Il sursauta sec.

Il n'avait pas vu la bêbête. Ou plutôt, il n'avait pas voulu la voir. Parce que ce genre de bestiole, ça n'existait pas. Donc, par extension, il ne pouvait pas le voir. Par contre, le cri de la dame a l'autre bout de la salle, là, aucune loi physique ne s'opposait a un tel cri. Mais il ne s'y attendait pas pour autant. Ainsi, il sursauta sec.

"Cannelloni de girolles, purée de topinambour, gratinée au parmesan et artichaut croustillant"

C'était ce qu'il y avait dans l'assiette. C'était franchement magnifique mais... il n'avait toujours pas la moindre idée de ce que ça pouvait bien être. Il se saisit d'une fourchette, en piqua un morceau, qui semblait être un légume, et le porta a sa bouche. Il le mâcha longuement avant de l'avaler, question de sécurité, son estomac n'étant pas très en forme.

"Hum ? Ah, oui. Vraiment excellent. Enfin je crois. Vous voulez gouter ?

C'est fou comme on oublie certaines parties de son corps avec le temps. On se rend pas forcément compte que c'est là jusqu'à un incident qui peut paraitre anodin, mais qui réveille la zone en question et vous fait souffrir le martyre. Un exemple tout bête, les tympans. Je les ai délaissé, pas un bonjour au réveil et jamais de petites attentions. Résultat, quand Kayla s'est mise à gueuler comme un veau qu'on égorge, cette petite chose mesquine s'est rappelé à mon bon souvenir, et je crois bien que je l'ai définitivement perdue.

Je me disais bien aussi que sa jambe me paraissait plus douce, pas que j'avais envie de la toucher particulièrement mais ça s'est fait et pour le coup, j'ai été surpris. Poilue la demoiselle, finalement... sauf que non, j'ai bien eu le temps d'apercevoir la bestiole quand elle a soulevé la nappe, et si elle avait pas pris les devants j'aurais sans doute crié aussi.

Qu'est-ce que c'est que cette merde, je pensais qu'au moins le p'tit enfoiré qui s'amuse sur notre dos depuis le début aurait l'amabilité de nous laisser bouffer en paix, mais même pas. Et cette odeur, c'est infect... "ah la putain de sa race, le claquos y fuse!". J'arrive plus à me souvenir d'où elle vient cette phrase, mais en l'occurrence je l'aime bien. Enfin bref, y a le blondinet qui fait le chevalier servant, ça me fait ça de moins à m'occuper. Juste un petit truc à lâcher comme ça, ils en feront ce qu'ils veulent.

Si ce truc revient, je me casse!

Ce qui se passe autour, les discussions ou les exclamations des uns et des autres, Lloyd y prête bien peu d'attention. Ou plutôt, il est trop occupé à observer Gabrielle pour y faire attention. IL trouve ça étrange tout de même, de la trouver ici, mais soit. Il a besoin d'aide, et il est convaincu qu'elle pourra lui en apporter. Pour l'instant elle doit surtout se demander qui il est pour la connaitre ainsi, ça se voit à son regard. Alors il glisse une main dans sa veste et en ressort une carte, qu'il montre discrètement. On ne sait jamais, dans un lieu comme celui ci...

J'ai besoin de vous... je ne sais pas ce que...

Il s'arrête, prend le temps de renifler... cette odeur. C'est celle de la maladie, de la décomposition, une odeur d'égouts. Ca sent l'insurgé, et ça le dérange. Puis le cri, et il ne peut plus éviter de détourner son attention. Il se retourne, observe... il semblerait que quelque chose d'anormal soit arrivé, encore. Son cerveau s'agite, les pensées tourbillonnent, certaines se complètent. Il revient sur Gabrielle.

Pourquoi êtes-vous ici?

Je reste debout un moment les yeux rivés sous la nappe d'à côté.
Où est-ce qu'elle est passée la bestiole ? Je m'attend à la voir refaire surface d'un instant à l'autre. Mais peut-être que cette chose attend le moment où on ne s'y attend pas, comme ces visions de femme cadavérique. L'hôtel serait-il hanté ? Des fantômes dans nos rêves, des monstres sous les tables... et dans les placards ? des croques-mitaines ? Je n'ose pas imaginer ce qui va arriver dans les assiettes.

Des cris de toute part ramènent mon attention sur le reste de la salle. Les gens hurlent, prennent peur ou s'énervent et les serveuses continuent leurs va et viens entre les tables comme si de rien n'était.

C'est quoi ce bazar ? Je ne comprend pas. J'aime pas ça.

