Un verre ?
Oui volontiers.
Une cigarette, puis deux, trois, quatre.
Un deuxième verre ? Tant qu'on y est.
Tu l'as vu là bas ? Troisième table à droite.
Effectivement, pas mal du tout.
Ah ça, on cracherait pas dessus.
Non plutôt dedans.
Dégueulasse.
Non, honnête.
Dégueulasse quand même.
Un autre verre ?
Vas y rince.
Tu vas faire quoi après ?
J'en sais encore rien. Sûrement en aborder un et le ramener. Je verrai. Et toi ?
Dormir.
Tu n'as pas chaud ?
Non, c'est l'alcool ça mon vieux.
Je crève de chaud.
T'es bourré.
Ça c'est pas nouveau.
Un quatrième ?
Banco.

La tête de Phil commençait à tourner sévère, il regardait autour de lui tandis qu'Henry faisait signe pour une autre tournée. L'image devant lui tanguait à vingt degrés sur la gauche, puis sur la droite, l'obligeant à redresser sa vue en penchant la tête. Accoudé au bar, il laissait l'alcool faire son travail, ne montrant aucune résistance aux flux éthyliques qui tournait dans sa tête. C'était un de ces moments où ne parle pas, préférant ressentir chaque verrous qui sautent au fil des gorgées.
Une sensation de montée comme lorsque l'on redescend du point culminant d'une montagne, une grande claque qui vous laisse coi pendant quelques instants avant que le tout se stabilise.

Ils finirent leur verre puis Henry prit congé. Il fila une tape dans le dos de Phil et s'en alla. Ce dernier fit signe au barman en secouant son verre vide et recommença à regarder autour de lui. Il n'était pas motivé par quelque chose en particulier ce soir, il allait laisser les choses se faire, se contentant d'observer et d'attendre.

Phil posa sèchement son verre sur le comptoir et sursauta. Il avait mal calculé la force nécessaire à cette action. Quelques regards fondirent sur lui, certains insistants, d'autres intrigués ; ceux qui le reconnurent lui adressèrent un signe de tête, les autres se demandèrent qui était ce saoulard bancal.
Perdu dans ses pensées, il observait la fumée qui s'échappait de sa cigarette, chaque volute lui rappelant un souvenir quelconque. Puis il se souvint de cette première soirée au Wonderland, la nuit où tout avait basculé, il revit Lester en piteux état, se tenant presque au même endroit, et cette jeune femme en robe qui avait l'air sur la défensive. Une époque où il était le roi.

Dans les méandres de son cerveau imbibé, il se rappela son objectif principal : reprendre le pouvoir. Il avait déjà commencé ses recherches et avait quelques contacts utiles désormais, mais il lui manquait encore beaucoup de pièces maitresses dans sa stratégie, mais cela n'était plus qu'une question de temps.

Une sensation lourde se fit soudainement sentir au bas de son ventre. Il prit le verre qu'on lui avait resservit automatiquement et se dirigea vers le fond du cabaret, armé de sourires et de clins d'oeil afin de mieux fendre la foule.
Il dût se coller à plusieurs personnes afin d'atteindre les toilettes, il en dédaigna certains du regard, et plongea ses yeux dans ceux qui selon lui, en valait la peine, sourire mutin aux lèvres.
Depuis toujours il prenait plaisir à soutenir le regard de ses futures conquêtes, un sourire canaille en coin avant de disparaitre quelques temps. Une technique qui avait fait ses preuves un grand nombre de fois. Tu me plais, mais tu vas devoir attendre. Imparable, la distance était une chose des plus aphrodisiaques, contrairement à l'acquis. Le pouvoir et l'argent marchaient aussi, mais cela était bien moins savoureux, quelle gloire y avait-il à séduire une liasse à la main ? Il laissait cela à ces congénères automates gras et porcins, incapable de conclure par eux mêmes. Il y en avait plusieurs ce soir là, vautrés tels des morses dans leur canapés, dindes en mini jupes et sans honneur sur les genoux.

Il se fraya enfin un chemin à l'intérieur des toilettes pour hommes et se dirigea vers les urinoirs. Il éprouvait toujours une sensation de vol plané lorsqu'il se tenait là. Le nombre de verre y étant sûrement pour quelque chose.
Et voila qu'à cette sensation de libération proche de la jouissance, venait s'ajouter le burlesque d'un inconnu qui jetait des coups d'oeil rapides sur le coté afin de le reluquer. Sérieusement, quelle excitation pouvait-on ressentir à regarder une verge dans pareil moment ? Dans un tout autre contexte certes, mais entrain d'uriner, il ne voyait strictement pas. À moins que celui-ci eut des penchants pour l'urophilie ?
Il chassa immédiatement cette idée de sa tête avec une expression de dégout et une fois l'affaire terminée, s'en alla se laver les mains.
Son camarade d'urinoir le rejoint et continua à le fixer via le miroir. Phil en avait marre, de plus il n'était même pas séduisant. Il lui adressa un regard agacé, sourcil levé et s'en alla en poussant un soupir signifiant clairement son désintérêt et sa pitié pour cet homme.

