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« Si tu veux contrôler le peuple, commence par contrôler sa musique. » - Platon

Il y a des monuments sacrés. Des lieux saints. Certains ont La Mecque, d'autre le Vatican. D'autres avaient Moscou, Berlin, Rome, Washington. Mais il n'y a aujourd'hui, plus rien de sacré. Tout est détruit par le calcul froid et égoiste, par la peur, par la totalité arbitraire. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas écouté de la musique, quelqu'un chanter. Un privilège rare, un plaisir interdit. Mais il suffit d'avoir une épine dorsale pour allez à l'Opéra, venir prendre son rail et s'en aller. Un plaisir sans plaisir. Même la drogue ne pourrait jamais jouer cet effet, sur tant de personnes. Plutôt qu'une réalité, un besoin spirituel. Guinea était de ceux qui faisait exploser les idoles, à coup de dynamites. Un job à plein temps, sa mission sacrée à lui. Il avait arrêté de croire. Rien. Le néant, un nihiliste qui ne croit plus que dans la nytroglycérine, quelques produits ménagers et des minuteurs.

Alors l'Opéra pour lui... C'était quelque chose hors de son cadre, hors de son monde. Un lieu à part, pour des personnes trop chiantes et trop flemmardes. Il éprouvait du mépris, peut-être du dédain. Mais il devait avouer qu'il se sentait petit, face à cette imposante bâtisse, cette architecture qui semblait le dépasser. C'était quoi comme style ? Aucune idée. De toute façon c'était bétonné. Froid et dur. Un peu comme lui, avec un peu plus de classe malgré tout. Il déambulait l'air de rien. Cherchait-il la rédemption en s'aventurant par ici ? Peut-être que oui, peut-être que non.. Il se frotta la joue pendant un moment, marchant sans regarder devant lui. Soudain, un choc. Des épaules s'entrechoquent. Il lève la tête, se retourne. Se saisit de la personne. La regarde un cours instant avant de la lâcher. La repoussant presque.

Qu'est ce qui te fait avoir cet air niais, Opiumette ?

Il n'était pas tendre. Avec rien, avec personne. Peut-être ces trop longues années passé à se terrer et se cacher, loin de tout. Ce n'était pas de la misanthopie, mais une manière d'attirer l'attention.

T'as pas du feu, Opiumette ?

Il sortit de sa poche une cigarette mal roulé, qu'il tapota sur la paume de sa main, avant de la mettre entre ses lèvres. Il la regarda de nouveau, de son oeil. Il lâcha un petit ricanement, très léger.

« Si tu veux contrôler le peuple, commence par contrôler sa musique. » - Platon

La flamme du briquet vient chatouiller dans un éclair de chaleur son visage. Il ne l'a pas regardé, se contentant juste d'allumer sa cigarette, de tirer plusieurs fois dessus pour recracher le tout dans un panache de fumée. Voilà, c'était son moment d'extase à lui, un court moment avant de retourner dans la réalité. Lui aussi, c'était mis à regarder la nuit, les étoiles, l'infini et toutes les conneries qui vont avec. Il haussa les épaules et émit un léger rire en se frottant l'oeil.

A quoi bon chercher du reconfort dans tout ce bordel, quand l'on à les moyens de pouvoir le voir dans un grand édifice tout moche, pour presque rien. Hein, Opiumette ?

Il n'avait que peu d'amour pour ce qui restait de l'espèce humaine. Il avait encore moins de sympathie pour toutes les saloperies crées volontairement ou non, abomination sur deux jambes, qui vont de l'exterminateur jusqu'au déversoir à plaisir. C'était le genre de type à être resté à la montre à gousset, alors que chacun avait un moyen bien plus moderne pour avoir l'heure. C'était sa marque de fabrique à lui. C'est comme si il avait refusé de suivre l'évolution, de la freiner pour rester dans un état stationnaire. Pas trop longtemps, car être stationnaire, c'est reculer encore et encore. Alors ? Rien.

V'là que je tombe sur une pointure qui me sort des citations !

Il tira une nouvelle fois sur sa cigarette, regardant l'inconnue en face de lui. Un court instant, de haut en bas. Avant de lâcher :

"Aimer les femmes intelligentes... est un plaisir de pédéraste" Oscar Wilde il me semble. Sais-tu qui était Oscar Wilde ? Sans doute que non. En tout cas, c'était un type bien plus fûté que moi, si tu veux mon avis.

Guinea enchaîna tout ça en faisait de grands gestes avec ces mains, comme si il était entrain d'expliquer un plan militaire ou de faire un meeting. Déformation professionnelle il faut croire, car c'était à peu près toute sa vie depuis un sacré temps déjà. Comme gêné par tant d'extravagances, il colla ses bras derrière lui, se retrouvant droit comme un i, montant et descendant sur ses talons.

Oh moi ? Je ne suis qu'un comédien de seconde zone dans cette tragédie. Je ne devrai pas apparaître sur la scène, du moins comme cela.

