[venant de la place de la Reflexion]

Je cours. J'accélère la cadence.
Je cours encore et encore. C'est tout. On m'a dit, je fais.

Un mur.
Merde ! je suis bloquée. Je ne peux pas aller plus loin.
Mais... attend un peu... je suis dans le temple.
Bah c'est bon alors, je peux m'arrêter.

Pourquoi je voulais arriver là déjà ?
Ça gueule dehors.
Ça me reviens.
J'ai le vertige. Mal à la tête.
Je m'appuie contre le mur le temps que ça se calme.

Le fait que cet impression d'avoir la tête dans le micro-onde se dissipe réveille la douleur à ma jambe.
Il faut avoir le cerveau en gelée pour cavaler comme ça avec une balle dans le quadriceps. J'ai fait le trajet d'une traite, comme une tarée, comme si j'avais rien.
Ça pisse le sang et ça fait un mal de chien.

Les autres sont là ? Ils ont suivis ?

Lester me fait signe de m'occuper de la NOD, mais je n'ai pas le temps de la toucher que cette dernière cavale jusqu'au temple avec les dernières forces qui lui restent. J'observe quelques instants mon collègue mentaliste qui tente une nouvelle offensive. Je sens le changement d'atmosphère, mon esprit semble se troubler un peu, mais je conserve ma lucidité. Par contre, il n'en va pas de même pour nos adversaires. Alors, profitant de la confusion qui s'empare de leurs rangs je me lance à la suite de la NOD pour rejoindre le temple. J'espère que les autres feront de même.

Enfin, je dis que je m'élance vers le temple mais c'est plutôt mon collègue dragueur qui m'attrape la main et m'entraine à sa suite. Sur le coup, je suis prête à me rebiffer... Pour qui se prend-t-il? Cependant je passe outre, notre but étant de sauver notre vie. Le moment n'est pas aux disputes et règlements de comptes entre collègues. J'entends le rire de l'homme au chapeau, rire que je trouve incongru vu la situation présente. Je cours à la même hauteur que Jude, ma respiration reste régulière et je donne l'impression d'un calme absolu, mais je reste sur le qui-vive, observant ceux qui tenteraient de nous barrer la route. Et nous atteignons le temple en un temps record.

J'aperçois la NOD, blessée, appuyée contre le mur. Je lâche la main secourable, en adressant à son propriétaire un petit signe de remerciement. Je m'avance vers la femme.

- Laissez-moi voir votre blessure...

Certes je ne suis pas médecin, mais j'ai quelques notions. Et si elle souhaite poursuivre la combat, cela nécessite au moins un bandage de fortune. Après si elle refuse mon aide... Tandis que mon attention est tournée vers la femme, j'entends Bêta pénétré dans le Temple, ils ont plusieurs blessés et très peu de pertes. Je fais signe à Don Juan pour attirer son attention.

- Cherche à savoir ce que font les renforts et vérifie que les autres sont parvenus sain et sauf au Temple.

Oui, je distribue des ordres. La situation l'exige et je ne vois pas quoi faire d'autres pour l'instant. Les opposants se sont organisés et ils nous faut plus de renforts. Plus de NOD ne serait pas de trop. Et des implants fonctionnels aussi.

Quel tempérament… j’aime cette fille qui doit me prendre pour… mais pour qui me prend-elle ? Qui suis-je pour elle, à ses yeux sous son regard suspect et investi… investi ? Je n’aime pas les ordres. Encore moins leur détenteur. Le sait-elle ? Si je lui dis, elle va me faire le regard qui tue ? C’est presque amusant, distrayant c’est sur. Et je commence à m’amuser, alors continuons pour voir, juste pour voir… Et puis, je ne dois pas trahir mon désaveu pour un système aussi gai qu’un rat mort dans la boue d’un ruisseau.

En tout cas, notre petite course main dans la main fut d’un plaisir exemplaire, ma chère. Je l’ai pensé fort, peut-être trop. Ça doit se voir dans mes yeux, cette petite espièglerie, cette étincelle qui les illumine et mon sourire, toujours lui, discret et léger, mais là, présent dans mon visage qui n’offre pas l’inquiétude. Parce que… je ne suis pas inquiet. La vie est belle quand on apprend à la reconnaître. Et cette fille, camouflée sous son foulard, elle n’y connaît rien du tout. Et puis… des renforts ? Mais où ça ? Et je dois faire comment ? Siffler en m’enfonçant deux doigts entre les dents ? Et ça marche ça ?
Je me gratte la tête et ébouriffe ma coiffure… pensif, interrogatif… je sens que je vais me faire engueuler si ça dure trop…
Et je demande à qui ? … Y a quelqu’un ? Help… je panique là ? Non, je m’amuse !
Flute, ça doit se voir…
Un peu de sérieux Jude…
Voila, c’est bien, le menton légèrement rentré pour faire bondir un léger double menton forcé…
Le sourcil relevé, l’autre abaissé… ça fait sérieux. Je prends la pause pour un moment de réflexion… pendant lequel je m’imagine… Elle a un beau derrière… Jude, pense à autre chose…

Je longe le mur, leste comme on m’a appris, et je pousse les portes du temple.
Ce qui se passe à l’intérieur ne vous regarde pas. L’essentiel étant ce que j’y ai vu, posé les questions qu’il fallait et que j’en sois ressorti armé de tout ceci.

Pssst…

Dans l’encadrement des portes, je ne l’ai pas sifflé.
Juste interpellé avec discrétion.
Mon nez, lui signe que la voie est libre.
Mon clin d’œil ?
Ah, j’ai fait un clin d’œil ?
Pas fait attention…

A t-elle besoin d'aide pour porter le flic en vrac ?
Elle saura me le faire savoir, sans aucun doute. Peut-être même sourira t-elle ?

Elle veut voir ? Mais je ne l'en empêche pas. Si c'est un ordre, pas de problème, je la laisserais regarder mon bobo à ma papatte. C'est que je suis une brave bête, bien éduquée.

-C'est rien.

Ça pique... ça saigne un peu... beaucoup... et la douleur fait perler la sueur sur mon front, mais je préfère me dire que c'est rien. Je tiens encore debout, c'est que ça ne va pas si mal.
Il faudrait peut-être quand même faire quelque chose pour que ça arrête de saigner.
Je pense qu'elle a assez regardé, elle a largement eu le temps de bien voire la blessure. Alors je peux mettre mes mains dessus maintenant et appuyer fort pour arrêter l'hémorragie.

Elle a quelque chose pour soigner ma jambe, la madame ? Je pense que c'est pour ça qu'elle voulait voir. Sinon ça sert à rien, même en regardant très fort.

Penchée sur ma cuisse, je lève les yeux vers elle sans dire un mot.
Est-ce qu'elle attend ma permission pour me rafistoler ?
Tu peux y aller, je te mordrais pas.

Et comme j'ai pas envie de la regarder dans les yeux plus longtemps, mon attention se porte plus loin, derrière.
Qu'est-ce qu'il a lui ? Il a un truc dans l'œil ?... non... ça a du partir.
Par contre, il a toujours une gueule d'abruti.