Il reprit le verre qu'il avait posé sur le lavabo des toilettes, sortit, et rentra de plein fouet dans une magnifique créature en robe blanche, le contenu de son verre se déversant allègrement sur elle.

- Et merde ! lança-t-il.

En voila une qui n'était pas commode. En quelques secondes, elle avait déchargé tout un flot de colère à l'encontre de Phil, ne lui laissant aucune seconde d'explication ou d'excuse.
Ce léger incident lui rappela un fait inaltérable par le temps : ne jamais, au grand jamais, abîmer le tenue de quelqu'un et encore moins celle d'une femme. Cette scène avait un goût prononcé de déjà-vu, il revoyait les fois où des actes semblables s'étaient produits, toutes se soldant par un " Phil tu es trop con ".

Il s'appuya d'une main sur le mur à côté d'eux et la laissa évacuer sa rage en l'observant. La robe n'était pas si abîmée, de plus ce n'était ni du vin rouge ni un autre alcool du genre pouvant vous ruiner un tissus. Du gin tonic ! Avec le peu de lumière on croirait  de l'eau, elle n'aura qu'à dire que les robinets sont défectueux ! Et puis le côté mouillé pourrait plaire à son client.

Mais le spectacle avait seulement commencé. Cette jeune femme hurlait depuis à peine une minute que déjà un membre de la sécurité s'approchait. 

- Tout va bien monsieur? demanda-t-il. Cette demoiselle ne vous cause pas de soucis j'espère ?

Une bombe, voila ce que le vigile venait de lancer. L'explosion fut instantané et Phil ne put s'empêcher de dire BOUM dans sa tête. Puis le calme, elle attendait une réponse à sa requête, déterminée et droite, ses yeux plongés dans ceux du vigile. 

Maintenant, on rentre en scène. 

- Tout va bien monsieur Charles, déclara-t-il. Je vais m'occuper de cette dame. 
- Comme vous voulez, monsieur Mason. 

Le vigile reparti en saluant la cliente et Phil continua :

- Maintenant que vous êtes plus calme, dit-il. Je vous présente toutes mes excuses. Je l'aurai bien fait plus tôt mais rien ne peux calmer la fureur d'une femme. Vous hurlez toutes comme des furies. Alors j'ai attendu que vous ayez terminé. 

Il marqua une pause et sortit une cigarette. 

- Je me présente, Phil Mason, propriétaire de ces lieux. Maintenant si vous le voulez bien, je suis sûre que nous trouverons une robe à votre goût dans nos loges. Quant à celle-ci, envoyez nous la facture. 

Il lui tendit le bras immédiatement et attendit. 

Tandis que la charmante victime de l'inattention de Phil s'était enfermée pour choisir une nouvelle tenue, un serveur passa la tête par l'ouverture de la porte du couloir.

- Tout va bien monsieur ? demanda-t-il.
- Tout va bien, ne vous en faites pas, répondit Phil. Comment ça se passe de l'autre côté ?
- Tout va pour le mieux monsieur. Je vous amène un autre verre ?

C'était incroyable à quel point ses employés avaient été bien formés. Avec les récents événements Phil ne s'était meme pas rendu qu'il avait terminé son verre, et déjà on lui proposait de le lui remplir. Une soirée exquise, on est jamais mieux que chez soi, pensa-t-il en acquiescent de la tête. Mais tandis que le serveur allait s'enquérir de sa tâche, il le héla :

- Hey ! Attendez ! lança-t-il.

Le serveur réapparu au bout du couloir.

- Vous ne faites pas cela qu'avec moi ? demanda Mason. Je veux dire, l'attention aux verres vides et tout le bordel.
- Non, on le fait avec tout le monde monsieur. C'est ce qu'on nous a appris.
- Cool. Vous faites du bon boulot.
- Merci monsieur, répondit le serveur en disparaissant.

Merci monsieur. Les mots résonnèrent dans la tête de Phil. Merci de quoi ? De dire la vérité ? Ou peut être était-ce une réponse automatique d'orthodoxe. Pouvait-il vraiment éprouver de la gratitude ? La gratitude était elle même quelque part reliée au plaisir, non ? Il allait pouvoir en débattre avec lui même, mais pour l'heure, il fallait s'occuper de la demoiselle en détresse qui revenait.

Elle se présenta après avoir remis sa robe à un employé, elle l'invita même à se joindre à sa table. Phil n'était pas dupe, il savait reconnaitre un graissage de patte en bonne et due forme lorsqu'il en voyait un. Mais celui là faisait partit de ceux qu'il appréciait, de plus, il avait enfin un plan pour sa soirée.

- Alors, allons voir ce monsieur Arnell, s'exclama-t-il en levant son verre. Et entre nous, vous pourriez vous mettre à quatre pattes en aboyant, ou encore le fouetter en le traitant de ver de terre que je m'en foutrai royalement. Vous faites ce que vous voulez et je serai bien le dernier à critiquer cela. Mais en ce qui concerne le fouettage, si c'est le cas il va falloir me raconter ! Ça peut être drôle.

