₪ Savoir rire d'un miroir, c'est pouvoir rire de tout. ₪

Tyler avait cette habitude, de regarder l'heure puis de se dire ça va, il me reste du temps... Et finallement d'être perpétuellement en retard partout où il allait. Aujourd'hui, c'était l'un de ces jours. Donc, à la dernière minute, il lâcha finalement son bouquin, le balança sur la table basse, et se dirigea vers la salle de bain. En chemin il ôta, plia et déposa cravatte et chemise dans la corbeille à linge sale. La cravatte dans le grand bac, pour la lessive noire et la chemise dans l'autre . À l'entrée de la salle de bain, il s'aida de l'encadrement de la porte, défit ses lacets puis s'assit sur le rebord de la beignoire pour les enlever. Il les posa à leur place habituelle, sous la petite pharmacie derrière la porte. Il défit son pantalon, le posa sur le ceintre qui était attribué à ce pantalon-là précisément et le rangea dans l'armoire d'angle. Ses chaussettes rejoignirent la cravatte et Tyler ouvrit l'arrivée d'eau. Il enlevait toujours son caleçon après, parce que l'eau chaude tardait à arriver. Puis il se mit face à l'évier et le miroir, vérifia son rasage, retourna le sablier qui trône sur le rebord du lavado et se brossa les dents. Voilà, exactement deux minutes, l'eau est chaude. Il passa sa main sous le jet d'eau, par habitude plus que par compulsion. Et... Elle était toujours froide.

S'il y a une chose que Ty a du mal à supporter, c'est bien le fait qu'on boulverse son train train. Il se dirigea, agacé, vers la chaudière. Inerte. Il fouilla dans un meuble, dans le tiroir des manuels plus précisément, pour trouver celui du chauffeau, mais la lumière dans la pièce était insuffisante. Il tendit le bras, attrappa le fil de l'allogène et... rien. Elle refusa de s'allumer. Il vérifia le frigidaire, la lampe de la cuisine et celle de l'entrée avant de rendre son verdicte final et sans appel... Coupure d'électricité. Il enfila son peignoir, et rejoignit le couloir du bloc. Visiblement, tout était normal. L'appartement d'à côté semblait occupé, la voix d'une femme résonnait jusque dans le couloir. Le jeune homme rentra dans son appartement, claqua la porte et prit le temps de réfléchir. Tant pis pour le rendez-vous. De toute façon elle me plaisait pas cette fille. Elle souriait. Ça m'énerve les gens comme ça. Qui font semblant. Puis... À quoi ça sert d'aller la voir ? Parler... Pour ne rien dire, encore une fois ? Non merci. Tout en s'autopersuadant qu'il ne loupait rien en manquant ce rendez-vous, Ty faisait les cents pas autour de sa table basse.

Par contre, ne pas prendre de douche, c'était impossible. Mais... Ce n'est pas parce qu'on a plus la notion de plaisir qu'on a plus celle de souffrir. Et l'idée d'une douche froide lui faisait grincer des dents. Décidé, il renfila son patalon, des chaussettes propres, ses chaussures puis une chemise sobre et pris d'autres affaires propres dans un sac. Il pria pour que sa voisine soit d'aussi bonne humeur qu'il reste possible de l'être, et qu'elle ne le refoule pas. Enfin, il prit les clés, ferma les rideau, remis le tapis dans le couloir, devant sa porte et alla frapper chez sa voisine, rougissant déjà de cette situation qui était de loin la plus embarrassante à laquelle il avait du faire face dans les dernières années.
Timidement, il toqua...

William Shakespear a dit : "La réflexion fait de nous des lâches". Et Tyler devait le savoir puisque, de peur de fuir s'il prennait le temps d'y réfléchir à deux fois, il se lança dans une tirade plus rapide qu'un beatbox chronométré. En moins d'une minute, il expliqua son rendez-vous loupé parce qu'il avait voulu prendre sa douche au dernier moment, le tout à cause d'un livre absorbant - dont il raconta partiellement l'histoire afin de montrer à quel point il avait abandonné la lecture de façon précitée à un moment fascinant, puis la façon dont il s'était rendu compte de la coupure d'électricité, puis l'impossibilité pour lui de prendre une douche froide, pour enfin finir sur un simple :

- Donc, serait-il possible de prendre une douche ici ?

Mais quel idiot, c'est beaucoup trop directe comme requête ! On dirait que je lui force la main.

- Oh, et... Bonjour à vous aussi !

Mais quel idiot... C'est pas possible d'être un imbécile à ce point-là ! Oublier de dire bonjour... Non mais je vous jure... Tyler cru voir le visage de la jeune femme se refermer l'espace d'une seconde, il ajouta donc un regard désolé et honteux à sa demande. D'ailleurs, il n'avait jamais vraiment remarqué le visage de sa voisine. En fait, il ne savait même pas qu'il en avait une. Elle était plutôt jolie. Mais... Elle dégageait une aura... Étrange. Cependant, ça collait parfaitement avec son allure, sa peau claire.Alors que Ty s'autoréprimandait pour avoir reluqué sa voisine, il rougit à nouveau. Décidément, il devait avoir l'air d'un gamin perdu, à s'empourprer, comme ça, toutes les deux minutes. Ou d'un mec louche, pensa le jeune homme avec horreur. Et si elle me prennait pour un taré ? Peut-être qu'elle non plus, elle ne m'avait jamais remarqué jusqu'à aujourd'hui, s'appitoya-t-il interieurement.