Il recracha une nouvelle fois de la fumée, cette fois-ci par ses naseaux, plusieurs fois. Peut-être était-il une bête enragé, ou du moins c'est l'image qu'il voulait faire resortir.

« Si tu veux contrôler le peuple, commence par contrôler sa musique. » - Platon

La cigarette s'en était consumé, en quelques instants. Il lança le mégot au loin, avant de s'étirer longuement, regardant ce dernier rebomdir plusieurs fois sur le trottoir. S'en était fini, il fallait passer à autre chose. Mais il n'avait plus de cigarette. C'était sa punition, son châtiment.

Tout dépend la définition que tu donnes de la beauté, pour pouvoir juger si c'est moche ou non. Et ce truc là, est particulièrement moche.

Il désigna de son doigt l'édifice qui se trouvait derrière lui, avant de tourner la tête pour le voir. Pour lui tout semblait être une évidence, surtout ce qu'il venait de démontrer. Il laissa retomber son bras le long de son corps, regardant de nouveau l'inconnue qui lui faisait face.

Chut. Si on te demande, je ne connais pas Oscar Wilde. Toi non plus. Il n'a jamais existé. D'ailleurs, il n'y a jamais eu de livres. J'aime la Loi. Alors chut.

Guinea posa son index sur ses lèvres, comme pour se forcer de se taire. L'on sentait qu'il faisait du troisième degré, qu'il prenait ça pour de la blague. Mais comme il l'a dit, il n'était qu'un acteur de deuxième zone, entrain de jouer une mauvaise pièce ou un mauvais film. Oscar Wilde ? Connait pas ! En fait il ne connait rien. Rien du tout.

Je suis celui qui essaye d'éteindre la lumière, si tu préfères. J'ai le boulot ingrat. Je suis une mauvaise personne. Enfin... Tu comprends ?

Il se mit de nouveau à rire, tapotant légèrement la pointe de son pied contre le sol, en rythme. Puis, elle se mit à tourner autour de lui. Il la suivait du regard, tournant aussi légèrement la tête. La situation venait de changer, peut-être qu'elle n'était pas aussi innocente qu'elle en avait l'air. En tout cas, tout cela était bien marrant.

On m'appelle Guinea. Juste Guinea.

Il se penche légèrement, tendant son bras dans un geste de courtoisie mal lancé, mais qui paraissait sincère. Comme pour qu'elle lui prenne et le suive.

Mais marchons veux-tu, je suis impoli de t'avoir aborder comme je l'ai fais.

« Si tu veux contrôler le peuple, commence par contrôler sa musique. » - Platon

La Vie, la Mort, la Loi. La Vie, la Mort, la Loi. La Vie, la Mort, la Loi. C'était rien, juste des chohets pour Guinea, des artifices que chacun se crée pour son bon plaisir, pour se sentir moins seul, pour être avec d'autres personnes, pour avoir un idéal, pour pas se tirer une balle. Faut s'en moquer et en rire, sinon il n'y a plus rien ici bas, sinon l'attente. Longue et douloureuse.

Oui, j'ai envie de croire dans la Loi. C'est pas comme si j'avais le choix en même temps.

Ce n'était rien, mieux vallait ne pas l'écouter. Il était un nid à emmerdes et il le savait trop bien. Pourtant, il était le pot de miel et les abeilles se précipitaient autour de lui. Pourtant, il aurait pu s'en passer. Mais on ne choisit pas toujours tout. Peut-être que c'est ça la liberté au fond.

Faut pas écouter tout ce que je dis, Opiumette. Tu trouves que j'ai l'air d'une mauvaise personne ?

Guinea tapota légèrement la main de K-Cendre plusieurs fois, la regardant du coin de l'oeil avant de commencer à marcher. L'air était frais, il n'y avait que peu de luminosité dans les parages. C'était une nuit comme il les aimait, même si le hasard lui fait rencontrer des personnes, alors qu'il ne le souhaitait pas. C'est peut-être une forme de magnétisme. Ou alors c'est qu'il n'a pas de chance.

Je n'en sais rien. Marchons, l'on verra bien où est-ce que tout cela nous mènera.

Tant qu'il pouvait se tenir éloigné de l'Opéra et de cet environnement pesant qui lui donnait envie de vomir, tout irait pour le mieux dans son petit monde parfait. Et avec une Valkyrie à son bras, il se disait qu'il éviterait les possibles emmerdement qu'il rencontrerait en temps normal. Peut-être qu'elle était rempli de candeur, pour ne pas se rendre compte de ce qu'il était vraiment ? Ou peut-être faisait-elle semblant ?

Nina Simone...

Lâcha t-il instinctivement, sans trop comprendre pourquoi il était entrain de dire ça. Sans doute qu'il le désirait, ou peut-être qu'elle était entrain de l'attendrir. Ou peut-être qu'il était de bonne humeur. Quoi qu'il en soit, il planta son nez au cil, respira un grand coup, ferma les yeux puis la regarda ensuite.