Il lui tendit le bras à nouveau afin de regagner la salle.

Phil avait adoré le sursaut de Charles Arnell. Comment ? Il vous a dévêtue ? Ce genre de cul serré mais à la fois si gentleman lui rappelait son père. Il était même prêt à parier qu'il fut Britannique ; ou d'une de ces familles Américaines façon Harvard qui avaient reçu le droit de mettre un pied en Europe, moyennant subventions bien évidemment. Après tout, tant que vous avez les fonds et que vous perpétuez le pouvoir de l'État, bienvenue ! Et l'État a un gout si merveilleux quand vous êtes automate.

Mason ressortit son manuel du parfait petit gentleman qu'il avait appris à Cambridge, avant qu'elle ne ferme définitivement, et salua son hôte.

- Le plaisir est pour moi monsieur Arnell, dit-il. Et je vous en prie, gardez votre argent, cette soirée est pour moi. J'ai abîmé la robe de votre hôte et me voila à votre table. C'est le minimum que la maison puisse assurer. Mais peut être voudriez-vous un cigare ?

Il se retourna et fit signe au barman. Il mima une boîte comme il le put avant de porter sa main à ses lèvres comme s'il fumait. Le barman resta interrogatif quelques secondes puis comprit. Il acquiesça d'un mouvement de tête et apporta le coffre à cigares.

- Mademoiselle Davies, continua-t-il, m'a parlé de poésie en venant. Cela m'a rappelé un poème de William Blake.

Il prit un cigare et tendit la boîte à Charles.

- Faites votre choix. Un passage des Proverbes de l'Enfer. Le chemin de l'excès mène au palais de la Sagesse. J'adore cette phrase. Certes il faut lire l'œuvre en entier, mais rien que cette phrase est déjà sublime.

Il s'arrêta, coupa son cigare et l'alluma en tirant lentement. Il s'adossa confortablement pour jouir de son cigare et regarda Charles, sourcil interrogateur levé, attendant une réponse.

- Pendant ce temps-là, à l'extérieur -

A trois pâtés de maison de là trainait deux cadavres. Carbonisés, le couple d'automates n'avait tout simplement pas eu de chance ... C'est vrai, quelles raisons aurait pu porter un simple orthodoxe à les attaquer en pleine rue, à mains nues et à la sortie de leur domicile ? Une chose est sûre, l'individu avait forcément prémédité son coup : Les enquêteurs ne retrouveraient ni arme, ni empreintes ; il n'y en avait jamais eu ! C'est avec une sauvagerie rare que le psychopathe avait strangulé à mort ses deux victimes pour ensuite passer leurs cadavres dans ces incinérateurs à ordures que l'on trouve dans tout ces quartiers huppés de Novlangue. Heureusement que le Lieutenant Sato veillait au grain et avait pu être témoin du meurtre. Elle n'avait pu sauver ces deux pauvres ouailles, mais elle avait néanmoins pu identifier ce colossal plombier d'origine suédoise, sans histoire mais vraisemblablement fou qu'était Gjörn Sinclair. Le Nod ne manquerait point de rendre justice ! Dormez tranquilles citoyens, tout est sous contrôle !

La voilà qui était maintenant en bas de ce fameux "Wonderland". Cette antre sordide pour organiques aisés, d'où émanait déjà des effluves hors de prix : Des vins, des plats, des parfums ... Les temps étaient à la traitrise, aux intrigues, et Oktane n'avait pas aussi violemment subtilisé l'une de ces robes hors-de-prix pour simplement se divertir dans un endroit où tout lui apparaissait surfait. Non, elle avait un objectif bien précis. Ici trainait le maitre des lieux, mis sous surveillance par le Nod : Retour après un siècle d'absence, caractère potentiellement dangereux ; à surveiller. Évidemment, si ce siècle d'absence ne l'avait pas étonnée, elle n'y aurait pas prêtée attention, mais le démantèlement de son empire selon la loi capitaliste la plus simple avait suffi à lui faire trouver ce qui pouvait causer un tel trouble dans la police. Elle était lucide, la cupidité perdrait les hommes. Oh, elle visait bien plus haut que son poste de Lieutenant déjà pourtant honorable au Nod. Si il refusait ? C'était certes son plus gros poisson, mais il ne devait pas manquer de concurrents potentiels prêts à l'écraser. Oktane le savait, programmée pour servir les plus puissants dans ce milieu sans pitié, elle avait assimilée son fonctionnement sans pour autant jamais s'y introduire : C'était sa chance.

La voilà qui était à l'entrée. Elle avait déjà calquée ses modules d'émanation d'odeurs sur les flagrances les plus hors de prix du marché. Cela la dégoutait, sans compter les réactions de révolte de la part de son alter-ego, mais sur ce terrain comme partout ... Elles surpassaient les autres : Elles avaient été conçues pour cela. Bien que l'on identifia sans mal comme une nouvelle cliente, sa démarche et sa tenue firent immédiatement mouche. Elle passa à l'entrée comme un souffle, puis elle alla s'adresser à la réception. Elle avait certes imprimé les plans détaillés des divers étages du bâtiment dans sa banque de données, mais elle savait également que l'on ne rentrait pas ici sans une réservation bien calée : Elle tenta le tout pour le tout.

