutal pour moi.

Vite, j'arrache la radio et aide le gamin à sortir de là et on part se planquer dans un bâtiment.

-April, c'est Samuel. Petit contretemps, je vous envoie le gosse avec un nouveau véhicule.

Je me tourne vers le gamin et lui file la radio avant de poser mes mains sur sa tête pour le forcer à garder les yeux ouverts.
-Les effets durent environ quinze minutes, prends le flingue, la radio et débrouille toi pour leur ramener un véhicule.


Un quart d'heure plus tard, le gamin arrive à l'atelier avec une voiture volée à un orthodoxe qui passait par là. Il est surexcité et on peut lire une détermination sans faille sur son visage. Il parle aussi vite que s'il s'était shooté à l'adrénaline et a (enfin) abandonné son accent à la mords-moi-le-nœud.

Ah putain, enfin fini! Bon, hop hop hop je vous ai amené le véhicule, étape suivante on fait quoi? Parce que le Boss[...]

Arrêt sur image. Il y a quinze minutes, j'ai utilisé mon pouvoir pour augmenter drastiquement sa détermination et sa confiance en lui, tout en supprimant sa peur, pour qu'il ait les couilles de voler un véhicule et de me laisser derrière. Mais là tout s'arrête, il se rend compte de ce qu'il a fait. Ses jambes se mettent à trembler et il commence à avoir des remords, il se rend compte qu'il a frôlé la mort et qu'il m'a laissé aux poignes avec des NOD pour accomplir sa mission.

Il va s'asseoir et tend les clés du bolide, son cœur bat si fort dans ses oreilles qu'il a du mal à réfléchir. Il essaye pourtant de s'exprimer.

-V-v-oilà l-les clés, le... le b-b-boss v-va... plus tard.

L'émotion est trop forte, il s'évanouit.

J'entends Newton qui abois devant la porte. Même s'il n'emploie pas des mots, je jurerais qu'il m'appelle. Il m'appelle mais il menace aussi. C'est subtil, mais c'est pas tout à fait pareil. Quelque chose qu'on ne peut discerner que quand on le connait bien.
Oh non... il risque de les attaquer.
J'ai pas envie d'y retourner, mais je ne peux pas le laisser faire.

Newt, tu me met dans l'embarras.
Qu'est-ce que je vais leur dire ? "Vous inquiétez pas, c'est mon NOD de compagnie. Il peut juste vous broyer la jambe ou vous tuer."? Ça ou leur faire croire que je contrôle parfaitement la situation, qu'il est le chien et que je suis le maître.
Newton, un vulgaire chien... c'est vrai que c'est aussi un peu comme ça que je le traite, comme un animal de compagnie. Je n'en suis pas très fière.
Mais après tout, pourquoi ce torturer comme ça ? Ce n'est même pas un animal, c'est une machine, un robot. Pourtant, je n'arrive pas à le voir comme un objet, même en sachant que même son intelligence est artificielle.

Voilà que je me retrouve mal à l'aise vis à vis des gens qui sont là, mais aussi vis à vis de Newton.

Mais pas le temps de se poser trop de questions, il faut agir avant qu'il n'y est des dégâts.

J'ouvre la porte et calme le fauve de fer.

-Newt ! Ça va, reste tranquille. Allez viens, je t'emmène avec moi.

Oui, je vais l'emmener avec moi dehors. Ça va être la première fois qu'il quitte l'atelier. Depuis le temps que je le lui avait promis, il devrait être content.
Mais surtout je veux partir d'ici et vite. Ne pas avoir à leur parler, ne pas avoir à regarder ou entendre l'otage, ne plus avoir à surveiller que Newton ne leur saute pas dessus. Et ne plus me sentir aussi idiote devant eux !

Je prend un grand manteau, celui qu'un homme m'avait prêté au Carnival. Je ne le lui est toujours pas rendu, mais à quelqu'un d'aussi riche, ça ne doit pas trop lui manquer. Je me met le CD dans la poche et j'emmène le robot en le tirant un peu par collier. je ne veux pas qu'on traine.

-Je vais apporter le CD. J'emmène Newton.

Je parle vite, ne les regarde même pas. La porte claque, je fais monter mon compagnon dans la voiture, côté passager, je m'installe en vitesse et je démarre.
Je sais qu'il me regarde. Je ne sais pas quoi lui dire et malgré le bruit du moteur, ce silence me pèse. Quelques kilomètre plus loin, les larmes coulent sur mes joues. Merde ! Me voilà en train de pleurnicher comme une gamine.
Je dois être vraiment trop émotive. Après tout, ya pas eu de drame... vraiment pas de quoi pleurer...

Mince, on a fait fuir Emilie...
Mais non, pars pas! C'est pas ta faute, c'est l'autre, là, qui fait la fine bouche! Il était très bien ton bocal!
Tss, mais quel con ce type. Un otage, c'est pas sensé avoir des réclamations normalement. Alors, déjà, on était bien sympas de pas le laisser se faire dessus. Bah ouais, parce qu'après, c'est qui qui nettoie, hein? Pas lui. En même temps, les mentalistes sont réputés pour pouvoir tuer, même armés d'un torchon...
Mais nooon, Monsieur il veut pas de bocâââl, Monsieur il veut des toilettes en ôôôr et du PQ de velouuuurs! P'tite nature va. Tes ancêtres avaient au moins le mérite d'être plus résistants. Et moins faciles à capturer...

Bon, du coup, Emilie est partie, et l'autre occupé à pisser. J'espère que ça ira pour Krebs, et qu'on va pas le retrouver assommé par la lunette des chiottes.

J'fais quoi?

J'suis en rogne de voir les choses se barrer en couilles comme ça, alors j'me colle à une fenêtre, et je regarde avec mes jumelles. J'vais attendre le retour d'Emilie, ou de Samuel s'il s'en sort. Et comme ça, si y'a des copains du gouvernement qui viennent prendre le thé, j'les verrais aussi. Utile non?

Dépêche toi de finir ta pause pipi, ça me stresse que tu sois pas à portée de flingues...