Il coupa court à ses discutions interne pour lever vers elle un regard inquisiteur. Après tout, tant qu'elle avait de l'eau chaude... Puis, ce n'est pas comme s'il avait grand chose à y perdre.

- Entrez. La salle de bains, c'est l'autre pièce.

Les épaules de Ty s'affaissèrent d'un coup si sec qu'il en fut lui même surpris. Il ne s'était pas rendu compte qu'il était angoissé à ce point-là. S'empourprant à nouveau, il entra dans l'appartement, et la remercia avec un sourire... Qui disparu aussi tôt. Visiblement en plein ménage, les surfaces étaient propres, dégagées mais sur le sol jonchaient encore cà et là divers tas. Il hésita à faire une remarque, tourna sa langue trois fois dans sa bouche, rien à faire, celle-ci décida à sa place :

- J'ai l'impression de vous déranger en plein rangement de printemps, non ? Lui demanda-t-il avec amusement.

Il commençait à se sentir plus à l'aise. Ty avait une peur bleue d'être refoulé ; Cette étape passée, il fut surpris par sa propre aisance. L'appartement était un peu en désordre, mais il avait ce côté cosy dont le sien manquait. L'excès de rangement et de tocs avaient finit par dénaturer complètement l'habitat pour qu'il soit finalement plus froid et terne qu'une cellule. C'était ça. Son appartement incarnait la cellule dans laquelle il vivait. Jamais il n'avait acheté un élément "pour faire joli", ou parce qu'il lui plaisait. Tout était dans la praticité. Comme les ceintres numérotés par exemple. Son seul soucis d'estétisme fut de ne se fournir que de meubles noirs et blanc, évitant ainsi les prises de tête de décoration. Oui, parce que reconnaître le bleu du violet, quand on est daltonnien, c'est tout une sciences, savez-vous !
Bref, revenons à nos moutons, Ty déposa son sac derrière la porte, de sorte qu'il suive parfaitement la ligne du lino à terre.

- Vous voulez un coup de main avec le nettoyage ? Je suis une sorte de professionnel dans mon genre, proposa Ty avec un sourire en coin.

Cependant, plus par automatisme que par gentillesse, il n'attendit pas sa réponse. Il attrapa un emballage à terre, le mit dans un sac plastique qui trainait, et commença à s'affairer. Puis il comprit. Ranger l'appartement des autres, c'était impoli. Très impoli. Ça insinuait qu'elle n'était pas capable de s'en occuper seule. Que le logement n'était pas assez bien pour lui. Il se tourna à nouveau vers la jeune femme, rougissant et ajouta :

- Hum, enfin, si vous voulez. Je suis désolé. Je suis nul en communication. En rapport avec les autres. Je n'ai pas l'habitude. Votre appartement est très bien tel quel. Je ne voulais pas vous offenser.

Sauf que... D'après l'expression ahurie de la jeune femme, elle ne l'était pas du tout. Elle n'avait probablement pas remarqué qu'il s'était mis au ménage, ou alors elle ne l'avait pas pris comme une insulte. En tout cas, Ty était encore passé pour un brave idiot. Bravo, moi. Pour me ridiculiser, ça, je suis doué, déplora-t-il interieurement.

Bon sang, mais où est le bouton "OFF" ?? Il doit débiter 200 mots / minute ! Sans compter les mots de liaison !!!

Éberluée et un peu amusée, je le suis du regard tandis qu'il déambule dans mon appart', lorgnant mes jolis tas tous beaux avec une expression proche de la panique.

Ben quoi ? Ils sont pas chouettes ? Ça permet de mieux s'y retrouver que jeter en vrac tout partout, quand même. C'est un système de classement éprouvé, oui oui oui...

- J'ai l'impression de vous déranger en plein rangement de printemps, non ?

Ah... Mais il sait sourire ! Bien ! Je vais pouvoir lui offrir le café, sinon de l'amitié, du moins de...

- Vous voulez un coup de main avec le nettoyage ? Je suis une sorte de professionnel dans mon genre.

Nié ?
Il est en train de faire quoi là ? Mon rangement ? Mais qu'est ce que c'est que ce gus ? On m'a alloué un aide-ménagère sans m'en avertir par mail ? ... Bon. Il y a pas de quoi fouetter un chat, d'autant qu'il a encore viré au carmin. Je hausse un sourcil plutôt sarcastique.

- Hmmm... Quand je ferai les vitres, je pourrai peut-être faire appel à vous ? Vous êtes plus grand que moi.

Et je risque un vrai sourire pour bien qu'il saisisse que c'est une plaisanterie. On sait jamais, il a l'air plutôt... coincé, dans le genre.
Pour lui laisser le temps de se ressaisir et de comprendre ma blague, je me détourne vers mon coin cuisine.

- J'ai fait du café. Vous en voulez ? Il est encore tout chaud. ... Et vous faites quoi dans la vie, M. McStell ?

Le fait qu'il ne saisisse pas à quel point prendre un délicieux café est extraordinaire, et n'en retienne que le côté "ça tient chaud et ça réveille" est désolant mais, qu'y puis-je ?