- Bonsoir, j'ai à faire avec Mr. Mason. Pourriez-vous m'amener à lui ?
- Votre nom madame ?
- Isadora Prikovietko.

Un petit temps de latence, le temps que le Maître d'Hôtel vérifie les registres ...

" - Désolé madame Prikovietko, vous ne semblez pas inscrite dans la base de données ... Avez-vous ... "

Réponse prévisible. La cyborg n’écoute même pas, et s'est contentée d'enclencher la tactique de persuasion masculine standard : Elle s'est penchée sur son pupitre, comme pour consulter elle aussi le registre, mettant ainsi bien en évidence son décolleté à la vue de l'homme. Tactique grossière mais pourtant enregistrée comme "Effective à 98.9% face à un être humain masculin standard.". Elle se contenta alors de fixer ses yeux d'azur immaculés directement dans les siens, et de s'exprimer d'une voix au timbre pur faussement inquiète et troublée, configurée spécialement pour une déstabilisation maximale :

" Vous êtes sûr monsieur ? Pourtant, j'étais sûre que ... "

Semblant batailler pour garder son sang-froid, il déglutit difficilement avant de simplement répondre en toute hâte :

" Je vais voir ce que je peux faire ... "

Et il partit en salle, vraisemblablement afin de prévenir le propriétaire des lieux.

La discussion allait bon train, Arnell avait beau avoir cet air pincé qui amusait et énervait tant Phil, il le trouva de bonne conversation. Cette Flower Davies avait bien choisit son client, car une Valkyrie de ce rang se réservait certainement le droit de choisir.
Et voila qu'Arnell commençait à s'éterniser, Mason appréciait certes la poésie, mais il était imbibé à un point où ses yeux devaient suinter l'alcool et la poésie, il s'en foutait. Attrapé dans son propre piège. Quelques coups d'oeil à Flower lui firent constater qu'elle aussi commençait à s'ennuyer lourdement devant les palabres incessantes de Charles. Et Phil qui répondait, machinalement, l'automate qu'il était branché en mode bonne compagnie. Il adorait cette sensation de pouvoir être à deux choses à la fois, ses paroles se déversant toutes seules tandis que son esprit vagabondait librement.

Un visage s'approcha furtivement prés du sien, débarquant du coin de son œil. Un peu plus vite et Phil aurait sursauté, mais là, le timing était parfait, son personnel Orthodoxe l'épatait à chaque fois, de vrais petits larbins assimilant vite ce que leurs maîtres Automates attendent d'eux.
Tenus en laisse par le end vice, apprivoisés grâce aux Valkyrie, de la main d'oeuvre parfaite.
Debout ! Assis ! Couché ! Absolument parfait.

- Monsieur Mason, dit à voix basse le concierge. Je suis navré de vous déranger, mais il y a une certaine Isadora Prikovietko qui dit avoir à faire avec vous.
- Priko quoi ? demanda Phil ?
- Prikovietko, monsieur.

Phil se tourna vers l'entrée et tendit le cou afin de voir de qui il s'agissait. Personne de sa connaissance à première vue, mais il allait la recevoir, dans le doute.

- Installez la à une table, j'arrive.

Il se tourna vers Flower et Charles et les salua.

- Croyez bien que votre compagnie me serait plus agréable que ces rendez-vous d'affaire, mais je vais devoir vous faire faux bond.

Il serra la main de Charles et baisa celle de Flower avec un clin d'oeil discret, puis il se rendit vers cette mystérieuse inconnue qui l'avait demandé.
Il attrapa un serveur au passage et lui demanda de donner sa carte à mademoiselle Davies lorsqu'elle partirait. Elle lui avait dit quelque chose de très intéressant et il allait creusé l'idée.

Il s'assit à la table de son hôte et fit signe de la main pour qu'on apporte une carte à Isadora Prikovietko.

- Bonsoir, je ne prends habituellement pas de rendez-vous à pareille heure. Mais puisque vous avez réussit à suffisamment insister pour mon concierge vienne me déranger, je suppose que c'est urgent ?

Stratégie payante. L'End Vice n'arrêterait jamais même les réactions naturelles de l'homme. Une femme maniériste vous ferait sauter tout les verrous du monde.

Le réceptionniste alla directement voir cet homme en costume, qui flânait auprès d'autres personnalités du gratin de la ville dans cette salle bondée. Il revint. On l'installa à une table. Jackpot.

Le cadre était certes agréable, bien que d'un autre âge. Les chaises et les tables étaient confortables, du moins autant que ses sens lui indiquaient.

Et puis il arriva. Une seconde lui suffit à voir qu'il était éméché. Supporterait-il l'alcool ? Ferait-il des actes inconsidérés ? Nous sommes dans un milieu d'affaires, d'apparences. Elle était là " Pour affaire ".