Attend une minute... je me suis réveillée à Chinatown comme ça, sans me rappeler comment je m'y suis rendue. Des gens apparaissent, disparaissent, on change de lieu en un éclair, je vois des choses qui normalement n'existent pas... tout ça est complètement loufoque, bien trop pour être vrai.
Je suis en train de rêver.
Ça peut sembler long un rêve, mais je finirais bien par me réveiller. J'ai peut-être trop forcé sur les somnifères. Pourtant, je vérifie toujours le nombre de pilule sur la plaquette. J'ai du faire une erreur, je ne vois pas d'autre explication.

Tout en songeant à cela, je ne regarde plus le chahut dans le restaurant. Les yeux perdus dans mes pensés, je me rassoit lentement. J'entends vaguement ce qui se dit à la table de l'homme que je suivais, mais quelle importance ? Tout ça n'est qu'une farce, le théâtre de mon esprit tordu.

Une fourchette en argent dans la main, j'y regarde mon reflet... ça parait tellement réelle...

Quatorze est toujours sur le qui-vive et n'a que ses yeux et ses oreilles pour repérer la chose. C'est l'inconvénient d'être un cyborg: Pas de goût ni d'odorat. Ça renvoie des informations comme "bon" ou "mauvais", la bonne nourriture et l'odeur nauséabonde. Et un cyborg qui fonctionne correctement n'a pas besoin d'avoir des jugements de valeur.
L'avantage c'est que si un mammouth lui pète au nez, il ne s'en souciera pas le moins du monde.
Mais voilà la bestiole qui refait apparition, sortant littéralement de la table sous laquelle il avait été vu avant de bondir sous la table du groupe.

"Mon dieu qu'il est moche."

Ca lui a échappé. Il n'a pas fait attention à la réaction des autres personnes. Seule la chose l'intéresse.
C'est séditieux d'avoir de l'intérêt. Un programme se lance automatiquement pour trouver la source de l'intérêt et la supprimer. Échec.
Il se penche pour essayer de la voir. Elle n'a pas été hostile, donc pas besoin de sortir son arme. Elle est rapide et sera difficile à attraper de force. La solution diplomatique est préférée.

"Petit petit. Viens ici l'affreux. On te fera aucun mal."

Me calmer ?
Et puis quoi encore ! Bon, à sa demande, je me ressaisi un peu, mais hors de question de descendre de la chaise. J'écarte deux doigts pour voir à travers ma main, et là, j'ai tout de suite compris l'arnaque. Non seulement ça pique le nez toujours autant, mais en plus ce truc laid et bizarre est sur la table. Je referme mes doigts et pousse un nouveau cri étouffé par mes mains, reculant subitement en un sursaut peu glorieux, je déséquilibre la chaise et me ramasse par terre. Je suis à nouveau assise dessus mais à l'horizontal.
Ça va, j'ai pas mal, mais je ne bougerais pas, et je n'ouvrirais pas les yeux. Je voudrais qu'on me laisse tranquille.

Éric s'est approché de Nina, pour accompagner son retour à la réalité. Il amorce une tentative de contact pour l'apaiser, mais Kaÿla vient de poser une question. Il tourne la tête vers elle, ralentissant instinctivement le mouvement de ses bras.

_ Je ne sais p...

Nina s'égosille de plus belle. Éric se focalise sur Nina. Il regarde en direction de son regard terrifié... La "chose" est revenue ! Elle s'extirpe de table même, semant un peu plus la pagaille sur la nappe.

_ Tu vas t'en aller de là, oui !

Éric lui jette sa serviette tachée grossièrement compressée. Seulement la bestiole est rapide. Elle s'échappe et s'en va se cacher sous une table un peu plus loin. Éric l'accompagne des yeux.
Un bruit sourd résonne au sol. Éric fait demi-tour.

Spoiler:

Nina est tombée avec sa chaise. Elle ne bouge plus. Éric s'accroupi, un peu paniqué.

_ Nina ! ... Nina.

Vous vous êtes fait mal ?
Je suis désolé... Cette fois je l'ai réellement vu partir. J'espère qu'il ne reviendra plus...

Allons, montrez moi votre visage.

Éric endosse son sourire le plus réconfortant.

_ Essayez de vous relever... Doucement...

Juste Justin. Se concentrer uniquement sur lui. Il n'y a rien d'autre. L'odeur ? Toute droite sortie de mon cerveau. Les cris. Je sais pas. Je m'en fous. Je veux pas savoir. Ils font ce qu'ils veulent, moi, je fais l'autruche.
Ras la casquette de toute cette histoire. Je veux juste manger tranquille, et puis c'est tout.

Est-ce que je veux gouter ?
Je lui adresse mon plus beau sourire.
Un diner en tête à tête ! Ça alors. Première fois que ça m'arrive, il faut que j'en profite.

