Aujourd'hui, le centre de conditionnement se prépare à recevoir une visite de taille. Instructeurs et recrues sont en effervescence. Les uns briquent les bâtiments du sol au plafond, une brosse dans chaque main. Les autres inspectent, vérifient, scrutent le moindre détail. La tension est telle que parfois, un cri perse le silence, faisant sursauter les petites fourmis travailleuses. Puis une alarme sonne la fin des corvées. Mais aujourd'hui, les corvées ont un gout de festivité. Car ils savent tous qu'ils jouent leur futur, leur destin, leur vie.
Quand l'alarme se tait, l'instructeur en chef renvoie les recrues dans leur quartier, en leur rappelant la consigne: ils ont dix minutes pour ranger leurs quartiers, et se présenter à la porte en tenue de conditionnement. Les instructeurs aussi ont leur consigne: uniforme d'apparat, et bilan de formation des recrues présélectionnées.
Il sera bientôt là, le Colonel.
L'instructeur en chef fait les cents pas dans les couloirs. Ses bottes sont parfaitement cirées, sa tenue tirée à quatre épingle. Quand il passe devant l'une des portes, sans s'arrêter ni lever la tête, il lance
Lola, dépêche toi. Aucun retard ne sera toléré!
Sa voix s'élève, trahissant son angoisse.
Et c'est valable pour chacun d'entre vous! Si à la prochaine sirène vous n'êtes pas en position, vous serez virés du programme!Pour une fois dans votre vie, essayez de ne pas être la honte de ce centre!
Aucun doute, l'instructeur en chef est tendu. Beaucoup ici ne connaissent le Colonel que de réputation. Mais lui, il le connait personnellement. Et à chaque fois que le Colonel se rappelle à ses bons souvenirs, il ne peut s’empêcher de tripoter la manche droite de sa veste, qui reste désespérément vide depuis qu'il a perdu son bras.