" Bonsoir, je ne prends habituellement pas de rendez-vous à pareille heure. Mais puisque vous avez réussit à suffisamment insister pour mon concierge vienne me déranger, je suppose que c'est urgent ? "

Elle lâcha un petit rire amusé, proche de celui d'une enfant, avant de répondre avec un léger accent rocailleux, très largement marqué par des influences d'Europe de l'Est.

" C'est une question de doigté plus que d'obstination, monsieur Mason. J'abrègerais les éternelles et complaisantes formules du type " C'est un honneur. ", je vous pense bien habitué à la chose et, à dire vrai, la flagornerie m'insupporte. J'irais droit au but. Oui, je pense qu'en effet la situation est grave. Cet établissement vous appartenant, je pense pouvoir vous parler avec une relative sécurité bien qu'il ne faille pas se voiler la face, la situation est grave. Je tiens de source sûre que vous êtes sous surveillance du Nod. A vrai dire, comme la plupart des personnes influentes de la cité, et vous devez le savoir. Toutefois, la vôtre est ... "renforcée", rapport à certains évènements antérieurs et certaines ... velléités que vous semblez entretenir avec vos collaborateurs. A vrai dire, j'imagine même sans mal qu'ils aient pu eux-mêmes jouer de leurs contacts pour instaurer cette surveillance de votre personne. "

Elle se releva sur sa chaise, elle qui avait été comme confidente jusqu'alors, marquant ainsi une légère pause.

" Là n'est toutefois pas ce qui m'intéresse. A vrai dire, je viens vous offrir mes services : Il semblerait que je sois en quête de travail tandis vous semblez avoir quelques querelles ... "professionnelles" ... "

Surveillance renforcée, NOD, situation grave, ces trois points suffirent à attirer toute l'attention de Phil. Trois points qui chatouillèrent chaque cellule de son corps, comme si elles avaient toutes déclencher l'alarme, pour la première fois de sa vie, on lui annonçait qu'il était peut-être en danger, pour être lui même dangereux. Il ne put s'empêcher tout de même de sourire, le moment était donc arrivé, ce moment tant attendu où son pouvoir était suffisamment grand pour être inquiétant.
Et ce pouvoir là était délicieux, il savoura l'instant, ne pouvant empêcher une certaine joie de se répandre. Ses yeux se fermèrent l'espace d'une seconde, les pièces de l'échiquier se mettant en place derrière ses paupières. Il en était presque à humer l'air environnant, comme si celui-ci était lui même parfumé au pouvoir.
Il revint vite à la réalité, toute cette jouissance avait duré moins de dix secondes et pourtant il avait l'impression de s'en être imprégné des heures durant.

- Mais tout cela à l'air formidable, dit-il en portant la voix comme s'il voulait que tout le monde entende. Je serai ravi de vous organiser cela ! Allons donc dans mon bureau pour en parler !

Il se leva et emmena sa nouvelle meilleure amie pour la soirée avec lui. Rien ne pour ait qu'elle dise vrai mais dans le doute, il fallait creuser pour trouver tout ce qu'il y avait à savoir. Il traversèrent la salle le plus rapidement possible, jouant des coudes et des zygomatiques et atteignirent le couloir menant au bureau.

Une fois à l'intérieur, Phil composa la code de verrouillage sur l'écran proche de la porte, entra un deuxième code et un léger bourdonnement monta dans la pièce.

- Bien ! dit-il enjoué et se frottant les mains. Nous pouvons parler librement. Rien ne sortira de cette pièce, croyez-moi.

Excentrique, voilà ce qui aurait pu qualifier ce bonhomme à ce moment précis. La jouissance qui se lisait sur ses traits à mesure que l'Orgienne dévoilait la situation qui le concernait fut pour le moins étonnante. Difficile de distinguer ce qui aurait pu être la réaction d'un homme éméché de celle d'un individu sain d'esprit et juste heureux. Son objectif semblait presque atteint : Voilà qu'elle l'emmenait avec un certain empressement presque enfantin dans l'arrière-boutique. On regarda la cyborg, sans vraiment connaitre son identité, comme la dernière attraction du patron, on pouvait lire une expression de dédain mêlée à une certaine jalousie dans le regard d'autre convives. Elles semblaient avoir eût d'autres projets pour la soirée ...

Il l'emmena jusque dans un couloir richement décoré, puis dans ce bureau qui ne l'était pas moins, avant de le verrouiller. Le moins que l'on puisse dire à propos de cette pièce était qu'il était probablement dans le vrai : Tous les flux d'informations qu'elle captait étaient ici coupés, tout semblait en circuit fermé. Après la sensation de jouissance intérieure qu'avait connue Oktane en regardant les faces médusées de ces organiques, elle faisait maintenant l'expérience d'une certaine inquiétude : Si elle était percée à jour, comment sortirait-elle ? En l'espace d'une seconde, elle examina toutes les solutions possibles, présentes ici. La plus judicieuse serait toutefois de s'en prendre au maitre des lieux, malheureusement. La sécurité moderne était d'une certaine façon ... contreproductive.