Avec plaisir oui !

Alors autant que la bestiole reste sous la table ça me dérangeait pas trop non plus, mais là le coup de l'exorciste avec la nappe ça devient carrément flippant. On dirait un peu la personnification du cancer, un p'tit truc vicieux qui court partout pour foutre sa merde, et l'odeur qui va avec.

Résultat, j'ai plus vraiment faim. Mais avoir plein de gens autour ça rassure, alors je ne mettrais pas mon ultimatum en pratique, je reste là à regarder Nina -c'est bien Nina?- qui s'est étalée et le mec qui l'aide à se relever. Et je vois le machin du coin de l'oeil se faufiler sous les chaises pour aller rejoindre une autre table. Le plus dur est passé, j'espère.

Elle est partie, Kaÿla... mais j'ai aucune idée de ce que c'est.

Au risque de passer pour une dingue.

Quelle agitation ?

Je le regarde, fait une p'tite tête surprise, genre lèvres un peu pincées, les sourcils hauts montés dans le front, les yeux écarquillés. Ya de l'agitation ? A bon ?

Et tout de suite après, sourire, à nouveau. Surtout que ça à l'air de le faire sourire aussi.

Merci !

Et hop, je prends ma fourchette, je plante dans le premier truc qui me vient, hop, dans la bouche.

Comment peut-on crier sur une si jolie petite fille.
C’est moche, et pas terrible comme attitude.

Elle lui rend bien.
En poussant son assiette qui tombe sur le sol.
CRACK sept ans de malheur.
Elle lui jette un regard en plissant les yeux, un qui fait mal quand on a un cœur.

Toi, le monsieur tout bizarre, je t’aime pas !

Elle saisie un verre et lui balance dans la figure.
OUILLE Elle vise plutôt pas mal.

Elle se tourne vers Ymir, elle et son adorable minois.
Elle se tasse encore un peu sur sa chaise, relève les sourcils, tire sur ses lèvres vers le menton pour montrer son air le plus apitoyant, et son regard de chien battu…

Tu sais, j’ai tres faim…

Elle a un hoquet, une fois de plus, comme un sanglot ravalé.

Irrésistible non ?

Ah ça c'est bien, vraiment très très bien. Il joue le jeu. C'pas n'importe qui qui m'aurait foutu la paix en voyant que je voulais faire comme si tout allait bien.
Et il sourit encore...

Je lève mon verre, le regarde.

A nous deux !

Les autres, on y pensera plus tard, merci.

Booouuuh c'est mignoooooonn... Je craque ! Elle me rappelle une vieille ami dans la manière de lancer les assiettes et les verres ! Le même jeu au niveau du poignet !
D'ailleurs, je pourrais prendre ceci en excuse pour m'éloigne de cette table pleine d'étrangers et...
- Bon, d'accord. Reste là et ne bouge pas d'un pouce. Je vais chercher quelque chose à grignoter en cuisine.
Je me lève, frotte la gamine sur le haut de la tête puis trotte vers la cuisine :
- Tu m'attend, tu ne BOUGE pas !
La gamine me regarde m'éloigner de ses yeux... Raaah, c'est pas humain ! Si j'avais été une femme, mes instincts maternels m'auraient fait exploser !
Je me retourne une dernière fois et :
- Et ne lance rien d'autre !

>Cuisine

Je bois un petite gorgée puis repose mon verre et regarde autours de moi.

C'est joli ici. Très lumineux.

Un petit rire me prend devant la stupidité de mes propos. On doit appeler ça "évacuer le stress".

C'est la première fois que je viens dans un tel endroit.

Je tais le fait que je n'y suis pas entrée de mon total plein grès, mais il doit le savoir aussi bien que moi. Et puis, je ne veux pas y penser. Alors je prends une autre bouchée.

Vous avez bien choisis. C'est plutôt pas mal.

Il porte le verre a ses lèvres, fait couler dans sa gorge le liquide alcoolisé, sans vraiment l'apprécier, faute de papilles gustatives.

"C'est une grande première pour moi aussi. Enfin, je crois."

Il as bien choisi ? Surement mais... Il n'as pas vraiment choisi. Enfin, ce n'est pas grave.

"Merci, je pense aussi. Un coup de chance, sans doute."

Il rit un instant, reposant le verre.

"Je ne sais pourquoi nous sommes ici, mais puisqu'on est la, autant en profiter. Reste a savoir qui payera la note, mais mieux avoir des remords que des regrets, hum ?"

Il avait pensé tout haut... Mais bon, il fallait bien aborder le sujet un jour ou l'autre.