Nina Simone était une vraie chanteuse. Tu veux bien chanter du Nina Simone ?

« Si tu veux contrôler le peuple, commence par contrôler sa musique. » - Platon

Qu'était-il entrain de faire ? Pourquoi se comportait-il de cette façon ? Il n'en savait rien, mais il se doutait bien que tout avait un rapport avec elle. Qu'elle altérait son jugement, qu'elle était entrain de lui retourner le cerveau. Mais il devait avouer qu'il était fatigué, totalement à bout. Sans le vouloir, il cherchait du réconfort. C'était trop mignon pour lui ressembler.

Le moonde est rempli de danger. Il faut donc être dangereux, pour survivre. Il nous faut combattre. Toi avec ta voix, moi avec...

Il marqua un temps d'arrêt.

Cela n'a aucune importance à vrai dire.

Puis ils s'arrêtèrent. Enfin, elle commença à chanter. Une voix pure, cristalline. Une voix d'enfant. Une voix sublime. Nina Simone. Guinea serra les poings, comme si il retrouvait quelque chose qu'il n'avait pas pu entrevoir depuis longtemps. Il se mit à sourire, tout en la regardant. C'était beau. Trop beau pour être vrai.

Ella Fitzgerald faisait un peu trop cliché, à vrai dire...

Qu'il lui lança, totalement hypnotisé par elle, par sa prestance, par son chant. Plus rien ne semblait être vivant autour de lui, l'espace temps se figea soudain, ne le laissant qu'elle et lui. Et Nina Simone. Il se recula légèrement et posa un genou à terre, continuant de la regarder, l'écouter chanter. Quand elle eut fini, il se saisit de sa main et déposa ses lèvres dessus, pour la remercier de cette offrande.

Merci. C'était... sublime.

Il se releva, encore tout chamboulé de toutça. Il regarda à sa gauche et à sa droite, avant de lui faire signe de reprendre leur chemin, comme si de rien n'était. Il tendit de nouveau son bras et commença à marcher. Il ne dit rien, souriant légèrement. De l'innocence, voilà ce qu'il lui fallait.

« Si tu veux contrôler le peuple, commence par contrôler sa musique. » - Platon

Tout était irréel pendant un long moment. Comme si ce n'était pas lui qui était là. Une autre personnalité. Des sentiments enfouit. Tourt avait l'air de bouillir en lui. C'était donc sa, le véritable pouvoir d'une Valkyrie ? C'était sa première fois, l'on peut dire. Il avait peur, caril se rendait compte du réel pouvoir que ce genre de créature pouvait avoir sur tout le monde, utilisé comme arme de propagande belle à regarder, exquise à écouter. L'heure était grave, mais il ne le disait pas. Il commençait à regarder la moontre à son poignet, de temps à autre.

Oh ? C'est un honneur dans ce cas, d'avoir pu assister à un de tes concerts privés. Ce fut un réel plaisir. Nina Simone peut reposer en paix, cette nuit.

Il dit ça de manière nonchalante, en la regardant du coin de l'oeil. Puis il regarda de nouveau sa montre. Il s'arrêta de marcher pendant un instant, palpant ses poches. Puis il décocha un sourire à K-Cendre, continuant son chemin. Quelqu'un venait à leur rencontre. Il fit comme si de rien n'était. Mais Guinea sentait le danger, sentait qui était 'avec lui' et qui était 'contre lui'. Il s'arrêta au passage de la dite-personne, puis attrapa les deux mains de son Opiumette du soir, lui souriant.

Oui, j'aimerai énormément pouvoir passer le reste de ma soirée avec toi. Peut-être même toute la nuit. Mais pas ici, suis moi.

Il fit demi-tour, traînant presque la petite K-Cendre avec lui, essayant de rattraper celle qui venait de passer devant eux, la bousculant légèrement en passant à côté d'elle, lui soufflant :

Si j'étais toi, j'accèlerai un tout petit peu. Va y avoir du bordel dans pas longtemps. Bagdad Café, je compte sur toi.

Au moment où il dit ça, il pris la première rue à droite, toujours accompagné de K-Cendre. Il regarda sa montre et soudain... L'explosion. Un jaillissement de lumière, ainsi que des flammes grimpaient vers le ciel, dans le quartier. Guinea serra de nouveau la main de K-Cendre et la regarda de son unique oeil, noir par la nuit.

Pour du travail. Cela réponds à tes attentes ?

Sans plus attendre, ils se mirent en route pour rejoindrele Bagdad Café. Au bras d'une Valkyrie, il serait moins visible et soupçonnable. Quand à ce qui avait explosé... Disons que certains vont devoir refaire des façades dans la semaine. Et ramasser des morceaux qui trainent un peu partout. Le sale boulot, c'est lui qui le faisait. Il était très bon.

Le Bagdad Café n'est pas loin, on y sera en sécurité. Si tu me fais confiance, je sais que tu viendras avec moi. N'ai-je pas raison ?