" Oh, croyez-en mon expérience Monsieur Mason. Un endroit n'est jamais totalement sûr ... Toutefois, celui-ci est ma foi le plus approprié dans la situation qui est la nôtre. "

Elle marqua ensuite une petite pause, puis alla s'asseoir à la chaise qu'était vraisemblablement celle de l'invité, face à ce bureau.

" Comme je vous l'ai dit, Monsieur Mason, je suis actuellement à la recherche de clients, et comme vous devriez vous en douter, je préfère les choisir.... "

Elle émit un soupir léger avant de regarder celui qui la recevait dans les yeux.

" Il faut que vous sachiez quelque chose : Je suis spécialiste d'un genre de sécurité très particulier ... "

Elle s'arrêta quelques instants, semblant réfléchir à ce qu'elle pourrait ajouter en croisant les mains au niveau de son visage avec un certain air solennel...

* C'est plus fort que toi, hein ? *

* Rooooh, j'ai gagné mon pari, Tu me dois 2 giga de mémoire ! *

* Ce n'est pas un jeu Kane, tu peux tout foutre en l'air avec tes conneries ! *

Elle releva alors la tête en direction de son potentiel client.

" Disons que si la meilleure défense est l'attaque, alors je me classerais dans la sécurité du subconscient : Je vous aide à dormir tranquille en supprimant vos ... tracas. Vous voyez sûrement ce que je veux dire ? "

Tandis qu'elle parlait, Phil s'assit sur le bureau, face à elle. Qu'avait-elle donc à cacher derrière cette frange gigantesque ? Phil n'aimait pas vraiment l'idée de ne pouvoir la regarder correctement dans les yeux, mais il allait apparemment devoir s'en accoutumer.
Une fois celle-ci avait elle terminé de parler que le sourire de Phil s'élargit encore plus.

- Je vois parfaitement et vous m'intéresses énormément, dit-il très sérieusement, avant de reprendre lentement, détachant chaque mot. Et que pouvez-vous pour moi ? Que savez-vous de plus ? Comment vous êtes-vous procuré ces informations ? Vous faites plus dans le renseignement ou dans l'action ?

Il s'appuya sur le bureau, bras en arrière et bascula légèrement en avant, cherchant désespérément le regard de son hôte.

- Dites-moi, qui êtes-vous ?

Tant de questions à poser, la nuit allait être longue.

Visiblement, malgré cet écart peu à-propos et ce trait d'humour fugace peu réussi, peut-être réussirait-elle enfin à le convaincre ... L'air décontenancé qu'il adoptait face à la figure indécise de son interlocutrice ne manqua pas de lui arracher un subtil sourire amusé. Oui, un robot pouvait aussi l'être, cette grande farce, ce grand bluff étaient définitivement amusants.

" Qui suis-je ? Oh, voilà une question bien floue et, à vrai dire, indiscrète. Ne vous a-t-on pas dit que poser des questions indiscrètes aux femmes était mal vu ? "

Elle qui l'avait toisé à travers sa tignasse directement dans les yeux, accoudée à son bureau, se releva vers l'arrière en lâchant un autre petit rire décontracté.

" Pour vous répondre, j'en sais bien assez, sur vous, sur vos collègues, vos relations, vos habitudes, vos goûts ... Je pense même pouvoir assez précisément dire combien de fois vous vous secouez la nouille après avoir fini la vidange de votre vessie... "

Son sourire amusé ne l'avait pas quitté, et elle commençait à peine à prendre goût à ce jeu.

" J'ai mes contacts, et ainsi, je suis sûrement la personne que vous ne voudriez voir contre vous. Je suis capable d'infiltration, de nettoyage, de neutralisation, d’assassinat, et j'en passe ... J'imagine que vous vous figurez de vous-même mon spectre de capacités que j'espère bien assez varié pour suppléer à vos différents besoins... Cela vous suffit-il ? "

Voila qui est rapide et concis, pas de mots superflus, elle etait resté sur l'essentiel. Une qualité appréciable, et froide, si froide. Parfaite pour le job. Phil allait bien entendu ouvrir une enquête et constituer son propre dossier sur elle avant de commencer, mais il allait travailler avec elle. Un cavalier précieux, pouvant passer par dessus les lignes ennemis pour défaire les pions clefs.

- Oui, cela me suffit, répondit-il. Mais ne pensez surtout pas me connaitre, moi même je n'ai pas encore exploré toutes mes facettes. Mais ce marché tient. Nous sommes en affaires. Pour le reste, je vous recontacterai le moment venu.

Il lui tendit en guise de signature pour ce contrat officieux.

Voilà qui était fait, enfin. Il lui tendait maintenant la main pour conclure cet accord tacite. Elle lui serra la main, professionnelle, redevenue distante. Il restait bien sûr, avant, un dernier point à régler. On pourrait dire qu'elle piochait ses références dans l'esprit d'un colocataire d'esprit aux sources nauséabondes, mais il fallait tout de même qu'elle le dise, en simple avertissement peut-être.

" Voilà donc qui est conclu. Une chose néanmoins avant que nous repartions chacun vaquer à nos occupations : Je n'aborde pas ici le salaire car ce n'est pas ce qui m'intéresse dans une pareille collaboration. Je me base toutefois sur une relation de confiance avec mes clients. Je préfère préciser cela afin que vous évitiez de tenter d'enquêter sur la vie de cette Isadora Prikovietko. Elle n'a aucune existence et je préfèrerais éviter d'en venir à une situation contre-productive pour les facultés motrices ou vitales de potentiels enquêteurs à votre solde...

Après tout, un patron n'est-il pas censé respecter la ... "vie privée" de ses employés, comme prenaient tant de plaisir à le dire nos ancêtres ? "

Elle se leva, et dans un geste parfaitement calculé de la tête, dégagea juste ce qu'il fallait de la frange qui lui couvrait - et qui pourtant ne troublait pas sa vision... - le visage pour qu'il vit l'espace d'un instant le clin d’œil complice que lui délivrait l'Orgienne, avec un petit sourire en coin. Un oeil qui, définitivement, n'avait rien de naturel, tout dans sa forme et sa texture le faisait ressembler à un œil humain certes, mais l'iris et la pupille étaient toutes deux remplacés par une sorte d'objectif digitale, garnie d'une sorte d'interface composée de deux cercles holographiques azurés. La couleur laiteuse des globes oculaire laissait ici sa place à une orbe d'un noir métallique. une vision qui ne dura pas même un instant, mais où il put être assuré qu'au mieux, ce furent des prothèses oculaires de grand luxe, puisque se rétablit bien vite l'apparence d'un œil normal à leur surface ...

" Do svidaniya, monsieur Mason ... "

- До свидания вы тоже ! dit Phil alors qu'elle sortait.

Elle se basait sur une relation de confiance ? Cela le faisait bien rire, personne ne faisait confiance à personne dans cette bonne vieille ville. Et encore moins lorsque l'on sait apparemment tout de vous. Elle était peut être un pion très intéressant, il allait tout de même s'en méfier, les agents doubles n'étaient pas rare à Novlangue.
Mais au moins, il avait avancé. Il commençait à avoir de plus en plus de personnes de son côté et prêt à travailler pour sa grande cause, et tout allait bientôt commencer.

Et même si l'assemblée venait à être au courant, ils comprendraient très certainement que Phil veuille récupérer son bien, dans le pays du capitalisme où Tatcher et Reagan passeraient pour des ours en peluches, il n'y a rien de plus naturellement ancré que la propriété industrielle des Automates.
Il aurait facilement leur clémence, du moins il l'espérait. Et après tout, il n'avait jamais enfreint la Loi, au contraire, il vénérait ce système et avait toujours oeuvré pour l'Etat - et pour lui même -, livrant même des traitres lorsqu'ils en découvraient. Phil aimait Novlangue et il se battrait pour elle jusqu'à son dernier souffle, et ça, l'Assemblée le savait.

Mais l'heure était de nouveau à la fête, cette intrusion terminée il pouvait prestement retourner dans la salle. Peut être même que miss Davies et monsieur Arnell y étaient encore.

Il sortit de son bureau, le verrouilla et retourna vers la table où ses convives se trouvaient lorsqu'il les quitta.

En entrant dans la salle principale du Wonderland, Phil eu l'impression d'être sur un bateau en plein roulis. Bâbord, tribord, bâbord, tribord, lui qui était resté tranquillement assis, voila que l'alcool lui montait sévèrement au cerveau et que tout tanguait autour de lui. Il fit quelques pas en se tenant le plus droit possible, avançant méticuleusement au milieu de la foule. Mais cela allait passer, cela passe toujours. Quelques minutes et son équilibre allait se recalibrer sur le bon axe.

Il passa par le bar afin de boire un grand verre d'eau salvateur ; normallement, dans un état pareil un soir de semaine, il serait aller se coucher afin de ne pas faire désordre au conseil le lendemain. Mais Flower Davies sse trouvait toujours là et la curiosité était décidément plus forte que lui. Elle pouvait peut etre l'aider et il allait devoir gagner sa confiance.
Mais il n'allait certainement pas se forcer, contrairement à sa précédente entrevue, il avait toujours apprécié la compagnie des Valkyries de luxe, ces instruments de plaisirs pour classes supérieure étaient de vrais mines culturelles. Et elle avait l'air de bonne compagnie, de plus ils avaient un point commun : la poésie. Phil préférait certes les émotions fortes et les shows haut en couleurs, mais son éducation vieille Angleterre l'avait profondément marquée ainsi que tout le folklore qui l'entourait.

Il regagna la table des deux convives et se rassit.

- Et bien, cet entretien aura été plus rapide que prévu, dit il en s'installa.

Il regarda Charles qui arborait un sourire béa.

- Vous avez l'air d'aller très bien, Charles. Vous êtes stone ? Parfait, le poème dont je viens de me rappeler va vous faire voyager encore plus loin ! Il était affiché dans le bureau de mon père, je l'ai lu des milliers de fois.

Phil s'éclaircit la voix, se pencha vers ses hôtes, prit son plus bel accent britannique et récita doucement, appuyant là où il fallait comme on le lui avait appris :

Demons run
When a good man goes to war
Night will fall and drown the sun
When a good man goes to war

Friendship dies and true love lies
Night will fall and the dark will rise
When a good man goes to war

Demons run, but count the cost
The battle's won, but the child is lost.

Il laissa le silence s'installer et bascula en arrière, attendant les réactions de ses convives.

Spoiler:

Le texte était beau et déclamé par Phil Mason, il prenait une ampleur et une saveur particulière. Il y avait presque quelque chose de prophétique dans ces vers. Oui, elle était bien placé pour savoir quelles conséquences engendraient les décisions d'un homme prêt à tout pour la réussite d'un projet, d'une idée, d'une mission. Les ténèbres l'entouraient et l'isolaient de toute influence qui aurait pu le sauver de cette obsession. Les démons étaient ceux de son propre esprit, souvent sourd et aveugle aux évidences d'un échec visibles par tous sauf de lui. Jusqu'à la chute finale ... Un texte prophétique donc mais était-il personnelle? Phil Mason parlait-il de lui? Flower se posait trop de questions pour passer une agréable soirée et pendant que Charles répondait et commentait d'une façon niaise ce poème d'une grande profondeur, elle avala un grand verre d'eau autant pour se rafraîchir le corps que l'esprit. Elle regarda les deux hommes tour à tour. Charles... Phil... Charles... Phil... Un regard emplit de douceur et un comportement irréprochable... Un regard où se côtoyaient l'ironie, le cynisme et l'égoïsme mais aussi une certaine brutalité dans les décisions et les rapports humains. Elle eut une hésitation car sa réputation était en grande partie dûe à ses prestations grand style. Se débarrasser de Charles maintenant serait très mal vu de ce dernier et il y avait fort à craindre qu'il ne lui fasse une mauvaise publicité.

Oh et puis merde! pensa t-elle. J'ai besoin d'un peu de renouveau, d’inattendu...

Elle posa sa main sur celle de Charles Arnell, prit sa plus belle voix de velours, et lui fit des yeux de femme aimante mais profondément désolée de ne pouvoir agir autrement. Une parfaite comédienne.

Oh Charles, je suis plus que navrée mais je vais devoir mettre un terme à cette soirée. Je ne me sens pas très bien. Peut-être n'aurais-je pas dû faire cette séance ici finalement. Je vais vous raccompagnez à l'accueil pour rappeler votre chauffeur, c'est le moins que je puisse faire.

Ma chère? Vous avez en effet une mauvaise mine. non, laissez-moi vous raccompagner chez vous voyons.

Coriace le père Arnell...

Charles, vous savez tout comme moi que vous n'avez pas le droit d'entrer dans le secteur des Valkyries si ce n'est pour des séances particulières. Allons, je me ferais appeler un taxi dès que vous serez en sécurité dans votre voiture.

Bien... Je ne veux pas vous contrarier... Monsieur Mason, ce fut un plaisir de vous connaître. Je vous laisse ma carte.

Ils échangèrent une poignée de main vigoureuse et Flower adressa un discret signe de tête à Phil lui signifiant exactement le contraire de ce qu'elle disait.

Bonne soirée monsieur Mason. Merci de votre compagnie à notre table. Au revoir.

Flower accompagna Charles là où elle avait dit et ne revint à l'intérieur du restaurant qu'après avoir vu la limousine de l'industriel s'éloigner dans la nuit. Elle se sentit soulagée d'un poids énorme et mieux que ça, ce qu'elle ressentit fut presque une libération, une bouffée d'air pur si tant est qu'il puisse y avoir de l'air pur à Novlangue. Elle se pressa de retourner à sa table où elle espérait que Phil l'y aurait attendu. Ils avaient plein de choses à se raconter...

Il y avait vraiment cru ? Il y avait encore des gens comme Arnell en 2140 pour croire cette antique excuse féminine ? Décidément, leur contrôle de la gente masculine restait indéniable.

Le temps que Flower raccompagne son hôte au balai dans le postérieur, Phil avait fait amener une bouteille de la réserve. Les vignobles français n'avaient heureusement pas disparu, les hautes sphères se délectant beaucoup trop de ce nectar, les grands crus et les grandes maisons continuaient leur chemin.
On apporta une bouteille de Château-grillet 2135 dans un seau rempli de glace lorsque miss Davies réapparu.

Il allait pouvoir parler affaires, mais pas longtemps, il voulait surtout découvrir cette mystérieuse Valkyrie amatrice de poésie.

Elle s'assit tandis qu'il servit deux verres en riant.

- Vous en avez souvent des comme ça ? demanda-t-il. En tout cas, il a marché comme sur des roulettes, bravo.